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Nociception :

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La nociception est une fonction sensorielle qui permet aux animaux, humains compris, de sentir et d’éviter les stimuli pouvant endommager les tissus (Tracey W., 2017). Cette fonction tout comme la douleur, est une fonction essentielle à la survie (Tracey W., 2017). La nociception intervient par des neurones spécialisés, nommés nocicepteurs, qui détectent et répondent aux formes d’énergies potentiellement dangereuses pour les tissus comme la chaleur, la pression et les substances chimiques (Butler DS. & Moseley GL., 2017). Le système nociceptif transporte les signaux d’alarmes des tissus jusqu’au cerveau via la voie spinothalamique (Butler DS. & Moseley GL., 2017). Ces mêmes signaux sont alors analysés par le cerveau comme dangereux et donc douloureux, ou non dangereux et non douloureux (Buttler & Moseley, 2003).

1.1    Récepteurs de la Nociception :

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Dans les tissus cutanés se trouve une multitude de récepteurs sensoriels. Ces fibres sont classifiées en plusieurs groupes fonctionnels basés sur les propriétés du diamètre de l’axone, de la présence de myéline ou non, de la vitesse de conduction et s’il s’agit de fibres sensorielles ou motrices (Kandel E.R. et al., p. 477, 2012). Le tableau 1.1 montre les catégories de fibres ainsi que leurs dénomination et vitesse de conduction.

Tableau 1.1 :
Myélinisé Nerf musculaire Nerf cutané Diamètre de la fibre (µm) Vitesse de conduction (m/s)
Large diamètre I 12-20 72-120
Moyen diamètre II 6-12 36-72
Petit diamètre III 1-6 4-36
Non myélinisé IV C 0.2-1.5 0.4-2


Pour aller plus en détails concernant les fibres sensorielles on peut résumer leurs capacités comme suit (Butler DS. & Moseley GL., 2017) :

-       Les fibres Aα sont les fibres les plus rapides et transmettent les informations proprioceptives provenant des organes tendineux de Golgi, des muscles et des articulations,

-       Les fibres Aß quant à elles transmettent et déchiffrent les informations mécanique et thermique dangereuses et inoffensives,

-       Les fibres Aδ détectent les déviations des follicules pileux et les évènements mécaniques dangereux,

-       Finalement, les fibres C, non myélinisées, servent à transmettre les stimuli inoffensifs ou dangereux de type mécaniques, thermiques et chimiques.


Ces différentes fibres sont capables de répondre et de transmettre plusieurs types de stimuli, cependant ils ne sont pas toujours en situation dite « optimale ». En effet les neurones sensitifs primaires afférents sont catégorisés par ce qui est connu comme étant leur « stimulus optimal » (Treede, R.D., 2009). Le stimulus optimal est le type de stimulus qui active au mieux le neurone intéressé (Tableau 1.2). Pour cette raison quand nous parlerons de nocicepteurs nous ferons principalement allusions aux fibres de types Aδ et C. bien que l’ensemble du système somatosensoriel soit impliqué dans la nociception (Butler DS. & Moseley GL., 2017)

Tableau 1.2 :
Type de recepteur Corpuscules de Pacini Corpuscules de Meissner Corpuscules de Ruffini Terminaisons nerveuses libres Cellules de Merkel
Stimulus optimal Vibration Stimulus en mouvement Etirement Stimulus dangereux Pression
Fibres associées Aß (30-90m/s) Aß (26-91m/s) Aß (20-100m/s) Aß,Aδ,C (0.5-100m/s) Aß (16-96m/s)

1.2      Voie spinothalamique :

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La voie spinothalamique est la voie chargée de transmettre l’information nociceptive au thalamus. Pour expliciter celle-ci imaginons qu’une menace externe réelle ou potentielle soit perçue par votre corps. Comment l’information nociceptive sera-t-elle transmise au niveau cortical ?


Tout d’abord les fibres Aß vont transmettre rapidement au cerveau via les voies des colonnes dorsales que vous avez touché quelque chose au niveau de votre Hallux gauche. Les stimuli étant assez forts au niveau de votre Hallux gauche activent également les fibres Aδ et C, beaucoup plus lente, qui transmettent l’information nociceptive au niveau du ganglion dorsal de la moelle épinière puis au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière. Ici l’information nociceptive est transmise (ou non) au neurone afférent sensitif de 2ème ordre. Ce même neurone de 2eme ordre décusse alors au niveau de la ligne médiane puis transmet l’information nociceptive jusqu’au noyau ventro-postéro-latéral (VPL) du thalamus ou il fait synapse avec le neurone de 3ème ordre (Moseley GL, 2007).


Finalement le neurone de 3ème ordre transmet l’information nociceptive aux différentes aires corticales et structures cérébrales qui identifieront, déchiffreront et jugeront l’information nociceptive comme dangereuse et douloureuse ou non dangereuse et non douloureuse (Buttler & Moseley, 2003).

