Utilisateur:Amis de Jeanne Bertrand/Brouillon


Jeanne Bertrand

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Photographe et sculpteur
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Jeanne Bertrand (1880-1957) fut une artiste franco-américaine, photographe et sculpteur.

Elle s'imposa jeune comme une photographe reconnue dans le Connecticut. Puis elle entama une carrière de sculpteur à New-York, participa à des salons, écrivit des articles sur l'art. Le décès du sculpteur Pietro Cartaino en 1918 marqua le coup d'arrêt de sa carrière. De lourds ennuis de santé ne lui permirent pas de développer son talent ultérieurement.


Sa famille émigre aux USA à la fin du XIX° siècle :

1891 : l’émigration de Joseph : Comme tant de jeunes Champsaurins (habitants de la petite vallée du Champsaur dans les Alpes du Sud) depuis le milieu du XIX° siècle, Joseph Bertrand quitte la vallée dès ses 18 ans pour tenter l’aventure américaine. Il arrive le 7 décembre 1891 sur le bateau La Bretagne à New-York[1]. Il a voyagé sur le pont. Son point de chute est le Connecticut sur la côte Est. Il y trouve des conditions de vie et de travail qui le satisfont et invite le reste de sa famille à le rejoindre. C’est ainsi qu’en 1893 toute la famille Bertrand vient s’installer à Torrington.

La famille Bertrand (2) : Léopold "Scipion" BERTRAND est né au Noyer en Champsaur le 11/02/1847. Il est le fils de Joseph BERTRAND marié à Marie Célestine Rosalie MANEL (1815-1869) venu de Bénévent « en gendre » chez Jean MANEL au Noyer dans le hameau du Serre. Scipion, chef cantonnier, prend la décision, à 46 ans, de tenter sa chance aux Etats-Unis où son fils aîné Joseph a émigré fin 1891. Il a épousé à Buissard le 9/08/1871 Marie Virginie RAMBAUD, fille de Pierre (1804-1870) et de Marie Antoinette Victoire MARIN. Elle est née à Buissard le 4/05/1852. Dont : - Joseph Auguste, né au Noyer le 09/07/1873 - Ferdinand Joseph Virgile, né au Noyer le 27/05/1876 - Rosalie Gémina Jeanne née à Agnières en Dévoluy le 26/09/1880 - Scipion, né à Saint Bonnet le 24/06/1887 - Nellie mort-née le 26/04/1891 à Saint-Bonnet - Marie Auguste Virgile, né au Noyer le 23/09/1892

Les Bertrand émigrent en trois passages : les parents, Scipion et Virginie, leur fille Germina et leur fils Auguste Virgile (bébé non répertorié sur l’état du bateau) voyageant sur le pont et Ferdinand voyageant en cabine sur le Bourgogne le 13/02/1893 à Castle Garden. Puis ils sont rejoints par le petit dernier, Scipion, l’année suivante le 8/10/1894 sur la Bourgogne.(1)

Les indications d'état-civil de Jeanne aux autorités américaines sont erronées. Elle est née Rosalie Gemina Jeanne Bertrand à Agnières en Dévoluy le 26/09/1880 (3). Jeanne a vécu les premières années de sa vie jusqu'à 13 ans dans les Alpes françaises, essentiellement dans le bourg de Saint-Bonnet en Champsaur.

L'installation aux Etats-Unis : La famille s'installe dans une ferme à Torrington dans le Connecticut sur la cote Est (alors que la majorité des émigrants champsaurins vont travailler dans l'ouest des Etats-Unis). Le père de famille ne se fait pas à la vie américaine : Scipion, a fait sa carrière dans les Alpes jusqu’à son départ comme cantonnier puis chef d’équipe. Son acclimatation à 46 ans est moins facile que pour les jeunes gens et il ne se fait pas à sa nouvelle vie, à ce nouveau pays. Il décède en 1899. Jeanne, sa fille, doit gagner sa vie au plus vite et trouve à s'embaucher à 16 ans à l’usine locale qui fabrique des aiguilles pour machines à coudre. Elle ne se fait pas à cette vie d’ouvrière.


Ses débuts dans la photographie

Jeanne quitte l’usine et réussit en 1897 à se faire embaucher dans le petit studio photo de Torrington, tenu par M. Arthur E. Albee. Elle trouve sa place, apprend le métier, la photo, et devient rapidement une vraie photographe. Le journal local, le Torrington Register, le reconnaît en 1902.

