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Les Ducs de Bourgogne et Le "Prinsenhof" à Bruges

Si paradoxal que cela paraisse, c’est un fait que le commerce mondial de Bruges a grandi, côte à côte, avec la grandeur de la maison de Bourgogne. Quoique les exigences de la maison régnante aient opprimé les citoyens et détruit les chartes et les libertés de la vie, sa puissance politique, ses intrigues et ses immenses richesses ont placé les Pays-Bas à la tête du monde Occidental au Moyen-Age.

En ce temps-là, le commerce d’Outre-mer arrivait à Bruges par la petite ville de Damme, dont la fameuse écluse lui appartenait. Les grands vaisseaux déchargeaient leurs cargaisons sur d’autres, plus petit. Ceux de moindre tonnage poursuivaient pendant 4 ou 5 kilomètres, sur le Zwyn et guidés, tel un phare, par la tour de Notre-Dame, abordaient enfin au Waterhalle, à l’Est de la Grand’Place.

Ici, des commerçants venus, tant du Proche-Orient que des divers pays d’Europe, marchandaient non seulement les ballots de draps, principale matière du commerce flamand, mais la laine de l’Angleterre et d’Ecosse, les fourrures de la Russie et de la Tartarie, le beurre et les faucons de la Norvège, les vins fins, les olives et le safran de l’Espagne, les armures de l’Italie, le drap d’or, les soieries, les parfums et les épices de la Terre-Sainte.

Surmontant les Halles où chaque marchand avait son échoppe, le Beffroi, alors comme aujourd’hui, veillait sur la cité. Son carillon annonçait tantôt le triomphe, tantôt le désastre. De sa niche au-dessus du portail, Notre-Dame-des-Halles, objet de vénération pour les citoyens, protégeait, comme elle le fait encore, le marché.

La vie religieuse de la cité avait aussi sa place à son ombre. Les grands missionnaires, St. Amand, St. Boniface, St. Eloi et St. Donatien, avaient posé les fondements d’une foi et d’une dévotion encore augmentées par l’arrivée dans la ville de l’insigne Relique du Précieux-Sang, apportée de Jérusalem par Thierry d’Alsace, en 1147. Ce trésor, gardé précieusement dans son exquis reliquaire, la Chapelle du Saint-Sang, reste toujours, on peut le dire, le cœur même de Bruges.

De l’autre côté de la Place du Bourg, avoisinant la Chapelle, érigée au 9e siècle et dédiée à St. Basile et sur laquelle a été bâtie celle du Saint-Sang se trouvait l’ancien château des Comtes de Flandres.

Ainsi, l’inspiration religieuse de la cité, sa vie, le mouvement de son commerce et le siège de son gouvernement, étaient groupés à l’ombre du Beffroi, et encerclés par le Reie.

On a dit que si Jean II, roi de France, avait prévu le degré de puissance politique et de prospérité qu’atteindrait la Maison de Bourgogne, il n’aura jamais donné ce duché à son fils, Philippe le Hardi. Celui-ci, ayant épousé Marguerite, veuve de Philippe de Rouvre, une des plus riches héritières de son siècle, acquérait à la mort de son beau-père, des terres de Flandres, de Nevers et de Rethel. Il pouvait désormais rivaliser avec le royaume de France lui-même, dévitalisé qu’il était alors par la guerre de Cent Ans, et par la grande Peste.

Froissart nous dépeint la pompe et la prodigalité des ducs de Bourgogne. Quand le fils de Philippe et de Marguerite, Jean Sans Peur, fut fait prisonnier par les Turcs, on donna pour sa rançon une somme de 200.000 ducats, provenant en grande partie, de lourdes taxes, levées sur les Flamands. Froissart remarque que l’argent abondait dans les villes comme Bruges et Gand. Sur le chemin du retour, les prisonniers se sont arrêtés à Venise, où ils ont mené joyeuse vie. Il est aussi question de faucons de chasse, obtenus à grand prix de la Norvège et offerts avec des tapisseries d’Arras et du drap écarlate et cramoisi, au Sultan Bajuzet.

Philippe le Hardi est toujours resté français par le cœur et n’a visité que rarement les villes de Bruges et de Gand, mais sous son fils les choses ont changé de face. Les lys de France ont été écrasés par le lion de Bourgogne, et la brèche a encore été élargie par le meurtre de Jean Sans Peur en 1419.

