Arthur Langerman

diamantaire belge.
Arthur Langerman
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Mensch de l'année 2020

Arthur Eugène Langerman False Swarzberg dit Arthur Langerman, né le à Borgerhout en Belgique, est un diamantaire belge. Il est l'auteur d'une des plus grandes collections privées d'images antisémites au monde qui constitue le fonds des Archives Arthur Langerman pour la recherche sur l’iconographie antisémite, à l'Université technique de Berlin en Allemagne.

Biographie modifier

Son père, Salomon Langerman False Swarzberg, fourreur, né à Cracovie en Pologne en 1907 et sa mère, Zysla Brandla Blajwas, modiste, née à Varsovie dix ans plus tard, se sont tous deux installés en Belgique en 1926 où ils se marient en 1941[1]. Ils sont arrêtés le , internés à la caserne Dossin[2] de Malines puis déportés à Auschwitz-Birkenau par le Transport XXV, le .

Arthur échappe à la déportation en étant confié à la pouponnière de l'AJB (Association des Juifs de Belgique) d'Uccle et ensuite transféré à la pouponnière de la rue Baron de Castro à Etterbeek. Le réseau AJB d'établissements pour enfants était placé sous le contrôle de la Gestapo (SIPO-SD). Les enfants échappent de justesse à une rafle organisée quelques jours avant la Libération de Bruxelles. Les nazis envoient Zysla notamment au camp de Birkenau où elle doit travailler aux cuisines, ce qui lui permet de garder la vie sauve. Elle rentre en Belgique en 1945[3], ce qui ne sera jamais le cas de son mari, probablement mort au printemps de la même année dans le sous-camp de Flossenburg à Plattling (de)[4],[3]. Les nazis ont ainsi assassiné un total de 18 parents proches d'Arthur Langerman[3].

À son retour des camps, sa mère est incapable de s'occuper de son jeune fils Arthur qui est confié pendant plusieurs mois à la garde d'un couple de protestants de Charleroi, reconnus aujourd'hui Justes parmi les nations, qui avaient précédemment recueilli l'un de ses cousins[5]. À partir de 1946, Arthur Langerman grandit à nouveau avec sa mère mais jusqu'à sa mort, elle parle à peine du destin de ses parents pendant la Shoah qui reste néanmoins toujours présente dans la maison Langerman : « Le deuil de la perte des membres assassinés de la famille était omniprésent »[6].

De l'âge de 9 ans à 17 ans, Arthur est inscrit à l’Hachomer Hatzaïr, mouvement de jeunesse juive et sioniste de gauche fondé en 1913 en Autriche.

Arthur Langerman a deux enfants, une fille née en 1969 et un fils né en 1971, chercheur au FNRS en Belgique (spécialiste des algorithmes).

Diamantaire modifier

Après des études secondaires écourtées dans le but de subvenir aux besoins de la famille, Arthur commence une formation de clivage de diamants à Anvers. Il travaille ensuite pendant huit ans comme employé chez un fabricant qui lui apprend toutes les facettes du métier, avant de se mettre à son compte. Il se spécialise dans les années 1980 dans la taille du diamant de couleur naturelle.

C’est après avoir vendu à un joaillier de Londres la moitié de son stock qu’il s’impose véritablement dans la profession et devient une référence internationale dans le domaine des diamants de couleur[7]. Il est régulièrement interrogé par la presse internationale comme expert[8] et constitue le fil conducteur du film Les Diamants de Couleur de Bornéo de Patrick Voillot (2009)[9]. Il réalise toute sa carrière à Anvers.

Documents sur l'antisémitisme modifier

Avec le procès Eichmann qui se tient à Jérusalem en 1961 et qui connaît une médiatisation internationale, Arthur Langerman, jeune adulte, prend conscience de l’horreur et de l’ampleur de la Shoah. Il s’interroge alors sur les causes de la haine antisémite.

C’est autour de cette interrogation qu’il a depuis plusieurs décennies réuni une des plus importantes collections privées d'antisemitica composée de tableaux et gravures anciennes (XVIIe -XXe siècles), statuettes (bois, céramique, bronze), affiches, dessins originaux, cartes postales, etc[10]. Sa collection comprend à ce jour plus de 7 000 pièces et images antisémites internationales[11] inventoriées dans une base de données informatisée, parmi lesquelles des centaines de dessins originaux du caricaturiste Fips (Philipp Rupprecht), dessinateur emblématique du journal nazi Der Stürmer, ensemble de dessins étudiés par Ralph Keysers[12],[13]. Certains de ces documents ont été présentés à la Caserne Dossin à Malines (2016[14]) et constituent la base d'une grande exposition au Mémorial de Caen[15] (« Dessins assassins »,[16],[17],[18],[19],[20],[21],[22],[23], 2017-2018). Un catalogue de l'exposition coordonné par Stéphane Grimaldi et Guillaume Doizy est paru chez Fayard[24].