Connecticut et Oregon : Le décès de son père en 1899, le 16/07, provoque une scission au sein de la famille : Sa Maman, Virginie, trouve à se remarier dans l’Ouest des USA à Prineville en Oregon avec Joseph Delore. Elle s’y installe avec les frères de Jeanne, Scipion et Auguste. Ses frères Ferdinand et Joseph restent eux dans le Connecticut. Ferdinand tentera sa chance en Californie, sans suite.

Une photographe reconnue 1902-1918

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Elle est jeune, jolie, entreprenante et travaille bien. Ses portraits notamment lui valent la reconnaissance de ses pairs et les commandes. Elle devient rapidement la coqueluche de la bonne société locale et de la grande ville de l’Etat : C'est la reconnaissance médiatique officielle par le Boston Globe, le journal de référence qui publie le 23/08/1902 un article détaillé lui donnant un statut public (3).

Sa santé : son talon d’Achille : 1903 : à 23 ans, lors de la Convention des Photographes à Boston, elle craque et doit être hospitalisée plusieurs mois. Ce n’est malheureusement que sa première crise qui sera suivie d’autres qui émailleront dramatiquement sa vie adulte.

En 1904-1905 se règle en France la succession du grand-père de Jeanne, Joseph Bertrand.

Elle ouvre son studio à Boston en 1907 quand le studio Albee est détruit par un incendie.

1908 : Salon photo du New England à Boston auquel elle participe.

1909, Gloucester : A l’été 1909, elle installe un studio à Gloucester sur la côte où se retrouve une colonie d’artistes (parmi eux le groupe The Eight) et de mécènes. Mais elle fait une nouvelle dépression suivie d’une crise de démence et doit être soignée dans un hôpital à Hartford.

Dans la société bostonienne elle côtoie les artistes et notamment la sculpteur Theodora Ruggles Kitson (formée par son mari) qui a vécu à Paris. Elle fait ainsi la connaissance d’un jeune sculpteur italien, Pietro Cartaino, dont elle tombe follement amoureuse.


Pietro Cartaino « C. S. Pietro »

1885-1918 Une carrière éclair Il naît à Palerme, Sicile, le 25/12/1885 Il est le fils de Salvatore Cartaino (1846-1902) et de Marianna Sciarrino (1843-1929). Son père est sculpteur. Il épouse le 2/08/1908 sa cousine Stella Maria Cartaino (1883-1957, fille de Gaetano Cartaino, frère de Salvatore). Stella Maria Cartaino 29/07/1881-26/11/1957 (enterrée à Sylmar, LA county) Ils ont 3 enfants : - Marianina 1908-1983 - Maria 1911-1978, qui épousera et divorcera de Abbott. - Salvatore C. Pietro (1912-2002) > Brian PIETRO > Kelsey (fille) Ils émigrent à New-York le 3/12/1909 Talentueux, très actif, il devient rapidement le chef de file des jeunes sculpteurs new-yorkais soutenus par de riches mécènes (dont Gertrude Vanderbilt Withney). Il doit une bonne partie de son succès à Jeanne Bertrand. Son atelier (qui sera détruit par un incendie en avril 1916) dans la 5° Avenue est financé par le fils de Henry Clews. Ses bustes (Morgan, Ford…) sont célèbres, à commencer par celui de John Burroughs. Jeanne photographiera les œuvres de Pietro pour en assurer la diffusion comme cette vierge dont le modèle est son épouse Stella.

1911 : Elle le suit à New-York. Jeanne donne des leçons de photographie à la sœur de l’épouse du fils de John Burroughs (un naturaliste très célèbre aux USA) qui contribuera grandement à faire connaître Pietro Cartaino. Elle délaisse la photo pour la sculpture et vit avec l’aide d’une bourse.

1912 : Jeanne, au contact du milieu artistique bostonien et new-yorkais, se cultive dans les arts au point d’écrire des articles dans les revues spécialisées comme The Craftsman. Dans un article, Le peintre des troupeaux, elle met à l’honneur un peintre, John A.S. Monks, qui peint des ovins. Elle s’appuie sur ses connaissances lui venant de sa famille, éleveurs à Torrington, et de ses racines champsaurines.


Sculpteur 1913-1918

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Durant 3 ans Jeanne apprend la sculpture dans l’atelier new-yorkais de C. S. Pietro (article du Torrington Register). L’article indique la publication que le journal a faite sur le sculpteur C. S. Pietro, et que la critique de plusieurs journaux sur son travail qu’elle a présenté à la Gorham Gallery (sur la 5th Rue) a été très favorable.

"La lavandière (Washwoman)" Première exposition en mai à la Gorham Gallery à New York. Gertrude Vanderbilt Whitney philanthrope, mécène et elle-même sculpteur lui achète cette sculpture : une lavandière, une vieille femme portant son baquet de linge.

