Utilisateur:Leonard Fibonacci/Quo vadis

Domine, quo vadis ? (1602) par Annibale Carracci

Quo Vadis ? est une phrase latine qui signifie « Où vas-tu ? » L'utilisation moderne de l'expression se réfère à une tradition chrétienne se rapportant à l'apôtre Pierre. Selon les Actes de Pierre (Actes de Verceil XXXV[1]), Pierre est en train de fuir une possible persécution et alors qu'il atteint une porte de Rome, il rencontre Jésus ressuscité. Il lui demande alors « Quo vadis Domine ? (Où vas-tu Seigneur ?) ». Dans la traduction latine, Jésus lui répond : « Romam eo iterum crucifigi (Je vais à Rome pour être de nouveau crucifié) »[2],[3]. Pierre lui dit alors : « « Seigneur, seras-tu de nouveau crucifié[4] ? » Et le Seigneur lui dit : « Oui, je serai de nouveau crucifié[2],[3]. » » Pierre retourne alors à Rome, où il est immédiatement arrêté pour finalement être crucifié la tête en bas[5],[6].

L'Église de Domine Quo Vadis de Rome est construite au croisement des via Appia et Ardeatina où, selon la légende, Pierre et Jésus se sont rencontrés.

Dans la culture populaire modifier

L'écrivain polonais Henryk Sienkiewicz en a tiré un roman Quo Vadis: Un récit des temps de Néron (1895), qui a donné naissance à plusieurs films, dont la version de 1951 a obtenu huit Oscars. Pour ce roman épique et historique, Sienkiewicz a reçu le prix Nobel de littérature en 1905[7]

Ellen Burstyn dit cette phrase dans le film Alice n'est plus ici réalisé par Martin Scorsese qui lui a valu l'Oscar de la meilleure actrice en 1975.

Arrestation de l'apôtre Pierre modifier

Dans la version attribué à Linus des Actes de Pierre, l'épisode Quo vadis est situé entre deux arrestations de l'apôtre Pierre[8] effectuées par deux personnages appelés Agrippa et Albinus qui conjuguent leurs efforts pour l'arrêter et le jeter en prison. Agrippa est préfet et Albinus est qualifié « d'ami de César ». César ici, semble être Néron puisque l'ensemble du récit est situé sous cet empereur[9]. Bien que le texte prenne la précaution de préciser avant les mentions d'Agrippa et Albinus que « maintenant Pierre était à Rome », on ne peut s’empêcher de voir derrière Agrippa et Albinus le roi Agrippa II et Lucceius Albinus, le procurateur de Judée[10] de 62 à 64. La fonction du premier était en effet Préfet et vu les postes dont il a bénéficié il est tout à fait vraisemblable qu'Albinus ait pu se parer du titre d'« ami de César »[11].

Dans les Actes des Apôtres, l'apôtre Pierre est arrêté sur l'ordre d'un dirigeant désigné sous le nom dynastique « Hérode », sans plus de précisions, avant la relation de la mort du roi de Judée Agrippa Ier (44). Il a donc été émis l'hypothèse que l'Albinus des Actes de Pierre ait pu être Lucceus Albinus[10] et que l'arrestation de Pierre, suivi de son évasion, qui est placé avant la mort d'Agrippa Ier dans les Actes des Apôtres aurait pu en fait avoir lieu sous Albinus et Agrippa II[11]. Les historiens ont en effet de multiples raisons de penser que cet épisode n'a pas été placé au bon endroit du récit des Actes des apôtres et se situe en tout cas après la mort d'Agrippa Ier. Pour les besoins de sa démonstration, l'auteur des Actes des Apôtres, aurait placé la totalité des éléments provenant de sa source « pétrinienne » (écrite par un disciple de Pierre) au début du récit. Les spécialistes estiment en effet que le but de l'auteur des Actes est de montrer que Rome doit prendre le relais de Jérusalem, que les chrétiens issus du polythéisme doivent prendre le relais des « Juifs ». En plaçant ainsi, l'ensemble des actes de Pierre au début du récit, Paul qui devient le seul héros de l'histoire à partir de ce moment là, devient aussi le continuateur de Pierre.