1.3      Modulation endogène de la nociception

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La nociception peut être modulée de manière endogène avant d’atteindre le thalamus. Ces modulations sont multiples et peuvent être de l’ordre de la facilitation en accentuant l’influx nociceptif, ou de l’inhibition, en diminuant l’influx nociceptif. La facilitation descendante s’explique par la libération de différents neurotransmetteurs (NT) comme notamment la cholécystokinine (CCK) ou le monoxyde d’azote (NO) par les neurones descendant au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière, à la jonction entre le neurone de 1er ordre et de 2ème ordre (Gangadharan V. & Kuner R., 2013, Fenton BW. et al., 2015). L’inhibition descendante quant à elle provient de contrôle supra cortical, les neurones descendants libèrent des NT, entre autres des endorphines et des endocannabinoïdes au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière à la jonction entre le neurone de 1er ordre et de 2ème ordre (Gibson W. et al., 2017)

Modèles conceptuels de la douleur :

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1.1     Le modèle biomédical :

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Le modèle biomédical, ou modèle cartésien est le modèle utilisé depuis toujours par les professionnels de santé. Il s’agit d’un modèle empirique, légué de génération en génération. Ce modèle repose sur les assomptions suivantes : toutes les pathologies ont toujours une seule cause sous-jacente, la pathologie est toujours cette seule cause, l’atténuation ou l’ablation organique de la pathologie amènera à la guérison (Wade DT. & Halligan PW., 2004). Ces assomptions peuvent être résumées dans la phrase suivante : un état de bonne santé est défini par une absence de pathologie (Wade DT. & Halligan PW., 2004).


Ce modèle est généralement associé à de plus mauvais résultats que les modèles sociobiologiques[1] (Wade DT. & Halligan PW., 2004, Wade DT. & Halligan PW., 2017). Selon Wade DT. & Halligan PW. (2004) le modèle biomédical fait appel à une série de croyances toutes reliées qui sont les suivantes :


-       Toutes les pathologies, symptômes et signes sont dus à une anormalité sous-jacente au sein du corps.

-       Toutes les pathologies vont donner lieu à des symptômes, et quand bien même d’autres facteurs pourraient influencer la pathologie, ils ne sont pas reliés aux symptômes et à la manifestation de la pathologie.

-       La santé est caractérisée par l’absence de maladie.

-       Les conditions mentales et émotionnelles sont séparées distinctement et non liées aux autres fonctions corporelles

-       Le patient est victime des circonstances et n’a pas ou peu de responsabilité sur la cause de la maladie.

-       Le patient est un récipient passif du traitement, et la coopération au traitement est attendue[2].

1.2      Le modèle biopsychosocial :

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Le modèle biopsychosocial est un modèle théorisé en 1977 par le médecin psychiatre George L. Engel dans son article devenu aujourd’hui référence (Engel G., 1977). Cet article publié dans le journal scientifique Science fait suite à divers problèmes posés par le modèle biomédical, notamment dans le domaine de la psychiatrie. En effet, à l’époque un clivage entre la psychiatrie et les autres branches de la médecine se creuse (Wade DT & Halligan PW, 2017). La psychiatrie est alors considérée comme un salmigondis[3] d’opinions non-scientifiques, celles-ci ne collant pas au modèle biomédical où chaque pathologie trouve une cause biologique (Engel G., 1977). Dans cet article aux airs de pamphlets, George Engel énumère les défauts du modèle biomédical et pourquoi celui-ci n’est plus pertinent vis-à-vis du monde médical (Engel G., 1977, Engel G., 1980).


Il s’agit d’un modèle holistique incluant trois dimensions : biologique, socio-culturelle, et sociale. Selon ce modèle, les trois dimensions interagissent ensemble de manière complexe. Une pathologie peut donc résulter ou résulte de ces diverses composantes tout en étant influencée par celles-ci (Engel G., 1977). Ce modèle voit le patient dans sa globalité et prend en compte la dimension émotionnelle et l’environnement socio-culturel tout en regardant les impacts de la pathologie sur le quotidien du patient.

1.3      Vision de la douleur par les modèles conceptuels :

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La vision biomédicale de la douleur est basée sur le modèle en tant que tel[4].  Celle-ci veut dont que la douleur soit une conséquence directe de la nociception et par conséquent ne peut pas exister sans un dommage tissulaire réel (Moseley GL. & Butler S., 2017). Ce modèle est donc un modèle insuffisant face à la complexité des mécanismes de la douleur, qui de nos jours est en contradiction avec les connaissances actuelles selon lesquelles il n’existe pas de lien de causalité entre nociception et douleur (Teunis et al., 2014, Brinjiki et al., 2015, Franck et al., 2015, Nakashima et al., 2015, Culvenor et al., 2018).


La vision biopsychosociale de la douleur est une vision holistique prenant le patient dans son ensemble et faisant une distinction bien particulière entre nociception et douleur. Ce modèle ne nie pas que la douleur peut être secondaire à un afflux nerveux périphérique, il prend cependant en compte les influences des sphères psychosociales sur l’expérience douloureuse. Pour la vision biopsychosociale, la douleur peut survenir en l’absence complète de nociception (Moseley GL. & Butler S., 2017).


