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La commande prédictive au service de l’industrie

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Les fluctuations du prix de l’énergie contraignent les secteurs industriels à optimiser leurs procédés de fabrication. Les boucles de régulation automatisées permettent de relever ce défi, tout en en respectant la qualité des produits, la sécurité des hommes et machines et en limitant les pollutions.

L’amélioration de l’efficacité énergétique des systèmes industriels a un impact direct de l’émission de CO2 ; elle est déterminante dans le plan d’action pour la décarbonation des procédés industriels.

Pour ce faire, de nombreuses boucles de régulation sont mises en œuvre. Au-delà du classique régulateur PID, la commande prédictive a largement fait ses preuves dans le secteur industriel depuis son développement en 1968 par Jacques RICHALET[1].

La commande prédictive (PFC Predictive Functional Control) reproduit le comportement naturel de l’homme: lorsqu’il pilote son automobile, ou qu’il règle la température de sa douche, il a une image opératoire en tête, il sait que telle action donnera tel résultat, il se fixe la dynamique avec laquelle il veut atteindre le but, agit et corrige localement les écarts par rapport à la trajectoire prédite désirée.

La commande prédictive ne ressemble donc en rien au régulateur PID mais tout comme le régulateur PID, elle s’exécute dans les automates industriels (API ou SNCC)

Elle ne prétend pas remplacer l’historique régulateur PID mais vient compléter la panoplie de l’automaticien. Elle permet de résoudre des problèmes que le régulateur PID ne peut traiter en pilotant des systèmes complexes : non linéaires, à retard, fonctionnant à différentes allures.

Introduction

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Il existe une très grande variété de systèmes à commander. De même, il existe une grande variété de méthodes mathématiques pour traiter les problèmes de régulation. L’Automatique a vu ainsi au cours du temps se développer deux Automatiques, l’une théorique, pures mathématiques appliquées, qui est devenue presque autonome, l’autre, l’Automatique industrielle qui a des problèmes immédiats à résoudre.

Dès que l’objet mathématique représentant le système à réguler est donné, le problème peut devenir purement abstrait et un vaste chapitre des Mathématiques Appliquées : traitement du signal, équations différentielles, optimisation déterministe ou stochastique, peut proposer à l’infini des solutions abstraites mais éloignée d’un usage industriel.

En 1942, Ziegler et Nichols, deux ingénieurs américains, proposèrent une méthode de réglage du régulateur PID, le régulateur le plus utilisé, dans l’industrie. Depuis cette date, plusieurs milliers de techniques de réglage ont été proposées, par les industriels, les académiques, les utilisateurs ; régler un régulateur PID n’est pas toujours si facile, sinon la solution universelle aurait vite trouvée !

L’immense majorité des régulateurs PID est réglée manuellement, par expérience, essais et erreurs. Si cette démarche n’est pas pratiquement possible, le technicien a recours, sans le dire, à une forme de modélisation élémentaire du système à partir de laquelle diverses formules sont applicables.

Mais si l’on dispose du modèle mathématique du système, la commande prédictive plus efficace prend le relais, sachant qu’elle est aussi implantée dans les automates industriels et est plus facile à régler.

La genèse de la commande prédictive

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La Science progresse lentement avec de temps en temps quelques ruptures suivies de périodes de justification, rationalisation, validations théoriques non discutables, d’où vont sortir des bases objectives sur lesquelles d’autres chercheurs vont pouvoir construire.

Mais les utilisateurs d’Automatique ont des objectifs quotidiens à tenir et leurs problèmes ne rentrent pas toujours dans le thésaurus des connaissances académiques. Il est naïf de croire que la Science précède l’application et que les découvertes et inventions ne viennent que des chercheurs. Dans les matières techniques, c’est souvent l’inverse qui se produit, les chercheurs apportant une justification a posteriori ; La Commande Prédictive en est un bel exemple.

Historiquement la commande prédictive est née dans les années 1960. Le ministère de la défense, en collaboration avec le Centre d'Essai en Vol de Brétigny, octroya un contrat de recherche au laboratoire d'Automatique de SUPAERO, avec la mission d'analyser le pilotage d’un avion afin d'améliorer les instruments de vol et les organes de commande. C’est à partir de ces observations que Jacques Richalet a conçu l’algorithme de la commande prédictive PFC (Predictive Function Control).

Les principes et ingrédients fondamentaux de la commande prédictive sont basés sur du bon sens :

  • Connaissance du comportement du système à piloter en réponse à un stimulus connu, qui sera mémorisé et formalisé par un modèle mathématique.
  • Projet de comportement désiré du système, qui sera exprimé sous forme d’une trajectoire de référence.
  • Calcul de la commande à appliquer tenant compte du modèle et de la trajectoire de référence.
  • Modification éventuelle du modèle interne du système de commande.


