Utilisateur:Unikalinho/Brouillon


2009, 2010, 2017, 2018, 2019, 2020

{{En-tête label|AdQ}} [[Fichier:Blv-haussmann-lafayette.jpg|vignette|Le boulevard Haussmann.]] [[Fichier:Adolphe Yvon - Haussmann présente à l'Empereur le plan d'annexion des Communes.jpg|vignette|redresse|''Napoléon III remet au baron Haussmann le décret d'annexion à Paris des communes suburbaines'' (Auteuil, Passy, Batignolles, Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville, Charonne, Bercy, Vaugirard, et Grenelle<ref>http://fernandbournon.free.fr/paris/livre-1-chapitre-18.php#titre5.</ref>) par [[Adolphe Yvon]] (1860).]] Les '''transformations de Paris sous le Second Empire''', ou '''travaux haussmanniens''', constituent une modernisation d'ensemble de la capitale française menée à bien de 1853 à 1870 par [[Napoléon III]] et le préfet de la Seine, le [[Georges Eugène Haussmann|baron Haussmann]]. Le projet a couvert tous les domaines de l'[[urbanisme]], aussi bien au cœur de [[Paris]] que dans ses quartiers extérieurs : [[Liste des voies de Paris|rues]] et [[Boulevards parisiens|boulevards]], [[Règlements d'urbanisme de Paris|réglementation des façades]], [[espaces verts]], [[mobilier urbain]], [[Égouts de Paris|égouts]] et réseaux d'[[adduction d'eau]], équipements et monuments publics, tout comme l'extension de la capitale à travers l'annexion de plusieurs communes limitrophes, passant ainsi de douze à vingt arrondissements. Violemment critiquée par certains de ses contemporains pour son coût faramineux et pour ses conséquences sur la mixité sociale (certains déplorant qu'elle augmente, d'autres qu'elle se réduise), oubliée pendant une partie du {{s-|XX}} puis réhabilitée par le discrédit de l'urbanisme d'après-guerre, cette œuvre conditionne toujours l'usage quotidien de la ville par ses habitants. Elle a posé le fondement de la représentation populaire de la capitale française à travers le monde en superposant au vieux Paris médiéval et à ses ruelles pittoresques un Paris moderne fait de grands boulevards et de places dégagées. == 1853 : un empereur moderniste et décidé face à une capitale médiévale == [[Fichier:Paris-cite-vaugondy-1771.jpg|vignette|L'[[île de la Cité]] et son tissu urbain médiéval avant les travaux haussmanniens (plan Vaugondy de 1771)]] [[Fichier:Paris-cite-haussmann.jpg|vignette|L'île de la Cité remodelée par les travaux d'Haussmann : nouvelles rues transversales (rouge), espaces publics (bleu clair) et bâtiments (bleu foncé).]] Au milieu du {{s-|XIX}}, le centre de Paris, contrairement aux idées reçues, n'est plus une cité du Moyen Âge. Paris s'est toujours reconstruit sur lui-même, mais il est vrai que la croissance démographique de la capitale, au {{s-|XVIII}} et dans les premières décennies du {{s-|XIX}}, provoque une densification considérable des quartiers du centre, c'est-à-dire les quartiers situés à l'intérieur de l'ancienne [[enceinte de Charles V]] rectifiée sous [[Louis XIII]]. Le plan de rue sur l'[[île de la Cité]] et dans le [[quartier des Arcis]], entre le [[Palais du Louvre|Louvre]] et l'[[Hôtel de ville de Paris|Hôtel-de-Ville]], avait peu changé depuis le Moyen Âge, et la densité de population dans ces quartiers était extrêmement élevée par rapport au reste de Paris. Selon [[Patrice de Moncan]], dans les quartiers d'Arcis et de Saint-Avoye, dans l'actuel {{3e}} arrondissement, il y avait un habitant pour trois mètres carrés<ref>{{ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Patrice de Moncan]] |auteur2= |champ libre= |titre=Le Paris d'Haussmann |lieu=Paris |éditeur=Le Mécène |collection= |année= |mois= |jour= |numéro edition= |année première édition= |réimpression= |pages totales= |format livre= |isbn= |isbn10= |oclc= |bnf= |lccn= |sudoc= |présentation en ligne= |numéro chapitre=1 |chapitre=L'insalubrité de Paris avant Hausmann |passage=21}}.</ref>. Dans le quartier des Champs-Élysées, la densité de la population était estimée à {{douteux|{{unité|5380|habitants}}/km²|Ce passage semble contredire des informations fournies par d’autres sources. 5380 hab/km² (presque 200 m² par habitant), c'est une densité très confortable pour une ville, c'est typique d'un quartier pavillonaire de banlieue actuelle avec jardin pour chaque maison. La densité actuelle du centre de Paris, qui est bien plus faible qu'au XIXe siècle, est d'ailleurs au moins 4 fois supérieure à ces chiffres.|date=16 juin 2020}}. En 1840, un médecin a décrit un bâtiment dans l'île de la Cité où une chambre simple de cinq mètres carrés au quatrième étage était occupée par vingt-trois personnes, adultes et enfants<ref name="Moncan">{{ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Patrice de Moncan]] |auteur2= |champ libre= |titre=Le Paris d'Haussmann |lieu=Paris |éditeur=Le Mécène |collection= |année= |mois= |jour= |numéro edition= |année première édition= |réimpression= |pages totales= |format livre= |isbn= |isbn10= |oclc= |bnf= |lccn= |sudoc= |présentation en ligne= |numéro chapitre=1 |chapitre=L'insalubrité de Paris avant Hausmann |passage=10}}.</ref>. Un lacis de rues étroites gêne la circulation (en 1851 à Paris, il y a {{formatnum:60259}} voitures qui, mises en ligne avec leur attelage, occuperaient {{unité|300|kilomètres}} alors que la longueur de toutes les rues de la ville réunies atteint {{unité|500|kilomètres}}<ref>{{lien web |langue=fr |auteur=[[Édouard Charton]] |titre=Les voitures et les rues de Paris |url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k314347/f122.image.pagination.langFR |site=gallica.bnf.fr |périodique=[[Le Magasin pittoresque]] |lieu=Paris |éditeur=[[Gallica]] |date=1 janvier 1851 |consulté le=17 juillet 2021 |page=118-119}}</ref>) et les maisons accueillent une population pauvre de plus en plus nombreuse, à l'origine d'une insalubrité dénoncée par les [[hygiénisme|hygiénistes]]. Dans ces conditions, la maladie se propageait très rapidement. Deux épidémies de [[choléra]] ravagèrent la ville en 1832 et 1848. Cinq pour cent des habitants de ces deux quartiers{{Lesquels|date=31 juillet 2021}} périrent au cours de celle de 1848<ref name="Moncan"/>. Selon les idées de l'époque, l'étroitesse des rues et la hauteur des maisons empêchent la circulation de l'air et la dispersion des « [[théorie des miasmes|miasmes]] » porteurs de maladies et de mort<ref>La théorie des ''miasmes'' est contestée à cette même époque où apparaît avec [[John Snow]] l’[[épidémiologie]] scientifique.</ref>. En 1834, le réformateur social français [[Victor Considerant]] écrit : {{Citation|Paris, c’est un immense atelier de putréfaction, où la misère, la peste et les maladies travaillent de concert, où ne pénètrent guère l’air ni le soleil. Paris, c’est un mauvais lieu où les plantes s’étiolent et périssent, où sur sept petits enfants il en meurt six dans l'année<ref>{{ouvrage |langue=fr |auteur1=Victor Considerant |titre=Destinée sociale |volume=1 |lieu=Paris |éditeur=Au bureau de la phalange |nature ouvrage=monographie imprimée |année=1834 |mois=septembre |numéro édition=1 |année première édition=1834(réimpr.1837)-1844, réimpr. 1847-1849 |pages totales=IX-558 |oclc=1043274606 |bnf=30264926 |lccn=ca18000444 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626648v/f11.item |accès url=libre |consulté le 28 juillet 2021 |partie=II |numéro chapitre=II de livre II) |titre chapitre=Considérations sociales sur les variations de l'Architectonique |passage=462}}</ref>.