[1] Dont le modèle biopsychosocial

[2] Par passif on entend que le patient se doit d’accepter les soins qu’on lui donne est qu’il n’est pas consulté lors de la prise de décision par l’équipe soignante.

[3]  « hodgepodge »

[4] Voir « Modèle Biomédical »

La douleur

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Parmi les fonctions du corps humain, les aptitudes du système nerveux, et les adaptations faites par les êtres vivants pour survivre au travers du temps il existe une fonction essentielle quoique désagréable : la douleur (Buttler & Moseley, 2003).


Hormis quelques exceptions médicales[1], tout le monde a déjà vécu une expérience douloureuse. Ce sentiment désagréable, qui peut piquer, bruler, engourdir, déchirer, tordre, fourmiller, et tant d’autres qualificatifs[2], n’est de loin pas la sensation que les gens préfèrent. Cependant cette fonction adaptative essentielle à la survie, peut parfois devenir très handicapante pour les personnes la ressentant. C’est le cas notamment pour les personnes souffrant de lombalgie chronique non-spécifique[3], ainsi que d’autres pathologies douloureuses chroniques. Mais qu’est-ce que la douleur ? Comment la ressent-on ? Et comment notre cerveau décide ce qui fait mal ou non ? Toutes ces questions pertinentes trouveront en partie leurs réponses dans cette première partie. Cette partie n’est évidemment qu’une brève introduction à un sujet complexe, vaste et parfois impalpable qu’est la douleur.


Avant de présenter les différents modèles de conception de la douleur, d’expliciter ce qu’est celle-ci et de la définir, nous aimerions vous poser la question suivante : savez-vous ce qu’est la douleur et comment ce phénomène fascinant prend place au sein de votre cerveau ? Nous aimerions vous inciter à réfléchir à cette question.

1.1.1      Définition de la douleur :

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La douleur a été définit en 1979 par l’International Association for the Study of Pain (IASP). Cette définition provient du subcomité de taxonomie de l’IASP dirigé par le professeur Harold Merskey. Le but était alors d’établir une définition consensuelle et de permettre aux cliniciens ainsi qu’aux chercheurs d’utiliser un langage commun (Raja et al., 2020). Cette définition de plus de 40 ans (Encadré 1.1) a récemment évoluée. En effet entre 2018 et 2020, une task-force composée de plus de 14 membres a réévaluée la définition de la douleur de l’IASP de 1979 afin de voir si celle-ci devait être conservée à l’identique ou changée en fonction des connaissances actuelles (Raja et al., 2020). Pendant plus de deux ans celle-ci a débattue les arguments et contre-arguments à modifier la définition initiale. Finalement une définition révisée est apparue (Encadré 1.1).

Encadré 1.1 :
Définition de l'IASP de 1979 (Merskey et al., 1979) Définition de l'IASP de 2020 (Raja et al., 2020)
Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en ces termes Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle
An unpleasant sensory and emotional experience associated with actual or potential tissue damage, or described in terms of such damage An unpleasant sensory and emotional experience associated with, or resembling that associated with, actual or potential tissue damage


En complément de cette révision, les auteurs ont associé des notes permettant de mieux comprendre les implications de cette définition (Raja et al., 2020) :


1.     La douleur est une expérience personnelle influencée à des degrés divers par différents facteurs, notamment biologiques, psychologiques et sociaux.

2.     La douleur et la nociception sont deux phénomènes différents. La douleur ne peut pas être déduite uniquement de l’activité́ du système somatosensoriel.

3.     Au travers de leur expérience de vie, les individus apprennent la notion de douleur.

4.     La communication d’une expérience douloureuse par une personne devrait être toujours prise en compte et respectée.

5.     Bien que la douleur joue généralement un rôle adaptatif, elle peut avoir des effets nocifs sur le bien-être social et psychologique.

  1. La description par la parole n’est qu’un des nombreux comportements pour exprimer la douleur ; l’incapacité de communiquer ne nie pas la possibilité qu’un humain ou un animal non humain éprouve de la douleur.


La définition de la douleur de l’IASP est une définition universelle novatrice pour l’époque car intégrant pour la première fois le modèle biopsychosocial[4] qui est aujourd’hui largement acceptée et inscrit au sein de la communauté scientifique.


[1] Comme le cas d’analgésie héréditaire congénitale (terme discuté épistémologiquement dans l’article suivant : « Congenital insensivity to pain : a misnomer (Weisman et al., 2019). »)

[2] Termes tirés du McGill Pain Questionnaire (Melzack et al., 1975) répertoriant les termes les plus courant pour définir la douleur. La traduction française est connue sous le nom de « Questionnaire de Saint-Antoine ».

[3] Entre 11 et 12% des patients lombalgiques évoluent vers des situations de handicap (Balagué et al., 2012)

[4] Voir plus loin

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