Utilisateur:Sylvie Mialet/Brouillon/Santé publique vétérinaire

Selon la nouvelle définition proposée par l'Académie vétérinaire de France en juin 2021, « la santé publique vétérinaire est l’ensemble des actions collectives, principalement régaliennes, en rapport avec les animaux sauvages ou domestiques, leurs services, et leurs productions entrant notamment dans la chaine alimentaire, qui visent à préserver les santés humaine et animale – y compris l’état de bien-être – et la santé des écosystèmes. Elle contribue ainsi au développement durable et à la mise en œuvre du concept « Une seule santé »[1].

Pour répondre aux enjeux sanitaires, la santé publique vétérinaire tend vers une approche intégrée de la santé humaine, de la santé animale et de la santé des écosystèmes dont la santé végétale, s’inscrivant ainsi dans l’approche « Une seule santé », également appelée « One Health ».

Elle s’intéresse à la fois à la santé animale (avec ou sans répercussions directes sur la santé de l’homme), au bien-être animal, à l’hygiène, à la sécurité et à la qualité des aliments, ainsi qu’à la prévention des pollutions de l’environnement qui pourraient être liées aux activités d’élevage et de transformation. Elle revêt ainsi des enjeux sanitaires, environnementaux, mais aussi économiques et sociaux et se conçoit à différentes échelles : locale, régionale, nationale et/ou internationale.

Brève histoire de la santé publique vétérinaire

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Depuis longtemps, les hommes ont constaté que les aliments qu’ils consommaient pouvaient être dangereux pour leur santé, que les conditions de préparation et de conservation de la nourriture avaient une influence sur leur salubrité, notamment pour les produits d’origine animale (produits laitiers, œufs, viandes) et qu’ils pouvaient également transmettre des maladies[1]. C'est en France au XVIIIème siècle que, pour la première fois, une loi a confié la responsabilité de la santé publique aux maires, notamment dans les grandes villes, en les incitant à organiser une inspection systématique des animaux avant leur abattage, ainsi qu’une inspection des viandes. Les vétérinaires, issus des toutes récentes Ecole nationale vétérinaire de Lyon (VetAgro Sup depuis 2010) et Ecole nationale vétérinaire d’Alfort ont dès lors été impliqués pour apporter leurs connaissances sur les maladies animales. Ont ensuite été créés les premiers services vétérinaires, chargés d’assurer la sécurité sanitaire des aliments d’origine animale dans les abattoirs. Ces institutions créées au plus près des citoyens à la fin du XIXème siècle, se sont développées à l’échelle municipale pour l’inspection des denrées alimentaires, à l’échelle départementale pour la lutte contre les épizooties. Elles ont connu un réel essor à partir des années 1960, en fusionnant en une organisation étatique chargée de prévenir les grandes pathologies animales, notamment les zoonoses, et de garantir la salubrité des denrées alimentaires. Cette activité a été consacrée par le Code rural et de la pêche maritime sous le nom de santé publique vétérinaire[2].

Au cours du XXème siècle, l’augmentation de la population et le développement de l’élevage pour répondre à la demande mondiale, les évolutions de la recherche, de l’industrie agro-alimentaire et des technologies de transformation, de transport et de conservation des aliments ont élargi le champ de la santé publique vétérinaire. Le développement du commerce mondial des animaux, des végétaux et des produits qui en sont issus, a favorisé la circulation des dangers sanitaires à travers le monde, augmentant le risque pour les populations, les animaux et les cultures. Pour y remédier, les normes sanitaires internationales établies par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), le Codex Alimentarius et la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux (CIPV) ont été reconnues comme références par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour garantir la sécurité sanitaire du commerce international.

Depuis 1993, la réglementation de l’Union européenne (UE) unifie les règles d'élevage et de circulation des animaux de rente, les règles de production et les critères microbiologiques pour toutes les denrées d'origine animale et végétale, ainsi que les techniques d'inspection et de contrôle pour tous les états membres.