Ces principes fondamentaux se retrouvent dans nos actions quotidiennes.

Prenons l’exemple de la conduite d’une voiture :

Par apprentissage, par expérience, on sait que telle action sur l’accélérateur, sur le frein ou sur le volant modifie, après un certain temps, la vitesse et la position du véhicule.

  • Chaque conducteur a un modèle de comportement de son véhicule

Comme l’on a devant soi un objectif glissant qui change en permanence, on fixe de façon continue un projet de trajectoire à son véhicule, et l’on sait que pour satisfaire cet objectif, malgré toutes sortes de perturbations (pente, vent, état de la route…), il convient d’appliquer telle action.

  • L’action tient compte de la trajectoire de référence et modèle du véhicule,

Connaissant l’inertie du véhicule, on a également appris qu’il fallait anticiper, c’est-à-dire regarder, non pas au niveau du pare-chocs, mais « loin » devant, et qu’il ne fallait pas attendre d’être sur l’obstacle pour freiner.

  • Pour anticiper il faut prédire et pour prédire il faut un modèle.

L’action opportune étant réalisée, on va vérifier son efficacité. Si, de manière systématique, le «réalisé» s’éloigne du «prévu», il convient peut-être d’adapter sa connaissance, donc de modifier l’image opératoire que l’on a de son véhicule. En revanche, si dans les mêmes circonstances, «prévu» et «réalisé» coïncident, c’est que ce désaccord local n’était dû qu’à une perturbation passagère.

Quel que soit l’exemple: pilote d'avion, de voiture opérateur industriel, chacun a beaucoup de tâches à effectuer simultanément. La bonne connaissance du processus permet d’engendrer des actions rares mais pertinentes.

Ces actions pertinentes générées par la commande prédictive s’appuient sur 4 principes fondamentaux

1-Anticiper

2-Avoir un modèle représentant le comportement du système à commander

3-Choisir une trajectoire de référence en fonction du contexte

4-Calcul de la commande en tenant compte de contraintes

Le principe de la Commande Prédictive

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La Commande Prédictive n’est pas «une commande de plus». C’est plus une démarche ouverte qu’une procédure rigoureuse qui passe de façon très satisfaisante par : principes, justification, applications, le tout dans un cadre restreint, rigide et fermé. Deux points de vue ont été envisagés:

  • le point de vue industriel, il est historiquement le plus ancien poussé par le besoin,
  • le point de vue académique, plus récent et en pleine évolution, car malgré des prémisses variées l’intérêt véritable du secteur académique n’a commencé que bien plus tard avec les travaux de David Clarke .

L’objectif industriel est de trouver une solution qui remplisse les spécifications d’un régulateur sous contraintes, quitte à être sous optimal mais qui doit être simple de réglage et facilement implantable dans un système de commande industriel standard.

Le point de vue académique recherche la performance, complètement justifiée et validée par une théorie démontrée, donnant la limite théorique maximale atteignable dans le champ de contrainte fixé.

Modèle

La commande prédictive utilise un modèle mathématique[2].

Le terme «modèle» doit être pris dans son acception la plus large, puisque l’on ne va demander au modèle qu’une seule propriété: être capable de prédire le comportement du système sous l’effet d’une sollicitation connue.

Ce peut être un modèle de connaissance réifié représenté sous forme d’état, la forme la plus réduite, où à l’autre extrémité, une base de données issues de mesures prélevées sur le système.

Ce peut être sous forme étroite une simple équation de récurrence d’ordre n.

Prédiction

Le régulateur va calculer un projet de variables manipulées sur un horizon futur limité de telle sorte que la sortie prédite du système soit dans le cas général aussi proche que possible d’une sortie spécifiée à l’avance qui peut être soit directement la consigne soit toute autre fonction liée à la consigne.

Ce calcul doit être fait en respectent un champ de contrainte qui porte sur les mesures et commandes comme vu précédemment.

On va donc avoir à minimiser une certaine fonctionnelle de l’écart entre la sortie prédite par la commande recherchée et le comportement désiré. Ce peut être une simple résolution et dans ce cas le critère ne va porter que sur un nombre limité de points ou sur une fonctionnelle par exemple quadratique sur l’horizon de prédiction fini donné.

Ce problème de minimisation est très largement couvert par les mathématiques appliquées et se divise en 2 grandes catégories : avec ou sans contraintes dans l’espace de décision.

Dans le cas le plus élémentaire le problème se réduit à trouver la commande qui fait passer la mesure du système par un point fixé à un horizon glissant avec le temps, tout en respectant des contraintes sur la commande. Minimisation quadratique sous contraintes ou programmation linéaire sous contraintes linéaires sont des voies possibles.