}} Les classes riches tendent de plus en plus à quitter les quartiers centraux pour s'installer au large dans les faubourgs du nord et de l'ouest. C'est à ce processus de paupérisation du centre, avec la dangerosité politique qui l'accompagne, que, fondamentalement, les grands travaux du {{s-|XIX}} vont s'attaquer. === Les premières tentatives de modernisation === En 1608, le roi [[Henri IV (roi de France)|Henri IV]] fait ouvrir une nouvelle voie qui doit relier le [[pont Neuf]] à la [[porte de Buci]], sur l'[[enceinte de Philippe Auguste]], et au bourg Saint-Germain. C'est la [[rue Dauphine]]. Bien que le caractère de l'opération ne soit pas pleinement public et qu'elle traverse des jardins, la rue Dauphine est la première rue droite et moderne de Paris. Au cours du {{s-|XVII}}, les avenues plantées construites par le pouvoir royal à la périphérie de la ville peuvent difficilement être qualifiées d'urbaines. La seule véritable percée est la [[rue du Roule]] ouverte en 1689 et qui relie le pont Neuf aux Halles<ref>{{Référence Harvard sans parenthèses|Pinon|2002|p=13}}</ref>. Aussi, au début du {{s-|XVIII}}, la percée du centre de Paris est-elle présentée comme une nécessité par les autorités : l'aménagement des quais de la [[Seine]] et la destruction des [[Pont bâti|maisons sur les ponts]], dans les années 1780, obéissent à ce souci à la fois de circulation, d'hygiène et de contrôle de l'espace<ref>Voir le livre d'{{ouvrage |auteur1=Isabelle Backouche |titre=La Seine et Paris (1750-1850) |lieu=Paris |éditeur=[[École des hautes études en sciences sociales]] |année=2000 |pages totales=430}} Sur les nombreux projets de remodelage de Paris éclos avant le Second Empire, on peut consulter l'ouvrage de {{ouvrage |auteur1=Nicholas Papayanis |titre=Planning Paris before Haussmann |lieu=Baltimore |éditeur=[[Johns Hopkins University Press]] |année=2004 |mois=octobre |pages totales=XIII-336 |format livre={{Tunité|23,5|15,5|2,9|cm}}, couverture rigide, {{unité|658|g}} |isbn=978-0-80187930-2 |isbn10=0-8018-7930-2 |oclc=54391951 |bnf=40137849 |lccn=2004002763 |doi=10.1086/519346 |sudoc=088079422 |présentation en ligne={{Google Livres|umLmjHFZoT4C}} |lire en ligne=https://pdf.zlibcdn.com/dtoken/2930b18da17522ca78032dc6ba423595/Planning_Paris_before_Haussmann_by_Nicholas_Papaya_1235716_(z-lib.org).pdf |format électronique=pdf |accès url=limité |consulté le=20 juillet 2021}} {{en}}</ref>. Sous la [[Révolution française]], en 1794, la « [[Commission des artistes]] » réalise un [[plan des artistes |plan]] qui propose de nouvelles percées dans Paris. Une rue doit relier en ligne droite la [[place de la Nation]] à la grande [[colonnade du Louvre]], dans le prolongement de l'actuelle [[avenue Victoria]] : elle préfigure le futur grand axe est-ouest et démontre un souci de mieux mettre en valeur les monuments publics. [[Napoléon Ier|Napoléon {{Ier}}]] amorce, à l'emplacement de propriétés ecclésiastiques devenues biens nationaux, une rue monumentale le long du [[jardin des Tuileries]]. C'est la [[rue de Rivoli]], dont le prolongement jusqu'à l'[[Place de l'Hôtel-de-Ville - Esplanade de la Libération|Hôtel-de-Ville]] sera largement entamé sous la [[Deuxième République (France)|Seconde République]] et achevé au tout début du [[Second Empire]] : cet axe, qui emporta de nombreuses maisons, sera plus efficace sur le plan de la circulation que celui du plan des Artistes. Il se sert aussi d'un outil juridique ancien : la [[alignement (urbanisme)|servitude d'alignement]] par laquelle les propriétaires ne peuvent reconstruire leurs immeubles tombant en ruine qu'en reculant leur façade derrière la ligne arrêtée par l'administration. Cette disposition toutefois entraînait une très grande lenteur du processus d'élargissement des voies publiques. Toujours en 1807, l'empereur décrète le percement de la [[rue d'Ulm]], qui joint l'église Sainte-Geneviève (l'actuel [[Panthéon (Paris)|Panthéon]]) à la [[rue des Feuillantines]], derrière l'[[hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce|hôpital du Val-de-Grâce]]. Il s'agira de la première rue ouverte par voie d'[[expropriation pour cause d'utilité publique en droit français|expropriation]]. Au cours des [[années 1830]], le [[Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau|préfet Rambuteau]] constate les embarras de la circulation et les problèmes d'hygiène qui se posent dans les vieux quartiers surpeuplés : il faut « donner aux Parisiens de l'eau, de l'air et de l'ombre<ref>{{ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau]] |préface=Georges Lequin |titre=Mémoires du Comte de Rambuteau (publiés par son petit-fils) |lieu=Paris |éditeur=[[Calmann-Lévy]] |nature ouvrage=monographie imprimée |année=1905 |bnf=36583360 |présentation en ligne=https://livre.fnac.com/a12109591/Claude-Philibert-Barthelot-Rambuteau-Memoires-du-comte-de-Rambuteau-publies-par-son-petit-fils-avec-une-introduction-et-des-notes |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64641702/f17.item.texteImage |accès url=libre |consulté le=25 juillet 2021 |numéro chapitre=VIII |titre chapitre=Préfecture de la Seine |passage=269}}</ref>. » En 1836, la [[rue Rambuteau|rue]] qui porte son nom est percée dans le centre de Paris, entre la [[rue des Francs-Bourgeois]] et [[Rue de la Pointe Saint-Eustache|Saint-Eustache]]. De plus, les insurrections populaires dont Paris est alors le théâtre inquiètent fortement le régime en place, né lui-même d'une [[Trois Glorieuses|révolution en juillet 1830]] : ainsi Rambuteau réalise au même moment une opération qui entraîna aussi beaucoup de destructions et dont l'objectif de sécurité est évident : l'isolement et l'agrandissement du périmètre de l'[[Hôtel de ville de Paris|Hôtel-de-Ville]]. Mais le pouvoir de l'administration restait limité par les règles d'expropriation. La loi du {{Date|3|5|1841|en France}}, sur l'[[expropriation pour cause d'utilité publique]], s'efforça quelque peu de les adapter, mais la loi restait du côté des propriétaires, toujours largement indemnisés grâce à un jury attentif à les défendre. Au début du [[Second Empire]], des dispositions réglementaires nouvelles furent introduites qui, conjointement avec la loi du {{Date-|3|5|1841}} et un recours systématique à l'emprunt, formeraient les bases de la politique édilitaire du nouveau préfet de la Seine nommé par l'Empereur. <gallery mode="packed" heights="200"> Fichier:Charles Marville, Rue des Marmousets, ca. 1853–70.jpg|La [[Rue des Marmousets-en-la-Cité|rue des Marmousets]], ruelle sombre et médiévale de l'île de la Cité, dans les années 1850, près de l'[[Hôtel-Dieu de Paris|Hôtel-Dieu]]. Fichier:Charles Marville, Rue du Marché aux fleurs, ca. 1853–70.jpg|La [[rue du Marché-aux-Fleurs]] sur l'île de la Cité, avant Haussmann, aujourd'hui [[place Louis-Lépine]]. Fichier:Charles Marville, Rue du Jardinet, ca. 1853–70.jpg|La [[rue du Jardinet]] sur la Rive gauche, démolie par Haussmann pour ouvrir le [[boulevard Saint-Germain]]. Fichier:Charles Marville, Rue Tirechape, de la rue de Rivoli, ca. 1853–70.jpg|La rue Tirechamp dans le vieux « [[quartier des Arcis]] », démolie au cours de l'extension de la [[rue de Rivoli]]. </gallery> === Louis-Napoléon Bonaparte === Président de la République depuis 1848, le neveu de Napoléon {{Ier}} devient empereur le {{Date|2|12|1852|en France}}, après le [[coup d'État du 2 décembre 1851|coup d'État]] de l'année précédente. [[Napoléon III]] a la volonté de moderniser Paris. Ayant vécu à [[Londres]] de 1846 à 1848, il y a vu une grande capitale pourvue de grands [[parc]]s et de réseaux d'assainissements et un pays transformé par la [[Révolution industrielle]]. Il reprend les idées de Rambuteau. Sensible aux questions sociales, il veut améliorer les conditions de logement des classes pauvres : en 1860, la densité moyenne de population de Paris avant son agrandissement est d'environ {{unité|36400|personnes}} au kilomètre carré, tandis que dix ans plus tôt celle du [[quartier des Halles]] approchait déjà les {{unité|100000|personnes}} au kilomètre carré<ref>[[Pierre Lavedan]], ''Histoire de l'Urbanisme à Paris'', coll. Nouvelle Histoire de Paris, Hachette, 1975, {{pp.|390}} et 426, {{ISBN|2010016629}}.</ref>З ЦЬОГО МЫСЦЯ!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!, dans des conditions d'hygiène très précaires. Cependant, s'il n'est pas toujours prévu de solution pour accueillir les familles délogées par les grands travaux, qui doivent aller habiter la périphérie de la ville, Louis-Napoléon est à l'origine de la construction des 86 premiers [[logement social|logements sociaux]] de [[Paris]] à la [[Cité Napoléon|cité Rochechouart]] en 1851<ref>[[Roger-Henri Guerrand]], ''Les Origines du logement social en France'', Paris, Éditions ouvrières, 1967.