Statue d'Érasme

statue réalisée par Hendrick de Keyser à Rotterdam
Statue d'Érasme
La statue du philosophe Érasme, à Rotterdam
Artiste
Date
Commanditaire
Conseil municipal de Rotterdam
Type
Technique
Dimensions (H × L × l)
223 × 110 × 150 cm
Mouvement
Localisation
Protection
Monument national (32784) ()
Coordonnées
Géolocalisation sur la carte : Pays-Bas
(Voir situation sur carte : Pays-Bas)
Géolocalisation sur la carte : Hollande-Méridionale
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Géolocalisation sur la carte : Rotterdam
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La statue d'Érasme est une sculpture faite en bronze représentant le philosophe, humaniste et théologien Érasme. L'œuvre est moulée et façonnée par Hendrick de Keyser au début du XVIIe siècle, de 1619 à 1621, et finalisée par Jan Cornelisz. Ouderogge (nl) en 1622. La statue est inaugurée le . Elle est répertoriée comme étant le plus ancien bronze d'art des Pays-Bas. La statue est actuellement localisée sur la Grotekerkplein (place de Grotekerk), en face de l'église Saint-Laurent, au sein du quartier de Stadsdriehoek, dans l'arrondissement Centre de la ville de Rotterdam.

Premières versions modifier

La statue en bronze a été précédée par des versions antérieures. À Rotterdam[Note 1], la première statue d'Érasme est fabriquée en bois et érigée dans l'hypothétique ou présumée maison natale du philosophe, située dans le Wijde Kerksteeg au niveau de l'actuelle Hoogstraat, pour l'arrivée de Philippe II d'Espagne à Rotterdam le [2],[3]. Cette première statue d'Érasme a tenu un rôle particulier, le philosophe et humaniste étant représenté avec un exemplaire rédigé en latin de l'Éloge de la Folie niché dans sa main[4]. Cette œuvre était alors la première statue non religieuse des Pays-Bas. Après la visite, de Philippe II, la statue en bois a été transférée à proximité du pont de West-Nieuwlandsche[5].

En 1557, une statue, confectionnée en pierre bleue est érigée au même endroit. Néanmoins, cette seconde statue est ultérieurement retirée en 1572, pour être finalement jetée dans les douves par des troupes de l'armée espagnole sous la direction du comte de Boussu, Maximilien de Hénin-Liétard. Après avoir été sortie des eaux, la sculpture en pierre bleue est une nouvelle fois dressée sur le Grotemarkt. Elle occupe cet emplacement jusqu'en 1621[6],[5].

Historique modifier

Au début du XVIIe siècle, par décret de la municipalité de Rotterdam daté du et sur la recommandation d'Hugo Grotius, alors pensionnaire de la ville, le projet de faire fabriquer une nouvelle statue, est initié. Ce projet est confié au sculpteur Hendrick de Keyser. Le , Hendrick de Keyser reçoit, du collège des bourgmestres et échevins de Rotterdam, la commande de sculpter une statue en bronze, « copie de la précédente »[5]. Le , le conseil communal effectue l'achat du matériau métallique, dont le poids total s'élève à environ 7 203 livres. À l'époque, les dépenses, notamment en main d'œuvre (8 hommes sont requis pour le transport de la masse métallique), en matériau et en presse de moulage, se montent à une somme d'environ 2 550 florins[6],[5].

 
La statue d'Érasme, au XVIIe siècle.

La statue représentant Érasme commence à être moulée et fondue en 1619, par le sculpteur Hendrick de Keyser. À la mort de De Keyser, le , la façonnage de la statue est alors repris et terminé par le sculpteur Jan Cornelisz Ouderogge en 1622[5],[7],[8].

À l'origine, l'œuvre est installée à proximité de l'église Saint-Laurent, dans un lieu correspondant à l'actuelle rue de Grotemarkt (nl). À cette époque, cet emplacement est vivement critiqué par les pasteurs calvinistes qui voyaient en Érasme « un libertin et un esprit sceptique »[4],[5].

En 1677, un nouveau piédestal est construit. Deux des faces de ce deuxième socle porte une inscription latine. Le texte de la première inscription a été rédigé par l'écrivain Joachim Ouaden[Note 2] et celui de la seconde, formée de distiques élégiaques, par le poète et philologue Nicolas Heinsius[Note 3]. Les deux inscriptions latines sont complétées, sur les deux autres côtés du socle, par deux dédicaces en néerlandais, dont une, celle venant du conseil municipal de l'époque, comporte la probable date de naissance d'Érasme — mais non établie avec certitude —[3],[9], le «  »[5].

En 1810, alors que les troupes napoléoniennes entrent dans la ville de Rotterdam, la statue est touchée par des coups de canon[5].

