Représentation féminine à l'Assemblée constituante de Géorgie

La représentation féminine à l’Assemblée constituante de Géorgie, forte de cinq députées, est la conséquence du droit de vote des femmes décidé par l’assemblée parlementaire provisoire ( au ) de la République démocratique de Géorgie ( au ), en prévision des élections de février 1919 et par anticipation aux droits constitutionnels votés le [1].

Armoiries de la République démocratique de Géorgie.

Contexte politique modifier

Après la révolution russe de février 1917 qui fait tomber l’Empire russe — le territoire géorgien était annexé depuis 1801 —, après le coup d’état bolchévique d’ à Petrograd, l’institution d’une assemblée parlementaire provisoire pour la Transcaucasie le à Tiflis et l’institution d’une assemblée parlementaire provisoire pour la Géorgie (émanation du Conseil national géorgien) le — ces deux dernières assemblées sont constituées des députés élus le sur les territoires concernés lors des élections de l’Assemblée constituante russe dissoute par Lénine le  —, la République démocratique de Géorgie, gouvernée par une coalition sociale-démocrate, sociale-fédéraliste et nationale-démocrate, décide de l'élection d’une Assemblée constituante sur le territoire géorgien. Par anticipation aux droits constitutionnels instaurés le , la coalition politique donne le droit de vote aux hommes et aux femmes de plus de 20 ans, de nationalité géorgienne ou de nationalité étrangère résidant depuis plus de deux années sur le territoire géorgien. L’Assemblée constituante siège pour sa première séance le et elle est composée initialement de 109 députés sociaux-démocrates (dont 5 femmes), de 8 députés sociaux-fédéralistes, de 8 députés nationaux-démocrates et de 5 députés sociaux-révolutionnaires.

Aspect sociologique modifier

L’évolution de la condition féminine en Géorgie a été encadrée par les traditions séculaires et par l’influence de l'Église de Géorgie. Au chapitre des traditions, les danses géorgiennes, particulièrement chevaleresques, privilégient pour les femmes des rôles d’élégance, de grâce et de douceur ; les tables géorgiennes, dite Soupra, accueillent des chefs de table masculins, dit Tamada; la plus grande reine de l’histoire de la Géorgie, Tamar de Géorgie (1160-1213), est entrée dans l’histoire sous le nom de Tamar le roi. L’Église de Géorgie ordonne exclusivement des hommes ; durant les cérémonies religieuses les femmes sont séparées des hommes et portent un foulard sur la tête. Le début du XXe siècle a vu la situation évoluer ; l’éducation et l’instruction ont commencé à lever une partie des interdits qui excluaient les femmes de certains métiers, et de certains comportements ; la nécessité économique —  aggravée par le départ sur les fronts allemands et ottomans de près de 300 000 hommes géorgiens — a également constitué un facteur d’évolution ; l’ouverture à l’étranger, en particulier au monde européen, réservée à une classe privilégiée ou à une classe révolutionnaire, a aussi guidé l’émancipation politique. Ces trois facteurs se retrouveront d’ailleurs pour les Géorgiennes tout au long du XXe siècle[2],[3].

Elisabeth (Liza) Nakachidzé (1885-1937), épouse Bolkvadzé modifier

Elisabeth Nakachidzé (ელისაბედ ნაკაშიძე en géorgien, Elisabet Nakashidze en anglais) naît à Ozourguéti[Note 1] et effectue des études d’infirmière. Après la révolution de 1905, elle est déportée et revient en Géorgie en 1917. Le elle est élue présidente de l’association des femmes de Gourie. Elle se présente aux élections de l’Assemblée constituante du , est élue et siège jusqu’au . Après l'invasion du territoire géorgien par l'Armée rouge, elle est déportée une deuxième fois en 1923 et revient en Géorgie en 1925. Elle est ensuite arrêtée une troisième fois en 1926 pour activité antisoviétique et condamnée à l’exil dans la région sibérienne de Krasnoïarsk, d’où elle revient en 1933. Elle est arrêtée une quatrième fois en 1936, transférée dans la région de l’Oural avec d’autres militants clandestins sociaux-démocrates, jugée pour activités contre-révolutionnaires en liaison avec l’étranger et condamnée à 5 ans d’exil à nouveau dans la région sibérienne de Krasnoïarsk. Elle meurt sous le feu d’un peloton d’exécution le . Elle est réhabilitée en 1956[4],[5].