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Histoire du logement social |url=https://www.union-habitat.org/mots-cles/histoire-du-logement-social |site=L'Union sociale pour l'habitat |consulté le=2021-04-18}}</ref> qu'il fait financer par le sous-comptoir du commerce et de l'industrie pour le bâtiment afin de pallier la défaillance du conseil municipal de Paris<ref>Patrice de Moncan, ''Le Paris d'Haussmann'', éditions du Mécène, 2009, {{p.|30-31}}.</ref>. Suivant ces mêmes principes inspirés par les [[phalanstère]]s de [[Charles Fourier]] et par l'[[Icarie]] d'[[Étienne Cabet]]<ref>Étienne Cabet, ''Voyage en Icarie'', Paris, 1840.</ref>, il dessine lui-même le plan d'un ensemble de 41 pavillons destinés à l'usage des classes ouvrières situés [[avenue Daumesnil (Paris)|avenue Daumesnil]] et qui seront présentés à l'Exposition Universelle de 1867 ([[Villa Daumesnil|Villa Napoléon]])<ref>{{Article|langue=fr|auteur=Roger-Henri Guerrand|lien auteur=Roger-Henri Guerrand|titre=L’Empereur de la vie quotidienne|périodique=L'Histoire|lien périodique=L'Histoire|numéro=211|mois=juin|année=1997}}.</ref>{{,}}<ref>Marie-Jeanne Dumont, ''Le logement social à Paris: 1850-1930'', Bureau de la recherche architecturale du Ministère de l'équipement et du logement, ed. Pierre Mardaga 1991, {{p.|14-15}}.</ref>. Enfin, il s'agit pour l'autorité publique de mieux contrôler une capitale dont les soulèvements populaires ont renversé plusieurs régimes depuis 1789. Des propriétaires eux-mêmes, soucieux aussi de la mise en valeur de leurs propriétés et de leur quartier, réclament des voies larges et droites afin de faciliter les déplacements de troupes<ref>Voir une lettre des propriétaires du quartier Panthéon, adressée au [[Jean-Jacques Berger|préfet Berger]] en 1850 (citée dans l{{'}}''Atlas du Paris haussmannien'').</ref>. [[Fichier:Maintenant, un biblioteque.jpg|gauche|vignette|Le [[Le Marais (quartier parisien)|Marais]] ([[Hôtel des archevêques de Sens|Hôtel de Sens]]), l'un des rares quartiers du centre presque entièrement épargnés par les travaux d'Haussmann]] Pour mettre en œuvre ces ambitions, le nouvel empereur dispose d'un pouvoir fort, capable de passer outre toutes les résistances, ce qui manquait à ses prédécesseurs. Il reste à Napoléon III à trouver un homme capable de diriger des opérations de grande ampleur. C'est le rôle que va remplir [[Georges Eugène Haussmann]], homme d'action rigoureux et organisé, qu'il nomme [[préfet de la Seine]] en {{date-|juin 1853}} avec pour mission {{Citation|d'aérer, unifier et embellir la ville}}<ref>Patrice de Moncan, {{ibid}}, {{p.|33}}.</ref>. Les deux hommes formeront un tandem efficace. L'empereur soutiendra le préfet contre ses adversaires jusqu'en 1870. Haussmann, quant à lui, se montrera fidèle en toute circonstance, tout en sachant faire avancer ses propres idées, comme le projet du [[boulevard Saint-Germain]]. Une œuvre aussi considérable demande l'intervention de nombreux acteurs. [[Victor de Persigny]], ministre de l'Intérieur, qui a présenté Haussmann à Napoléon, s'occupe des montages financiers avec l'aide des [[frères Pereire]]. [[Adolphe Alphand]] s'occupe des parcs et des plantations avec le jardinier [[Jean-Pierre Barillet-Deschamps]]. Haussmann souligne le rôle fondamental du service du Plan de Paris, dirigé par l'[[architecte]] Deschamps, qui trace les nouvelles voies et contrôle le respect des règles de construction : dans ce domaine, « la géométrie et le dessin graphique jouent un rôle plus important que l'architecture proprement dite », note Haussmann <ref>''Mémoires du Baron Haussmann''.</ref>. D'autres architectes participent aux travaux : [[Victor Baltard]] aux Halles, [[Théodore Ballu]] pour l'[[église de la Sainte-Trinité (Paris)|église de la Sainte-Trinité]], [[Gabriel Davioud]] pour les théâtres de la place du Châtelet, le vétéran [[Jacques Hittorff|Hittorff]] pour la gare du Nord et la [[Place Charles-de-Gaulle|place de l'Étoile]]. == La coopération entre la normalisation publique et l'initiative privée == [[Fichier:Place-saint-georges.jpg|vignette|Place Saint-Georges.]] Influencés par le [[saint-simonisme]], Napoléon III et des ingénieurs comme Michel Chevalier ou des entrepreneurs comme les [[frères Pereire]] croient au volontarisme économique, qui peut transformer la société et résorber la pauvreté. C'est à un pouvoir fort, voire autoritaire, d'encourager les [[capitalisme|capitalistes]] à lancer de grands travaux qui bénéficieront à l'ensemble de la société et en particulier aux plus pauvres. Le pivot du système économique est la banque, qui se développe considérablement. Ces principes trouvent un champ d'application idéal dans les projets de rénovation de Paris. Les travaux d'Haussmann seront donc décidés et encadrés par l'État, mis en œuvre par les entrepreneurs privés et financés par l'emprunt. === Le système haussmannien === Dans un premier temps, l'État exproprie les propriétaires des terrains concernés par les plans de rénovation. Puis il détruit les immeubles et construit de nouveaux axes avec tous leurs équipements (eau, gaz, égouts). Haussmann, contrairement à Rambuteau, a recours à des emprunts massifs pour trouver l'argent nécessaire à ces opérations, soit de 50 à 80 millions de francs par an. À partir de 1858, la Caisse des travaux de Paris est l'outil privilégié du financement. L'État récupère l'argent emprunté en revendant le nouveau terrain sous forme de lots séparés à des promoteurs qui doivent construire de nouveaux immeubles en se conformant à un cahier des charges précis. Ce système permet de consacrer chaque année aux travaux une somme deux fois plus élevée que le budget municipal. Or le système se fissure peu à peu. Les emprunts massifs de la Caisse creusent une dette qui s'élève à 1,5 milliard de francs en 1870 et contribue à discréditer les grands travaux. [[Jules Ferry]] dénoncera le trou financier dans un [[pamphlet]] paru en 1867 : ''Les comptes fantastiques d'Haussmann''<ref>Jules Ferry, ''[http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-5475 Les comptes fantastiques d’Haussmann]'' (Gallica).</ref>. === La régulation publique === [[Fichier:Boulevard-sebastopol.jpg|vignette|Le boulevard de Sébastopol (inauguré en 1858) : l'irruption du boulevard au cœur de Paris.]] Haussmann bénéficie d'un cadre législatif et réglementaire aménagé pour faciliter les travaux et assurer l'homogénéité des nouvelles artères. Le décret du {{date-|26 mars 1852}} relatif aux rues de Paris, adopté un an avant la nomination d'Haussmann, met en place les principaux outils juridiques : * disposition essentielle : l'administration décide seule du périmètre des expropriations. Il devenait donc possible de tailler large dans le vieux tissu urbain, les parcelles non utilisées par la voie publique, bénéficiant d'une très forte plus-value, restaient la propriété de la ville, et échappaient aux anciens propriétaires. Cependant, il n'était pas question de réduire les indemnités dues à ces derniers. Ce sont sur ces dispositions qu'Haussmann allait surtout s'appuyer pour mener sa politique de grands travaux, très dispendieuse mais très efficace<ref>Sur ces procédures, lire {{Article|langue=fr|auteur=Alain Faure|titre=Spéculation et société|sous-titre=les grands travaux à Paris au {{s-|19|e}}|périodique=Histoire, Économie et Société|année=2004|numéro=3|passage=433-448|lire en ligne=http://www.u-paris10.fr/49294437/0/fiche___pagelibre}}.