Zouk
Détails
Date d'émergence
Pays d'origine
Instruments typiques

Le zouk est un mouvement musical né en Guadeloupe entre la fin des années 1970 et le début des années 1980[1] et répandu principalement aux Antilles françaises[2]. C'est le groupe Kassav' qui a fait connaître ce genre musical dans le monde[3] avec des tubes tels que Zouk la sé sèl médikaman nou ni ou Syé Bwa[4]. Dès son apparition le zouk s’est caractérisé par un tempo rapide de 120 à 145 bpm, un rythme souligné par les percussions et une forte section de cuivres. Dans la 2e partie des années 1980, des groupes comme Zouk Machine (avec leur tube Maldòn la musique dans la peau) fondé par les deux membres du groupe Experience 7 (Guy Houllier et Yves Honoré) ou le chanteur Patrick Saint-Éloi ont à leur tour fait évoluer cette musique[5].

Étymologie modifier

Le célèbre percussionniste martiniquais Henri Guédon indique que dès les années 1960, le mot zouk faisait référence à des lieux de danse populaire. Le chroniqueur Michel Thimon estime également que le terme zouk désignait à l’origine une sorte de « salle de bal » peu conventionnelle. Au début du XXe siècle, le zouk désigne un bal « chaud »[6] et aujourd'hui encore, on appelle zouk les soirées dansantes organisées chez des particuliers.

Toutefois, si le mot zouk identifiait en Martinique un lieu où se déroulaient des festivités, le terme ne s'identifiait ni à un genre musical en particulier ni faisait référence à la musique zouk telle qu'elle a été codifiée, en Guadeloupe, vers la fin des années 1970.

Histoire modifier

Les influences haïtiennes modifier

Popularisée par le saxophoniste Haïtien Webert Sicot et jouée entre autres par Simond Jurad, la musique kadans originaire d'Haïti a eu une grande influence sur beaucoup de musiciens guadeloupéens et a contribué à la création de la musique zouk.

La naissance d'un projet expérimental modifier

En 1980, Pierre-Édouard Décimus, musicien dans un groupe kadans guadeloupéen (Les Vikings de la Guadeloupe) depuis les années 1960 décide avec Freddy Marshall et d'autres musiciens antillais[7], d'expérimenter de nouvelles sonorités dans la musique qu'ils ont toujours jouée. Très attaché à la musique populaire de carnaval, Décimus cherche à l'adapter aux techniques musicales modernes. Les deux hommes recrutent aussi Jacob Desvarieux, guitariste de studio confirmé et Georges Décimus (le frère du premier), bassiste, ainsi que d'autres musiciens de cabaret. Le groupe se forme au fur et à mesure. Cette première mouture du groupe rentre en studio et au début de l'année 1981 paraît le premier album de Kassav, intitulé Love and Ka Dance[8]. Et à côté de la kadans, un nouveau genre musical est né, qui servira de base au zouk actuel, mais qui ne fera pas long feu : le zouk béton.

Zouk original, zouk béton ou chiré modifier

Jeu de gwoka à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.

Le zouk béton est le zouk original qui est issu d'un mélange de gwo ka, de calypso, de biguine, de rythmes Africains, de kompa ou de kadans, très rythmé, chanté en créole et qualifié de Voyé Monté (qui bouge beaucoup). On trouve ce rythme notamment dans les chansons de carnaval et le zouk béton se danse généralement sans partenaire.

