Art des steppes
L'art des steppes est un art essentiellement composé d'objets d'art comme la joaillerie, la décoration des armes et l'équipement du cavalier, dont les éléments du harnachement des chevaux. Ces objets d'art ont été produits par les peuples nomades ou semi-nomades, depuis l'Ukraine et la Russie moderne au nord de la mer Noire jusqu'au nord de la Chine en passant par l'Asie centrale, le sud de la Sibérie et la Mongolie. Ces populations étaient très nombreuses : Scythes, Xiongnu, Sakas, Yuezhi, Parthes, Kuchans, Sassanides, Sogdiens, Göktürk (Tujue), Khitans (Qidan) et Jürchens (Nüzhen, 女真, ou Mandchous) et enfin Mongols[1].
L'art assyrien a influencé l'art des steppes et a été influencé réciproquement[2]. Les peuples nomades représentent de nombreuses scènes de chasse et de combat entre animaux. Le thème du fauve, un félin ou un ours se jetant sur sa proie, est très fréquent. Des scènes quotidiennes d'élevage des chevaux et des moutons sont également représentées. L'art assyrien a apporté le goût du réalisme et du naturalisme à ces peuplades, qui s'est ensuite transmis dans toute l'Eurasie, et notamment aux peuples germaniques et asiatiques. La Chine a par exemple reçu un important apport de réalisme dû à l'art des steppes au cours des divers contacts et invasions[3].
Un art décoratif
modifierLes peuples des steppes étaient des peuples de cavaliers, souvent nomades ; ils ne pouvaient s’encombrer d’objets volumineux. L’art des steppes, découvert dans les tombes, est donc surtout décoratif, avec en abondance un bestiaire réel ou imaginaire. Les fouilles ont permis de savoir que ces peuples utilisaient le métal, le bois, le feutre et qu’ils avaient recours au tatouage. Par ailleurs la steppe est aussi le lieu où se rencontrent d'innombrables pétroglyphes, dont le relevé, dans l'Altaï, permet de percevoir toute la richesse. Le motif du cerf, des femelles élan, motifs récurrents, si ce n'est clairement majoritaires sur ces pétroglyphes, permet de penser à une tradition de mythes liés aux rivières et à la régénération, laquelle est associée à l'Est[4].
Une étude publiée en 2017 démontre que ces populations consommaient beaucoup de végétaux, mais aussi que la culture du millet qu'elles pratiquaient s'est répandue dans les steppes de la Chine jusqu'à l'Europe au cours des IIIe-IIe millénaires, contrairement aux idées reçues qui ne les percevaient qu'en tant que populations d'éleveurs nomades[5].
Plus tard, entre les IIIe siècle av. J.-C. et IIe siècle apr. J.-C., les Xiongnu, connus en tant que nomades des steppes d'Asie orientale, ont disposé de lieux de vie sédentaire où ils s'adonnaient à l'agriculture, pour une part, comme l'a démontré le site de Boroo Gol, en Mongolie, à 120 km au nord d'Oulan-Bator et à 25 km de la nécropole de Noin Ula (en), la plus riche et la plus célèbre nécropole de Mongolie[6].
Les animaux, souvent représentés et plus ou moins stylisés ont donné ses traits caractéristiques à ce style animalier, où les jeux de courbes manifestent l'énergie de ces corps, leur puissance voire leur caractère sacré. Les nomades respectent et portent une grande attention aux animaux car ces derniers leur permettent de survivre, de se déplacer, de se vêtir. Ils étaient même considérés comme supérieurs à l’homme, car ils possèdent des capacités que l’homme n’a pas : le flair, l’instinct[7]…
Bibliographie
modifier- Collectif, Avant les Scythes : préhistoire de l'art en U.R.S.S., Paris, Réunion des musées nationaux, , 222 p. (ISBN 978-2-7118-0114-5, BNF 34625998)Nb. ill. noir et blanc. Parcours (daté) sur de très longues périodes, mais bon aperçu général. Expo. Grand Palais. Exposition organisée par le Ministère de la culture de l'URSS, le Musée de l'Ermitage à Léningrad et la Réunion des musées nationaux.