Aujourd’hui, les risques sanitaires ont considérablement évolué, et les méthodes d'analyse des risques et de contrôle également. De nouvelles préoccupations ont émergé, en lien avec les crises sanitaires telles que la crise de la vache folle, l’évolution de la règlementation par exemple sur la traçabilité des produits ou encore sur les limites maximales de résidus, ou encore, sous la pression de l’opinion publique, sur des sujets comme le bien-être animal. En plus des champs historiques de santé et protection des animaux et de sécurité sanitaire des aliments, de nouvelles composantes se sont donc ajoutées à la santé publique vétérinaire, notamment l’environnement, pour "produire sain, sans souffrance et sans nuisance"[3].

La santé publique vétérinaire aujourd’hui

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En 1997, l’Académie vétérinaire de France définissait la santé publique vétérinaire comme « l'ensemble des actions qui sont en rapport direct ou indirect avec les animaux, leurs produits et sous-produits, dès lors qu'elles contribuent à la protection, à la conservation et à l'amélioration de la santé de l'Homme, c'est-à-dire son bien-être physique, moral et social ». Le concept de santé publique vétérinaire plaçait alors les sciences vétérinaires dans les enjeux d’amélioration et de protection de la santé publique.

La nouvelle définition proposée par l'Académie vétérinaire de France en juin 2021 témoigne d’une évolution et d’une ouverture de la notion de santé publique vétérinaire notamment en faveur d’une intégration croissante des problématiques environnementales en lien avec des attentes sociétales en forte augmentation dans ce domaine, face à des enjeux désormais incontournables. La santé publique vétérinaire est aujourd’hui redéfinie comme « l’ensemble des actions collectives, principalement régaliennes, en rapport avec les animaux sauvages ou domestiques, leurs services, et leurs productions entrant notamment dans la chaine alimentaire, qui visent à préserver les santés humaine et animale – y compris l’état de bien-être – et la santé des écosystèmes. Elle contribue ainsi au développement durable et à la mise en œuvre du concept « Une seule santé »[4].

Pour répondre aux enjeux sanitaires, la santé publique vétérinaire tend donc vers une approche intégrée de la santé humaine, de la santé animale et de la santé des écosystèmes, s’inscrivant ainsi dans l’approche « Une seule santé », également appelée « One Health ». Elle s’intéresse à la fois à la santé animale (avec ou sans répercussions directes sur la santé de l’homme), au bien-être animal, à l’hygiène et à la sécurité et à la qualité des aliments dans une approche transversale dite « de la fourche à la fourchette » ou « de l’étable à la table » compte tenu de l’impact de la santé animale, de l’hygiène et de l’environnement sur la sécurité sanitaire des aliments. La santé publique vétérinaire s’intéresse également à la prévention des pollutions de l’environnement qui pourraient être liées aux activités d’élevage et de transformation.

La santé publique vétérinaire se conçoit à différentes échelles, en fonction des problématiques sanitaires : locale, régionale, nationale et/ou internationale et doit sans cesse adapter ses missions à l’évolution des enjeux sanitaires. Pour cela, elle s’appuie sur un réseau d’acteurs, et notamment la recherche dans différentes disciplines : épidémiologie, microbiologie, écologie et sociologie. Si les intérêts des acteurs impliqués peuvent différer, leur objectif final est commun : préserver la santé de l’Homme, des animaux et des écosystèmes. La santé publique vétérinaire revêt des enjeux sanitaires, environnementaux, mais aussi économiques et sociaux.

Des enjeux multiples

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Enjeux sanitaires

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Liés aux maladies animales

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Aujourd’hui près de 60 % des maladies infectieuses et au moins 75 % des maladies émergentes chez l’homme sont d’origine animale. Le changement climatique, l’urbanisation, l’intensification du commerce international sont autant de facteurs favorisant l’émergence de nouveaux agents pathogènes, ce qui constitue une menace réelle pour la santé humaine et la santé animale. Plus de 400 nouveaux pathogènes (virus, bactéries, protozoaires, champignons et autres micro-organismes) sont apparus chez l'homme au cours des cinq dernières décennies.[5]