En 1867, pour le 400e anniversaire de la naissance d'Érasme, une célébration commémorative est organisée autour de la statue[5].

 
La statue en 1920.

Lors du bombardement de Rotterdam le par la Luftwaffe de l'Allemagne nazie, la statue est préservée. Elle est alors ôtée de son piédestal, puis transférée, grâce au département municipal de la protection de l'art, à proximité du musée Boijmans Van Beuningen. À cet emplacement, la statue est alors incorporée dans un sarcophage maçonné, situé dans la cour du musée. Afin de protéger la statue, le sarcophage est recouvert de dalles de béton et de sacs de sable. Le , après la libération, l'œuvre est déplacée dans l'avenue de Coolsingel[5].

Dans les années 1960, en raison des travaux de construction de la station de métro de Coolsingel, débutés en 1963, la statue est à nouveau déplacée et pour être définitivement installée sur la place de Grotekerplein, en face de l'église Saint-Laurent[5].

 
Détail de la statue lors de sa restauration.

La sculpture repose, depuis le , sur une copie du piédestal réalisé en 1677. La même année, d'après une analyse historiographique établie par l'historien R. R. Post dans les années 1950, l'année de naissance du philosophe inscrite sur le socle est changée pour devenir 1469. Ultérieurement, l'année de naissance d'Érasme, faisant généralement consensus autour de celle de 1467, la date inscrite est à nouveau modifiée et redevient 1467[3]. L'ancien piédestal construit en 1677, est, quant à lui, transféré, le , face au gymnase Erasmiaans (nl)[5].

En date du , la statue d'Erasme fait l'objet d'une inscription au titre de monument national (Rikjsmonument)[10].

La statue est retirée de son socle en , puis fait l'objet d'une restauration en 1997, pour être remontée sur son piédestal en 1998. Pour mener à bien cette opération d'entretien et de réparation, les restaurateurs ont utilisé une technique de scannérisation en 3D[11],[12].

Caractéristiques et description modifier

La statue réalisée par De Keyser pèse 1 554 kg[2],[11]. Elle mesure une hauteur de 223 cm pour une largeur de 110 et une profondeur de 150[2].

Dans son ouvrage intitulé Erasmus en Rotterdam, l'historien Nicholaas van der Blom décrit la sculpture de De Keyser représentant le philosophe néerlandais « en savant théologien lisant la Bible »[9].

Cette œuvre est répertoriée comme étant la plus ancienne statue en bronze des Pays-Bas[13],[14],[15]. Par ailleurs, la sculpture réalisée par De Keyser a été l'unique statue des Pays-Bas exposée en plein air pendant plus de deux siècles, l'ensemble des autres sculptures néerlandaises de cette période étant constamment incorporées dans l'enceinte des églises. À ce titre, l'historien néerlandais Johan Huizinga souligne que, durant cette période, la principale caractéristique de cette « seule statue publique des Pays-Bas est qu'elle n'était celle ni d'un guerrier, ni d'un homme d'état, ni d'un poète, mais d'un savant qui avait négligé cette patrie »[4].

Statue d'Érasme à Brooklyn modifier

Au début du XXe siècle, en 1929, le sculpteur néerlandais Simon Miedema réalise une copie de la statue de De Keyser, également conçue en bronze, pour le Erasmus Hall High School (en) à Brooklyn, New-York. Cette copie, installée devant la façade de l'établissement américain, est inaugurée le [16],[17].

Galerie modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. La toute première version d'une sculpture représentant Érasme aurait été façonnée et érigée dans la partie nord des Alpes[2],[3].
  2. Le texte de la première inscription est le suivant :

    « DESIDERIO ERASMO
    MAGNO SCIENTIARVM ATQUE LITTERATVRAE
    POLITIORIS VINDICI ET INSTAVRATORI
    VIRO SAECVLI SVI PRIMARIO
    CIVI OMNIVM PRAESTANTISSIMO
    AC NOMINIS IMMORTALITATEM SCRIPTIS
    AEVITERNIS IVRE CONSECVTO
    S.P.Q. ROTERODAMVS
    NE QVOD TANTIS APVD SE
    SVOSQVE POSTEROS
    VIRTVTIBVS PRAEMIVM DEESSET
    STATVAM HANC EX AERE PVBLICO
    ERIGENDAM CVRAVERUNT
     »

    — Joachim Oudaen, 1677[5]

    .
  3. Le texte de la seconde inscription en latin est le suivant :

    « BARBARIAE TALEM SE DEBELLATOR ERASMVS
    MAXIMA LAVS BATAVI NOMINIS ORE TVLIT
    REDDIDIT EN FATIS ARS OBLVCTATA SINISTRIS
    DE TANTO SPOLIVM NACTA QVOD VRNA VIRO EST
    INGENII COELESTE IVBAR MAIVSQVE CADVCO
    TEMPORE QVI REDDAT SOLVS ERASMVS ERIT
     »

    — Nicolas Heinsius, 1677[5]

    .

