Bongo'o

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Bongo’o
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Bongo'o tjobi accompagné de plantain.
Catégorie Cuisine africaine

Le bongo'o ou mbongo est un plat issu de la mémoire collective du peuple Bassa. Cette sauce de couleur foncée, préparée avec du poisson ou de la viande, est assaisonnée par un mélange d'épices tropicales[1],[2] utilisées dans la pharmacopée traditionnelle. Ce plat porte en langue bassa le nom d'une plante tropicale, la maniguette (Aframomum sp).

Mythe culinaire modifier

L'histoire du Bongo’o est liée à celle du peuple Bassa.

L'histoire relate que le Bongo’o est une recette d'amour découverte par une femme Bassa pour réduire les infidélités de son époux[3] et le retenir auprès d’elle. Elle partagea alors la recette avec les autres femmes de son clan. Pour l’harmoniser, un rite féminin fut organisé pendant neuf jours. Pendant ce rite traditionnel, les femmes avaient confronté leur connaissance des plantes notamment leurs propriétés médicales et nutritives pour affiner le plat qu’elles ont nommé « Bongo’o » en hommage au fruit de maniguette dont les fortes senteurs entrent dans la composition de la recette. Mais aussi en lien avec les relations extraconjugales qui détruisent les familles car littéralement le nom de la recette signifie « poison de la pitié » avec « Bong » qui veut dire poison et « Ngo’o » l'équivalent de « pitié » en langue bassa. Une interprétation analytique de l'expression de Bongo’o est « un poison qui atténue la douleur », comme une forme d'opium contre les malheurs des femmes. Le désir de conquête et de reconquête de l'être aimé a motivé la conception de ce plat et se corrobore par les époux et les enfants qui rentrent promptement à la maison en sentant ses parfums. Par ses épices et arômes tropicaux et son rituel culinaire, sa préparation est détectée à des centaines de mètres à la ronde[4][source insuffisante].

La recette fut jalousement gardée secrète pendant longtemps par les filles Bassa. Un mythe populaire relate que pour remercier une serveuse handicapée et irréprochable, un guide Bassa lui aurait offert la recette pour qu’elle puisse en faire un havre de paix. De retour chez elle, la maison familiale de la serveuse fut transformée en un lieu recherché de courtisanerie grâce à la recette. Inondée d’offrandes et de cadeaux, elle serait devenue riche, heureuse et mariée à l’homme le plus convoité de son village. Elle décida alors de transmettre cette recette à toutes les filles qui n’avaient pas été favorisées par la nature. Ce désir de justice sociale fut à l'origine de la vulgarisation de la recette dans les autres ethnies pour devenir un patrimoine de la cuisine africaine. Mais, en se transmettant, certaines astuces culinaires de la recette originale auraient été perdues[4][source insuffisante].

Dans l’imaginaire populaire au Cameroun, les qualités gustatives et aromatiques du Bongo'o lui ont prêté des attributs aphrodisiaques et magiques qu’utiliseraient les filles Bassa pour séduire la gent masculine[5]. Les hommes avaient alors peur de consommer le Bongo’o pour éviter d’être charmés par les filles Bassa. Ces accusations sont devenues caduques et le plat est actuellement préparé sur tout le territoire national[4][source insuffisante] et au-delà[6].

Composition et préparation modifier

Pendant longtemps, la préparation du Bongo’o fut un exercice laborieux pour les femmes rurales. Elles devaient d’abord collecter très tôt en forêt plus d’une cinquantaine d’ingrédients (graines, racines, écorces, feuilles)[4][source insuffisante].

La composition du plat intègre les éléments de la médecine traditionnelle du peuple Bassa dans le respect de ses quatre principes : la terre, l'eau, le feu et l'air, avec notamment les racines, les écorces, les feuilles et les fruits. Les ingrédients du Bongo’o peuvent être classés en plusieurs catégories[4][source insuffisante] :

En y brûlant les graines de maniguette et les écorces de Scorodophloeus zenkeri, les arômes se dégagent et donnent une couleur noirâtre au mélange homogène.

Le nom du plat servi est complété du nom du protéine concerné. Préparé avec du poisson, le plat est intitulé Bongo'o Tjobi, Tjobi voulant dire poisson en langue Bassa[7]. En outre, il existe plusieurs variantes du Bongo’o[4][source insuffisante] :

  • le Bongo’o de couleur marron, qui est classique avec un dosage léger des épices brûlées ;
  • le Bongo’o Sougui, préparé en ajoutant la sauce à base de noix de palme encore appelée sauce graine ;
  • le Nguéyà, qui est le Bongo’o concentré cuit à l’étouffée ou en papillote dans les feuilles[4][source insuffisante].

Accompagnements modifier

Le Bongô est traditionnellement accompagné avec du macabo ou du manioc cuits à la vapeur. Il se mange également avec de la banane plantain cuite sous toutes ses formes[7].

Notes et références modifier

  1. (en) Juliette Schlegl Fotsing, Timshall : A Saw-Toothed Career, Xlibris Corporation, , 304 p. (ISBN 978-1-4771-3532-7 et 1-4771-3532-4, lire en ligne), p. 41
  2. Edmond Biloa, La langue française au Cameroun : analyse linguistique et didactique, Bern u.a., , 343 p. (ISBN 3-03910-431-4, lire en ligne), p. 120
  3. Josiane Kouagheu, « Au Cameroun, la recette du « mbongo » se transmet de mère en fille », sur lemonde.fr, (consulté le )
  4. a b c d e f et g « Gastronomie de la séduction masculine chez les Bassa du cameroun », sur associationretrouvailles.skyrock.com, (consulté le )
  5. Alain Cyr Pangop Kameni, Rire des crises postcoloniales : le discours intermédiatique du théâtre comique populaire et la fictionnalisation de la politique linguistique au Cameroun, Berlin, LIT Verlag Münster, , 357 p. (ISBN 978-3-8258-1917-0, lire en ligne), p. 317
  6. Raphaël Elono, Une Odyssée gabonaise, Editions Publibook, , 191 p. (ISBN 978-2-7483-5542-0 et 2-7483-5542-3, lire en ligne), p. 80
  7. a b et c « Mbongô Tchobi », sur mmmmdouceursmaison.com (consulté le )

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Anne Lebel (et Emmanuelle Pontié), « La cuisine », in Le Cameroun aujourd'hui, Éditions du Jaguar, Paris, 2011, p. 236-238 (ISBN 978-2-86950-464-6)
  • Adeline Flore Ngo Samnick (en collaboration avec Mireille Esther Ngo Mbanga et Émilienne Lionelle Ngo Samnick), Aux 1 000 saveurs de Tayap, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2016, 104 p. (ISBN 978-1519271174)

Article connexe modifier