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Hugo Bonamin est un artiste plasticien né à Paris le 4 août 1979. Il vit et travaille actuellement à Bruxelles. Son œuvre s’articule notamment autour des questions d’identité, de territoire et de collection.

Enfance

Hugo Bonamin naît à Paris durant l’été 1979. Son père est d’origine argentine et rejoint la France en bateau pour étudier l’architecture à Paris. Sa mère, également étudiante en architecture, est quant à elle franco-suisse. Dans un milieu familial propice au développement artistique, les activités picturales de son père conduisent le jeune Bonamin à s’exercer à la peinture. Durant son enfance, en marge de sa scolarité, il participe aux ateliers des arts décoratifs du Louvre et il fréquente ensuite les ateliers Nicolas Poussin de 1986 à 1993. Il fait, dit-il, «  l’expérience d’un langage en marge des mots qui ne le quittera plus »[1].


Jusqu’à ses 17 ans, Hugo Bonamin vit, avec sa mère et son beau-père américain, sur une péniche amarrée sur la Seine au pied de l’Institut du Monde Arabe. Dans les années 1980, et ce jusqu’au début des années 90, ce type de logement est un lieu de résidence précaire sans raccordement à l’eau ou à l’électricité.  À ses huit ans, en 1987, Hugo Bonamin installe une toute première exposition de ses œuvres sur cette péniche.  


En plus de l’atmosphère culturelle parisienne, les voyages façonnent la sensibilité artistique de Bonamin. Suite à une année d’échange scolaire dans les régions productrices de tabac de Caroline du Nord, sa peinture sort, dit-il, transformée en outil d'expression et de provocation. À ses 16 et 17 ans, il parcourt l’Europe et l’Inde en train. L’année suivante, il s’établit à Londres où il passe en candidat libre son baccalauréat scientifique.


Débuts à Buenos Aires

En 1999, Hugo Bonamin rompt avec son parcours éducatif et part à la recherche de ses racines argentines. Il s’établit alors à Buenos Aires où il s’adonne à la peinture à plein temps et devient artiste plasticien autodidacte. La recherche et la compréhension de ses origines, de ses filiations, parfois atypiques et complexes, façonnent une grande part du parcours et de la personnalité de l’artiste. À Buenos Aires, il rencontre notamment Oliviero Coelho, ami et collaborateur, qui écrira des textes pour ses futures expositions.

En 2000, Hugo Bonamin présente sa première exposition publique à la maison de l’état de Corrientes. L’année suivante, l’artiste expose au siège de l’alliance française à Buenos Aires[2]. Cette exposition, intitulée « Tierra de Vigilia », du nom d’un roman d’Oliviero Coelho, fait de nombreux échos dans la presse et sur les ondes radio[3]. La mort de Léopold Sédar Senghor marque « Tierra de Vigilia ». En effet, certains de ses poèmes, parmi d’autres pièces de poètes africains et internationaux, sont vidéo projetés dans l’exposition[4]. L’exposition se voit finalement interrompue par la crise économique argentine de 2001.  


En 2004, il devient résident de la galerie de Hernan Zavaleta, galeriste argentin, qui le propulse sur le marché grâce à la foire internationale de Buenos Aires et via une exposition individuelle à la galerie ZavaletaLab[5].


La Nuit Blanche de 2005 à Paris

En 2005, Hugo Bonamin est choisi pour investir l’église Saint-Merry lors de La Nuit Blanche[6]. Il y propose deux installations. La première, intitulée « Les chaises », utilise l’entièreté du mobilier de l’édifice religieux qui se trouve alors totalement évidé. L’artiste a agencé un rempart de chaises face au narthex et sur une partie de la nef modifiant ainsi complétement l’aspect intérieur de l’église. La seconde installation est située sur la place Stravinsky aux abords des fontaines de Niki de Saint Phalle et de Jean Tinguely. Cette installation, « La lutte », est une guirlande de sculpture en acier prenant la forme de personnages colorés. La Nuit Blanche de 2005 a attiré 200 000 spectateurs. Cette expérience forte marquera l’artiste et lui fera comprendre l’importance d’un rapport avec un public généraliste, qu’il recherchera par la suite.