La lutte contre les maladies animales constitue une mission régalienne, qui réunit autorités de santé publique vétérinaire, scientifiques, professionnels (éleveurs) et vétérinaires. Les services de santé publique vétérinaire, et en particulier les inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV), sont notamment en charge de la mise en place d’une surveillance efficace, qui permet la détection précoce des maladies ainsi que la déclinaison des politiques de prévention. Elle constitue un outil indispensable d’anticipation des crises sanitaires. L’évaluation scientifique du risque permet aux autorités d’élaborer et mettre en œuvre des politiques de prévention et de gestion du risque adaptées aux différents types de dangers sanitaires, en application de la réglementation européenne. Dans le domaine de la santé animale, l’UE a défini une liste de dangers sanitaires catégorisés selon leur impact sanitaire (en particulier pour les maladies animales transmissibles à l’Homme, les zoonoses) ou économique, distinguant les maladies qui doivent faire l’objet de mesures d’éradication, de contrôle (volontaire ou obligatoire), de déclaration et/ou de surveillance.

Par exemple, la fièvre aphteuse, l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), la tuberculose bovine ou encore la rage représentent des dangers sanitaires majeurs et entraînent des mesures d’éradication en cas d’apparition sur le territoire européen. En France, certaines maladies comme la fièvre aphteuse, la peste porcine africaine ou encore la fièvre de la Vallée du Rift font l’objet d’un plan national d’intervention sanitaire d’urgence (PNISU). Ce plan définit les principes d’organisation et les moyens à mobiliser par les autorités sanitaires départementales, régionales et nationales en cas de suspicion ou de confirmation d’un foyer.

Focus : La rage, un risque toujours d’actualité :

-       tue une personne toutes les 10 minutes dans le monde (une fois les symptômes apparus, la rage est toujours mortelle),

-       la rage canine est endémique dans de nombreux pays,

-       officiellement indemne depuis 2001, la France est néanmoins confrontée régulièrement à des cas de rage chez des carnivores domestiques importés illégalement,

⇨      les vétérinaires praticiens ont un rôle de sentinelle fondamental : lorsqu’un cas de rage est suspecté chez un animal, les services locaux de santé publique vétérinaire doivent en être informés, car ce sont eux et notamment les ISPV qui prennent le relais, pour une gestion rapide, efficace et adaptée du cas, en collaboration avec les services de santé humaine.

Liés aux aliments

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Les aliments peuvent également présenter un danger si leur qualité sanitaire n’est pas garantie. Chaque année, des cas de toxi-infections alimentaires (TIA) de gravité variable sont recensés, pouvant aller de symptômes gastro-intestinaux légers à l’hospitalisation, voire le décès. On parle de toxi-infection alimentaire collective (TIAC) lorsqu’apparaissent au moins deux cas d’une symptomatologie similaire dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire. De nombreux agents pathogènes peuvent en être à l’origine, parmi lesquels : Escherichia coli, Salmonella sp., ou encore Listeria sp. En France, le nombre de TIAC était en augmentation de 9% entre 2018 et 2019. 1783 TIAC ont été déclarées en 2019, affectant ainsi 15641 personnes ; 4% d’entre elles, soit 609 personnes, ont été hospitalisées ou se sont présentées aux urgences, et on dénombre 12 décès[6]. Les services dédiés à la santé publique vétérinaire sont impliqués dans la gestion de ces risques sanitaires qui sont des maladies à déclaration obligatoire, en participant au recueil des déclarations de TIAC en collaboration localement avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) et au niveau national avec les services du ministère de la Santé, en menant des enquêtes sur les produits incriminés, et en veillant à l’application des mesures de retrait-rappel appropriées par les industriels concernés si besoin.

Enjeux économiques

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Les maladies animales représentent un enjeu économique direct et souvent considérable pour les éleveurs, générant des coûts de traitement et des pertes d’animaux, notamment lorsque des mesures d’éradication sont mises en œuvre et que la totalité des animaux des élevages concernés sont abattus, même si des mesures d’indemnisation sont prises dans ce cas par les services départementaux.

Outre ces pertes directes pour les éleveurs, les épizooties ont des conséquences à l’échelle nationale, en raison des pertes liées au commerce des animaux ou de leurs produits, dans un contexte de mondialisation et d’augmentation des échanges internationaux. 