En 2017, l'inventaire de la collection est confié à Philippe Pierret, historien du judaïsme et ancien conservateur au Musée Juif de Belgique (1999-2015). Guillaume Doizy, spécialiste de la caricature et du dessin de presse développe une base de données spécifique et participe à l'indexation de la collection. Concomitamment, le Zentrum für Antisemitismusforschung de la Technische Universität de Berlin[25] décide de mobiliser d’importants moyens[26],[27] pour étudier la collection d’Arthur Langerman[28].

Sa personnalité et sa collection font l'objet d'un film documentaire intitulé Le Collectionneur, réalisé par Pierre Maillard[29].

En , Arthur Langerman officialise la cession de sa collection au Zentrum für Antisemitismusforschung de la Technische Universität de Berlin[30]. Une fondation est officiellement créée, les "Archives Arthur Langerman pour la recherche sur l’iconographie antisémite" (Arthur Langerman Archiv für die Erforschung des visuellen Antisemitismus : ALAVA)[31]. Il est à l'origine de la Fondation Arthur Langerman basée à Berlin[32].

Langerman essaye de comprendre l'histoire et la géographie de l'antisémitisme : « La plupart des gens, dont mes parents, ne mesuraient pas l'ampleur de ce qui se passait. On a commencé à tuer des juifs dès 1933, mais ils ont cru qu'il ne leur arriverait rien, ils ont même eu un enfant pendant la guerre. S'ils avaient vu toutes ces images que j'ai devant moi, ils auraient compris. Ils auraient peut-être fui. »[33]

En mars 2020, Arthur Langerman se voit décerner le prix du "Mensch de l'année 2020" par la revue belge Regards, à Bruxelles, pour son travail inlassable contre l'antisémitisme[34],[1]. Pour lui, « les gens les plus antisémites n'ont jamais croisé de Juifs »[35].

Traduction modifier

Depuis la Shoah, le nombre de locuteurs du yiddish s’est considérablement réduit dans le monde. C’est au nom de la promotion de cette langue qu’Arthur Langerman a traduit en français deux recueils de nouvelles de l’écrivain Cholem Aleikhem (1859-1916) : La vie éternelle : histoires courtes pour marquer le temps (2012, Métropolis éditions), avec la collaboration d’Ariel Sion, bibliothécaire au Mémorial de la Shoah de Paris ; Histoires pour enfants à ne plus mettre dans les mains des enfants en 2019 (MarqueBelge éditeur), illustration de Sam Ringer.

Morpion solitaire modifier

Joueur de morpion solitaire et détenteur du record mondial humain[réf. nécessaire], Arthur Langerman est co-auteur d'un article scientifique sur ce jeu[36].

Bibliographie modifier

  • Stéphane Grimaldi et Guillaume Doizy, Dessins assassins ou la corrosion antisémite (1886-1945) : Collection d'Arthur Langerman, Fayard, (lire en ligne)
  • Angelika Koenigseder, Carl Linsler, Philippe Pierret, Arthur Langerman - Mensch de l'année 2020. Compte rendu de la cérémonie de remise du prix et catalogue de l'exposition  "Plume de fiel, images de haine. Esquisse d'une collection insolite" : (13 septembre 2020 - 20 juin 2021, Centre Communautaire Laĩc Juif, Bruxelles)