Son fils, Philippe Le Bon, suivant la politique de son père, a consolidé les droits territoriaux des Pays-Bas. C’est pendant son règne qu’ a été construit à Bruges le superbe palais, connu sous le nom de « Prinsenhof » ou « Cour du Prince ». Toute la science architecturale, toutes les richesses artistiques de la période la plus brillante de l’histoire des Flandres y furent prodiguées. Composé de briques rouges et de lignes de pierre blanche, il avait un toit d’ardoises et éclairé par d’innombrables lucarnes et fenêtres à meneaux et à traverses. Le tout donnait, au sud, sur la Cour d’honneur, dont le grand portail, orné du blason des Ducs de Bourgogne et surmonté d’une statue de la Vierge et de l’Enfant s’ouvrait sur la rue Nord du Sablon. A gauche du bâtiment principal, se trouvait un haut donjon (ou tour carrée), surmonté d’un parapet hexagonal et d’une galerie pour les musiciens. Sur la façade, une grande horloge sonnait les heures. A droite, on voyait la Chapelle et la façade de l’oratoire particulier du Duc et de la Duchesse, avec une tour, couronnée de pierre blanche. Le tout formait un carré qui, pendant 500 ans, a gardé à peu près sa forme et ses limites.

A l’Est était la Monnaie, les fournaises et la maison du trésorier, dont il reste encore des traces dans l’actuelle rue de la Monnaie. A l’Ouest, la garde-robe, les cuisines, la boulangerie et les caves à vin donnaient sur la rue des Receveurs, ainsi que la salle des jeux et les fameuses salles de bains qui avaient environ 70 pieds de long et 30 pieds de haut.

Au Nord, s’élevait l’Hôtel-Vert, ainsi appelé à cause de la couleur de son toit, et qui était réservé à l’usage exclusif de Philippe Le Bon et plus tard à celui de son fils. Il donnait dans la rue des Marécages au bout de laquelle se trouve l’église St. Jacques, que Charles a souvent visitée et dont il a fait construire, en grande partie, la nef latérale sud.

Les écuries étaient remplies de chevaux, dons des rois de France, d’Angleterre, d’Espagne et de leurs ambassadeurs. Elles contenaient aussi de somptueux carrosses, dont un, tendu entière-ment de drap d’or.

Dans la ménagerie se trouvaient entr’autres, un lion (pour lequel la ville devait fournir trois moutons par semaine), et un petit ours apprivoisé, don de la ville de Mons. Les livres de compte parlent d’une grande quantité de rosiers, rouges et blancs, de cyprès, de cerisiers, des plantes de romarin, de lavande et d’églantiers, commandés par centaines, pour embellir les jardins, entourer le Jeu de Paume et donner une illusion nostalgique de la végétation luxuriante de la patrie. De fait, quand les vents d’automne, venus de la Mer du Nord, balayaient la ville, les Bourguignons ont dû soupirer après la douceur de leur propre climat où, dans un été prolongé, les vignes mûrissaient et le fleurs émaillaient les prés.

Tel était l’extérieur du Prinsenhof, l’ameublement intérieur ne lui était nullement inférieur en richesses artistiques. Comme dans toute demeure familiale, les générations successives, les événements y ont laissé leurs traces dont une souligne surtout l’influence exercée par le luxe de la Cour de France pendant ce 14è siècle, qu’on a pu appeler le siècle d’argent et de l’art. Philippe le Hardi, grand patron des peintres, des écrivains et des miniaturistes, a doté sa maison d’une belle bibliothèque : Jean Sans Peur y a ajouté des merveilles d’orfèvrerie, d’émaux et de tapisseries. Le mariage de Philippe Le Bon avec Isabelle de Portugal a été l’occasion de splendeurs encore accrues. La nouvelle salle de banquet, donnant sur le jardin fut ornée de tentures de drap d’or, cramoisies bleues et vertes, brodées aux armes ducales. Une superbe tapisserie représentait l’histoire de la Toison d’Or, nouvel Ordre de chevalerie institué par Philippe, en l’honneur de sa duchesse.

La chapelle, dédiée à St.Christophe, avec son grand vitrail, œuvre de Chrétien Van de Voorde, le premier des verriers brugeois qui ait tiré son inspiration d’un sujet légendaire, fut tendue de tapisseries racontant l’histoire de la Passion. L’oratoire privé du Duc et de la Duchesse était contiguë à la chapelle et avait vue sur l’autel.