Les pertes économiques correspondent aux coûts de la recherche, des traitements, de la mise en place de politiques de prévention et de lutte, de la baisse de la productivité et des ressources alimentaires ainsi que celles liées aux restrictions des échanges commerciaux. L'exemple actuel de la peste porcine africaine illustre parfaitement l'impact économique d’une crise sanitaire.[7]

La sécurité et la qualité des aliments revêtent aussi des enjeux économiques, puisqu’il s’agit d’éviter l’exposition du consommateur en retirant du marché les produits dangereux ou susceptibles de l’être en cas d’alerte sanitaire sur un ou plusieurs produit(s), de maîtriser les flux de contaminants (pathogènes et chimiques), ou encore de lutter efficacement contre certaines maladies humaines chroniques liées à l’alimentation (surpoids, obésité, diabète…), notamment par des stratégies de prévention coûteuses.

Enjeux environnementaux

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Outre les enjeux sanitaires et économiques, la santé publique vétérinaire revêt des enjeux environnementaux complexes, qui englobent à la fois les impacts de l’environnement sur la santé humaine, la santé animale ou encore la santé végétale, mais aussi - et réciproquement - les conséquences des missions de la santé publique vétérinaire sur l’environnement. La crise sanitaire de la Covid-19 a fait émerger des interrogations sur notre rapport au vivant, et rappelle les liens étroits entre ces différentes composantes, fondements du concept One Health et de son approche transversale et interdisciplinaire des problématiques de santé.

Le nouveau plan stratégique 2021-2023[8] de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) entend incarner pleinement cette approche One Health, en proposant notamment d’accompagner les transitions alimentaires et agro-écologiques et de définir les politiques publiques qui concourent à̀ une alimentation plus sûre, saine, durable et de qualité́, accessible à tous.

Sur le terrain, les missions des ISPV intègrent une composante environnementale croissante. A titre d’exemple, ils assurent, en partie, l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui vise à prévenir et réduire les dangers et les nuisances liées aux installations industrielles et aux élevages, afin de protéger les personnes, la santé publique et l’environnement. Ils peuvent également intervenir sur des accidents industriels conduisant à des pollutions avec contamination chimique potentielle de denrées d’origine animale (lait, œuf, viande).

Enjeux sociétaux

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L’accès à une alimentation saine

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Face à l’accélération de la croissance démographique mondiale (la planète est passée de 2 à 8 milliards d’individus entre 1930 et 2020)[9], l’accès une alimentation saine pour tous est sans doute l’un des défis majeurs de demain. Sa réussite passe par la maîtrise sanitaire des maladies animales, le maintien de la durabilité des ressources ainsi que la maîtrise de la qualité alimentaire.

La qualité de l’alimentation est un enjeu de santé publique global, en termes de sécurité des aliments, mais aussi de qualité. Les enjeux sont multiples : TIAC, affections chroniques (obésité, diabète…), risque chimique dans l’alimentation… Des moyens importants sont mis en œuvre par les pouvoirs publics et les industriels pour améliorer la surveillance et le contrôle de la chaîne alimentaire, afin d’assurer un haut niveau de sécurité sanitaire des aliments au sein de l’UE. Cette haute exigence est d’autant plus importante que la sensibilité de la population aux risques liés à l’alimentation augmente, notamment pour ceux pour lesquels la conscience collective et la connaissance scientifique se sont récemment considérablement accrues : effets à faible dose des pesticides utilisés en agriculture, effet cocktail des substances chimiques ingérées en mélange, risques associés aux perturbateurs endocriniens, aux nano-ingrédients, craintes relatives aux organismes génétiquement modifiés (OGM), ou bien encore en lien avec des fraudes alimentaires qui ponctuent régulièrement l’actualité (par exemple la présence de viande de cheval dans des produits transformés à base de viande bovine en 2013, ou encore la présence d’un pesticide, le fipronil, dans des œufs de poule en 2017). 

La lutte contre la maltraitance et bien-être des animaux d’élevage

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Les Français sont de plus en plus attachés au bien-être des animaux d’élevage. Près de 90 % d’entre eux considèrent que ces derniers devraient être mieux protégés qu’aujourd’hui. La lutte contre la maltraitance animale fait désormais partie des priorités gouvernementales en matière de santé publique vétérinaire. La réglementation a évolué pour mieux prendre en compte l’animal en tant qu’être sensible ; elle concerne les animaux d’élevage, de compagnie, de loisir ou encore les animaux utilisés à des fins scientifiques[10]. En parallèle, les sanctions se sont renforcées et le délit de maltraitance animale a été étendu aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants selon la loi EGAlim[11].