- Gilles Béguin, L'art bouddhique, Paris, CNRS éditions, , 415 p. (ISBN 978-2-271-06812-5, BNF 42102420)L'art bouddhique dans les steppes de Mongolie est évoqué p. 275-277 au sein de l'art bouddhique, traité dans des parties spécifiques aux ensembles culturels et politiques.
- Pierre Chuvin (dir.), Les Arts de l'Asie Centrale, Paris, Citadelles & Mazenod, , 617 p. (ISBN 978-2-85088-074-2, BNF 37057836)Antiquité p 19-181. Bouddhisme: 181-327. Arts islamiques : p 329-527
- Jean-Paul Desroches, L'Asie des steppes : d'Alexandre le Grand à Gengis Khan, Paris, Musée des arts asiatiques Guimet, , 202 p. (ISBN 978-2-7118-4176-9, BNF 37690393)Carte des populations des steppes avec les déplacements des grands conquérants
- Henri-Paul Francfort (dir.), Nomades et sédentaires en Asie centrale : apports de l'archéologie et de l'ethnologie : actes du 3e Colloque franco-soviétique sur l'archéologie de l'Asie centrale, Alma Ata, Kazakhstan, 17-26 octobre 1987, Paris, CNRS, , 240 p. (ISBN 978-2-222-04427-7 et 2-222-04427-8, BNF 36646630)
- Pierre-Henri Giscard (éditeur scientifique), Tsagaan Turbat (éditeur scientifique) et Eric Crubézy (éditeur scientifique), Le premier empire des steppes en Mongolie : histoire du peuple Xiongnu et étude pluridisciplinaire de l'ensemble funéraire d'Egyin Gol / mission archéologique de l'institut des déserts et des steppes, Dijon : Editions Faton, , 383 p., 29 cm. (ISBN 978-2-87844-185-7)
- (en) Esther Jacobson-Tepfer, The Hunter, the Stag and the Mother of Animals : Image, Monument, and Landscape in Ancient North Asia, Oxford/New York, NY, Oxford University Press, , 413 p. (ISBN 978-0-19-020236-1, BNF 44411611)
- Iaroslav Lebedynsky, Les Scythes : Les Scythes d'Europe et la période scythe dans les steppes d'Eurasie, VIIe – IIe siècle av. J.-C., Paris, Errance, , 308 p. (ISBN 978-2-87772-430-2, BNF 42385353)
- Iaroslav Lebedynsky, Les Saces : Les « Scythes » d'Asie, VIIIe siècle av. J.-C. - IVe siècle apr. J.-C., Paris, Éditions Errance, coll. « Civilisations et cultures », , 253 p. (ISBN 978-2-87772-337-4, BNF 40935159). 25 cm, noir et blanc.
- Marie-Catherine Rey, Kazakhstan : hommes, bêtes et dieux de la steppe, Versailles, ArtLys, , 175 p. (ISBN 978-2-85495-435-7)
- Véronique Schiltz, L'or des Amazones : peuples nomades entre Asie et Europe : VIe siècle av. J.-C. : IVe siècle apr. J.-C. : exposition, Paris, musée Cernuschi, 16 mars-15 juil. 2001, Paris, Findakly - Paris Musées, , 300 p. (ISBN 978-2-87900-538-6)
- Véronique Schiltz, Les Scythes et les nomades des steppes : VIIIe siècle avant J.-C.-Ier siècle après J.-C., Paris, Gallimard, coll. « L'univers des formes », , 469 p. (ISBN 978-2-07-011313-2, BNF 35729313)
- Véronique Schiltz, La redécouverte de l'or des Scythes : histoires de kourganes., Paris, Gallimard, coll. « La Découverte », , 144 p. (ISBN 978-2-07-076085-5, BNF 37223022)
Notes et références
modifier- Desroches 2001, p. 17-29
- Ju. A. Zadneprovskij, Action réciproque des nomades et des civilisations anciennes et histoire ethnique de l'Asie centrale, dans Nomades et sédentaires en Asie centrale, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p 235-240.
- (fr) Marcel Brion, Les animaux, un grand thème de l'Art, Paris, Horizons de France,
- Esther Jacobson-Tepfer, 2015, p. 214-251 : "The Mother of Animals".