De retour à Paris, Hugo Bonamin est en résidence à l’église Saint-Merry de 2007 à 2010. En 2008, il construit in situ «La coupole des concertistes », un abat-son placé dans la nef[7]. La coupole est peinte en son intérieur d’un grand portrait féminin. Ce type de portrait annonce le travail ultérieur du plasticien. Entre 2009 et 2010, l’artiste installe son atelier, ouvert au public, dans la chapelle du Saint-Sacrement de l’église.


Portraits fantômes

En 2010, Hugo Bonamin s’installe en Suisse à la poursuite de ses origines helvétiques.

Il y découvre l’influence culturelle exercée par divers grands noms de la culture paneuropéenne comme Rousseau, Dalì, Dostoïevski, Nabokov, Courbet, Byron ou encore Chaplin. L’artiste propose alors à la fondation du château de Chillon de créer des portraits en hommage aux personnalités littéraires ou artistiques liées au monument. Bonamin obtient dès lors un contrat de production et d’exposition de 3 ans durant lequel il réalise 23 portraits.

Entre juin et octobre 2014, le château de Chillon reçoit 250 000 visiteurs qui sont invités, sur leur parcours, à découvrir les portraits de l’artiste disséminés sur tout le site du château[8]. Bonamin a tenté de réactiver la présence de ces hommes illustres dans l’enceinte de la forteresse. Chaque portrait a fait l’objet d’un traitement unique. L’artiste explique : « Je me nourris de mes personnages en lisant leurs œuvres et l’histoire de leur vie. Je tente de saisir un esprit poétique »[9]. Par exemple, pour le portrait de Courbet, Bonamin a choisi comme source iconographique l’autoportrait du peintre, intitulé « Le désespéré » et réalisé entre 1843 et 1845.

Dans ses œuvres, Bonamin favorise l’effet vaporeux, fiévreux et flouté[10]. Les coloris et la violence des traits des portraits de l’artiste peuvent rappeler les œuvres de Francis Bacon : « Très vite, on s’aperçoit que ce n’est pas la peinture en soi mais l’interprétation que l’on en fait qui crée un lien entre ma peinture et celle de Bacon »[11]. Selon le critique d’art Marco Costantini, la méthode de Bonamin procéderait comme le « glimpse » de Willem De Kooning, qu’il définit comme un entre-deux : « entre abstraction et figuration,[…] un regard furtif et flou »[12]. Pour cette raison, la critique parle souvent de « portrait défiguré » dans l’œuvre d’Hugo Bonamin. L’exposition est accompagnée d’un livre monographique édité par Artpress et préfacé par le directeur du château de Chillon, Jean-Pierre Pastori.

Suite à « Portraits fantômes », et par le biais de Martin Debbané, professeur de psychologie à l’Université de Genève, les portraits défigurés de Bonamin vont intéresser les chercheurs sur la schizotypie. Ainsi, Debbané invite l’artiste à s’exprimer sur son travail lors de conférences[13] et  ses toiles illustreront diverses revues académiques telles que le Schizophrenia bulletin, publication de l’université d’Oxford et du Maryland[14].


Territoire et collection dans l’œuvre d’Hugo Bonamin

Alors qu’il s’est successivement installé à Berlin et à Bruxelles, Hugo Bonamin élabore depuis quelques années un dispositif sériel à caractère conceptuel puisant dans les mécanismes de la territorialité et du capital. L’artiste distingue deux types de territoires ; d’une part le territoire comme patrimoine et filiation, et d’autre part, le territoire comme espace de liberté et de conquête. À cette dernière notion de territoire en tant que possibilité d’émancipation, vient se greffer un désir de collection.