Références modifier

  1. « Nœud : Desiderius Erasmus (3456200469) », sur le géoportail OpenStreetMap (consulté le ).
  2. a b c et d (en) Jan van Adrichem, Jelle Bouwhuis et Mariette Dölle, « Hendrik de Keyser (Utrecht 1565 - Amsterdam 1621) : Erasmus, 1622 », dans Jan van Adrichem, Jelle Bouwhuis et Mariette Dölle, Sculpture in Rotterdam, 010 Publishers, , 203 p. (lire en ligne), pages 140 à 142.
  3. a b c et d (en) J. Van Herwaarden, « Erasmus of Rotterdam : The image and the reality », dans J. Van Herwaarden, Between Saint James and Erasmus: Studies in Late-Medieval Religious Life : Devotions and Pilgrimages in the Netherlands, BRILL, , 703 p. (lire en ligne), page 513.
  4. a b et c (nl) Johan Huizinga, « Erasmus (1924) Aanhangsel », dans H. Brummel (directeur d'ouvrage) et al., Verzamelde werken : Biographie, vol. VI, Haarlem, Willink & Zoon, (lire en ligne).
  5. a b c d e f g h i j k l m et n (nl) Lucy Schlüter et Hum Hofmann, « Standbeelden van Erasmus in Rotterdam : 1549-2008 », publications de l'Université Érasmus de Rotterdam - Archives de la ville de Rotterdam,‎ , p. 36 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  6. a et b (nl) C. te Lintum, « Het standbeeld van Erasmus », dans C. te Lintum, Onze Eeuw. Jaargang 22, vol. 1, Haarlem, Bohn - De Erven, (lire en ligne), pages 65 à 79.
  7. (nl) « Standbeeld in Rotterdam Het », sur le site du Museum Rotterdam (consulté le ).
  8. (nl) Jeroen Giltaij, « Erasmus », sur le site Sculpture International Rotterdam (consulté le ).
  9. a et b Jean Claude Margolin, Neuf années de bibliographie érasmienne, 1962-1970, Vrin, , 850 p. (lire en ligne).
  10. (nl) « Monumentnummer: 32784 BY Grotekerkplein 5 3011GC te Rotterdam », sur le site du Rijksmonumentenrgister, Ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Science (consulté le ).
  11. a et b (nl) « Standbeeld Erasmus in 3D », sur le site des archives de la ville de Rotterdam (consulté le ).
  12. (nl) Collectif, « Standbeeld Erasmus weer op zijn plaats », NRC Handelsblad,‎ (lire en ligne).
  13. (nl) « Standbeelden van Erasmus in Rotterdam: 1549-2008. Stichting Erasmushuis Rotterdam. » [PDF], sur le site de la ville de Rotterdam (consulté le ).
  14. (nl) « Standbeeld van erasmus », sur le site de la ville de Rotterdam (consulté le ).
  15. (nl) « Standbeeld van Erasmus : "Wat is dwazer … dan … in brons op de markt te staan?" », sur le site de l'Erasmus Center for Early Modern Studies (consulté le ).
  16. (nl) L. J. Van Dunne, « Erasmus in New York Geëerd », dans L. J. Van Dunne, Geschiedenis van Nederland, vol. 40, (lire en ligne [PDF]).
  17. (nl) « Simon Miedema, de ontwerper van de facade beelden van het Witte Huis » [html], sur le site Engelfriet (consulté le ).

Pour approfondir modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (nl) Lucy Schlüter et Hum Hofmann, « Standbeelden van Erasmus in Rotterdam : 1549-2008 », publications de l'Université Érasmus de Rotterdam - Archives de la ville de Rotterdam,‎ , p. 36 (lire en ligne [PDF], consulté le ).  
  • (nl) Johan Huizinga, « Erasmus (1924) Aanhangsel », dans H. Brummel (directeur d'ouvrage) et al., Verzamelde werken : Biographie, vol. VI, Haarlem, Willink & Zoon, (lire en ligne).  
  • (nl) C. te Lintum, « Het standbeeld van Erasmus », dans C. te Lintum, Onze Eeuw. Jaargang 22, vol. 1, Haarlem, Bohn - De Erven, (lire en ligne), pages 65 à 79.  
  • (en) Jan van Adrichem, Jelle Bouwhuis et Mariette Dölle, « Hendrik de Keyser (Utrecht 1565 - Amsterdam 1621) : Erasmus, 1622 », dans Jan van Adrichem, Jelle Bouwhuis et Mariette Dölle, Sculpture in Rotterdam, 010 Publishers, , 203 p. (lire en ligne), pages 140 à 142.  

Articles connexes modifier

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