Les brillants mariages politiques de leur fils, Charles, d’abord avec Catherine de France, ensuite avec Isabelle de Bourbon, amenèrent de nouvelles améliorations, de nouvelles magnificences. Mais le plus grand honneur de la maison de Bourgogne a été la princesse à laquelle Isa- Belle donna naissance en 1457, et de laquelle l’histoire nous a conservé le souvenir du charme et de la bonté : Marie de Bourgogne ! Petite enfant, elle a vécu surtout au Prinsenhof entourée de l’affection de sa mère et de sa grand-mère, à l’abri des terribles colères de son père qu’elle connaissait à peine. Elle n’avait que huit ans quand elle perdit sa mère, mais trois ans plus tard Charles épousa en troisième noce Marguerite d’York, à peine plus âgée que Marie, et qu’elle aimait comme une sœur. Les splendeurs fantastiques de ces noces ont étonné l’Europe - à plus forte raison une enfant de 11 à 12 ans.

Toits et planchers furent renouvelés : une autre salle de banquet fut construite et amenée (par voie d’eau) de Bruxelles et installée dans la salle du Jeu de Paume. Les chambres ornées de nouvelles tapisseries. Celle de Marie représentait des arbres forestiers, celle de Marguerite, dans laquelle on n’avait employé que du blanc, du rouge et du vert, les couleurs de la marguerite, narrait l’histoire de Lucrèce tandis que les tentures du lit étaient en drap d’or.

Le jour de son entrée triomphale, l’arrivée de la jeune princesse au Prinsenhof fut signalée par des vivats assourdissants, le son du tambour, de la trompette. Elle venait de parcourir, couronne en tête, les rues de la cité, décorée par Hugo van der Goes.

Alors commença une semaine de banquets, de fêtes, de joûtes et de tournois dont on dit que rien de pareil ne s’était jamais vu, sauf à la Cour du roi Arthur !


Le mariage d’une héritière telle que Marie de Bourgogne était un événement d’une importance internationale. Car, depuis l’âge de cinq ans, les prétendants, suscités par des intrigues politiques ou par les vastes ambitions de Charles, ne lui avaient jamais manqués. Celui qui, proposé par le Pape en 1463, était destiné à devenir en 1477, après bien des hasards, le mari de la jeune duchesse, était Maximilien d’Autriche. Le mariage eut lieu huit mois après la mort de Charles, devant Nancy.

Marie de Bourgogne hérita d’un royaume menacé par la France et exaspéré par le régime autocratique imposé par sa maison. Elle eut la sagesse de faire droit, autant que possible, aux réclamations des bourgeois et de leur rendre leur autonomie. Aussi Maximilien fut-il accueilli comme un libérateur qui leur apportait en outre l’appui de la puissance impériale. On écrivit en grosses lettres sur le Beffroi : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ». Hélas ! neuf ans plus tard, Maximilien était prisonnier dans le Craenenburg et Marie de Bourgogne n’était plus ! Les artistes brugeois qui avaient célébré et la richesse et l’instabilité de leur époque n’avaient eu que trop raison. La duchesse tant aimée, qui s’était toujours tenue en dehors des intrigues de son mari, qui s’était privée en faveur de son peuple dont elle partageait les joies et les douleurs, qui patinait avec les femmes de la ville sur le Minnewater, et suivait, pieds nus, la Procession du Saint-Sang, était morte tragiquement à l’âge de 25 ans ! Certaine matinée de mars, elle quitta le Prinsenhof pour une chasse au faucon dans les bois de Wijnendaele. Son cheval fit un écart, sa selle glissa et elle fut projetée sur un tronc d’arbre gisant sur la route. On la transporta d’abord au château de Wijnendaele, édifié au 11ième siècle, restauré à grands frais par Jean Sans Peur. Le lendemain elle fut ramenée en litière jusqu’au Prinsenhof. On eut d’abord quelque espoir de la sauver, mais dès le 25 mars, on ordonna des prières publiques dans toutes les églises, et le Saint-Sacrement fut porté processionnellement à travers les rues de la cité. Deux jours plus tard, la relique du Saint-Sang fut portée dans la chambre de la Duchesse où elle resta vingt-quatre heures. Mais le 27 mars, peu avant le couvre-feu, un gros cierge fut allumé au pied du lit de la mourante, toute la Flandre était en deuil. On embauma le corps et le déposa devant le maître-autel de Notre-Dame. Vingt ans plus tard on érigea sur sa tombe le superbe monument en marbre noir et cuivre doré, œuvre de Pierre de Beckere, orfèvre à Bruxelles. Le mausolée est une des gloires de Bruges. Marie ne porte d’autres bijoux que ses bracelets et une couronne à sept fleurons, posée sur un filet, garni de pierres précieuses. Ses mains, d’un modelage exquis, sont jointes comme pour la prière. Les armes des dix-sept provinces des Pays-Bas, avec ceux du Saint-Empire Romain, entourent le monument A la tête, une épitaphe en vieux français ; au pied les armes de Marie et de Maximilien. Les quatre Evangélistes font la garde aux quatre coins et sur les côtés des anges soutiennent des écussons, attachés par des ceintures bouclées, à un arbre généalogique. Plus tard, la tombe de son père, Charles le Téméraire, fut placée à côté de la sienne, avec laquelle elle ne peut cependant soutenir la comparaison. La première est d’un dessin médiéval souple et gracieux, fait entièrement à la main ; la seconde une œuvre de la Renaissance coulée en fonte, lui est bien inférieure. En plus de l’effigie sur sa tombe, les peintres brugeois nous donnent dans leurs tableaux bien des portraits de Marie de Bourgogne. Le plus beau est peut-être la Sainte-Catherine dans le « Mariage mystique » de Hans Memling, conservé dans le musée de l’Hôpital St.Jean. Sa magnifique jupe noire, bordée d’hermine et brodée d’ananas, déborde sur sa roue et sur le tapis posé devant la Vierge et l’Enfant. Elle a retroussé la bordure d’hermine sur sa manche de velours rouge, afin que l’Enfant puisse placer sur le troisième doigt de sa main gauche l’anneau nuptial. Ce sont bien les mêmes mains que nous avons vues, sans bague, sur sa tombe. C’est aussi la même figure : le nez légèrement retroussé, le front arrondi, la bouche fine et le menton, ferme et résolu.