  • Composition de territoire  


En 2016, Hugo Bonamin réalise une installation en silicone intitulée « Mon territoire »[15]. L’œuvre prend la forme d’une étendue blanche dont la texture peut rappeler la peau humaine ou le moelleux d’un drapé. « Mon territoire » est évolutif :  chaque rencontre que l’artiste fera produira une nouvelle parcelle. Le plasticien conçoit cette démarche comme une conquête de territoire et une collection d’identités humaines. « Mon territoire » peut être lu comme une carte topographique où les creux et les gonflements de matière correspondent aux monts et aux vallées d’un vaste paysage. L’œuvre active un  travail de mémoire : l’artiste peut contempler matériellement les reliquats de l’étendue de ses conquêtes.

 

En peinture, Hugo Bonamin engage un combat de corps à corps avec la matière sur de grands formats. Enveloppé dans une combinaison blanche, Hugo Bonamin peint directement avec son corps. Dans un procédé qui n’est pas sans rappeler les « Anthropométries » d’Yves Klein ou encore l’action painting de Pollock, il transforme son propre corps en un pinceau géant et se plonge dans une vaste étendue de couleur noire. Sur la peinture, on devine les traces du corps de l’artiste au travers desquelles se décèle subrepticement le grain de la toile sous-jacente. Hugo Bonamin utilise pour ces toiles-ci deux média de même base (l’huile de lin), mais d’état et de densité différents. Ils ne peuvent donc pas se mélanger sans action mécanique. C’est là que l’artiste intervient pour faire interagir, malgré eux, les deux composants. Son action a pour conséquence principale la perturbation de cet équilibre chimique. La toile est la carte de l’action, résultat d’une expérience physique, aussi bien pour la matière que pour l’artiste lui-même qui s’installe directement dans son œuvre. Selon l’artiste, la toile serait comme une nouvelle ville qui vient de se créer et qui prend forme avec ses reliefs et ses creux. Pour renforcer l’impression d’un paysage à contempler de haut, Bonamin choisit d’exposer ces toiles à l’horizontale, et non pas à la verticale comme le voudrait l’usage. Par cette disposition, la lumière rasante révèle davantage les vallons et les dépressions de matière sur toute la surface de la toile.

Bonamin expose aussi à l’horizontale des dessins minimalistes. Par leur simplicité, ils contrastent avec la densité des toiles. En une ligne noire sur papier blanc, l’artiste symbolise la gravité. De manière conceptuelle, il revient aux bases scientifiques, aux lois élémentaires nous conditionnant collectivement.

  • Le collectionneur cannibale


En 2018, Hugo Bonamin publie, avec le soutien de l’Université de Lausanne et de la galerie parisienne Baudoin Lebon, un livre intitulé « Canibal »[16]. Cet ouvrage rassemble 784 doubles portraits recto verso d’individus croisés dans les couloirs de l’Université de Lausanne.

Les noms et les coordonnées de ces 392 participants ont été numérotés et répertoriés dans l’ordre alphabétique en fin de l’ouvrage. Avec cette entreprise, l’artiste se voit comme un collectionneur. Il se nourrit d’images, de corps, de personnalités, de coins intimes de l’âme. À travers une quantité vertigineuse de visages, se révèlent des traits tantôt doux, tantôt abruptes. L’artiste qualifie lui-même cette démarche d’industrielle. L’exécution est rapide et urgente. Il se laisse ainsi aller à une absorption froide et frénétique de faces humaines. On parcourt ce livre comme on traverse une foule où tous les visages se mélangent.  

Cette démarche a souvent été percue, notamment par Marco Constantini, comme un écho à l’utilisation actuelle des réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram ou Tinder[17]. Sur ces plateformes aussi, nous sommes submergés de visages. Nous passons compulsivement d’un faciès à l’autre. Tout comme dans « Canibal », notre prochain n’est pas représenté en chair et en os, ni même dans son intégralité, mais seulement au travers de quelques traits dominants de sa personne et surtout au travers de ce qu’on a voulu mettre en scène.


