Utilisateur:Gabriel Wegrowe/Brouillon

Old-Kanembu, Tarjumo
Période Traces au XIIe siècle, encore utilisée aujourd'hui.
Région Lac_Tchad, Royaume du Kanem-Bornou, Nigeria
Typologie SOV
Écriture Modèle:Adjami
Classification par famille
{{|nilo-saharienne langues kanouri
Codes de langue
ISO 639-3 txj
Type langue ancienne, langue menacée d'extinction.
Glottolog tarj1235
Échantillon
Q. 2:260

Old Kanembu : näbi Ibräm-ye gulji

Traduction : Ibrahim a dit.

L’Old-Kanembu, ou Tarjumo-Kanembu selon son nom arabe est une langue classique et liturgique appartenant à la famille nilo-saharienne (catégorie contestée[1])[2]. Le Tarjumo-Kanembu est parlé par les lettrés musulmans dans l’Etat actuel du Borno depuis la migration du Kanem à l’ouest du lac Tchad datant du XVIe et XVIe siècle AEC. Il s’emploie dans le cadre de l’oralité coranique de l’Afrique Sahélienne et dans la tradition des manuscrits adjami[3]. Dans la situation de diglossie entre l’arabe littéraire et le kanouri des communautés savantes du Kanem-Bornou, le Tarjumo-Kanembu sert spécifiquement à l’interprétation et à l’analyse grammaticale des textes sacrés en arabe[4]. Le Dr Bondarev le décrit ainsi comme un métalangage sans visée communicative[5]. Le Tarjumo-Kanembu a été inventorié pour la première fois dans une publication en langue européenne par Isa Umara Tela en 1994.5

L’essor d’une forme d'exégèse spécifique au Kanem-Bornou

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L’apprentissage coranique à été propagé, par des lettrés importants dans le monde musulman, au palais de la dynastie Sayfawa du Kanem à partir du XIIe siècle AEC[6]. En conséquence, les lettrés et enseignants des sciences coraniques bénéficièrent du financement de la cour ainsi que de nombreux privilèges reconnus par des chartes (Marham)[7]. En retour, l’université islamique Al-Azhar du Caire institua une école (madrassa) dédiée aux étudiants Kanouri au XIIIe siècle[5]. C'est ainsi dans un contexte favorable à la transmission et à la découverte de savoirs sur le coran que la pratique du Tarjumo-Kanembu fut instituée[5]. En conséquence, les plus anciens manuscrits de Tarjumo-Kanembu découverts témoignent d’un usage relativement stable du commentaire de texte[5]. Malgré les changements linguistiques impliqués par la migration de la cour au sud-ouest du lac Tchad, dans la région du Bornou, la pratique du Tarjumo-Kanembu se renforça et s’étendit à de nouvelles familles lettrés au cour des XVIIe et XVIIIe siècle de notre ère[5].

Une tradition menacée par l’agression coloniale.

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Les manuscrits en caractère adjami du Sahara-Sahel central étaient connus par certains des missionnaires anglicans de la Church Missionary Society à la fin du XIXe siècle[8]. Cependant, lorsque les colonisateurs français et britannique installent leur occupation dans le bassin du Tchad au début du XXe siècle, ils dénient ou répriment les savoirs, les écrits, ou les modes d'enseignements des peuples conquis[9]. Au XXIe siècle, les legs intellectuels des politiques culturelles coloniales ont eu pour effet de marginaliser les études coraniques du Borno. En conséquence, le Tarjumo-Kanembu est considéré comme une langue menacée[10]. La découverte de par le Dr Umara Tela[11], puis sa description par le linguiste Dimitri Bondarev, auteur d'un dictionnaire du old Kanembu[12], s'inscrit dans l'engagement d'une génération de chercheurs contre l'héritage colonial occidental[9].

Une langue en usage

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Le Tarjumo-Kanembu est encore pratiqué au Borno, en particulier dans la capitale Maidaguri. Sa valeur religieuse et patrimoniale demeure appréciée dans la société kanouri[5]. En effet, élément central du cursus supérieur des études classiques (sangaya), le prestige associé à sa maîtrise est une marque de distinction pour les familles lettrées du Borno actuel. Il s’emploie en public lors de performances d’exégèse du texte coranique (Tarjumo) à l’occasion d'évènements importants comme les concours de compositions poétiques en langue arabe (qasīda), ou lors des invocations ou des récitations du mois de Ramadan[5].

Un système interprétatif

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Les communautés savantes du Bornou utilisent l’Old-Kanembu comme un outil d’interprétation coranique spécifique dans le cadre de la pratique du manuscrit adjami sahélien[13]. Les notations en Tarjumo-Kanembu font ainsi l’objet d’un système codifié. Certaines le suivent sur la même ligne que le texte commenté, d’autres sont entre les lignes et certaines se situent dans les marges selon le type d’analyse souhaité[14]. Elles s’accompagnent souvent de citations d’exégèses d’autorités en langue arabe. Mêlant la traduction et l’explication et l’interprétation, l’Old-Kanembu explore la manière dont les changements de code linguistique affectent la cognition d’un texte[5].