Christiné (Tchito) Charachidzé (1887-1973) modifier

Christiné Charachidzé (ქრისტინე შარაშიძე en géorgien, Kristine Sharashidze en anglais) naît dans la région d’Ozourguéti, dans le village de Bakhvi ; elle est exclue du Collège de jeunes filles de Koutaïssi en 1904 pour agitation politique. Lors des affrontements entre Arméniens et Azeris de 1905 à Tiflis, elle participe à une équipe volante de secours médical. Elle devient membre d’une association de littérature géorgienne et du Parti social-démocrate. Elle se présente aux élections de l’Assemblée constituante du , est élue et siège jusqu’au  : elle assure le secrétariat de l’assemblée et est membre de trois commissions parlementaires, dont celle de l’éducation nationale. Après l’invasion de l’Armée rouge, elle est arrêtée deux fois pour activité antisoviétique, puis relâchée. Le , elle est arrêtée une troisième fois pour avoir fomentée une grève dans une école de Tiflis à la date anniversaire de l’occupation, emprisonnée et relâchée six mois plus tard pour mauvaise santé. Elle reprend ses études en 1927 à l’Université d’État de Tiflis, dans le domaine de la littérature et de la langue géorgiennes, en sort diplômée en 1931 et intègre le musée d’ethnographie et d’histoire. Elle s’intéresse aux manuscrits anciens et publie différents ouvrages historiques[6],[7].

Anna (Ola) Sologhachvili (1882-1937) modifier

Anna Sologhachvili (ანნა სოლოღაშვილი en géorgien, Anna Sologashvili en anglais) est institutrice lorsqu’elle devient membre du Parti social-démocrate en 1903 et rejoint la tendance Menchevik. Elle est arrêtée plusieurs fois à l’époque tsariste. Elle est d’abord membre de l’assemblée parlementaire géorgienne provisoire du , et à ce titre est l’une des signataires de l’Acte d’indépendance de la Géorgie. Elle se présente ensuite aux élections de l’Assemblée constituante du , est élue et siège jusqu’au  : elle œuvre à la Commission des publications et à la bibliothèque de l’assemblée. Après l’invasion du territoire géorgien par l’Armée rouge, elle reprend son métier d’institutrice, tout en continuant clandestinement la résistance. Elle est arrêtée en 1937, accusée d’antisoviétisme, d’anti-collectivisme, de chauvinisme et de liens avec l’étranger : elle meurt sous le feu du peloton d’exécution[8].

Eléonore (Lola) Ter Parsegova (1875-193?), épouse Makhviladzé modifier

Eléonore Ter Parsegova (ელეონორა ტერ-ფარსეგოვა en géorgien, Eleonora Ter Parsegova en anglais) naît à Tiflis le et effectue ses études au Collège des filles. Elle rejoint le Parti social-démocrate en 1902. Elle déménage à Soukhoumi et prend une part active à la révolution de 1905 au cours de laquelle le régime tsariste perd le contrôle de la ville : elle est emprisonné en 1908 et à nouveau deux fois avant la révolution russe de février 1917. Elle se présente ensuite aux élections de l’Assemblée constituante du , est élue et siège jusqu’au  : elle participe à la commission parlementaire travail et santé. Après l’invasion du territoire géorgien par l’Armée rouge, elle s’implique dans le mouvement antisoviétique et est élue en 1925 au comité central du Parti social-démocrate clandestin. Elle est arrêtée en 1926 et déportée en Sibérie. Elle revient en Géorgie durant les années 1930. Sa date de décès est inconnue[9].

Minadora Ordjonikidzé (1979-1967), épouse Torochélidzé modifier

Minadora Ordjonikidzé (მინადორა ორჯონიკიძე en géorgien, Minadora Orjonokidze en anglais) naît à Gorecha, en Imérétie dans une famille noble et effectue ses études secondaires au Collège des filles de Koutaïssi. Elle est envoyée à Genève en 1901 pour y poursuivre ses études de médecine, s’intéresse au marxisme et épouse Malakia Torochélidzé. De retour en Géorgie en 1905, elle entre en conflit idéologique avec son mari, militant bolchévique alors qu’elle milite du côté menchévique. Après la révolution de 1905, elle est un temps en mission à Bakou, puis retourne à Genève terminer ses études. Elle revient, diplômée, en 1914 et exerce son métier d’abord à Samtredia, puis à Tiflis. Elle se présente aux élections de l’Assemblée constituante du , est élue et siège jusqu’au . Après l’invasion du territoire géorgien par l’Armée rouge, elle s’engage dans la Croix rouge et dans une association caritative américaine (Americain Relief Administration, soupçonnée de lutte clandestine contre le régime soviétique). En 1924, elle est accusée d’antisoviétisme et exilée à Moscou. Elle est arrêtée le , quatre jours après son mari Malakia et un jour avant son fils aîné Guiorgui tous deux meurt sous le feu d'un peloton d’exécution. En 1937, son fils cadet, Levani, est arrêté et exécuté. Minadora est envoyé en exil au Kazakhstan et revient à Tiflis en 1950. Elle est réhabilitée en 1956[10].