           Récemment, Hugo Bonamin a étendu son protocole de collection aux couleurs. Il réalise des aplats monochromes au pastel gras où une seconde couche de couleur en surface vient brouiller la perception de la couleur de fond. Pour l’artiste, la couche initiale est le ton, le vrai, tandis que la seconde n’est que superficielle et trompe le spectateur. Avec ce travail, l’artiste initie une réflexion sur la vérité et sur la post-vérité, notamment dans le domaine politique. Avec ces palimpsestes de couleurs, Hugo Bonamin a l’ambition de composer des livres qui, à la manière de son ouvrage « Canibal », plongerait le lecteur-regardeur dans un tumulte boulimique de formes où les tons se confondraient dans notre rétine.


[1] Hugo Bonamin, peintre, plasticien et … Crapaud fou, sur RTS, 4 janvier 2017, https://pages.rts.ch/la-1ere/programmes/crapaud-fou/8220972-crapaud-fou-du-04-01-2017.html.

[2] Tierra de vigilia, cat.expo. Buenos Aires, Alliance française, 5 décembre 2001-15 février 2002.

[3] Notamment dans l’émission radio de Stella Sidi « Pinceladas y otros condimentos » sur Radio cultura argentina.

[4] Tierra de vigilia, cat.expo. Buenos Aires, Alliance française, 5 décembre 2001-15 février 2002, p. 4

[5] L’infant dans la colline, cat.expo. Buenos Aires, galerie Zabaleta Lab, 7 octobre-6 novembre 2004.

[6]   Artpress, « Hugo Bonamin : église Saint-Merri, Nuit Blanche, Paris, 1er octobre 2005 », https://www.artpress.com/2005/12/01/hugo-bonamin-eglise-saint-merri-nuit-blanche-paris-1er-octobre-2005/?utm_campaign=shareaholic&utm_medium=email_this&utm_source=email.

[7] Centre pastoral Saint-Merry, « Hugo Bonamin. Covidie. L’œuvre du mercredi 8 avril », http://saintmerry.org/covidie-de-hugo-bonamin-loeuvre-du-mercredi-8-avril/ .

[8] La télé, https://latele.ch/emissions/lactu/l-actu-du-30-06-14-18h30?s=7.

[9] Portraits fantômes, « Hugo Bonamin dialogue avec David Collin », Paris, art press, 2014, 82 pages, ISBN 978-2-906705-10-4, p. 69.

[10] Portraits fantômes, Paris, art press, 2014, 82 pages, ISBN 978-2-906705-10-4, p. 15.

[11] Portraits fantômes, « Hugo Bonamin dialogue avec David Collin », Paris, art press, 2014, 82 pages, ISBN 978-2-906705-10-4, p. 68.

[12]  Portraits fantômes, Paris, art press, 2014, 82 pages, ISBN 978-2-906705-10-4, p. 15.

[13] Université de Genève, https://www.unige.ch/actualites/archives/2013/folie/.

[14] Schizophrenia Bulletin. The Journal of Psychoses and Related Disorders, vol. 44, novembre 2018, URL :  https://academic.oup.com/schizophreniabulletin/issue/44/suppl_2

[15] Guide contemporain, « Hugo Bonamin, Samuel Theis à la galerie Ambacher », https://www.guide-contemporain.ch/evenements/hugo-bonamin-samuel-theis-galerie-ambacher-contemporary-munich/ ; Artrabbit, « Mon Territoire : Hugo Bonamin & Samuel Theis », https://www.artrabbit.com/events/mon-territoire-hugo-bonamin-samuel-theis

[16] Hugo Bonamin, Canibal, Paris, Baudoin Lebon, 2018, 840 pages, ISBN 978-2-87688-075-7 : http://canibal.ch.

[17] Marco Constantini, « Collectionner la présence », dans Hugo Bonamin, Canibal, Paris, Baudoin Lebon, 2018, 840 pages, ISBN 978-2-87688-075-7, p. 10.