En mai 1914, lors d’une exposition à la Gorham Gallery, elle présente un jeu de "serre-livres". En 1915, une sculpture "Last Farewell". Elle assure la promotion de Pietro par des articles de presse. Leurs succès conjugués les introduisent dans la haute société new-yorkaise. 1916 : "Are Fairies real" qui sera acquis par le Toledo Musuem. L’atelier de Pietro (630 Fifth Avenue) est détruit par le feu en avril 1916 et sont perdues de nombreuses statues de personnes connues dont celles de J. Pierpont Morgan, William Howard Taft, Henry et Clara Ford, et John Burroughs.

Sculpture "patriotique" : "Saving the Standard" 1917 : elle ouvre son propre atelier de sculpture.

Naissance de son fils : 1917 : Pierre Bertrand naît le 28 mai. Mais Pietro Cartaino ne voulait pas de cet enfant et a pris ses distances avec Jeanne. Celle-ci ne parvient pas à se faire à cette situation.

13/06/1917 : Démence à Torrington (5) : N’obtenant pas de Pietro ce qu’elle espérait de lui, elle quitte New-York et vient à Torrington. Dans la journée elle fait de nombreux achats de vêtements de la meilleure qualité et elle invite le soir la famille de son frère Ferdinand à dîner à l’hôtel Conley’s Inn où elle est descendue. A l’hôtel, elle téléphone et télégraphie à Pietro. Alors que deux de ses nièces (probablement Rose, 13 ans, et Violet, 11 ans) sont avec elle dans sa chambre, elle est prise d’une crise de démence déchirant les vêtements, giflant et expulsant ses nièces qui descendent en pleurs. Alors que l’hôtelier Walker vient voir ce qui se passe, Jeanne brise avec son poing la vitre de la porte et se blesse la main qui saigne abondamment tachant tous les linges dans la chambre. Pietro est alors averti et vient de New-York par le premier train. Habillée d’une chemise de nuit, depuis une terrasse elle hêle les passants, déménage les chambres voisines, provoquant des désordres qui font intervenir la police et elle est conduite à minuit en présence de Pietro au Hartford Sanatorium pour y être soignée. Ces achats chez les commerçants de la ville n’avaient pas été payés ou avec des chèques d’une banque new-yorkaise qui se révélent impayés car sans provision. Une riche dame de Boston qui apprécie ses œuvres paiera les dépenses occasionnées.

A ce moment, le bébé se retrouve sans sa mère, et ce, pour longtemps car son état nécessite une longue hospitalisation. Pietro prend alors la décision, en accord avec Stella son épouse, de prendre le bébé dans sa famille à Pelham. Jeanne n’élèvera pas son fils.

Le frère de Jeanne, Ferdinand, meurt cette année de 1917, en décembre.

Décès de Pietro : C. S. Pietro (Pietro Cartaino di Sciarrino 1886-1918) n’aura vécu que 10 ans aux Etats-Unis. La perte de son amant, du père de son enfant la plonge dans une grande mélancolie dont elle ne se remettra pas.

Après le décès de Pietro, Stella, sa veuve, connaissant des difficultés financières, ce sera le frère de Pietro, Paolo, qui prendra en charge l’enfant de Jeanne et qui l’adoptera en 1921. Pierre, devenu Pietro Cartaino, décèdera en octobre 1974.


Des années d’abattement 1918-

Ces événements et sa santé lui font quitter le devant de la scène. Elle va laisser progressivement la sculpture et revenir à la photo.

Toujours de nationalité française, elle fera en 1925 des démarches en vue de sa naturalisation américaine mais n’ira pas jusqu’au bout.

En 1927, une terre au Noyer en Champsaur est vendue par l’hoirie Bertrand toujours partagée entre le Connecticut et l’Oregon (6). Virginie, sa Maman, est veuve (pour la 3° fois, et après un divorce d’Antoine Villar) de Fritz Volk. Son frère Henry est devenu aveugle. En 1928, son frère (préféré) Joseph décède, et l’année suivante 1929, sa Maman.