Projet de commande

Dans toute régulation classique comme le PID, la commande est calculée de façon simple à partir de l’écart entre la consigne et la mesure.

La commande prédictive procède de façon différente. Elle tient compte de l’écart entre la consigne et la mesure mais également de la sortie d’un modèle du système à commander, de la trajectoire de référence choisie pour l’évolution de la mesure et des contraintes sur les mesures et actionneurs.

Applications industrielles

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Jacques Richalet a accompagné de nombreux industriels dans la mise en œuvre et l’optimisation de la commande prédictive. Les performances de cette commande sont indéniables et les retours sur investissement probants.

Parmi ceux qui se sont lancés dans l’aventure on peut citer : Arcelor Mittal, Véolia, Dégussa, Alstom, Arkema, Air liquide, Orano, Sanofi[3].

«Chez Sanofi la commande des réacteurs de synthèse chimique en particulier celle de la température ou du pH sont souvent mal maitrisables par les régulateurs PID classiques. Tous ceux qui ont vécu la mise en œuvre de la commande prédictive se rappelleront longtemps du saut qualitatif qu’aura produit l’implantation de la commande prédictive dans l’industrie.»



Conclusion

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les innovations viennent souvent de l’application et non de la théorie. La Commande Prédictive était appliquée dans l’industrie dès 1973, alors que le premier chercheur qui s’est véritablement intéressé à la Commande Prédictive, David Clarke d’Oxford n’est intervenu qu’en 1987. L’origine de la commande prédictive n’est pas à chercher dans la commande quadratique ni dans la commande adaptative mais dans une discipline extérieure aux disciplines techniques : la Psychologie infantile de Piaget qui décrit parfaitement comment l’enfant :

a) se constitue une image opératoire du monde extérieur.

b) se donne un projet d’action et de comportement désiré de ce qu’il veut commander.

c) agit en cherchant dans sa mémoire associative quelle action donne l’effet recherché.

d) vérifie si le réalisé est conforme au prévu.

C’est exactement, sous des vocables différents, ce que va faire la commande prédictive. Un modèle mathématique du processus à piloter est élaboré. Un objectif est fixé ainsi que les différents sous- phases futures qui permettent de l’atteindre. Un solveur va trouver la commande future qui, respectant toutes contraintes, va satisfaire cet horizon glissant, et l’écart entre le comportement constaté et le comportement du modèle interne va pouvoir être utilisé, soit à modifier la commande, soit à modifier le modèle interne.

Le premier niveau de commande automatisée, typiquement une régulation de débit d’un fluide dans un tuyau qui représente plus de la moitié des régulations industrielles, le régulateur PI réglé manuellement est parfaitement adapté, mais il faut reconnaître ses limites.

Il n’y a donc pas véritablement compétition entre la régulation PID et la commande prédictive mais plutôt complémentarité. Il faut se réjouir d’avoir un choix très ouvert de méthodes pour attaquer les problèmes de régulation très divers.

L'auteur : Jacques Richalet

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13 Juillet 1936 – 25 Octobre 2023

Diplômes

Ingénieur en aéronautique (ENSAE- Paris 1960)

Master en génie électrique (Berkeley-USA 1961)

PhD en mathématiques appliquées (Paris 1965)


Publications

Modélisation et identification du processus , Techniques de l’Ingénieur, R7140, volume Mesures et Contrôle. J.Richalet

Modelisation et identification d’un processus sidérurgique, Techniques de l’Ingénieur, R7142. J.Richalet

Commande prédictive, Techniques de l’Ingénieur, R7423. J.Richalet

Pratique de l’identification, Hermès 1991,J.Richalet

Pratique de la commande prédictive, ADERSA, Hermès, 1993. J.Richalet

Commande prédictive, Mise en œuvre et applications industrielles, Eyrolles, 2004. J. Richalet, G. Lavielle, J. Mallet

Commande prédictive industrielle traduit en Japonais 2007

La commande prédictive en Scilab, D-Booker Editions 2016


Titres

Ex President of the National Committee of Automatic Control

Chevalier de l’ordre du Mérite

Nordic Process Control Award 2007


Notes et références

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  1. Jacques Richalet, « Pratique de la commande prédictive », Edition Hermes,‎
  2. Jacques Richalet, « Modélisation et identification du processus », Techniques de l’Ingénieur R7140, vol. volume Mesures et Contrôle,‎
  3. Jacques Richalet, Guy Lavielle, Joëlle Mallet, Commande prédictive, Mise en œuvre et applications industrielles, Eyrolles, , 256 p. (ISBN 2-212-11553-9)