- Henri-Paul Francfort, « La perspective globale », Archéologia, no 506, , p. 31 (ISSN 0570-6270) qui se réfère à la publication de : (en) Wang, Tingting et al., « Tianshanbeilu and the Isotopic Millet Road: reviewing the late Neolithic/Bronze Age radiation of human millet consumption from north China to Europe », National Science Review, , p. 1-16 (ISSN 2053-714X, lire en ligne, consulté le ) (intégralité en ligne).
- Denis Ramseyer et Guilhem André, Derrière la grande muraille : Mongolie et Chine au temps des premiers empereurs (209 avant à 220 après J.-C.), Latenium, fondation Kerma, , 91 p., 23 cm. (ISBN 978-2-9701062-0-3), p. 14-15
- Jean-Paul Roux, L'Asie centrale, histoire et civilisations, Paris, Fayard, , 528 p. (ISBN 978-2-213-59894-9, OCLC 933596780, BNF 36695951, lire en ligne).
Annexes
modifierArticles connexes
modifierListe non exhaustive.
- Steppe eurasienne, route des steppes (en)
- Eurasie, histoire de l'Eurasie (en)
- Asie centrale, histoire de l'Asie centrale, Asie intérieure
- Domestication du cheval, peuple cavalier
Origines
modifier- Culture de Sredny Stog, v. 4500-3500 av. J.-C.
- Culture de Botaï, v. 3700 et 3100 av. J.-C. (plus ancienne domestication du cheval attestée)
- Culture de Yamna, v. 3500-2300 av. J.-C. (apparition des stèles anthropomorphes et des kourganes, et possibles locuteurs de l’indo-européen commun)
- Culture des catacombes, v. 2800-2200 av. J.-C.
- Culture de Sintachta, v. 2100-1800 av. J.-C. (apparition du char de combat léger, avec les premières roues à rayons, et de l'arc composite)
- Culture d'Andronovo, v. IIe millénaire av. J.-C.
- Culture Sroubna, v. XVIIe - XIIe av. J.-C.
- Cultures de Seima-Turbino v. 1500 av. J.-C
- Tianshanbeilu, vers 2000-1550 av. J.-C.
- Culture de Xiajiadian inférieur, vers 2000 à 1400 av. J.-C.
- Culture de Zhukaigou, v. 2000-1400, sur le plateau d'Ordos, Mongolie-Intérieure
- Culture du Karassouk, vers 1200-700 av. J.-C. (développement de l'art animalier des steppes)
Apogée
modifier- Empire nomade
- Scythes, VIIe siècle av. J.-C. - IIe siècle apr. J.-C.
- Sarmates, IVe siècle av. J.-C. - IVe siècle apr. J.-C.
- Culture de l'Ordos, VIe siècle av. J.-C. - IIe siècle apr. J.-C.
- Huns et successeurs , IVe siècle av. J.-C. - VIe siècle apr. J.-C.
- Xiongnu, IIIe siècle av. J.-C. - Ier siècle apr. J.-C.
- Xianbei, IIe siècle apr. J.-C. - IIIe siècle apr. J.-C.
Traits culturels
modifier- Kourgane, IVe millénaire av. J.-C. - VIIe siècle apr. J.-C.
- Stèle anthropomorphe, IVe millénaire av. J.-C. jusqu'au début du Moyen Âge
- Pierres à cerfs, fin du IIe millénaire - début du Ier millénaire av. J.-C.
- Boucle dorée de Saksanokhur (en)
Liens externes
modifier- (en) Collection d'art des steppes
- (fr) Art des steppes sur l'Encyclopédie Universalis
- (fr) [1] Rapport critique de l'exposition L'or des Scythes de 1975 au Grand Palais, à Paris. Rapport établi par Véronique Schiltz, sur Persée.
- « Asie des steppes, histoire et archéologie », sur Mission archéologique française en Mongolie (consulté le ).
- « Gol Mod », sur Mission archéologique française en Mongolie (consulté le ).
- « Nomades des steppes (3e-1er millénaire) : page en construction », sur UMR 7041, Archéologie et Sciences de l'Antiquité (ARSCAN) (consulté le ).