Utilisateur:Felix.vary/Brouillon

Développement des sciences bibliothéconomiques

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La bibliothèque d’Alexandrie fut le lieu d’un changement de paradigme majeur au niveau de la conservation et de la transmission de l’information. Alors que la tradition orale était encore la méthode la plus utilisé pour enseigner et partager le savoir dans la culture grecque classique[1], les bibliothèques incluant souvent des lieux ouverts destinés à la lecture à voix haute, la mission de la bibliothèque d’Alexandrie de rassembler l’ensemble des écrits du monde entier dans un seul lieu créa un contexte favorable au développement du primat de la référence écrite[2]. Cette nouvelle vision de la conservation des connaissances créa plusieurs besoins, dont celui de la classification qui fut travaillé par Callimaque à l’aide de ses Tables[3], mais aussi l’enjeu de l’édition critique des textes.

La bibliothèque, ayant pour objectif de faire d’Alexandrie la capitale intellectuelle du monde hellénistique, se devait de copier l’ensemble des documents qui entraient en sa possession. Le musée devait donc contenir un atelier où des copistes travaillaient à la reproduction des textes acquis par l’établissement, mais aussi des savants qui avaient pour rôle de travailler à l’édition et à la traduction de ces mêmes textes[4]. Les documents étaient traduits vers le grec puisque la bibliothèque d’Alexandrie était un établissement grec ayant comme vocation la valorisation de la culture gréco-macédonienne[5].

Puisque la bibliothèque regroupait en son sein plusieurs fois le même document, mais contenant des traductions différentes et provenant d’époques et d’origines différentes, la question à savoir lequel devait être lu et considéré comme référence vit le jour. Certaines œuvres ayant été traduites à de multiples reprises, celles-ci avaient perdu certains détails et parfois même le sens premier du texte par l'alourdissements de celui-ci dû à des ponctuations différentes ou des tournures de phrase alambiquées[6]. Les chercheurs de la bibliothèque commencèrent donc à comparer les textes entre eux afin de reconstruire la version originale des textes et d’obtenir la version la plus authentique possible des œuvres, en particulier celles appartenant au canon littéraire de l’époque[7]. Le travail était fait avec tant d’éthique et de soucis du détail que plusieurs des textes nous provenant de l’Antiquité sont le résultat du travail des chercheurs de la bibliothèque d’Alexandrie[8]. C’est aussi à cette époque que commença à émerger le concept de canon littéraire, à savoir le corpus des classiques qui doivent être conservés et élevés au rang de texte incontournable. Parmi ceux-ci, on retient les poèmes homériques, les tragédies grecques ainsi que différents traités spécialisés de différentes disciplines[9]. La création de ce canon littéraire fit office de modèle au niveau de l’éducation à la culture lettrée à l’époque hellénistique et impériale[10].

C’est aussi entre les murs de la bibliothèque que s’élabore le concept de critique littéraire. Les savants ayant maintenant accès à une quantité gigantesque d’œuvres provenant de différentes cultures et époques, ils commencèrent à philologiser la connaissance par l’étude critique de ces textes, la gestion et le classement de ceux-ci, se positionnant en anthropologue de leur propre culture[11].

Dans un certain sens, c’est aussi à la bibliothèque d’Alexandrie que le concept de développement des collections à réellement commencé à être une des missions de la bibliothèque. En effet, l’acquisition de nouveaux documents n’était pas simplement organisée par la bibliothèque, mais bien par l’état[12]. Tous les bateaux accostant au port devaient, à la demande de l’administration royale, remettre les livres contenus dans le navire à la bibliothèque afin que les copistes travaillant dans les ateliers puissent en faire un double et remettre celui-ci aux propriétaires par la suite, intégrant de ce fait l’original à la collection de la bibliothèque. Certains documents importants vont aussi être prêtés à la bibliothèque par d’autres villes dans l’optique d’être recopiés pour ensuite être rendus au propriétaire, moyennant une caution substantielle. Les originaux du théâtre classique (Eschyle, Sophocle, Euripide) vont ainsi être prêtés à la bibliothèque d’Alexandrie par Athènes, mais Ptolémée III Évergète décidera d’abandonner sa caution de 15 talents d’or afin de conserver les originaux[13]. En plus de cette méthode d’acquisition, des envoyés spéciaux étaient dépêchés dans les différents marchés reconnus pour la vente de livre dans l’ensemble du bassin méditerranéen dans le but d’acheter des documents pouvant être pertinents pour la collection de la bibliothèque. Ces documents étaient par la suite traités par un service d’acquisition des documents afin de les cataloguer selon la classification élaborée par Callimaque[14].


[1] Jacob, C. (2018). Bibliothèques antiques. Humanisme, 320, 38-43. https://doi.org/10.3917/huma.320.0038

[2] Barbier, F. (2013). Chapitre 1 - Les origines antiques. Dans : , F. Barbier, Histoire des bibliothèques: D'Alexandrie aux bibliothèques virtuelles (pp. 19-48). Paris: Armand Colin. https://doi.org/10.3917/arco.barbi.2013.01.0019

[3] Cabanes, P. (2016). Fiche 31. Alexandrie d’Égypte. Dans : , P. Cabanes, Petit Atlas historique de l'Antiquité grecque (pp. 134-137). Paris: Armand Colin. https://doi.org/10.3917/arco.caban.2016.01.0134

[4] Barbier, op. cit., pp.19-48.

[5] Ibid., pp.19-48.

[6] (2022). En librairie: Dernières traductions. Books, 117, 90-94. https://doi.org/10.3917/books.117.0090

[7] Ibid., pp. 90-94.

[8] Barbier, F. (2020). Chapitre 1. Le livre dans l’Antiquité. Dans : , F. Barbier, Histoire du livre en Occident (pp. 15-35). Paris: Armand Colin.

[9] Barbier, op. cit., pp.19-48.

[10] Jacob, op. cit., pp. 38-43.

[11] Ibid., pp.38-43.

[12] Jacob, C. (2017). Chapitre 7. D’Athènes à Alexandrie. Dans : , C. Jacob, Géographie et ethnographie en Grèce ancienne (pp. 134-147). Paris: Armand Colin.

[13] Barbier, op. cit., pp.19-48.

[14] Ibid., pp.19-48.