Le groupe Kassav' popularise le zouk béton durant les années 1980 avec des tubes tels que Zouk la sé sèl médikaman nou ni, Ayé, Hawa, Chiré, Djoni, Banzawa, Mwen malad aw, Ki nom manmanw, Syé bwa, Ba nou zouk la et Zioum tube de carnaval chanté par Jean-Philippe Marthély. Sadi Lancréot connaît aussi un grand succès avec son tube Simao, titre très populaire et premier au hit parade de toutes les radios locales. Frédéric Caracas et son groupe Zouk All Stars popularisent également le zouk béton avec leurs tubes Vini et Chiraj. D'autres morceaux comme Mi chalè, Zouk à gogo de Tanya Saint-Val et Son la ri, Kay manman de Jocelyne Béroard ont été des tubes. Dans le courant, le groupe Zouk Machine enregistre en 1989 Maldon (un tube vendu à plus d'un million de singles et resté no 1 des ventes de singles en France pendant neuf semaines). Le groupe composé de Jane Fostin, Christiane Obydol et Dominique Zorobabel, connaît de nombreux succès hexagonaux et reste l'une des références de la musique Antillaise. Puis le zouk béton a perdu de sa popularité dans les années 1980. Mais toutefois, durant les balbutiements de la musique zouk, Kassav a su apporter de nouveaux sons, surtout au niveau des basses, claviers et cuivres donnant à cette musique un air de modernité et surtout de fête, une musique vivante et dansante en somme. Et introduit également la technologie du MIDI dans la musique Caribéenne[9].

Rapport avec la musique africaine modifier

L'influence de la musique africaine a été fondamentale. Car l'orchestre marquant, vers la fin des années 1960 aux Antilles, était un groupe composé d'Africains, les Ryco Jazz, dont les modèles musicaux (rumba zaïroise et autres rythmes urbains) allaient servir de base aux nombreuses copies antillaises plus ou moins heureuses qui se succédaient. La lente évolution devait d'abord se faire en simplification rythmique et mélodique, puis à nouveau en enrichissement rythmique, mélodique et aussi instrumental, jusqu'à la sophistication orchestrale des dernières productions de Kassav'. Les Ryco Jazz comme leur nom l'indique tenait plus du quartet de jazz que du grand orchestre de variété. Ajoutons que le saxophoniste Jean-Serge Essous, depuis l'époque du groupe de rumba congolaise (OK Jazz), avait créé une formule où en plus du saxophone, une guitare pouvait jouer la partition d'un saxophone alto, manière de procéder qui a révolutionné la musique caribéenne lorsqu'il ramène ce concept en Martinique en 1966-1967.

Années 1980 modifier

Les années 1980 sont riches en musique aux Antilles. Beaucoup de titres sont des hits mémorables : le hit Zouké interprété par le Guadeloupéen Patrick Saint-Éloi en 1984 et d'autres tubes comme Pa bizwen palé interprété par Jocelyne Béroard, Patrick Saint-Éloi et Jean-Philippe Marthély, Bel kréati chanté par Jean-Philippe Marthély et surtout le Kolé séré chanté en duo par Jocelyne Béroard et Philippe Lavil (Disque d'or en France). Patrick Saint-Éloi a également chanté d'autres tubes marquants comme Darling, West-Indies, Rèv an mwen, À la demande, Lésansyèl, O la ou yé, Choisi, Filé zétwal et Mizik ; en duo avec Jean-Philippe Marthély, Pazapa, Bizness et Mistè la vi a.

Par la suite, d'autres tubes ont marqué les années 1980 comme :

Avec Kassav et Zouk Machine, le son neuf des instruments électroniques participe à l'essor du zouk aux Antilles et en métropole, après le renouveau du kompa zîle, le kompa zîle va concurrencer le zouk.

Années 1990 modifier

Deux groupes de kadans se distinguent durant cette période : Kwak et Taxi Kréol de la Martinique. Ils se produisent régulièrement en live et obtiennent rapidement le succès. D'autres groupes évoluant aussi en live se forment (le playback est peu à peu délaissé).