Si cette interprétation est exacte, nous aurions l'explication de l'évasion miraculeuse de Pierre décrite dans les Actes des Apôtres. En effet, les Actes de Pierre indiquent que la très belle femme d'Albinus qui est chrétienne organise l'évasion de l'apôtre Pierre[9]. « L'ange » qui, dans les Actes des apôtres, vient délivrer Pierre dans sa prison serait « l'envoyé tout à fait sûr[12] » que la femme d'Albinus envoie dans les Actes de Pierre. Dans les années 80-90, il est décrit comme un ange pour ne pas le mettre en péril alors qu'il a délivré un prisonnier qui était promis à la mort. Les Actes de Pierre, écrits alors que tous les protagonistes sont morts, n'ayant pas la même obligation de discrétion, nous en disent un peu plus en révélant l'action de la femme d'Albinus et en nous donnant le nom de Marcellus, « le fils du Préfet Marc », ainsi que le nom de deux geôliers chrétiens. En revanche, il semblait encore interdit de dire que Pierre était retourné en Palestine après la mort de Jacques le Juste (61/62), d'où le célèbre épisode du Quo vadis raconté dans ces Actes de Pierre.

Pierre est ensuite à nouveau arrêté un peu plus tard et finit crucifié la tête en bas[9].

Jude à Damas modifier

Dans les Actes de Paul, ce dernier précise qu'à Damas, le Jude qui l'a « introduit dans la grande église[13] (église signifie assemblée des croyants) » est « Jude le bienheureux, le frère du Seigneur[13] » qui lorsqu'il l'a « jugé digne du ministère de la parole[13] », l'a encouragé à parler « aux frères ». Il s'agit probablement du même Jude qui dans les Actes des Apôtres héberge Paul « dans la rue Droite (Ac 9:11) » jusqu'à ce que son « aveuglement » cesse (Ac 9:12-18) et qu'il reconnaisse que Jésus est le Messie annoncé dans les sources juives[14].

Notes et références modifier

  1. The Acts of Peter, by M. R. James
  2. a et b Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, Actes de Pierre, Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 1108.
  3. a et b Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, La passion de Pierre (dite du Pseudo-Linus), Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, 1997, p. 723.
  4. On trouve aussi une référence à cet épisode dans les Actes de Paul. Alors que Paul de Tarse vogue vers Rome où il finira exécuté, Jésus lui apparaît et lui dit aussi « Paul, je vais être crucifié une deuxième fois » ; Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, Actes de Paul, Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 1169.
  5. Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, Actes de Pierre, Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 1108-1113.
  6. Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, La passion de Pierre (dite du Pseudo-Linus), Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 723-730.
  7. Kinga Joucaviel (éd.), Quo vadis ? : Contexte historique, littéraire et artistique de l'œuvre de Henryk Sienkiewicz, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, , 156 p. (ISBN 9782858167661, lire en ligne), p. 153
  8. Dans la version de Verceil des Actes de Pierre, la très belle femme d'Albinus se contente d'avertir Pierre qu'il va être arrêté ; Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, Actes de Pierre, Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 1108.
  9. a b et c Santa Barbara Christine M. Thomas, The Acts of Peter, Gospel Literature, and the Ancient Novel, Santa Barbara Christine M. Thomas Associate Professor in the Department of Religious Studies University of California, p. 55-57.
  10. a et b Santa Barbara Christine M. Thomas, The Acts of Peter, Gospel Literature, and the Ancient Novel, Santa Barbara Christine M. Thomas Associate Professor in the Department of Religious Studies University of California, p. 58. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Santa Barbara_58 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  11. a et b Santa Barbara Christine M. Thomas, The Acts of Peter, Gospel Literature, and the Ancient Novel], Santa Barbara Christine M. Thomas Associate Professor in the Department of Religious Studies University of California, p. 59.
  12. Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, La passion de Pierre (dite du Pseudo-Linus), Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, 1997, p. 720.
  13. a b et c Collectif, Écrits apocryphes chrétiens, Actes de Paul, Pierre Geoltrain (Dir.), Bibliothèque de la Pléiade, no 442, Tome 1, 1997, p. 1152.
  14. Nouveau Testament, Actes des Apôtres, 9, 11-18.