</ref>. Cet outil permit de raser une bonne partie de l'[[île de la Cité]] ou encore tout le quartier, extrêmement peuplé, situé entre [[Place du Châtelet|le Châtelet]] et l'[[Place de l'Hôtel-de-Ville - Esplanade de la Libération|Hôtel-de-Ville]] situé dans le quartier des Arcis. Après 1860, toutefois, le Conseil d'État réduisit le pouvoir discrétionnaire de l'administration, rendant plus difficiles les expropriations. * obligation pour les propriétaires à nettoyer leurs façades et à les rafraîchir tous les dix ans. * règlementation du nivellement des [[Réseau viaire de Paris|voies de Paris]], de l'alignement des immeubles, du [[Égouts de Paris|raccordement à l'égout]]. Les pouvoirs publics interviennent à la fois sur l'[[Épannelage (architecture)|épannelage]] des immeubles par la voie réglementaire, et sur l'aspect esthétique même des façades par le moyen des [[servitude d'utilité publique|servitudes]] : * le [[Règlements d'urbanisme de Paris|règlement]] de 1859 permet de faire monter les façades jusqu'à {{unité|20|mètres}} de hauteur dans les rues de {{unité|20|mètres}} de largeur qu'Haussmann est en train de percer, alors que la hauteur maximale était de {{unité|17.55|mètres}} auparavant. Les toits doivent toujours s'inscrire sous une diagonale à 45 degrés. * la construction d'immeubles le long des nouvelles voies est soumise à des conditions particulières sur l'aspect des façades. Les maisons mitoyennes doivent avoir « les mêmes hauteurs d'étage et les mêmes lignes principales de façade ». L'utilisation de la [[Pierre (matériau)|pierre]] de taille est obligatoire sur les nouveaux boulevards. Le rôle capital joué par les architectes voyers, chargés de la gestion de la [[Voiries de Paris|voirie]], marque l'importance prise par les ingénieurs au sein des grands corps de l'État. == Le déroulement des opérations == {{Article détaillé|Réalisations urbaines du Second Empire à Paris}} [[Fichier:RéalisationsUrbaines2ndEmpire.jpg|vignette|upright=1.5|Les principaux axes créés ou transformés sous le Second Empire et au début de la Troisième République.]] [[Fichier:Arrondissements de Paris avant-après 1860.svg|vignette|gauche|Les [[Anciens arrondissements de Paris|anciens arrondissements]] et la nouvelle limite de Paris en 1860.]] Le déroulement des opérations reflète l'évolution de l'Empire : autoritaire jusqu'en 1859, plus souple à partir de 1860. On détruit {{nombre|20000|maisons}} pour en construire plus de {{formatnum:40000}} entre 1852 et 1870. Les travaux gigantesques comprennent l'arasement de buttes ou monceaux pour assurer la continuité du profil des voies ouvertes, [[Église Saint-Jacques-de-la-Boucherie|butte de Saint-Jacques-de-la Boucherie]] et une partie du [[monceau Saint-Gervais]] pour le prolongement vers l'est de la rue de Rivoli, [[butte des Moulins]] et [[butte Saint-Roch]] pour l'avenue de l'Opéra. Ces opérations de nivellement se sont étendues largement au-delà des terrains en bordure immédiate des axes créés, entrainant la reconstruction de quartiers entiers, tel celui de l'Hôtel-de-Ville entre la [[place du Châtelet]] et la [[rue de Lobau]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Danielle Chadych|titre=Le Marais|passage=42|lieu=Paris|éditeur=Parigramme|date=octobre 2005|pages totales=638|isbn=2 84096 188 1}}</ref>. Certaines de ces opérations d'urbanisme se poursuivront sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]], après le départ d'Haussmann et de Napoléon III. Paris absorbe en 1860 ses [[faubourg]]s jusqu'aux « [[enceinte de Thiers|fortifications]] » qui ont été construites par [[Adolphe Thiers|Thiers]] en 1844 (elles seront démolies à partir de 1919). Les [[Anciens arrondissements de Paris|douze anciens arrondissements]] laissent la place à [[Arrondissements de Paris|vingt nouveaux arrondissements]], qui ne reprendront ni le découpage, ni la numérotation des précédents. === Un réseau de grandes percées === Lorsque [[Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau|Rambuteau]] avait percé une voie nouvelle importante en plein centre de la ville, les Parisiens avaient été étonnés par sa largeur : {{unité|13|mètres}}. Haussmann va reléguer la [[rue Rambuteau]] au rang de voie secondaire avec un réseau de percées nouvelles de 20 et même {{unité|30|mètres}}. L'[[Avenue Foch (Paris)|avenue Foch]], quant à elle, mesure près de {{unité|120|mètres}} de large avec ses contre-allées monumentales. Il commencera ses travaux par la réalisation du [[boulevard Diderot]], conséquence de l'élargissement de l'ancienne [[rue Mazas]]. Le réseau des artères haussmanniennes et post-haussmanniennes constitue, aujourd'hui encore, l'ossature du tissu urbain parisien. === La grande trouée nord-sud et est-ouest === [[Fichier:Travaux nocturnes des constructions de la rue de Rivoli, éclairés par la lumière électrique.jpg|vignette|Travaux nocturnes des constructions de la [[rue de Rivoli]], [[Éclairage des rues à Paris|éclairés par des projecteurs à gaz]], ''[[L'Illustration]]'' 1854]] De 1854 à 1858, Haussmann met à profit la période la plus autoritaire du règne de Napoléon III pour réaliser ce que seule cette décennie, peut-être, pouvait faire dans toute l'histoire de Paris : transformer son centre en y perçant une croisée gigantesque. [[Fichier:Camille Pissarro - Avenue de l'Opera - Musée des Beaux-Arts Reims.jpg|vignette|gauche|L'avenue de l'Opéra vue par [[Camille Pissarro|Pissarro]] depuis l'actuel hôtel du Louvre]] La construction de l'axe nord-sud, du [[boulevard de Sébastopol]] au [[boulevard Saint-Michel (Paris)|boulevard Saint-Michel]], fait [[Liste des anciens noms de voies de Paris|disparaître de la carte de nombreuses ruelles et impasses]]. Il forme une grande croisée au niveau du [[Grand Châtelet de Paris|Châtelet]] avec la [[rue de Rivoli]] : cette dernière rue, tracée initialement par Napoléon {{Ier}} le long des [[Palais des Tuileries|Tuileries]], est prolongée sous le Second Empire jusqu'à la [[rue Saint-Antoine (Paris)|rue Saint-Antoine]]. Pendant ce temps, [[Victor Baltard]] et [[Félix-Emmanuel Callet]] aménagent les [[Halles de Paris|Halles]], projet lancé par [[Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau|Rambuteau]], tandis que l'[[Quartier de la Cité|Île de la Cité]] est en grande partie rasée et réaménagée. Ses ponts sont reconstruits ou font l'objet de travaux importants. La [[rue des Halles (Paris)|rue des Halles]] est réalisée en 1854, afin de relier les Halles de Paris à la [[place du Châtelet]]. Les premiers travaux sur la rive gauche commencent dès 1854. Le percement de la [[Rue des Écoles (Paris)|rue des Écoles]] jusqu'à la [[rue des Fossés-Saint-Bernard]], déjà projeté avant l'entrée en fonction du préfet Haussmann, permet à son achèvement une meilleure desserte du quartier latin et de ses collèges. Haussmann complète cette grande croisée par des axes qui relient la première couronne de boulevards au centre, tels que l'[[avenue de l'Opéra]] sur la rive droite ou la [[rue de Rennes (Paris)|rue de Rennes]] sur la rive gauche. Il est à signaler que les travaux de l'[[avenue de l'Opéra]] ne seront entrepris pour leur majorité qu'à partir de 1876 et ne seront totalement terminés qu'en 1879. Quant à la rue de Rennes, qui devait rejoindre la [[Seine]], elle ne sera jamais achevée. === L'achèvement des couronnes de boulevards === Haussmann poursuit l'œuvre de Louis XIV. Il élargit les [[grands boulevards]] et construit ou planifie de nouveaux axes à grand gabarit comme le [[boulevard Richard-Lenoir]]. Les quartiers ouest bénéficient d'une opération de prestige : douze avenues, pour la plupart construites sous le Second Empire, se rejoignent à la [[Place Charles-de-Gaulle|place de l'Étoile]]. Parmi elles, l'[[avenue Foch (Paris)|avenue Foch]], bordée de jardins, se distingue par sa largeur exceptionnelle de {{unité|120|mètres}}. À l'opposé de cette dernière l'[[avenue de Friedland]] est la première partie d'un axe qui, après l'achèvement du [[boulevard Haussmann]], joindra la [[Place Charles-de-Gaulle|place de l'Étoile]] au quartier de l'Opéra. Le [[boulevard Voltaire]] facilite le contournement du centre à partir de la [[place de la Nation]] et l'[[Avenue Daumesnil (Paris)|avenue Daumesnil]] dégage les quartiers riverains de la gare de Lyon, tout en assurant un accès au [[bois de Vincennes]]. === Le troisième réseau : les arrondissements périphériques === [[Fichier:gobelins-pantheon.jpg|vignette|L'avenue des Gobelins et la perspective sur le Panthéon.]] Dans les dernières années de son mandat, Haussmann commence à aménager les arrondissements créés sur l'emplacement des [[Liste des anciennes communes de Paris|communes annexées en 1860]]. Il crée ainsi une très longue voie sinueuse qui dessert les [[19e arrondissement de Paris|19{{e}}]], [[20e arrondissement de Paris|20{{e}}]] et [[12e arrondissement de Paris|12{{e}}]] arrondissements : [[rue de Puebla]]<ref> partie correspondant à l'actuelle [[avenue Simon-Bolivar]]).