On a cru trouver dans le roi à gauche, dans « l’Adoration des Mages », de Memling, le portrait de son père, Charles le Téméraire, dont les cheveux fauves se retrouvent adoucis chez son petit-fils le blond Philippe le Beau. Est-ce pour flatter le maître, que l’Enfant divin paraît faire plus attention à l’or que lui offre le Téméraire, qu’aux dons des deux autres roi-mages ? Il est aussi possible que Charles ait servi de modèle pour le « Saint-Georges » dans « la Madone avec l’Enfant Jésus », de Van Eyck, où les personnages sont posés devant un fond de ces riches tentures, bien connues aux peintres attachés à la Cour de Bourgogne. En 1497, Philippe le Beau amena sa femme Jeanne de Castille, au Prinsenhof, mais couronné peu après roi de Castille, il retourna en Espagne, où il mourût à l’âge de vingt-huit ans. Son cœur fut rapporté à Bruges et placé dans la tombe de sa mère. Son fils, le grand Charles Quint, avait seize ans quand, parmi des fêtes d’une splendeur inouïe, il fut créé à Bruges, Comte de Flandres. Mais sous tout cet apparat, couvaient l’anxiété et la détresse :

« Je ne voy que foles et folz…. « La fin s’approche, en vérité…. « Tout va mal ».

Le Zwyn s’envasait de plus en plus et devant le malaise général, les marchands étrangers quittaient la ville. Si même il en eut eu le désir, Charles était dans l’impossibilité de rendre à la cité sa prospérité première. Pendant la minorité de son père, on avait dilapidé les trésors bourguignons. L’Art Renaissance était venu supplanter l’Art flamand, déjà sur son déclin. La scène avait changé ; la Loire et l’Espagne avaient pris la place occupée jusque là dans le monde par les Pays-Bas.

En 1649, Philippe II d’Espagne vendit le Prinsenhof à un riche marchand, Roger de Ghelders. Celui-ci, qui regardait cet achat comme une affaire commerciale, commence aussitôt à bâtir sur le terrain. C’est pourquoi il ne reste plus guère de traces de son ancienne splendeur, ni même de la maison qui a abrité des personnages aussi dissemblables que Sir Thomas More, le Cardinal Wolsey, William Caxton, Jan van Eyck, Erasme, Juan de Vives…. En 1662, le Tiers Ordre régulier des Franciscaines anglaises firent l’acquisition de ce qui restait pour une somme de 2.000 florins.

La chapelle et le couvent furent dédiés à Notre Dame des Sept-Douleurs et les annales de la Maison font remarquer que cette dévotion était aussi celle de « Philippe I, roi d’ Espagne, qui naquit dans la petite tour ». Il a, en effet, fondé une Congrégation de Notre Dame des Sept Douleurs et une procession annuelle, dans laquelle on portait à St. Sauveur la statue de la Vierge, de grandeur naturelle.