Un emploi oral performé

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Bien que pratique écrite, le Tarjumo-Kanembu est lié à une performance exégétique. Elle s’inscrit dans le continuum entre l’écrit et l’oral qui caractérise l’oralité sahélienne. La performance du Tarjumo mobilise un feuilleté d’expressions linguistiques, selon un protocole acquis à la suite d’un long apprentissage. Le coran est premièrement récité depuis la mémoire du lettré, en commençant en général par les dernières sourates. Lus d’abord par petits morceaux, elles sont découpées en unités de sens pour permettre l’analyse par la citation d’un commentaire (Tafsīr) provenant d’un exégète classique comme le Tafsīr al-Jalālayn écrit par Jalāl ad-Dīn as-Suyūṭī (1505 AEC) qui se tient sur un support papier devant le récitant. Découpées phrase par phrase, les unités de sens sont ensuite traduites et analysées en Tarjumo-Kanembu. Le lettré adapte à son public sa récitation en réduisant la lecture du tafsīr, selon l’importance de l’événement. Dans les récitations moins officielles, où l’enjeu de la compréhension de l’audience est plus important, la récitation est entrecoupée de commentaire en langue vernaculaire Kanouri[5].

Programmes de recherche

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L’Ajami Lab de l’université de Hambourg.

Le programme européen ERC Langarchiv :

La collection numérique de L’École des études orientales et africaines (SOAS)

  1. Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? le mythe d'origine de l'Occident, Paris, Seuil, , 741 p. (ISBN 978-2-02-029691-5)
    L'ouvrage démontre que la représentation phylogénétique des langues repose sur des axiomes erronés.
  2. (en) Dimitri Bondarev, « Tarjumo »  , sur Glottolog, (consulté le )
  3. (en) Tamari Tal et Dimitri Bondarev, « Introduction and Annotated Bibliography / مقدمة وثبت المراجع », Journal of Qur'anic Studies, vol. 15, no 3,‎ , p. 1-55
  4. (en) Dimitri Bondarev, « Qur'anic Exegesis in Old Kanembu: Linguistic Precision for Better Interpretation / تفسير القرآن باالكانيمبو القديمة: الدقة اللغوية لتفسير أفضل », Journal of Qur'anic Studies, vol. 15, no 3,‎ , p. 56-57 (lire en ligne   [PDF])
  5. a b c d e f g h et i (en) Dimitri BONDAREV et Abba TIJANI, « Performance of Multilayered Literacy : Tarjumo of the Kanuri Muslim Scholars », dans Kasper JUFFERMANS, Yonas Mesfun ASFAHA et Ashraf ABDELHAY, African Literacies : Ideologies, Scripts, Education, Newcastle-upon-Tyne, Cambridge Scholars Publishing, , 395 p. (ISBN 1-4438-5833-1, lire en ligne), p. 115-140
  6. (en) Imam, Yahya Oyewole, « The Tradition of Qur’anic Learning in Borno / ‮يحيي اوياولي ٳمام، دراسة القرآن في بورنو‬  », Journal of Qur’anic Studies, vol. 2, no 6,‎ , p. 96 (lire en ligne   [PDF])
  7. (en) Ahmadou Bobboyi, « Relations of the Borno ʿulamāʾ with the Sayfawa Rulers: The Role of the Maḥrams », Sudanic Africa, no 4,‎ , p. 203 (lire en ligne   [PDF])
  8. (en) John Edward Phillips, « The Romanization of Hausa », dans Spurious Arabic : Hausa and colonial Nigeria, Madison, University of Wisconsin, , 110 p. (ISBN 0-942615-45-X), p. 31
  9. a et b (en) « An outline of a colonial historiography : Borno in the writing of Europeans », dans Abdullahi Garba, A HISTORIOGRAPHICAL STUDY OF BORNO, 1583 - 2007 (Thèse de doctorat), Sokoto, Usmanu Dan Fodiyo University, , 354 p. (lire en ligne), p. 105-138
  10. (en) « Tarjumo »  , sur Ethnologue, (consulté le )
  11. (en) Tela Isa Umara, The Importance of Tarjumo to the Development of New Terms in Kanuri (Thèse de Master), Maiduguri, University of Maiduguri,
  12. (en + et + langue non reconnue : trj) Dimitri Bondarev, « Old Kanembu-English Dictionary & Englsih-Old Kanembu Dictionary », non-publié,‎ (DOI 10.13140/RG.2.2.14739.04648  , This is a short dictionary of 947 entries in the Old Kanembu–English part and 959 entries in the English–Old Kanembu part. A result of fifteen years of intermittent work, it will form a supplementary resource for the descriptive grammar of Old Kanembu (forthcoming) and will be of help for students of Old Kanembu annotations in Qur’anic manuscripts from Borno (mid-seventeenth to late eighteenth centuries)., lire en ligne)
  13. (en) Dmitry Bondarev, Jörg B. Quenzer et Jan-Ulrich Sobisch, Manuscript Cultures: Mapping the Field, Berlin, München, Boston, De Gruyter, , 383 p. (ISBN 9783110225631, lire en ligne), p. 113-155
  14. (en) Dimitri Bondarev, A Typology of West African Ajami Manuscripts: Languages, Layout and Research Perspectives, Berlin, Boston, De Gruyter, , 1180 p. (ISBN 9783110753301), p. 711-728