Héritage modifier

Depuis la restauration de l’indépendance de la Géorgie en 1991, les différents Parlements de Géorgie ont compté chacun une vingtaine des femmes députés, alors que le nombre total de députés diminuait de 250 à 150, ce qui représente aujourd’hui un pourcentage de l’ordre de 15%[11]; aux élections législatives d'octobre 2016 22 femmes sont élues députés sur 150[12]. L’instauration d’un quota minimum de femmes en politique est une revendication soulevée par une partie de la société civile géorgienne[13]. Nino Bourdjanadzé a été présidente du Parlement de 2001 à 2008, et à ce titre présidente de la République par intérim à deux reprises. Plusieurs femmes ont exercé et exercent les fonctions de ministres, ainsi que celles d’ambassadeurs auprès des pays étrangers ou de représentants auprès des institutions internationales. Depuis le , une femme est présidente de la République de Géorgie, Salomé Zourabichvili.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. La transcription en langue française des patronymes géorgiens a été stable jusqu’à la fin du XXe siècle : les règles constituées par l’intermédiation de la langue russe, confirmées par la Légation de la République démocratique de Géorgie en France (1921-1933) et proches de la prononciation en langue géorgienne, étaient utilisées sans exception ; elles le sont encore aujourd’hui par le ministère français des Affaires étrangères et par la plupart des universitaires français s’intéressant à la Géorgie. L’usage a progressivement changé avec l’intermédiation de la langue anglaise et la définition d’une translittération latine proche de la transcription anglaise (2002). Ainsi გიორგი ჯავახიძე donne Guiorgui Djavakhidzé en transcription française et Giorgi Javakhidze en transcription anglaise (et en translittération latine). La transcription en langue française des noms de villes a obéi à une évolution similaire, ოზურგეთი devient Ozourguéti en transcription française et Ozurgeti en transcription anglaise (et translittération latine), avec une difficulté supplémentaire liée au changement de nom de certaines villes durant l’époque soviétique (Ozourguéti s’est appelée Makharadzé durant 70 années).

Références modifier

  1. Jean-Pierre Maury, « Géorgie. Constitution du 22 février 1921 Article 46 », sur Digithèque MJP Université de Perpigan, .
  2. Sophie Tournon, « La Géorgie entre appel de l’Occident et ancrage local », sur Anatoli, .
  3. Maroussia Ferry, « Exil temporel chez les migrants de retour en Géorgie post-soviétique », sur Temporalités, .
  4. (en) « Liza /Elisabed/ Nakashidze-Bolkvadze », sur Henrich Böll Stiftung. South Caucasus, .
  5. (en) « Elisabeth (Liza) Nakashidze-Bolkvadze », sur Knight Lab.
  6. (en) Irakli Khvadagiani, « Kristine /Chito/ Sharashidze », sur Henrich Böll Stiftung. South Caucasus, .
  7. (en) « Kristine Sharashidze », sur Knight Lab.
  8. (en) Irakli Khvadagiani, « Anna /Ola/ Sologhashvili », sur Henrich Böll Stiftung. South Caucasus, .
  9. (en) Irakli Khavdagiani, « Eleonora /Lola/ Ter-Parsegova-Makhviladze », sur Henrich Böll Stiftung. South Caucasus, .
  10. (en) Irakli Khvadagiani, « Minadora Orjonikidze-Toroshelidze », sur Henrich Böll Stiftung. South Caucasus, .
  11. (en) Karolina Ó Beacháin Stefańczak, « Georgian Politics: Gender Imbalance and Women’s (Under)Representation », sur Caucasus Analytical Digest, Dublin, .
  12. (en) « Women in Parliament », sur Parliament of Georgia, .
  13. (en) Regina Jegorova-Askerova, « Quota Calls for Women in Georgian Politics », sur IWPR, 2& mai 2015.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier