Utilisateur:Raymond Delattre/Brouillon

Titre : Peuples et langues d'Europe Occidentale et Méditerranéenne dans l'Antiquité

   1°)LES PEUPLES SUPPOSES AUTOCHTONES

La pénétration indo-européenne en Europe occidentale et nordique fut nulle ou peu importante avant 2.000 av. C. Mais la seule langue pré indo-européenne qui subsiste en Europe Occidentale est le Basque, parfois classé comme langue caucasienne. Disparue mais connue par des inscriptions, la langue étrusque n’est pas indo-européenne, et son origine est probablement pélasge, avec des influences ligures. A la frontière avec l’Asie, des langues caucasiennes et le géorgien, tous deux non indo-européens, sont encore parlés : elles sont sans doute parentes de l’ibère occidental, qui a lui aussi disparu. Les langues finnoises concernent uniquement le nord de l’Europe, car le hongrois n’est apparu qu’au moyen-âge dans ce continent. La plupart des langues d’Europe Occidentale parlées au Néolithique ont donc disparu sans laisser de traces nettes. Si ce n’est peut-être certains noms de fleuves ou de régions dont l’étymologie nous échappe. La quasi-totalité des langues européennes d’aujourd’hui sont indo-européennes : leur origine n’est nullement autochtone, elle se situe dans les steppes eurasiatiques (Mongolie comprise) et dans leur pourtour proche. Les seules régions d’Europe qui appartenaient sûrement au domaine des premiers Indo-Européens sont les steppes du nord-est des Balkans, celles d’Ukraine et celles du sud de la Russie. Vaste domaine centré sur le Kazakhstan actuel, mais qui se présente surtout comme un désert vert. Le néolithique autochtone d’Europe Occidentale se résume à peu de choses : un peu d’élevage, une agriculture très rudimentaire. La survie reste surtout centrée sur des pratiques traditionnelles de chasse et de cueillette et la grande majorité de la population à cette époque mène encore une existence nomade. Ce sont des immigrés venus (par petits groupes ?) du Proche-Orient qui apportent dans leurs bagages de nouvelles semences, de nouvelles bêtes d’élevage, de nouvelles pratiques agricoles, la métallurgie du cuivre et des métaux précieux ; bref l’essentiel des connaissances et des techniques du Croissant fertile à cette époque. L’archéologie ne peut pas nous révéler qu’elles étaient les langues parlées par ces voyageurs. La littérature gréco-romaine donne à penser que ce furent surtout des Ibères et des peuples apparentés, donc des locuteurs de langues caucasiennes. A une époque plus tardive, des contacts maritimes fructueux vont naître en Méditerranée Occidentale avec des commerçants minoens, proto-phéniciens (des Cananéens de Byblos surtout) puis mycéniens (proto-grecs). Tout dans l’onomastique semble indiquer que les LIGURES sont indo-européens, même si leur culture l’est peu. Il doit s’agir de petits groupes d’Indo-européens qui ont dominé des populations autochtones comme ce fut le cas pour les ACHEENS en Grèce, les Luviens sur les côtes d’Anatolie ou les Mitanniens indo-aryens en pays hourrite (de langue caucasienne). Ils pouvaient donc être bilingues et s’intégrer beaucoup plus que ne le feront leurs successeurs italiotes, gaulois ou grecs à la société et aux coutumes locales. On peut leur attribuer la culture des mégalithes de l’âge du bronze. C’est dans le domaine du travail des métaux que leur apport aux populations locales a été le plus considérable. Ils introduisent aussi l’usage du char tiré par des chevaux.

L’expansion ligure correspond assez bien à ce qui devait constituer le territoire de l’ATLANTIDE. Des Ligures se trouvaient notamment, sous le nom de CYNETES, sur le site de Tartesse (Huelva), qui fut probablement le port commercial le plus important de cet empire atlante. Ils contrôlaient le commerce de l’étain (les IPSICORES des Cassitérides) et celui de l’ambre (les AMBRONS). L’ensemble de leurs peuples, comme plus tard les Gaulois, constituaient donc une puissance occidentale qui avait de quoi impressionner les Méditerranéens par sa richesse en métaux (or, argent, étain). Ils avaient aussi sûrement réussi à monopoliser à leur profit le commerce de l’ambre de la Baltique

