Charles de Coux

économiste français

Charles de Coux né le à Lubersac (Corrèze) et décédé le à Guérande, Loire-Atlantique, est un économiste français engagé pour le droit de grève, le suffrage des ouvriers, et la liberté syndicale.

Biographie modifier

Enfance modifier

Les parents de Charles de Coux ayant migré vers l'Angleterre, il est élevé Outre-Manche, puis il a ensuite vécu à la Nouvelle Orléans et au Brésil[1].

Prises de position en faveur des ouvriers modifier

Il revient à Paris en 1823. Élevé dans un milieu protestant, il se rallie au catholicisme après son retour en France[Note 1]. À cette période, il fait la connaissance de Félicité Lamennais et rejoint le travail des membres de l'école menaisienne[1], partisans d'une tradition de liberté issue des idées de 1789. Certains y voient un événement irréversible, d'autres les jugent porteuses de valeurs, mais tous refusent l'autorité sans partage, l'absolutisme, le nationalisme antiparlementaire. Il milite au sein du Christianisme social dans le courant libéral qui s'oppose alors à la tendance légitimiste.

Charles de Coux, rédacteur à L’Avenir en 1830, dénonce dans ses articles les conséquences du système industriel qui serait une cause de la misère ouvrière[3]. Il est favorable à la liberté syndicale, au droit de suffrage des ouvriers[4]. C'est également lors de ce travail qu'il côtoie, entre autres, Frédéric Ozanam[5]. Dans les articles qu'il publie pour le journal l'Avenir, il élabore une critique de ce qu'il appelle les « barons de l’industrialisme » et du « système industriel ». Sa critique questionne avant tout l’économie bourgeoise, le capitalisme[6].

En 1831, Charles de Coux fonde avec Henri Lacordaire et Charles de Montalembert une première école libre au 3bis de la rue des Beaux-Arts à Paris, malgré le monopole d’État qui existait alors. Ils fondent cette école sans autorisation[7],[1]. L'école est aussitôt fermée et les trois protagonistes sont condamnées à une amende[8].

Du christianisme social à l'économie sociale modifier

Charles de Coux publie l'ouvrage Essais d'économie politique en 1832, contemporain du livre d'Alban de Villeneuve-Bargemont intitulé Économie politique chrétienne (1834). Ces ouvrages, sont les derniers ouvrages théoriques à tenter une conciliation entre les valeurs chrétiennes et les théories économiques. Si ces ouvrages servent avant tout de référence critique, plus que de référence théorique, ils fondent cependant ce qu'on appellera par la suite l'économie charitable[9]. De même, il adhère à la société d’économie charitable en 1847 aux côtés de Alfred de Falloux, Alexis de Tocqueville et James de Rothschild[4].

Il rédige un cours d'économie sociale qui sera publiée, en 1836, dans la revue L’Université catholique dirigée par Philippe Gerbet[7]. Il développe une pensée catholique sociale, en prônant la primauté du social sur l’économie[4]. Dans ce cours, il précise que l'économie sociale fait référence aux conditions primitives de la sociabilité humaine, et repose sur les connaissances de la société en tant que structure humaine. Cette pensée se décale ainsi de l'économie politique, en posant les problèmes économiques dans une dimension morale[10].

Vie de famille modifier

En 1834, Charles de Coux épouse Marie-Louise Grandin de Mansigny (veuve Blount). Elle est originaire de Guérande, où se déroule le mariage[1].

Professeur d'économie à l'université catholique de Louvain modifier

En 1834, après avoir fait sa soumission publique aux deux encycliques (Mirari vos et Singulari nos)[11], il est appelé à l'Université catholique de Malines pour y occuper le premier la chaire d'économie politique dans cette université de Belgique en cours de création[12]. Spécialiste et d'économie politique, sociale et chrétienne, il fait partie des fondateurs de l'université lorsque l'Université déménage à Louvain et prit le nom d'Université catholique de Louvain. Il y enseigne durant onze ans comme professeur d'économie politique[1].

En tant que professeur d’économie sociale, il défend la reconnaissance du syndicalisme ouvrier et l’augmentation des salaires ouvriers afin de participer à l’essor de la consommation[13].

Retour en France modifier

Au milieu de l'été 1845, Charles de Coux quitte la Belgique et revient en France pour vivre à Guérande, d'où est originaire son épouse. Il devient rédacteur en chef de L'Univers mais démissionne au lendemain de la révolution de 1848[1]. Il participe à la rédaction du journal démocrate chrétien l’Ère nouvelle fondé en 1848[14].

Avant Karl Marx, Charles de Coux dénonce le phénomène de plus-value, alors que Charles de Montalembert milite pour le repos hebdomadaire et intervient pour la limitation du travail des enfants.