Un Centre national de référence sur le bien-être animal (CNR BEA) a été créé en 2017, sous l’égide du ministère chargé de l’agriculture ; il est porté par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), en collaboration avec trois instituts techniques agricoles et les quatre écoles vétérinaires françaises. La Chaire bien-être animal, créée à VetAgro Sup en 2018, permet de faire notamment le lien entre les travaux de recherche du CNR BEA et la diffusion des connaissances.

Interdépendance de ces enjeux : illustration à partir de deux exemples

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La brucellose des bouquetins du Bargy

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En 2012, des cas de brucellose ont été détectés dans la population de bouquetins du massif du Bargy (Haute Savoie). Ils ont été identifiés comme origine probable de la contamination d’un cheptel bovin laitier, lui-même à l’origine de 2 cas de brucellose humaine[12]. Afin d’enrayer l’infection dans la population de bouquetins et d’éviter tout risque de reprise de la contagion et la transmission au reste de la faune sauvage et domestique, dont les cheptels de bovins et d’ovins présents dans la zone, des campagnes d’abattage sont régulièrement conduites. Depuis 2020, les campagnes d’abattage requièrent une capture préalable des animaux afin de réaliser un test sur les animaux vivants et de ne procéder à l’euthanasie que des seuls individus testés positifs, sur la base des recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de l’avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), en étroite collaboration entre les services en charge du sanitaire et de la gestion de la faune sauvage de la Préfecture de la Haute-Savoie, l’Office français de la biodiversité (OFB), et la société civile, notamment les associations de protection de la nature, fortement impliquées dans ce dossier.

Cet exemple montre l’importance d’une approche globale d’un sujet qui revêt de multiples enjeux, sanitaires, environnementaux et sociétaux.

L’antibiorésistance

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L’antibiorésistance est la propriété qu’ont certaines souches bactériennes de résister à des substances antibiotiques. On dénombre 5000 morts par an en France et 700 000 morts par an dans le monde aujourd’hui. D’ici 2050, la communauté scientifique craint de déplorer plus de 10 millions de morts à cause de ce fléau et n’exclut pas l’hypothèse d’une pandémie à venir liée à une bactérie multirésistante.

La lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu mondial de santé humaine et animale. En France, le plan « Eco-antibio » est une politique publique incitative lancée en 2012 par le ministère en charge de l’agriculture en lien étroit avec le ministère en charge de la santé et les acteurs professionnels, en particulier les éleveurs et les vétérinaires. En 8 ans, ce plan a permis de réduire de 45% l’usage des antibiotiques utilisés chez les animaux, pour préserver les propriétés thérapeutiques des antibiotiques en médecine vétérinaire et humaine.


Les enjeux de la santé publique vétérinaire sont donc multiples et souvent interdépendants. Pour y répondre, de nombreux acteurs participent, selon une organisation qui regroupe acteurs publics et privés autour du rôle central de l’Etat, et notamment des services dédiés à la santé publique vétérinaire.

L’organisation de la santé publique vétérinaire

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A l’échelle de la France : une mission de service public

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Rôles de l’Etat français

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Le cadre institutionnel
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Le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) encadre et assure les missions de santé publique vétérinaire qui sont des missions de service public. C’est en particulier la DGAL qui veille à la sécurité et à la qualité des aliments à tous les niveaux de la chaîne alimentaire mais aussi à la santé et à la protection des animaux et des végétaux, en coordination avec les services déconcentrés de l’État en départements (Directions départementales en charge de la protection des populations (DDecPP)) et en régions (Directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt – Services régionaux de l’alimentation (DRAAF-SRAL)), ainsi qu’avec les différents acteurs concernés : organisations professionnelles agricoles, associations, consommateurs, etc. La DGAL élabore le dispositif juridique correspondant à ses missions et en contrôle l’application avec l’appui des services déconcentrés. Au niveau international, elle assure la promotion des modèles alimentaire, sanitaire et phytosanitaire français[13]. D’autres ministères collaborent avec le MAA dans ces missions, notamment le Ministère de la Transition Écologique (MTE), le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance et sa Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Rôles de l’Etat
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Réglementation
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L’Etat légifère en matière de santé publique vétérinaire, à partir de la réglementation européenne ou entreprend des actions ciblées. On peut citer comme exemple de réglementation française et d’action publique en santé publique vétérinaire la Loi EGalim (2018), dont l’un des objectifs est de proposer au moins 50% de produits sous Signe d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) en restauration collective, dans les cantines scolaires notamment, d’ici 2022.

