Utilisatrice:Deborah Bernard/Brouillon

Les « Amis de Bernard Lazare » association loi 1901 est née en 1983, d’une étrange amnésie de l’Histoire ; le nom et l’œuvre de cet anarchiste « à qui revient l’honneur d’avoir fait l’Affaire Dreyfus »[1], et  « qui avait recueilli dans la dure bataille beaucoup plus que sa part d’outrage  et beaucoup moins  que sa part de renommée »[2], mort trop jeune, en 1903, à 38 ans, avaient été  oubliés.

Or, en 1982 dans Le Monde du19 février, le philosophe  Alain Finkielkraut publiait un article intitulé Une maladie de notre culture. Le Détournement d’un prophète,  commençant par ces mots : « Ce qu'il appelle l'actualité récente " vient de conduire Pierre Guillaume à publier simultanément un recueil de textes en faveur du professeur Faurisson et la grande étude de Bernard Lazare : l'Antisémitisme, son histoire et ses causes. On savait cet éditeur habité par la volonté de " démystifier " le génocide juif. On comprend moins ce que Bernard Lazare, " l'un des plus grands prophètes d'Israël " (Péguy), vient faire dans cette galère ».

Aucun appareil critique n’accompagnait l’ouvrage : rien sur la personnalité de l’auteur, pas même une mention qui eût indiqué ce que furent le rôle et le combat de Bernard Lazare dans l’Affaire Dreyfus. Les consignes laissées par Bernard Lazare dans son testament de 1903, à savoir : «  L’Antisémitisme, son histoire et ses causes, une édition peut en être refaite, on mettrait cependant en tête  que sur beaucoup de points mon opinion s’était modifiée » n’étaient pas respectées. Elles l’avaient été, en 1934, lorsque les éditions Jean Crès avaient republié le livre, précédé d’une longue et éclairante préface du poète et critique belge, André Fontainas.

La nièce de Bernard Lazare, Madeleine Bernard, et sa petite-nièce, la journaliste Carole Sandrel, entrèrent en contact avec Pierre Guillaume désireuses d’obtenir qu’un addendum fût inséré dans les exemplaires publiés, conforme aux vœux de Lazare. Il y eut un échange épistolaire ; l’éditeur écrivait en particulier : « Je souhaite approfondir la connaissance très superficielle que j’ai actuellement de l’œuvre et de la vie de Bernard Lazare et suis tout disposé à publier tout élément d’information utile et à plus forte raison les mises-au-point ou « repentirs » de l’auteur, dont j’ignorais l’existence[3] ».

Des propos sans lendemain.

S’en suivi un procès, dont l ’objectif était  de faire respecter le droit moral de Lazare ; mais n’ayant pu être juridiquement définie comme ayant-droit de Bernard Lazare, Madeleine BERNARD dût se désister.

C’est alors que Carole SANDREL, petite-nièce de Bernard Lazare, journaliste (Le Droit de Vivre, France-Soir, l'Express, les Nouvelles Littéraires) et écrivain, créa la Société des Amis de Bernard Lazare dans le but « d’honorer la mémoire de Bernard Lazare et de prendre toute initiative tendant à faire connaître et célébrer et défendre  sa pensée, son action et son œuvre ; d’organiser  colloques et débats ; de rechercher tous documents concernant Bernard Lazare, et de republier éventuellement ses écrits, dans les conditions satisfaisant  aux volontés qu’il a exprimées[4] ».

           l’Association présidée par le Dr Jean-Louis Dreyfus, petit-fils du capitaine Alfred Dreyfus, avait pour vice-président Jean-Claude Leblond-Zola. Tous deux sont aujourd’hui disparus.

           Très vite, l’avocat et Académicien Français Jean-Denis Bredin, et le chercheur-historien Philippe Oriol, spécialiste de l’affaire Dreyfus, se sont associés au projet qu’avait initié Carole SANDREL. Jean-Denis Bredin est l‘auteur d’une biographie : Bernard Lazare – Ed. de Fallois, 1992 et Philippe Oriol a publié  Bernard Lazare, anarchiste et nationaliste juif, Ed. H. Champion, 1999, ainsi qu’une biographie : Bernard Lazare, Ed. Stock, 2003, année du centenaire de la mort de Bernard Lazare, centenaire qui fut inscrit au Calendrier des commémorations officielles, et en septembre de la même année, un Colloque international de trois jours, consacré au Bernard Lazare, s’est déroulé à la Sorbonne.

           Bernard Lazare, anarchiste, écrivain, journaliste et polémiste, premier défenseur de Dreyfus  (« le premier qui se leva pour le Juif martyr fut un Juif qui savait à quel peuple de parias il appartenait[5] »), celui qui souffla à Zola son fameux « J’accuse [6]», est désormais réhabilité et  incontournable.


[1] Charles PEGUY, Notre Jeunesse

[2] Joseph REINACH, Histoire de l’affaire Dreyfus

[3] Courrier du 19 février 1982 – Coll. privée

[4] J.O. Octobre 1983.


[5] Bernard Lazare « Lettre à .M. Trarieux », L’Aurore, 7 juin 1899.

[6] Cf Bernard Lazare, Ph. Oriol, Ed. Stock, p. 179 sq. et Les Cahiers naturalistes, N° 72 – 1998, p.167, sq.