Tout récemment, on a trouvé sur le mur de clôture du couvent actuel, quatre pierres de marbre blanc, en forme de losange qui, une fois nettoyées, s’avéraient être quatre stations du Chemin de la Croix, reliques de l’ancienne communauté des religieuses anglaises. Les religieuses anglaises sont restées au Prinsenhof jusqu’en 1794 et rentrèrent en Angleterre. Les révolutionnaires français qui occupaient la ville ont en grande partie, détruit le Prinsenhof et vendirent le reste. Pendant près de cent ans ce qui existait encore de l’ancien palais ducal était entre les mains de personnes privées. La ville réquisitionna la Cour d’honneur et y bâtit un bloc de petites maisons.

En 1888, les religieuses de la Retraite du Sacré-Cœur achetèrent la propriété à la famille van Caloen, elle ne comprenait que le bâtiment central et un petit jardin carré . A ce moment les fondatrices de la Société, deux françaises, Louise et Olympe de Montbault, se proposaient de continuer et de propager, sous la Règle de St. Ignace, l’œuvre des maisons de Retraite de Bretagne. La première maison en fut ouverte à Boulogne-sur-Mer en 1875, mais quelques années plus tard les lois édictées sur les Congrégations religieuses par un gouvernement anticlérical les obligèrent de chercher un refuge en Belgique. Depuis lors, le Prinsenhof est devenu Maison Mère et Maison du Noviciat.

L’œuvre principale des retraites fermées ne s’est pas implantée que difficilement en Flandres, où elle était inconnue. Treize ans s’écoulèrent avant d’obtenir, en 19O1, la permission de la commencer.

La pauvreté était extrême et pendant les premières années les obstacles furent nombreux. Cependant les groupes de femmes et de jeunes filles n’ont cessé de grandir, de sorte qu’en 1912, la maison s’est avérée nettement insuffisante. On suréleva donc l’aile droite et la dota d’une chapelle, au second étage et d’un certain nombre de chambres particulières, en plus du grand dortoir. Le travail à peine achevé, la première guerre mondiale éclata. Bruges fut occupée par les Allemands dès octobre 1914. En 1915 un incendie causé, à ce qu’on croit, par la chute d’une cheminée pendant une tempête, détruisit le toit et tout le quatrième étage. Le désastre eut été bien plus grand, sans le dévouement d’un régiment alsacien faisant partie de l’occupation et qui vint à la rescousse. En janvier 1917, l’autorité allemande réquisitionna la maison et en expulsa les religieuses. La chambre de Marie de Bourgogne servit de bureau à un Intendant allemand ! L’Armistice fut suivi d’une période de grande prospérité. La Société put acquérir, à droite, un grand jardin, à gauche dans la rue des Receveurs, la maison qui touchait à celle des retraites. Une bande de terrain, au bout du premier jardin étant à vendre, on l’acheta pour y bâtir une salle de conférences, pouvant contenir 150 personnes.

Par une singulière coïncidence, la Mère St. Benoît Labre, Supérieure de la Société pendant 41 ans, à qui elle doit son épanouissement, était aussi une « Marie de Bourgogne », son nom de baptême étant Marie et le lieu de sa naissance l’ancienne capitale de la province, Dijon.

Mais de nouveaux nuages s’accumulaient à l’horizon politique et en 1939 éclata la seconde guerre mondiale. Cette fois-ci, la communauté se dispersa, ne laissant au Prinsenhof qu’un petit groupe de religieuses belges. La maison ne fut pas occupée par l’ennemi, mais les bureaux de l’Hôtel de Ville s’y réfugièrent. Depuis on a beaucoup fait pour réparer les ravages, non seulement des ans, mais des deux guerres. Le « Prinsenhof » d’aujourd’hui peut presque rivaliser en étendue, sinon en magnificence, avec celui de Marie de Bourgogne, et on a l’impression d’y trouver encore quelques choses de son esprit, de sa grâce, de sa dignité. Certaines chambres sont encore, à l’ameublement près, telles qu’elle les a connues. La chapelle des retraites se trouve sur l’emplacement de celle de Saint-Christophe et de son oratoire privé. Au premier du bâtiment principal, sa chambre à coucher existe encore, avec son plafond orné de fleurs et de coquilles, rangées en cercles et en demi-cercles, et ses trois hautes fenêtres avec vue sur un jardin fleuri, qui de son temps était planté de cyprès avec des plate-bandes « à la française ». Une tour gothique moderne, à l’angle ouest de l’édifice lui donne du caractère. On y accède par une rue étroite, qui rejoint la rue Nord-du-Sablon.