Politiques publiques
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L’Etat conçoit et met en œuvre des plans d’action en lien avec l’amélioration des santés :

-         Plan Ecophyto : En réponse à une forte attente sociétale, ce plan découle d’une obligation européenne de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, pour réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et encourager les méthodes de lutte alternatives contre les espèces qui nuisent aux cultures.

-         Plan Ecoantibio : dont l’objectif était la réduction de l’usage des antibiotiques pour les animaux de production et les animaux de compagnie, en réservant certains antibiotiques dits « critiques » à la médecine humaine pour lutter contre le développement des phénomènes d’antibiorésistance


Ces textes et actions répondent à des orientations européennes et sont coconstruits avec de nombreux acteurs (associations de consommateurs, Conseil national de l'Alimentation (CNA), vétérinaires, organisations professionnelles, etc..) pour répondre à des attentes sociétales fortes.

Contrôles
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L’Etat assure le contrôle de la bonne application de la réglementation en vigueur dans le domaine de la santé publique vétérinaire. Les contrôles ont lieu tout au long de la chaîne alimentaire : lors de la production primaire, de la transformation, de la distribution, de la commercialisation et de la restauration. L’Etat assure aussi des missions de contrôle en bien-être et santé des animaux, en abattoirs notamment.

L’Etat atteste également du respect des normes sanitaires par un dispositif d’agrément sanitaire pour les établissements qui préparent, transforment, manipulent ou entreposent des produits d’origine animale ou des denrées qui en contiennent et qui les commercialisent auprès d’autres établissements. L’obtention de cet agrément est conditionnée par un contrôle préalable des services de l’Etat du respect des normes sanitaires en vigueur.

Les préoccupations en termes de santé publique vétérinaire couvrent aussi les denrées alimentaires, produits animaux et végétaux importés. Des contrôles sanitaires et phytosanitaires ont donc lieu aux postes de contrôles aux frontières. Leur nombre est passé de 3 à 8 pour assurer les contrôles supplémentaires à l’importation depuis le Royaume-Uni, dans le cadre du Brexit. Ces missions de contrôle font partie des compétences du corps des ISPV.

Certaines de ces activités de contrôle de l’Etat, ainsi que leurs résultats, sont disponibles publiquement. Le dispositif « Alim’confiance » rend ainsi accessible à tous les résultats des contrôles sanitaires et permet au consommateur de connaître le niveau d’hygiène ou de maîtrise sanitaire de tout établissement de la chaîne alimentaire. De plus, les produits qui proviennent d’un établissement agréé portent une marque d’identification de leur agrément. Cette estampille ovale, identifiable lors d’un achat en magasin, permet au consommateur d’identifier l’établissement de provenance du produit.

Sanctions
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En cas de non-respect de la réglementation, l’Etat impose des sanctions. Sous l’autorité du préfet, les ISPV ont en effet un pouvoir de police administrative et peuvent par exemple, en suivant la procédure, suspendre et demander au ministre en charge de l’agriculture le retrait de l’agrément sanitaire en cas de non-conformité majeure, ou encore retirer au détenteur la garde de ses animaux en cas de maltraitance. Ils ont également un pouvoir de police judiciaire et peuvent, à ce titre, dresser un procès-verbal et déclencher des poursuites judiciaires, par exemple en cas d’acte de cruauté envers un animal ou en cas d’agression physique d’un agent de l’Etat. Ils ont par ailleurs acquis récemment le pouvoir d’audition pénale libre.

Un réseau d’acteurs complexe et des notions-clés

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Le champ d’action de la santé publique vétérinaire est vaste et implique de nombreux acteurs, tels que l’Etat, l’Anses, des laboratoires d’analyses, les professionnels de l’agroalimentaire (éleveurs et industriels), les vétérinaires, les ISPV, ou encore les associations de consommateurs.