</ref>, [[rue des Pyrénées]], [[avenue du Général-Michel-Bizot]]. Certains des axes relient les grands boulevards de [[Louis XIV]] à ceux qui longent le [[mur des Fermiers généraux]]. Les derniers tronçons du [[boulevard Haussmann]] et la ligne droite de la [[rue La Fayette (Paris)|rue La Fayette]], réalisés partiellement avant 1870, assurent une meilleure desserte des [[Quartier de la Chaussée-d'Antin|quartiers de la Chaussée-d'Antin]] et [[Quartier du Faubourg Montmartre|du Faubourg Montmartre]] à partir des arrondissements extérieurs. Sur la rive gauche, comme les « boulevards du midi », qui passent par la [[place d'Italie (Paris)|place d'Italie]], la [[place Denfert-Rochereau]] et [[Quartier du Montparnasse|Montparnasse]] sont trop éloignés du centre, l'idée d'une autre traversée est-ouest s'impose. Haussmann double la [[Rue des Écoles (Paris)|rue des Écoles]], dessinée par Napoléon III, de son projet personnel : le [[boulevard Saint-Germain]], qui prolonge sur la rive gauche les grands boulevards de la rive droite. D'autres axes tels que le [[boulevard Malesherbes]] ou encore les boulevards [[Boulevard Barbès|Barbès]] et [[Boulevard Ornano (Paris)|Ornano]], tous deux vers la [[Gare du Nord (Paris)|gare du Nord]], permettent de traverser ces [[Arrondissements de Paris|arrondissements]] extérieurs en direction du centre. === Les places-carrefours === [[Fichier:LOperaParis.jpg|vignette|[[Opéra Garnier|L'Opéra de Garnier.]]]] L'interconnexion entre les grands axes de circulation — boulevards, avenues ou autres — impose la création de places à leur mesure. La [[place du Châtelet]], aménagée par [[Gabriel Davioud|Davioud]], est au carrefour entre les deux grands axes traversant Paris du nord au sud et de l'est à l'ouest. Les travaux d'Haussmann réaménagent d'autres grandes places déjà existantes à travers tout Paris telles la [[place Charles-de-Gaulle|place de l'Étoile]], la place du Château-d'Eau (actuelle [[Place de la République (Paris)|place de la République]]) ou la [[Place de l'Hôtel-de-Ville - Esplanade de la Libération|place de l'Hôtel-de-Ville]]. D'autres sont créées de toutes pièces comme les places [[place Malesherbes|Malesherbes]], [[place de l'Alma|de l'Alma]], [[Place Pereire|Pereire]], [[Place de Puebla|de Puebla]], [[Place du Prince-Eugène|du Prince-Eugène]] ou bien encore [[place de l'Opéra|de l'Opéra]]. === Les gares === Haussmann fait construire la [[Paris-Gare de Lyon|gare de Lyon]] en 1855 par [[François-Alexis Cendrier]] et la [[gare de Paris-Nord|gare du Nord]] en 1865 par [[Jacques Hittorff]]. Il rêve d'interconnecter les gares parisiennes par des voies ferrées mais devra se contenter de faciliter leur accès en les reliant par des axes importants.<br /> Depuis la gare de Lyon, la [[rue de Lyon (Paris)|rue de Lyon]], le [[boulevard Richard-Lenoir]] et le [[boulevard de Magenta]] permettent ainsi de gagner la [[Gare de Paris-Est|gare de l'Est]]. Deux axes parallèles, [[Rue La Fayette (Paris)|rue La Fayette]] et [[boulevard Haussmann]] d'une part, [[rue de Châteaudun]] et [[rue de Maubeuge]] d'autre part, joignent le quartier de la [[Gare de Paris-Est|gare de l'Est]] et de la [[Gare de Paris-Nord|gare du Nord]] à celui de la [[gare de Paris-Saint-Lazare|gare Saint-Lazare]]. Sur la rive gauche, la [[rue de Rennes (Paris)|rue de Rennes]] dessert la [[gare de Paris-Montparnasse|gare Montparnasse]], alors située à l'emplacement actuel de la [[tour Montparnasse]]. === Les monuments === [[Fichier:Paris-XIIIe-mairie.jpg|vignette|gauche|La mairie du {{13e|arrondissement}}.]] [[Fichier:ParisStAugustin.JPG|vignette|upright|Église Saint-Augustin.]] Napoléon III et Haussmann ponctuent la ville de réalisations de prestige. [[Charles Garnier (architecte)|Charles Garnier]] construit l'[[Opéra Garnier|Opéra]] dans un style [[Éclectisme (architecture)|éclectique]] et [[Gabriel Davioud]] conçoit deux théâtres symétriques sur la [[place du Châtelet]].<br /> L'[[Hôtel-Dieu (Paris)|Hôtel-Dieu]], la [[Liste des casernes de Paris|caserne de la Cité]], qui deviendra la [[préfecture de police de Paris]] et le [[Tribunal de commerce de Paris|tribunal de commerce]] remplacent les quartiers [[Moyen Âge|médiévaux]] de l'[[Île de la Cité]].<br /> Chacun des vingt [[Arrondissements de Paris|nouveaux arrondissements]] reçoit sa mairie. Ils prennent soin d'inscrire ces monuments dans la ville en ménageant de vastes perspectives. Ainsi l'[[avenue de l'Opéra]] est pensée pour offrir un cadre grandiose à l'édifice de Garnier, mais ce dernier trouvait cette avenue trop étroite et dut rehausser sa façade pour lutter contre les hauteurs devenues excessives des bâtiments qui l'entouraient, tandis que les maisons qui, selon eux, empêchaient de contempler [[Cathédrale Notre-Dame de Paris|Notre-Dame]] laissent la place à un grand parvis. Dans le domaine religieux, le Second Empire voit l'avènement de l'église Saint-Eugène (aujourd'hui [[église Saint-Eugène-Sainte-Cécile]]), de l'[[église de la Sainte-Trinité (Paris)|église de la Sainte-Trinité]], de l'[[église Saint-Ambroise (Paris)|église Saint-Ambroise]] et de l'[[église Saint-Augustin (Paris)|église Saint-Augustin]]<ref>[http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=102&document_type_id=4&document_id=22132&portlet_id=12697&multileveldocument_sheet_id=7147 paris.fr, les Églises du Second Empire].</ref>. Cette dernière est remarquable par sa voûte très haute sans contreforts, rendue possible par l'utilisation d'une charpente métallique, et sa situation emblématique au croisement de plusieurs grands boulevards. {{refnec|Elle était destinée à devenir la nécropole des Napoléonides}}. === Des équipements publics modernes === La rénovation de Paris se veut globale. L'assainissement des logements implique une meilleure circulation de l'air mais aussi un meilleur approvisionnement en eau et une meilleure évacuation des déchets. [[Fichier:Pont paris iledelacité a saintmichel.jpg|vignette|gauche|Le '''N''' de Napoléon III sur le pont Saint-Michel.]] En 1852, l'eau potable vient principalement de l'[[Ourcq]]. Des machines à vapeur extraient aussi l'eau de la Seine, dont l'hygiène est déplorable. Haussmann confie à l'ingénieur [[Eugène Belgrand|Belgrand]] la réalisation d'un nouveau système d'alimentation en eau de la capitale, qui aboutira à la construction de {{unité|600|kilomètres}} d'[[aqueduc]] entre 1865 et 1900. Le premier, celui de la [[Aqueduc de la Dhuis|Dhuis]], ramène une eau captée près de [[Château-Thierry]]. Ces aqueducs déversent leur eau dans des réservoirs situés à l'intérieur de la capitale. À l'intérieur de la capitale et à côté du [[parc Montsouris]], Belgrand érige alors le plus grand réservoir d'eau du monde pour recevoir l'eau de la [[Vanne (rivière)|Vanne]], le [[réservoir de Montsouris]]. Un second réseau, consacré à l'eau non potable, continue à puiser l'eau de l'Ourcq et de la Seine, utilisée pour le nettoyage de la voirie et l'arrosage des espaces verts. L'évacuation des eaux usées et des déchets va de pair avec l'adduction d'eau potable. Ici encore, c'est le Second Empire qui donne l'impulsion décisive à la modernisation du réseau des [[égouts de Paris]]. La loi de 1852 impose le raccordement des immeubles à l'égout lorsque la rue en comporte un. Les rues qui n'en ont pas vont bénéficier de l'installation d'un réseau d'égout entièrement visitable : plus de {{unité|340|kilomètres}} d'égouts sont construits sous la direction de Belgrand entre 1854 et 1870. Le réseau est unitaire : les eaux de pluie coulent par la même galerie que les eaux usées. Les égouts ne se déversent plus dans la Seine en plein Paris mais loin en aval, à [[Asnières-sur-Seine|Asnières]]. Pour y parvenir, un [[siphon (tuyau)|siphon]] inversé installé sous le [[pont de l'Alma]] permet aux canalisations de la rive gauche de faire passer leurs eaux sur la rive droite. Ces deux réseaux, étendus et perfectionnés au cours des époques suivantes, sont toujours en place aujourd'hui. Napoléon III réorganise aussi la distribution du gaz dans Paris. En 1850, il confie une concession à une compagnie unique, la Compagnie parisienne du gaz <ref name=AP>[[Anselme Payen]], [[s:Les Industries chimiques au XIXe siècle/01|Les Industries chimiques au {{s-|XIX|e}}]], ''[[Revue des deux Mondes]]'', T.50, 1864.