Les tubes des années 1990 sont : Kobay de Jean-Philippe Marthély, Bay chabon, Beso, Fabiola, Ki jan ké fè de Patrick Saint-Éloi, Séré mwen, Komparéson, mennen mwen, Manjo de Kwak, Avan loraj et Foli kanel de Taxi Kreol, Cigarèt, Héros, Un homme de Jean-Michel Rotin, On ti Dousè, Romantik, Mister Radio, Nuit de Miel de Tatiana Miath, Karamel de Gilles Floro, Marie, Somnifè d'Edith Lefel, Natirel de Sonia Dersion, Avoué, San vou de Leïla Chicot, Pran plézi de Pascal Lanclume, Lettre de Fabrice Servier, Atirans de Jérôme, Chéri mwen de Chris Lovard, Tourment d'amour, Love story d'Eddy Marc, Voilà pourquoi d'Orlane, etc. Harry Diboula (avec ses tubes Mise au point et Tu me manques) va aussi marquer cette période. Il réalise après Kassav et Zouk Machine la plus grosse vente d'albums aux Antilles (avec l'album Classe affaire vendu à 70 000 exemplaires). C'est une performance notable pour un artiste qui n'est pas produit par une major de la production musicale française.

Le son change, les cuivres disparaissent des morceaux antillais qui sont moins rythmés, mièvres et plus langoureux. De nouveaux talents antillais émergent, comme Patrick Benoit, Leïla Chicot, Richard Birman, Sonia Dersion, Jocelyne Labylle, Thierry Cham, Claudy Siar, Orlane. En 1995 et 1996, le groupe Fuzion et ses deux complices Richard Birman et Alex Catherine sortent deux albums qui connaîtront un énorme succès : Nuit bleue et Vérité cachée (ces albums se vendent à des milliers d'exemplaires). Le groupe Fuzion avec ses tubes Absence, Kupidon, La leçon, Vérité cachée et Nuit bleue va s'imposer avec sa « light kompa » qui fera de nombreux émules en Guadeloupe et en Martinique jusqu'à la fin des années 1990. Puis sur l'album Réal Limit1 (paru en 1998), il y aura d'autres tubes comme Femmes, Nou Bizwen, Konté mwen, Bay et Léon.

Le zouk Love dont le rythme est de plus en plus langoureux est en perte de vitesse en France et en Europe. Seuls des groupes ou artistes comme Kassav, Zouk Machine, Francky Vincent et Tanya Saint-Val arrivent à pénétrer le marché national. Par exemple, en 1991, le titre Tropical sur l'album Soul Zouk de Tanya Saint-Val est au Top 50 (hit-parade français) pendant quatorze semaines. En 1995, l'album Fruit de la passion de Francky Vincent est vendu à 400 000 exemplaires en France (disque de platine).

Années 2000 modifier

Après l'euphorie des années 1980 et la confirmation des années 1990, des artistes tels que Thierry Cham, Slaï, Médhy Custos, Jane Fostin, Les Déesses et Perle Lama parviennent de nouveau à se classer en bonne position dans les hits nationaux. Slaï est en 2005 disque d'or en France avec son album Florilège vendu à 300 000 exemplaires et les titres Flamme, La dernière danse et Après la tempête vont figurer en bonne position dans les hits nationaux.

Le zouk de la nouvelle génération réussit de nouveau à intéresser le public français. Mais face à la concurrence du rap, du R'n'B, de la salsa, le zouk a encore du mal à se faire une place sur le marché du disque en France et en Europe. L'engouement des années 1980 avec Kassav et Zouk Machine ne se retrouve plus. Autre changement important, c'est l'apparition du français dans les chansons et aujourd'hui, la plupart des artistes chantent en français et délaissent un peu le créole. Le zouk des années 2000 contrairement à celui des années 1980 est moins rythmé avec la disparition des cuivres. Certains nostalgiques[Qui ?] se plaignent de cette évolution du zouk love qui devient moins dansant et monotone. Durant les années 2000, quelques titres vont réussir à se positionner dans les hits nationaux (France), il s'agit de : Océan de Thierry Cham, Flamme, La dernière danse, Après la tempête de Slaï, Pas de glace de Jane Fostin & Médhy Custos, Laisse parler les gens, Ma rivale sur la compil Afro-Zouk Dis l'Heure de Zouk, Emmène-moi, Aime-moi plus fort de Perle Lama, Elles demandent, Ne dit à personne, Les divas de Médhy Custos et On a changé des Déesses, Ancré à ton port de Fanny J. La décennie révèle de nouveaux artistes tels que Orlane, Princess' Lover, Perle Lama, Celia Guitteaud , Custos, Slaï, Patrick Andrey, Christiane Vallejo, Soumia, Laury, Jean-Marie Ragald, 2 Wayz et Fanny J.