La formation spécialisée en santé publique vétérinaire des ISPV, de formation initiale vétérinaire ou ingénieure, est assurée par l’Ecole nationale des services vétérinaires – France vétérinaire international (ENSV-FVI), école interne de VetAgro Sup (ancienne Ecole nationale vétérinaire de Lyon). L’ENSV-FVI est également centre collaborateur de l’OIE et, à ce titre, centre de référence pour la formation de vétérinaires officiels étrangers. L’Institut national de formation des personnels du MAA (INFOMA) assure la formation initiale et statutaire des techniciens du MAA spécialisés « vétérinaire et alimentaire ». Ces deux établissements assument la formation continue des agents.


Pour fédérer les principaux acteurs de la santé publique vétérinaire, un HUB-VPH (Lyon Veterinary Public Health) a été créé à Lyon en 2020 et associe dix acteurs régionaux publics et privés, notamment la Métropole de Lyon, l’Université Claude Bernard Lyon 1 ou encore VetAgro Sup et notamment sa composante ENSV-FVI, avec l’ambition de devenir un centre de référence de dimension mondiale en santé publique vétérinaire.

 
Les services de l’Etat au service de la santé publique vétérinaire

Les différents acteurs de la santé publique vétérinaire participent notamment à former des réseaux de surveillance efficaces et ciblés. La surveillance, en santé publique vétérinaire, désigne les opérations systématiques et continues de recueil, de compilation et d'analyse des informations zoosanitaires, ainsi que leur diffusion dans des délais compatibles avec la mise en œuvre des mesures nécessaires[14]. Il existe trois plateformes d’épidémiosurveillance en France : la plateforme d'Épidémiosurveillance en Santé Animale (ESA), d’Épidémiosurveillance en Santé Végétale (ESV) et de la Surveillance Sanitaire de la Chaîne alimentaire (SCA).

La santé publique vétérinaire porte également les notions d’évaluation, de prévention, de gestion des risques et de communication sur ces risques.


A l’échelle européenne : une harmonisation de la réglementation

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Au sein de la Commission européenne, c’est la Direction générale de la Santé et des consommateurs qui est chargée de la mise en œuvre des politiques publiques de l’UE en matière de protection et d’amélioration de la santé publique. Elle veille à ce que l’alimentation au sein de l’UE soit durable et sûre, protège la santé et le bien-être des animaux d’élevage ainsi que la santé des cultures et des forêts.

En matière de sécurité sanitaire des aliments

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Entrée en vigueur au 1er janvier 2006, la réforme de la réglementation européenne relative à l’hygiène des aliments a simplifié et harmonisé les textes applicables dans l’UE. Cet ensemble de textes réglementaires, appelé « Paquet hygiène » ou « Food Law » concerne l’ensemble de la filière agroalimentaire depuis la production primaire, animale et végétale jusqu’au consommateur en passant par l’industrie agroalimentaire, les métiers de bouche, le transport et la distribution (« de la fourche à la fourchette »). Son objectif est d'harmoniser le niveau de sécurité sanitaire en impliquant l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire, soumis ainsi aux mêmes exigences, en officialisant la responsabilité des professionnels et en optimisant les contrôles des autorités sanitaires.

Plus particulièrement, la responsabilisation des professionnels passe par une obligation de résultats de la mise en œuvre du paquet hygiène. Le professionnel dispose du choix des moyens, et s’appuie sur les guides de bonnes pratiques d’hygiène et d’application des principes HACCP (Hazard analysis critical control point) ou système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques en français. En outre, la mise en place d’un système de traçabilité doit permettre de garantir une efficacité des rappels consommateurs et/ou retrait des lots de produits en cas d’alerte sanitaire.

En matière de santé animale

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Le règlement (CE) 2016/429 du 9 mars 2016, nommé « Loi santé animale » a établi à son tour des règles harmonisées minimales au niveau européen pour la prévention et le contrôle des maladies animales transmissibles entre animaux ou à l'homme. L’UE dispose ainsi d'une législation spécifique couvrant plusieurs maladies animales en fonction de leur impact sanitaire et économique potentiel. Ces règles précisent les responsabilités des acteurs, notamment l’obligation de notification, les méthodes de diagnostic ainsi que les mesures applicables en cas de suspicion ou de confirmation d’une maladie.