Hérodote a signalé la présence de Libyens (=Berbères) en Europe. L’Atlantide est un mot berbère. Les mots grecs LIGUOI et LIBUOI se ressemblent beaucoup. Il est donc tentant de penser que les Ligures étaient des Berbères (qui auraient pu par la suite adopter une langue indo-européenne). En réalité, les Berbères n’ont sans doute été nombreux que dans la région de Tartesse, où ils ont peut-être joué un rôle prépondérant. Les Ligures sont certainement les premiers Indo-européens d’Europe Occidentale, venus d’Ukraine ou du Nord-Est des Balkans et arrivés au plus tôt vers -2500. Mais selon une expression consacrée chez les historiens, ils sont venus par vagues successives s’étalant sur de nombreux siècles. D’autres Indo-Européens leur ont succédé plus tard et ont pris leur place. L’espace ligure (impressionnant) s’étendait au moins du Jütland (les Ambrons)au sud du Portugal (les Cynètes)et du sud de l’Angleterre (les îles Cassitérides) au Nord de l’Italie en passant par la Bretagne, l’Aquitaine, le Languedoc, la Provence et les Alpes. Les écrits antiques ne permettent aucun doute à ce sujet. L’Elbe (Albis) était signalé aussi comme un fleuve ligure. J’ajoute que pour ma part, je considère que les langues germaniques et le gaélique descendent en droite ligne de dialectes ligures. Dialectes, car, sur un si vaste domaine, la langue n’a pas pu garder son unité. De plus les Ligures ne venaient pas tous du même endroit des steppes d’Europe de l’Est et cette unité de la langue s’était déjà un peu perdue dès le début. Les substrats indigènes locaux ont aussi fortement contribué à cette division. Mais ce qui semble sûr, c’est que ces dialectes se rattachent tous au groupe occidental de l’I-E (gaulois, germanique, italiote). Je précise que je distingue du groupe occidental un groupe central (grec, illyrien, slave, thrace), auquel la langue ligure n’appartient en aucun cas.


Si les Ligures ne sont donc pas non-indo-européens, les Basques, eux, le sont. L’origine de leur langue est certainement caucasienne, mais elle a subi de fortes influences du ligure. A tel point que certains auteurs considèrent le basque comme du ligure. Par la suite, le basque a fait beaucoup d’emprunts de vocabulaire à diverses langues indo-européennes, ce qui s’explique facilement par le fait que le pays basque est entouré entièrement par des pays indo-européens. Si les Basques ne sont pas tout-à-fait des Ibères (ce qui n’est pas sûr), il est certain qu’ils ne sont pas des Géorgiens. Le kartvélien est très différent des langues caucasiennes, et certains linguistes le considèrent aujourd’hui comme une langue particulière. Les Ibères du Caucase, qui sont le même peuple que ceux d’Espagne, ne parlaient pas non plus le karhtli, mais il est exact qu’ils ont dominé pendant un certain temps (sans doute après l’avoir envahi) un pays entièrement kartvélien. Donc le basque est bien, selon moi, à rapprocher de certaines langues du Caucase autres que le géorgien. S’il n’est pas ibère (langue morte qui nous est pratiquement inconnue autrement que par l’onomastique), il a du moins une parenté avec lui. Mais nous ignorons tout également du basque de l’antiquité, sans doute sensiblement différent de celui d’aujourd’hui.

	  Les Ibères eux-mêmes sont connus dans l’Antiquité comme étant originaires de l’Ibérie du Caucase. Ils ont peuplé certaines îles de la Méditerranée occidentale. Ils ont occupé tout le Sud de l’Espagne, ainsi que les côtes du Nord-est, la vallée de l’Ebre, les Pyrénées centrales et certains endroits du Languedoc (dont la région de Béziers). Ils ont conquis sur les Ligures le pays qu’ils ont nommé Aquitaine (avec un nom ibère). Mais le Languedoc a été occupé par les Gaulois (Volques). Enfin les Hibernes d’Irlande appartenaient sans doute à leur Nation. Les Ibères vivent souvent au voisinage de Ligures et il existe des groupes de tribus qui semblent issues d’un métissage entre eux (par exemple, les Vascons, les Elisyques, les Cantabres, les Aquitains). Chez d’autres nations, le mélange est triple : Gaulois + Ligures + Ibères (les Celtibères, les Lusitans et peut-être les Astures). La langue ibère est conservée dans des textes qui peuvent remonter jusqu’au –8eme siècle, mais ceux-ci ne sont nullement déchiffrés et conservent leur mystère. La présence d’une ville nommée « Sikani » (Sicanie) en Haute Mésopotamie semble indiquer que les Ibères du Caucase et d’Espagne pourraient être issus des Subaréens (qui ont précédé les Assyriens en Assyrie).    

La langue ibère et le basque ne ressemblent nullement à l’étrusque. Pour les Etrusques, des sources grecques donnent à penser que ce sont des émigrants pélasges du groupe tyrrhénien. Contrairement aux Ligures et Ibères, les Etrusques arrivent en Italie alors que les populations Indo-européennes y sont déjà établies (vers -1200, suite à la pression des invasions doriennes en Grèce?). L’hypothèse qui voit en eux un des « peuples de la mer » n’est pas en contradiction avec une origine pélasgique, bien au contraire ! Les seuls textes qui ressemblent à de l’Etrusque ont été découverts dans l’île de Lemnos. De nombreux Pélasges (notamment des Arcadiens et des Eoliens) avaient par ailleurs émigré en Italie, hors de l’Etrurie, à des époques plus anciennes.

Mais que signifie le mot « PELASGE » ? On ne dispose pas de textes de ces peuples, mais la langue grecque possède un abondant substrat pélasgique. On considère habituellement que ce fut la langue des plus anciens autochtones dont le nom est connu, en Grèce et en Mer Egée. Ce n’est pas une langue caucasienne. En réalité il s’agit plutôt d’une culture qui pouvait être partagée par des peuples de langues différentes (dont certaines seraient bien sûr parentes entre elles). On peut énumérer quelques groupes : les Eoliens, les Arcadiens, les Tyrrhéniens, les Aigaléens, les Emathiens, les Thesprotes et peut-être les Philistins… Ils étaient déjà acculturés à l’époque de la guerre de Troie (vers -1300) suite aux invasions indo-européennes en Grèce, en Illyrie et en Italie. Leur langue a sûrement été influencée très tôt par le ligure et le luvien, puis par le grec mycénien. Comme pour le basque, ce fait crée la tentation de voir dans le pélasge une langue indo-européenne. Considérés comme pélasges, les Tyrrhéniens possédaient peut-être une langue non parente de celles des autres membres de ce groupe culturel. En effet ils ne semblent pas être originaires de la Grèce, mais plutôt d’Asie (ils sont peut-être passés par le Nord de la Mésopotamie puis par Tyr et la Lydie). En Italie, leur langue, si particulière, possède paradoxalement un fort substrat indo-européen (ligure plutôt germanique, ombrien, latin). Et c’est par des inscriptions en Italie et non en Grèce ou en Lydie, que nous la connaissons. Elle s’y apparente peut-être à une sorte de pidgin. Nous ne savons donc rien des autres langues pélasges et nous ne savons pratiquement rien de la langue originelle des Tyrrhéniens, alors que l’étrusque commence à être bien traduit. C’est quand même en s’aidant de l’étrusque qu’on est parvenu à traduire l’unique inscription de Lemnos.


Quant aux ACHEENS, donnés habituellement pour Grecs, ils pourraient être une population double comme les Ligures : Indo-européens dominant des autochtones (des Pélasges, des Caucasiens) tout en faisant mine de les respecter, avec un possible bilinguisme. Les Achéens sont peut-être originaires d’Abkhazie, puisque les Abkhazes semblent avoir été nommés aussi Achéens par les Grecs. Ces Grecs auraient ainsi gardé le nom (comme patrie) d’un pays des steppes où ils auraient longtemps séjourné auparavant. Les Grecs qui succèderont aux Achéens quelques siècles plus tard, avec une culture toute différente, n’auront plus aucun ménagement pour les autochtones. Ils n’ont plus besoin de se mêler à eux, et se montrent très ethnocentriques, parfois même ethnocidaires (sous l’influence surtout des Doriens).