La rencontre avec Vivian Maier, photographe aujourd'hui mondialement reconnue : 1930

Elle sera brève : Alors que la grande crise économique de 1929 frappe le pays, Jeanne héberge dans son petit logement new-yorkais quelque temps Maria Maier et sa jeune enfant Vivian âgée de 4 ans (7). Jeanne a le même âge qu’Eugénie Jaussaud, comme elle champsaurine, maman de Maria. La vallée du Champsaur dans les Alpes du sud a fourni à partir du milieu du XIX° siècle une émigration massive aux Etats-Unis. De tout temps ces Alpins ont du aller chercher ailleurs du travail et des compléments de ressources pour survivre dans ce petit territoire où chaque famille était très nombreuse et la terre rare. L'essor des Etats-Unis fournit aux jeunes de la vallée un Eldorado, notamment comme moutonnier dans l'ouest. Ils débarquent à New-York sans argent et ne parlant pas anglais. L'entraide joue à plein et les réseaux sont bien constitués entre gens qui se connaissent et souvent de même famille. Lors de la grande crise économique de 1929, les Champsaurins sauront se serrer les coudes. Il est très probable que cette rencontre sera déterminante pour Vivian Maier. Devenue jeune fille, elle aura eu l’exemple d’une jeune femme ayant réussi à se faire une place au soleil par la photographie. La grand-mère et la mère de Vivian resteront des domestiques au service des familles riches new-yorkaises et Vivian carressera le rêve américain d’une promotion sociale, mais ne le concrétisera pas. Rien ne prédestinait Vivian Maier à devenir photographe si ce n'est cet exemple emblématique de Jeanne. Les relations qu’ont eu Jeanne et Vivian Maier ne sont pas connues à ce jour. On sait seulement qu'en 1953 Vivian Maier est en contact avec elle et fait une photo d’elle.


Rentrée dans le rang :

La crise économique passée, elle trouve à s’employer au Studio photo Materne à Union City dans le New-Jersey (la rive de l’Hudson opposée à celle de New-York, face à Manhattan) où elle fréquentera un groupe d’artistes, photographes travaillant à Weehawken, ville contigue à Union City où elle se loge.

Ses ennuis de santé récurrents l'obligeant à de longues hospitalisations l’accompagneront toute sa vie.

Elle décède à l’hôpital en 1957, le 28/10, à 77 ans. (8)

Notes et références

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  1. Relevés d'immigration Ellis Island


(2) : sources : Philippe Escallier, Jean-Marie MIllon, Michel Clément, Pierre Castelli, Association des familles Escallier, Association Les Amis de Jeanne Bertrand. Agha (Association Généalogique des Hautes-Alpes) sur les registres d'état-civil et archives publiques des Hautes-Alpes.

(3) : source : Relevé de Michel Clément, membre des Amis de Jeanne Bertrand et membre de l’Agha, et Association Généalogique des Hautes-Alpes sur le registre d'état-civil : "L’an mil huit cent quatre vingt et le vingt sept du mois de septembre à quatre heure du soir, par devant nous Laurent Pierre, maire et officier de l’état-civil de la commune d’Agnières, canton de St Etienne en Dévoluy, département des Hautes-Alpes, est comparu Cypion Bertrand âgé de trente deux ans, chef cantonnier, domicilié aux Fléaux, hameau d’Agnières ; lequel nous a présenté un enfant de sexe féminin né le jour d’hier vingt six septembre à dix heures du matin dans la maison qu’il occupe située aux Fléaux ; de lui déclarant et de Virginie Bertrand, âgée de vingt huit ans, domiciliée aux Fléaux, son épouse. Auquel enfant il a déclaré vouloir donner les prénoms de Rosalie, Gémina, Jeanne. Les dites déclarations et présentation faites en présence de Laurens Laurent âgé de vingt huit ans et de Faure Pierre âgé de trente huit ans, tous deux cultivateurs domiciliés à Agnières. Et ont le déclarant et les témoins signé avec nous le présent acte de naissance après qu’il leur en a été donné lecture."

(4) : source : Jim Leonhirth, journaliste travaillant sur une famille d'artistes, Les Cartaino. http://www.tecomm.com/webcartainos.html

(5) : source : Torrington Register.

(6) : source : Archives départementales des Hautes-Alpes.

(7) : source : Recensement de 1930

(8) : Les différentes sources ayant permis la biographie de cet artiste sont : les familles Cartaino et Bertrand. Les généalogistes : l'Agha (Association Généalogique des Hautes-Alpes), Françoise Muzard, Susan Kay Johnson. Les chercheurs : Jim Leonhirth et Gary Smith. La presse du Connecticut et de New-York. Les registres d'état-civil, de recensement, d'immigration à Ellis Island. L'Association Les Amis de Jeanne Bertrand.


Documentation :

- Articles de presse sur Jeanne Bertrand : Torrington Register, Boston Globe.

- Publication de Jeanne Bertrand dans la revue The Crafstman

- Articles sur Jeanne Bertrand et Vivian Maier : Le Dauphiné Libéré

- L’association Les Amis de Jeanne Bertrand est à la disposition des personnes intéressées.