Années 2010 modifier

À partir de 2010, le zouk est plus léger. De nouveaux talents apparaissent comme Fanny J, Jean-Marie Ragald .

Zouk love modifier

Le zouk love est caractérisé par un rythme plus lent. Il s'agit de chansons d'amour pour la plupart des morceaux : les textes parlent souvent d'amour et de problèmes sentimentaux. La proximité entre les deux partenaires de danse est totale, on parle de kolé séré, les mouvements sont lascifs. Patrick Saint-Éloi a produit beaucoup de tubes à succès tels que Darling, Plézi, H2O, West-Indies, Rèv an mwen et Zouké. Il interpréta en duo avec Jocelyne Béroard, Pa bizwen palé. Jean-Philippe Marthély eut du succès avec ses tubes Bel Kréati, Pazapa et Lanmou sé pa djendjen. Mais c'est Jocelyne Béroard avec son tube Kolé Séré en duo avec Philippe Lavil (Disque d'or) qui a permis à toute la France de découvrir cette musique. Le single Kolé séré a été vendu à plus de 500 000 exemplaires en France.

Quelques tubes de zouk love des années 2000 :

Artistes antillais des années 1980-1990 modifier

Artistes emblématiques de la nouvelle génération modifier

Notes et références modifier

  1. « Kassav' - Biographie, discographie et fiche artiste », sur RFI Musique, (consulté le )
  2. « Musée SACEM : Traces musicales de l’esclavage », sur musee.sacem.fr (consulté le )
  3. « Le succès international de Kassav’ le prouve : le zouk, c’est du sérieux », sur Télérama (consulté le )
  4. « Jocelyne, Kassav’ et l’invention du zouk », Mundo Latino,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. Krister Malm et Peter Manuel, « Popular Musics of the Non-Western World, an Introductory Survey », Yearbook for Traditional Music, vol. 22,‎ , p. 146 (ISSN 0740-1558, DOI 10.2307/767940, lire en ligne, consulté le )
  6. Martinique, Paris, Michelin, , 275 p. (ISBN 978-2-06-714258-9 et 2-06-714258-5, lire en ligne)
  7. « 40 ans de Kassav' : six anecdotes que vous auriez manquées », sur Outre-mer la 1ère (consulté le )
  8. « Et de Kassav’ naquit le zouk », sur L'Humanité, (consulté le )
  9. Gérald Désert, Le Zouk. Genèse et représentations sociales d'une musique populaire, préface de Apollinaire Anakesa Kululuka, Paris, Anibwe, coll. Liziba, 2018 (ISBN 9781234567897)

Annexes modifier

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Articles connexes modifier

  • Musique des Antilles françaises
  • Kizomba, Kompa
  • Gérald Désert, Le Zouk. Genèse et représentations sociales d'une musique populaire, préface de Apollinaire Anakesa Kululuka, Paris, Anibwe, coll. Liziba, 2018 (ISBN 9781234567897)
  • Lire aussi l'article d'Alex Laupeze, "La révolution zouk, une épopée musicale et identitaire" (pp.277-295) dans Musiques noires: L'Histoire d'une résistance sonore, ouvrage collectif dirigé par Jérémie Kroubo Dagnini (Camion Blanc, 2016, 518 pages).

Liens externes modifier