Références modifier

  1. a et b Géraldine Kamps, Nicolas Zomersztajn, « Mensch de l’année 2020. Arthur Langerman, du collectionneur au passeur ». In: Regards. Centre communautaire laïc juif, 3 mars 2020
  2. « Kazerne Dossin ».
  3. a b et c (de) « Arthur Langermans Biografie: Leben und Wirken unseres Stifters », sur Arthur Langerman Foundation (consulté le ).
  4. (de) Carl-Eric Linsler/Angelika Königseder: eigener Sache: Arthur Langermans Sammlung visueller Antisemitika am Zentrum für Antisemitismusforschung. In: Jahrbuch für Antisemitismusforschung 29 (2020) S. 17–25, hier: S. 17.
  5. Arthur Langerman: À L’origine d’une collection. In: Mémorial de Caen (Hrsg.): « Dessins assassins ou la corrosion antisémite en Europe, 1886–1945. Collection d’Arthur Langerman », Paris 2018, S. 10–13, hier: S. 10.
  6. (nl)Rosine De Dijn: Overleven na de Holocaust. Hoe het ‘Jeruzalem aan de Schelde’ herleefde en het Grand Hôtel in Knokke het eerste naoorlogse vakantieoord werd. Tielt 2020, S. 187.
  7. (en) « Fancy Color Diamonds I Engagement Rings I Jewelry I Langerman Diamonds », sur www.langerman-diamonds.com (consulté le ).
  8. (en-US) Marlise Simons, « In a Belgian city, twilight for diamonds », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  9. Voillot Patrick, « Bande Annonce "Les Diamants de Couleur de Bornéo" de Patrick Voillot », (consulté le ).
  10. (en) « Oral history interview with Arthur Langerman - Collections Search - United States Holocaust Memorial Museum », sur collections.ushmm.org (consulté le ).
  11. François-Guillaume Lorrain, « Arthur Langerman, le collectionneur du "Mal" », Le Point,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Ralph Keysers, Der Stürmer, Instrument de l'idéologie nazie. Une analyse des caricatures d'intoxication, Paris, L'Harmattan, , 371 p. (ISBN 978-2-296-96258-3, présentation en ligne)
  13. Ralph Keysers, L'intoxication nazie de la jeunesse allemande, Paris, L'Harmattan, , 261 p. (ISBN 978-2-296-55133-6, BNF 42443018, présentation en ligne)
  14. « Exposition d'affiches antisémites ».
  15. MEMORIALCAEN, « 1886 - 1945, Dessins assassins ou la corrosion antisémite en Europe », (consulté le ).
  16. « 1886 - 1945, Dessins assassins ou la corrosion antisémite en Europe », sur www.memorial-caen.fr (consulté le ).
  17. (en-GB) William Echikson, « 'Their message is urgent': the Holocaust survivor and his 7,000 pieces of antisemitic propaganda », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  18. DH.be, « Une collection de 7 à 8.000 pièces antisémites », dhnet.be,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. (nl-BE) Yannick Verberckmoes, « Holocaust-verzamelaar: "De propaganda begint altijd met humor" », De Morgen,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (en) « This Holocaust Survivor Lives With 7,000 Pieces Of Anti-Semitic Propaganda », The Forward,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « https://www.thejc.com/news/world/holocaust-survivor-who-keeps-7-000-works-of-hate-1.435942 », sur www.thejc.com (consulté le ).
  22. « Un morceau d’histoire avec Arthur Langerman - C'est du belge (13/33) - 03/04/2017 » (consulté le ).
  23. lacapitale.be, « Arthur Langerman, plus grand collectionneur de pièces antisémites », lacapitale,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. « Dessins assassins », sur Fayard.fr.
  25. (de) « Fakultät I Geisteswissenschaften: Aktuelles & Veranstaltungen », sur www.tu-berlin.de (consulté le ).
  26. (de) « Wie Bilder Hass erzeugen », sur m.tagesspiegel.de.
  27. (de) « Judenhass in Berlin wissenschaftlich unter der Lupe », sur www.welt.de.
  28. (de) « Langermans antisemitische Artefakte - Der den Hass sammelt », Deutschlandfunk Kultur,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. Le Collectionneur (2017) de Pierre Maillard, 52', diffusé sur France 3, le 12 février 2018.
  30. « Berlin als „Ursprung des Übels“ Sammler übergibt TU einmaliges Antisemitismus-Archiv ».
  31. (de) « Berlin als „Ursprung des Übels“ Sammler übergibt TU einmaliges Antisemitismus-Archiv », sur www.berliner-zeitung.de, Berliner Zeitung, (consulté le ).
  32. « Histoire et objectifs de la fondation | Fondation Arthur Langerman », sur Arthur Langerman Foundation (consulté le ).
  33. Le Vif, « Arthur Langerman, rescapé de la Shoah et plus grand collectionneur d'oeuvres antisémites au monde », .
  34. « n°1060 », sur CCLJ - Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind, (consulté le ).
  35. Johan-Frédérik Hel Guedj, « Arthur Langerman: "Les plus antisémites n’ont jamais croisé un Juif" », sur L'écho.be, (consulté le ).
  36. « “Morpion Solitaire”, Theory of Computing Systems ».