En matière de santé des végétaux

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La réglementation européenne relative à la santé des végétaux (règlement (CE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 a pour objectif de protéger le territoire européen face à l’introduction et la dissémination d’organismes nuisibles des végétaux. Cette protection vise les espèces cultivées et la flore sauvage, quel que soit le milieu (terres cultivées, forêts, espaces publics, environnement naturel…). 

En matière de contrôles officiels et de collaboration entre Etats membres

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La consolidation et l’harmonisation de la réglementation applicable en matière de santé animale, santé végétale et sécurité sanitaire des aliments (règlement n°2017/625 du 15 mars 2017) ont été accompagnées de la publication d’un nouveau règlement en matière de contrôles officiels, élargi notamment à la santé des végétaux et produits phytopharmaceutiques, la santé animale, le bien-être animal, les organismes génétiquement modifiés (OGM) et denrées issues de l’agriculture biologique ou commercialisés sous signes officiels de qualité. Ce règlement permet d’avoir une approche cohérente et harmonisée pour ces trois domaines, et prévoit notamment la réalisation de contrôles officiels et autres activités officielles dans les Etats membres, l’adoption de conditions auxquelles doivent satisfaire les biens entrant dans l’UE en provenance d’un pays tiers, le renforcement des modalités d’échanges entre Etats membres et le cas échéant avec la Commission pour s’aider mutuellement à gérer des non-conformités et suspicion de fraudes.

A l’échelle internationale

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Différentes organisations internationales interviennent dans le domaine de la santé publique vétérinaire, notamment la « Tripartite » formée par l’OIE, l’OMS et la FAO, auxquelles s’est ajouté en 2020 le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE) pour une meilleure prise en compte de la composante environnementale dans la gestion des problématiques sanitaires, selon l’approche One Health.

Cette mobilisation de forces internationales témoigne de la globalisation des enjeux en santé publique vétérinaire.



[1] https://snispv.org/qui-sommes-nous/nos-metiers/un-peu-dhistoire/

[2] Conseil général vétérinaire. Histoire des services vétérinaires français. Association amicale du Conseil général vétérinaire, 2006.


[3]  https://snispv.org/qui-sommes-nous/nos-metiers/un-peu-dhistoire/

[4]  https://academie-veterinaire-defrance.org/communiques-de-presse/communique-de-presse-2021-08-lacademie-veterinaire-de-france-revisite-la-definition-de-la-sante-publique-veterinaire

[5] http://www.vetagro-sup.fr/evenement/conference-une-seule-sante-en-pratique  

[6] https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/toxi-infections-alimentaires-collectives-en-france-donnees-annuelles-2019

[7] https://oiebulletin.com/?panorama=02-2-2-2020-1-economic-fr&lang=fr 

[8] https://agriculture.gouv.fr/la-dgal-fixe-sa-feuille-de-route-2021-2023-et-transforme-son-organisation

[9] https://www.iris-france.org/publications/geopolitique-de-lagriculture/  

[10] https://agriculture.gouv.fr/le-bien-etre-animal-au-coeur-de-nos-elevages#:~:text=Le%20bien%2D%C3%AAtre%20animal%20au,Agriculture%20et%20de%20l'Alimentation&text=La%20lutte%20contre%20la%20maltraitance,sa%20dimension%20d'%C3%AAtre%20sensible.

[11] https://agriculture.gouv.fr/egalim-des-mesures-pour-lutter-contre-la-maltraitance-animale

[12] ANSES, Mesures de maîtrise de la brucellose chez les bouquetins du Bargy, Rapport d’expertise collective, 2015.

[13] https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/alimentation/DGAL-RAPDAC-ENBREF-2013-Francais-WEB_cle486939.pdf

[14] Code sanitaire de l’OIE pour les animaux terrestres


[1]https://academie-veterinaire-defrance.org/communiques-de-presse/communique-de-presse-2021-08-lacademie-veterinaire-de-france-revisite-la-definition-de-la-sante-publique-veterinaire