</ref>, tout en conservant la maîtrise des prix. La consommation de [[gaz d'éclairage]], sous-produit de la transformation (polluante) de [[houille]] en [[coke (charbon)|coke]], et qui avait fait son apparition à Paris sous la [[monarchie de Juillet]], augmente de façon importante. L'industriel et chimiste [[Anselme Payen|Payen]] écrit ainsi :{{Citation bloc|En effet, tandis que dans un intervalle de quatorze années, de 1848 à 1862, la population de Paris, en y comprenant celle du territoire annexé, ne s'était guère accrue que de moitié, la consommation du gaz se trouvait quintuplée. En présence d'une semblable progression, il est temps d'aviser, car on peut prévoir que, dans un avenir peu éloigné il n'y aurait pas un seul arrondissement de Paris absolument à l'abri des émanations de ces usines<ref name=AP/>.}} Dans le même temps, Haussmann confie à Davioud la mise au point d'un mobilier urbain encore largement présent de nos jours sur les trottoirs et dans les jardins de la capitale. Dans la même volonté d'amélioration de l'hygiène, le problème funéraire faillit être traité. Les [[Cimetières parisiens|cimetières intra-muros de Paris]] étaient saturés et l'inhumation au sein de la ville était toujours pratiquée, bien qu'étant interdite depuis la loi du 23 prairial [[an XII]]. En 1863, Haussmann proposa de fermer tous les cimetières intra-muros, avec transfert obligatoire des corps, et de créer une grande nécropole à [[Méry-sur-Oise]] reliée par voie ferrée, à l'image du [[cimetière de Brookwood]] à [[Londres]]. L'opinion publique s'opposa à ce projet qui ne se concrétisa pas, bien que postérieurement Belgrand, Alphand, Hérold et Say (ce dernier rendant le transfert facultatif) tentèrent de relancer la proposition<ref>{{Lien web|url= https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/in/actualites/vie-des-bibliotheques/null!93530715-4e42-40af-8d7b-24c21cb96fd5|titre= Le champ du Repos - Le Cimetière de Méry-Sur-Oise|site= Bibliothèques Spécialisées de Paris|date= 2 novembre 2017}}</ref>. === Les espaces verts === Les espaces verts sont rares à Paris, ville qui s'est toujours développée à l'intérieur d'[[muraille|enceintes]] qui, malgré les extensions successives, finissaient par la corseter. Séduit par les vastes parcs londoniens, Napoléon III confie à l'ingénieur [[Adolphe Alphand]], futur directeur des Travaux sous la République, la création de plusieurs parcs et bois. Le [[bois de Boulogne]] et le [[bois de Vincennes]] bordent la ville à l'ouest et à l'est. À l'intérieur de l'[[enceinte de Thiers]], le [[parc des Buttes-Chaumont]] et le [[parc Montsouris]] offrent des promenades aux habitants des quartiers trop éloignés des grands bois extérieurs. Le [[parc Monceau]], ancienne propriété de la famille d'Orléans, est en partie loti et construit. Chaque quartier reçoit aussi des petits [[Square (lieu)|squares]] (environ 80 squares pour les 80 quartiers de Paris, la volonté étant que n'importe quel habitant de Paris puisse trouver un square à moins de dix minutes de marche de son domicile<ref name="docuhistoire">Documentaire ''« Comment Haussmann a transformé Paris »'' réalisé par Yves Billon, diffusé à partir de 2011 sur la chaîne [[Histoire (chaîne de télévision)|Histoire]].</ref>), tandis que des rangées d'arbres bordent certaines avenues (on estime à {{Nombre|80000}} le nombre d'arbres plantés dans les rues de Paris durant cette période<ref name="docuhistoire" />). === Bilan === Louis Lazare indique que ces travaux avaient supprimé 57 rues ou passages, {{nombre|2227|maisons}} jetées à terre et plus de {{nombre|25000|habitants}}, presque tous ouvriers, contraints d'abandonner le centre de la ville étaient repoussés vers les extrémités. Ce déplacement, qui suivit la progression des travaux dans le centre de Paris, fut une [[émigration]] forcée. La population se porta majoritairement dans les quartiers avoisinants l'[[Mur des Fermiers Généraux|ancien mur d'octroi]], [[Anciens faubourgs de Paris|principalement]] vers les [[Faubourg du Temple|faubourgs du Temple]], [[Faubourg Saint-Antoine|Saint-Antoine]] et [[Faubourg Saint-Marceau|Saint-Marceau]]<ref name="LL">Louis Lazare, ''Le {{20e}} arrondissement de Paris''.</ref>, mais également en banlieue : principalement dans les communes de [[Belleville (Seine)|Belleville]], [[Ménilmontant (quartier parisien)|Ménilmontant]], [[Charonne (Seine)|Charonne]], [[Quartier des Ternes|Ternes]], [[Montrouge]], [[Vaugirard (Seine)|Vaugirard]] et [[Grenelle (Seine)|Grenelle]]. == Les critiques de la politique urbaine de Napoléon III et le départ d'Haussmann == Des artistes et des architectes ([[Charles Garnier (architecte)|Charles Garnier]]) dénoncent la monotonie étouffante de cette architecture monumentale. Des hommes politiques et des écrivains mettent en cause l'étendue des spéculations et de la corruption (''[[La Curée]]'' de [[Émile Zola|Zola]]) et certains accusent à tort Haussmann d'enrichissement personnel. De nombreuses critiques portent toutefois sur des motifs de fond et vont finir par faire chuter le préfet. === Sur un objectif sécuritaire des grandes artères === [[Fichier:Napoleon-3.jpg|vignette|gauche|upright|Napoléon III.]] Des contemporains de Napoléon III ont accusé l'Empereur d'avoir caché sous des préoccupations sociales et hygiénistes un projet essentiellement policier : la construction de voies larges aurait eu pour objectif principal de faciliter les mouvements de troupe et l'établissement de rues droites aurait permis de tirer au canon sur une foule en émeute et ses barricades. Mais l'ampleur même des travaux montre que les visées de Napoléon ne pouvaient pas se limiter à l'aspect sécuritaire : au-delà du percement des boulevards qui en forme la partie la plus spectaculaire, la transformation porte avant tout sur l'amélioration de la circulation ordinaire et des transports dans Paris (pour l'approvisionnement, l'évacuation des déchets, le commerce, le passage des matériaux de construction), la modernisation de l'hygiène, l'établissement de réseaux modernes en sous-sol, l'installation d'un mobilier urbain efficace en surface ainsi que la grandeur et l'harmonisation d'une [[architecture]] de prestige le long des rues nouvelles. Il est toutefois vrai que Napoléon est aussi soucieux d'établir un ordre strict. Haussmann n'hésite pas à expliquer que ses percements faciliteront le maintien de l'ordre pour promouvoir ses projets auprès du [[Conseil de Paris]] ou des propriétaires locaux. La dimension [[stratégie|stratégique]] et sécuritaire est donc présente, mais elle ne constitue qu'un élément parmi les autres. Elle est peut-être plus importante lorsqu'il s'agit de relier les principales casernes entre elles<ref>Ceci concerne le boulevard Voltaire et les rues Monge, Gay-Lussac et Claude-Bernard d’après Pierre Pinon (''Atlas du Paris haussmannien'').</ref>. Haussmann n'est pas chargé de la police. Son mandat correspond au contraire à un affaiblissement du [[préfet de police]] au profit du préfet de la Seine, qui récupère des attributions telles que les problèmes liés à l'insalubrité, l'[[Éclairage des rues à Paris|éclairage]] et le nettoyage des rues<ref>Voir notamment Françoise Choay, introduction aux ''Mémoires du Baron Haussmann''.</ref> confiées au service des promenades d'Alphand en 1859 à l'occasion de l'annexion des communes limitrophes. === La rupture d'un équilibre social === [[Fichier:Percement avenue de l'Opéra.jpg|vignette|Percement avenue de l'Opéra.]] Malgré les idéaux sociaux qui sont en partie à l'origine des transformations de Paris dans l'esprit de Napoléon III, de nombreux observateurs contemporains dénoncent les effets démographiques et sociaux des opérations d'urbanisme menées par Haussmann. [[Louis Lazare]], auteur sous le préfet Rambuteau d'un important [[Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments|dictionnaire des voies parisiennes]], estime, en 1861, dans la ''Revue municipale'' que les travaux haussmanniens contribuent à faire croître démesurément la population assistée en attirant à Paris une population pauvre <ref>''Revue municipale'', {{date-|20 octobre 1861}}, citée par [[Pierre Lavedan]], ''Nouvelle Histoire de Paris'', volume ''Histoire de l’urbanisme à Paris''.