Mort modifier

Il meurt à Guérande le 16 janvier 1864.

Publications modifier

  • Essais d'économie politique, Paris, Bureaux de l'agence générale pour la défense de la liberté religieuse, (BNF 30283462, résumé).
  • « Cours d'économie sociale », L'Université catholique,‎ , p. 90-97 (lire en ligne).

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. « Comme beaucoup d'hommes de notre temps, M. de Coux eut à traverser les épreuves du doute. Lui-même a dit, au début de ses Essais d'économie politique, quelles luttes il eut à soutenir durant les temps difficiles à travers lesquels s'écoula sa jeunesse : "Émigré à l'âge de trois ans, élevé en Angleterre, jeté par les événements d'une vie orageuse en Amérique, j'ai longtemps vécu parmi des protestants et, je dois le dire, les enseignements catholiques de ma jeunesse s'étaient un peu effacés de mon cœur par ce contact" »[2].

Références modifier

  1. a b c d e et f Michel Lagrée et M. Faugeras 1990.
  2. Charles Périn, « Notice sur M. le professeur de Coux, par M. le professeur Ch. Périn », Annuaire de l'Université catholique de Louvain,‎ année bissextile 1864, vingt huitième année, p. 365
  3. Jacques Bouveresse, Histoire des institutions de la vie politique et de la société françaises de 1789 à 1945, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, (lire en ligne), chap. 3 (« La monarchie constitutionnelle et censitaire (1814-1848) »), p. 123-149
  4. a b et c Myriam Biscay, « Joseph Rambaud, professeur d’économie à la faculté catholique de droit de Lyon, et la question sociale », Transversalités, no 151,‎ , p. 85 à 105 (lire en ligne)
  5. Roger Limouzin-Lamothe, « Jean-Baptiste Duroselle. Les débuts du catholicisme social en France (1822-1870) », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 37, no 130,‎ , p. 226-228 (lire en ligne)
  6. Pierre Rosanvallon, Histoire moderne et contemporaine du politique (cours au Collège de France), (lire en ligne), « Le désenchantement de la démocratie : histoire et formes d’un sentiment », p. 1118
  7. a et b Jacques-Olivier Boudon, Religion et politique en France depuis 1789, Armand Colin, coll. « Cursus », (lire en ligne), chap. 5 (« La politique religieuse de la monarchie de Juillet »), p. 53 à 66
  8. Luce-Marie Albigès, « La première tentative d'« école libre » (1831) », sur L'Histoire par l'image, Réunion des musées nationaux-Grand Palais (consulté le )
  9. Alain Guery, « « Les économies de la providence ». L’impossible économie politique chrétienne selon Groethuysen », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, no 32,‎ (lire en ligne)
  10. Jean-Marie Fecteau, « La dynamique sociale du catholicisme québécois au XIXe siècle : éléments pour une réflexion sur les frontières et les conditions historiques de possibilité du « social » », Histoire sociale / Social history, vol. 35, no 70,‎ , p. 497 (résumé, lire en ligne)
  11. Correspondance du R.P. Lacordaire et de madame Swetchine publiée, 1864, p. 26: « M. de Coux, notre ancien collaborateur qui a été nommé à une chaire de l'Université catholique de Malines, a fait sa soumission publique aux deux encycliques. »
  12. L'Ami de la religion, 1834, p. 233. Journal des économistes, Société d'économie politique de Paris, Société de statistique de Paris, 1864, p. 13 : « Depuis longtemps l'Université catholique de Malines a un cours d'économie politique à l'instar des autres universités ou facultés belges ».
  13. Philippe Foro et Sandrine Kott, Le travail en Europe occidentale des années 1830 aux années 1930, Armand Colin, coll. « Horizon », (lire en ligne), chap. 10 (« Approches internationales »), p. 394-417.
  14. Chr. Morel, « Un journal démocrate chrétien en 1848-1849 : « L'Ère nouvelle » », Revue d'histoire de l'Église de France,‎ , p. 25-55 (lire en ligne)

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Fernand Lesguillons, Un précurseur de la démocratie chrétienne : Charles de Coux : première période, 1787-1834, Compiègne, Impr. Finet, (BNF 40923029).
  • Michel Lagrée (dir.) et M. Faugeras (auteur de la notice), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 3 : La Bretagne, Bauchesne - Institut culturel de Bretagne, (BNF 35071346, lire en ligne), « Charles de Coux », p. 100.
  • Gaston Braive, « Lettres de Charles de Coux à l'abbé De Haerne (1831-1832) : L'école mennaisienne et la Belgique », Revue d'histoire ecclésiastique, t. LXVI, nos 3-4,‎ , p. 887-928.

Articles connexes modifier

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