</ref>. De fait, Haussmann lui-même a ralenti dans une certaine mesure les travaux afin d'éviter un afflux trop massif d'ouvriers à Paris. D'autre part les critiques dénoncent, dès les [[années 1850]], les effets des rénovations sur la composition sociale de Paris. D'une manière un peu schématique, on trace un portrait de l'immeuble parisien pré-haussmannien comme synthèse de la hiérarchie sociale parisienne : bourgeois au deuxième étage, fonctionnaires et employés aux troisième et quatrième, petits employés au cinquième, gens de maison, étudiants et pauvres sous les combles. Toutes les classes sociales se côtoyaient ainsi dans le même immeuble. Cette cohabitation, qui doit bien entendu être nuancée selon les quartiers, a disparu en grande partie après les travaux d'Haussmann. Ceux-ci ont eu deux effets sur le plan de la répartition de l'habitat dans Paris : * les rénovations du centre-ville ont entraîné une hausse des loyers qui a contraint les familles pauvres à partir vers les arrondissements périphériques. On le constate sur les données de population<ref>''Atlas du Paris haussmannien''.</ref>: {| class=wikitable !Arrondissement!!1861!!1866!!1872 |- |{{1er}}||89 519||81 665||74 286 |- {{ligne grise}} |{{6e}}||95 931||99 115||90 288 |- |{{17e}}||75 288||93 193||101 804 |- {{ligne grise}} |{{20e}}||70 060||87 844||92 712 |} * certains choix d'urbanisme ont contribué à déséquilibrer la composition sociale de Paris entre l'ouest, riche, et l'est, défavorisé. Ainsi aucun quartier de l'est parisien n'a bénéficié de réalisations comparables aux larges avenues entourant la [[place Charles-de-Gaulle|place de l'Étoile]] dans les {{16e}} et {{17e|arrondissements}}. Les pauvres se concentrent alors dans les quartiers laissés de côté par les rénovations. En réponse, Haussmann met en avant la création, très complexe, du [[bois de Vincennes]], destinée à fournir aux populations d'ouvriers une promenade comparable au [[bois de Boulogne]]. Par ailleurs, les quartiers insalubres « nettoyés » par Haussmann n'abritaient guère de bourgeois. Ainsi s'est mise en place une forme de zonage qui domine toujours la distribution de l'habitat et des activités dans Paris et sa proche banlieue : au centre et à l'ouest les bureaux et les quartiers bourgeois, à l'est et à la périphérie les habitats les plus pauvres et les activités industrielles, ceci provenant notamment des vents d'ouest dominants qui poussaient vers l'est la pollution, due à cette époque au mode de chauffage des logements. === La crise du système de financement === À la fin des années 1860, le système de financement connait des dysfonctionnements. L'annexion des communes environnantes en 1860 a coûté cher : les travaux à réaliser dans ces quartiers suburbains sont plus importants que dans le centre-ville, déjà pourvu de certains équipements. Les budgets prévus au départ sont largement insuffisants. D'autre part, l'assouplissement du régime rend plus difficiles les expropriations, la jurisprudence du [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] et de la [[Cour de cassation (France)|Cour de cassation]] intervenant en faveur des propriétaires. D'autre part les Parisiens supportent mal les travaux qui paralysent la ville depuis près de vingt ans. Les réseaux de boulevards qui encombrent les arrondissements extérieurs de travaux n'ont pas une utilité aussi évidente que le percement du boulevard de Sébastopol ou du boulevard Saint-Germain. [[Jules Ferry]] se fait un nom à travers une série d'articles de presse regroupés sous le titre ''Les Comptes fantastiques d'Haussmann''. Il dénonce l'ambition exagérée des derniers projets et leur financement incertain. Ces projets sont en effet financés, non par l'emprunt, mais par des bons de délégation émis par la Caisse des travaux de Paris, hors du contrôle du Parlement. Haussmann est finalement renvoyé au début de 1870, quelques mois avant la fin du Second Empire qu'il a accompagné pendant toute sa durée. Les dettes contractées seront finalement résorbées assez rapidement sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]]. == Conséquences == === L'esthétique haussmannienne : la « rue-mur » === [[Fichier:Rue-monge-angle.jpg|vignette|redresse|Rue Monge : les trois niveaux de la façade haussmannienne classique]] L'haussmannisme ne se contente pas de tracer des rues et de créer des équipements. Il intervient aussi sur l'aspect esthétique des immeubles privés. Le front sur rue de l'[[Îlot urbain|îlot]] est conçu comme un ensemble architectural homogène. L'immeuble n'est pas autonome et doit construire un paysage urbain unifié avec les autres immeubles sur la percée nouvelle. Néanmoins, l'[[Îlot urbain|îlot]] haussmannien est toujours hétérogène : seules les parcelles sises sur l'emprise de la percée nouvelle sont affectées par la modernisation, et, les autres parcelles de l'îlot antérieur n'étant pas détruites, des constructions des siècles précédents y cohabitent avec les constructions neuves, et, au hasard des parcelles inconstructibles, dévoilent parfois le dos de leurs constructions sur cour au sein des nouveaux alignements. La [[Règlements d'urbanisme de Paris|réglementation]] et les servitudes imposées par les pouvoirs publics favorisent la mise en place d'une typologie qui mène à son terme l'évolution classique de l'immeuble parisien vers la [[façade]] caractéristique du Paris haussmannien : * rez-de-chaussée et entresol avec mur à [[Bossage (architecture)|bossage]] ; * deuxième étage « noble » avec un ou deux balcons ; troisième et quatrième étage dans le même style mais avec des encadrements de fenêtre moins riches ; * cinquième étage avec balcon filant, sans décorations ; * combles à 45 degrés. La façade s'organise autour de lignes horizontales fortes qui se poursuivent souvent d'un immeuble à l'autre : [[balcon]]s, [[corniche]]s, alignement parfait des façades sans retraits ni saillies importantes. Le modèle de la rue de Rivoli s'étend à l'ensemble des nouvelles voies parisiennes, au risque d'une uniformisation de certains quartiers. Sur la façade, les progrès des techniques de sciage et de transport permettent d'utiliser la pierre de taille en « grand appareil », c'est-à-dire sous forme de gros blocs et non en simple placage. Les rues produisent un effet monumental qui dispense les immeubles de recourir à la décoration : les [[sculpture]]s ou moulages ne se multiplieront que vers la fin du siècle. === Postérité de l'haussmannisme === [[Fichier:L'achèvement du boulevard Haussmann à Paris, 1925, agence Meurisse.jpg|vignette|L'achèvement du percement du boulevard Haussmann, en 1925.]] Les transformations haussmanniennes ont amélioré la qualité de vie dans la capitale. De grandes [[épidémie]]s, notamment celles de choléra, disparaissent, (mais pas la tuberculose), la circulation est améliorée, les nouveaux immeubles sont mieux construits et plus fonctionnels que les anciens. Mais n'étant intervenu que ponctuellement sur les quartiers anciens, des zones d'insalubrité demeurent, ce qui explique la résurgence des idées hygiénistes au siècle suivant, puis la radicalité de certains des urbanistes du vingtième siècle. [[Fichier:Paris 06 - 72 rue de Rennes.jpg|vignette|gauche|Immeuble post-haussmannien ({{n°|72}} [[Rue de Rennes (Paris)|rue de Rennes]], Paris).]] [[Fichier:Villa-haussmann.jpg|upright|vignette|Le Quartier haussmannien à Issy-les-Moulineaux]] Le Second Empire a tellement marqué l'histoire urbaine de Paris que tous les courants architecturaux et urbanistiques postérieurs seront forcés de s'y référer, soit pour s'y adapter, soit pour le rejeter, soit encore pour tenter d'en reprendre certains éléments. On peut dater la fin de l'haussmannisme « pur » aux [[règlements d'urbanisme de Paris|règlements de 1882 et 1884]], qui rompent avec l'uniformité de la rue classique en permettant les saillies et les premières fantaisies au niveau du toit, qui se développeront considérablement après le règlement de 1902. Toutefois il ne s'agit encore que d'un « post-haussmannisme », qui ne rejette que l'austérité du modèle napoléonien sans remettre en cause l'agencement général des rues et des îlots. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], en revanche, les nouveaux besoins de logements et l'avènement, un siècle après Napoléon III, d'un nouveau pouvoir volontariste avec la Cinquième République gaulliste ouvrent une nouvelle ère de l'urbanisme parisien. Celle-là rejette presque complètement l'héritage haussmannien au profit des idées de [[Le Corbusier]] en abandonnant l'alignement sur rue, la limitation du gabarit et la rue elle-même, abandonnée à la voiture au profit d'espaces piétons sur [[urbanisme sur dalle|dalles]]. Ce nouveau modèle est rapidement remis en cause dans les [[années 1970]], qui marquent le début d'une redécouverte de l'héritage haussmannien : le retour à la rue multifonctionnelle s'accompagne d'un retour à la limitation du gabarit et, dans certains quartiers, d'une tentative de retrouver l'homogénéité architecturale des îlots du Second Empire. L'opinion publique parisienne a aujourd'hui une vision positive de l'héritage haussmannien, au point que certaines villes de banlieue, à l'exemple d'[[Issy-les-Moulineaux]] ou de [[Puteaux]], construisent des quartiers qui revendiquent celui-ci jusque dans leur nom (« Quartier haussmannien »). Ces quartiers sont en réalité des pastiches de l'architecture post-haussmannienne du début du {{s-|XX}} avec ses [[fenêtre arquée|fenêtres arquées]] et ses [[loggia]]s. == Notes et références == {{Références|taille=30}} == Voir aussi == {{Autres projets|commons=Category:Haussmann's renovation of Paris}} === Articles connexes === * [[Georges Eugène Haussmann]] * [[Histoire de l'urbanisme parisien]] * [[Règlements d'urbanisme de Paris]] * [[Liste des voies de Paris]] * [[Jardin public]] * [[Éclairage des rues à Paris]] * [[Taxe de balayage]] === Bibliographie === * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Michel Carmona]]|titre=Haussmann|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2001|pages totales=647|isbn=978-2-213-60637-8}}. * {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Pierre Pinon |titre= Atlas du Paris haussmannien |sous-titre=la ville en héritage du Second Empire à nos jours |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Parigramme|Parigramme]] |collection=bx livres photos |année=2002 |mois=septembre |jour=27 |numéro édition=1 |réimpression=2016 |pages totales=209 |format livre={{Tunité|31|25|2|cm}}, relié, {{unité|1773|g}} |isbn=978-2-84096-204-5 |isbn10=2-84096-204-7 |bnf=38978992 |lccn=2002500305 |présentation en ligne={{Google Livres|RwYWAQAAIAAJ}} |libellé=Pinon 2002}} * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean Des Cars|auteur2=Pierre Pinon|titre=Paris-Haussmann|sous-titre=« le pari d'Haussmann »|lieu=Paris|éditeur=Éditions du pavillon de l'Arsenal et Picard|année=1991|pages totales=365|format livre=30 cm|isbn=978-2-7084-0752-7}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jeanne Gaillard|titre=Paris, la ville, 1852-1870|sous-titre=l’urbanisme parisien à l'heure d'Haussmann. Des Provinciaux aux Parisiens. La vocation ou les vocations parisiennes|lieu=Paris|éditeur=Honoré Champion|année=1977|pages totales={{pc|viii}}, 689|format livre=22 cm|isbn=978-2-85203-020-6}}.{{Commentaire biblio|Importante étude rééditée par les soins de Florence Bourillon et Jean-Luc Pinol.}} * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Lavedan|titre=Nouvelle histoire de Paris|sous-titre=Histoire de l'urbanisme à Paris|lieu=Paris|éditeur=Association pour la publication d'une histoire de Paris : Diffusion Hachette|année=1993|pages totales=732|format livre=28 cm|isbn=978-2-01-001662-2}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Louis Chevalier|titre=Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du {{s-|XIX|e}}|lieu=Paris|éditeur=[[Plon]]|année=1969|pages totales={{pc|xxviii}}-556|oclc=311394242}}.{{Commentaire biblio|La {{1re|édition}} est de 1958 ; il existe des rééditions en format de poche – Célèbre ouvrage dont la thèse est la suivante : Paris est alors une ville submergée par un nombre excessif de migrants provinciaux qui ne peuvent s'intégrer ; de là des phénomènes de « pathologie urbaine » dont le plus important, qui dominerait même toute l'histoire de Paris à cette époque, serait la hausse spectaculaire du crime. Dans cette vision, la période haussmannienne aurait eu pour intention et effet de sortir Paris de cette crise aiguë de croissance démographique. Cette thèse est aujourd'hui de plus en plus abandonnée, mais l'expression de « classes dangereuses » reste d'un usage fréquent, sans que la plupart des utilisateurs connaissent le livre de Chevalier et son idée centrale du crime, effet morbide de l'immigration. Il y a un quiproquo sur la nature de la dangerosité des classes pauvres : on pense social ou politique, alors que Chevalier ne parle que du pénal et du pathologique…}} * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=François Loyer|titre=Paris {{s-|XIX|e}}|sous-titre=l’immeuble et la rue|lieu=Paris|éditeur=Hazan|année=1987|pages totales=478|format livre=31 cm|isbn=978-2-85025-356-0}}.{{Commentaire biblio|Ouvrage réalisé pour l’APUR qui a le plus contribué à réévaluer l’apport de l’architecture et de l’urbanisme haussmanniens.}} * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Danielle Chadych|auteur2=Dominique Leborgne|titre=Atlas de Paris|sous-titre=évolution d'un paysage urbain|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Parigramme|Parigramme]]|année=2002|pages totales=199|format livre=32 cm|isbn=978-2-84096-249-6}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Georges Valance|titre=Haussmann le grand|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=2000|pages totales=362|isbn=978-2-08-211571-1}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Nicolas Chaudun|titre=Haussmann au crible|lieu=Paris|éditeur=Éd. des Syrtes|année=2000|pages totales=253|format livre=23 cm|isbn=978-2-84545-023-3}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Alain Clément|auteur2=Gilles Thomas (dir.)|titre=Atlas du Paris souterrain|lieu=Paris|éditeur=Parigramme|année=2001|isbn=978-2-84096-191-8|pages=200|format=32 cm}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Mignot|titre=Grammaire des immeubles parisiens|sous-titre=six siècles de façades du Moyen âge à nos jours|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Parigramme|Parigramme]]|année=2004|pages totales=205|format livre=21 cm|isbn=978-2-84096-175-8}}. * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Bernard Marchand|titre=Paris, histoire d'une ville, {{sp-|XIX|e|-|XX|e}}|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=2002|pages totales=438|format livre=18 cm|isbn=978-2-02-012864-3}}. Sources imprimées : * ''Commission des embellissements de Paris. Rapport à l'Empereur Napoléon III rédigé par le comte Henri Siméon''. Édité et présenté par Pierre Casselle, Paris, Rotonde de la Villette, 2000, 205 p. * {{Ouvrage|langue=fr|champ libre=3 tomes|titre=Mémoires du Baron Haussmann|lieu=Paris|éditeur=V. Havard|année=1890-1893|isbn=}} [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6429178t?rk=85837;2 tome 1] ; [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6417109p?rk=64378;0 tome 2] ; [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k220530f?rk=107296;4 tome 3].{{Commentaire biblio|Nouvelle édition établie par [[Françoise Choay]], Seuil, 2000 {{ISBN|978-2-02039-898-5}}, 1204 {{nb p.}}, 24 cm.}} * {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Émile de La Bédollière]]|champ libre=illustrations de Gustave Doré, cartes|titre=Le Nouveau Paris|sous-titre=Histoire de ses 20 arrondissements|lieu=Paris|éditeur=Gustave Barba|année=1860|pages totales=441-{{pc|xxxii}}}}{{Commentaire biblio|L'ouvrage contient aussi un « Dictionnaire des besoins usuels » et un « Dictionnaire… des rues » par A. Delvau. Il a été réédité en 1986 chez SACELP et figure aujourd'hui dans la bibliothèque électronique Gallica (site de la BnF).}} == Liens externes == * [http://www.historia.fr/content/recherche/article?id=7421 ''Napoléon III met Paris au vert''], [[Historia (revue)|Historia]]

{{Portail|architecture et urbanisme|Second Empire|Paris}} {{Article de qualité|oldid=6709160|date=15 avril 2006}}

[[Catégorie:Urbanisme à Paris]] [[Catégorie:Patrimoine du XIXe siècle]] [[Catégorie:Paris au XIXe siècle]] [[Catégorie:Second Empire]]