Prophétie de saint Valery

La prophétie de saint Valery est une prophétie relative à la perpétuation de la dynastie capétienne à la tête du royaume des Francs[1].

Saint Valery apparaissant à Hugues Capet (Grandes Chroniques de France, XIVe siècle), Paris, Bibliothèque nationale de France.

Origine

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Il s’agit sans doute d’une réponse à l’affirmation formulée à Sens au début du XIe siècle d’après laquelle les Capétiens étaient des usurpateurs[2], qui elle-même est probablement liée à la compétition entre les archevêques de Sens et de Reims qui revendiquaient tous les deux la prérogative de sacrer le roi[3].

Deux auteurs originaires des monastères de Saint-Valery et de Saint-Riquier, dans la Somme, affirment peu après que saint Valery est apparu à Hugues Capet pour lui promettre que ses successeurs régneraient sur le royaume des Francs « jusqu’à la septième génération[4],[5] ».

Depuis l’Antiquité, devins et prophètes se sont souvent intéressés dans leur prédiction aux changements dynastiques : un exemple contemporain de la prophétie de saint Valery est la propéhétie d’Hugues, évêque de Lincoln, à propos des fils d’Henri II[6].

Interprétation

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Cette prophétie, délibérément ambiguë comme la plupart des prophéties, peut s’interpréter soit symboliquement, soit littéralement.

Le chiffre sept représente pour certains auteurs l’éternité. Cependant, pris littéralement, il peut impliquer un changement de dynastie à partir du successeur de Philippe Auguste. Les premiers Capétiens pouvaient ignorer cette prophétie car elle pouvait paraître lointaine. Mais à partir du règne de Philippe Auguste, elle a pu paraître inquiétante. De là vient sans doute qu’Étienne de Gallardon ait copié un résumé de cette prophétie dans le registre E en 1220, tout en annulant sa portée littérale, puisqu’il assigne l’apparition du saint au père d’Hugues Capet, Hugues le Grand, ce qui implique que la date était déjà dépassée sans que rien soit produit[7].

Le reditus regni ad stirpem Karoli Magni

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Depuis la mort des fils de Charles de Basse-Lotharingie, il n’y avait plus de carolingiens, hormis les descendants du fils aîné mais illégitime de Charlemagne : les Herbertiens, perpétuèrent la lignée carolingienne jusqu’au XIIe siècle par les comtes de Vermandois, et d’après Christian Settipani jusqu’au début du XIVe siècle par les seigneurs de Mellier, Neufchâteau et Falkenstein[8],[9].

Les apologistes des Carolingiens affirmaient que le pape Étienne II avait prononcé un anathème, lorsqu’il avait oint Pépin le Bref en 754, contre tout successeur qui ne serait pas de son sang. Un moyen simple pour les Capétiens de répondre à cet anathème était de rappeler, que comme la plupart des familles baronniales de France du XIIe siècle, ils avaient du sang carolingien en ligne féminine : en dehors d’Anne de Kiev, épouse d’Henri Ier, toutes les épouses des rois capétiens descendaient de Charlemagne[10],[11] et Hugues Capet en était lui-même issu, son grand-père le roi Robert Ier ayant épousé une Herbertienne, Béatrice de Vermandois.

Cependant, certains auteurs ont considéré que la prophétie de saint Valery s’était bien réalisée par le retour la dynastie carolingienne sur le trône des Francs. En effet, l’épouse de Philippe Auguste, Isabelle de Hainaut descendait non seulement de Charlemagne mais aussi, et contrairement aux autres reines capétiennes, du compétiteur malheureux d’Hugues Capet, le duc Charles de Basse-Lotharingie, fils du roi Louis IV d'Outremer et frère du roi Lothaire. Elle était d’ailleurs issue de ce prince par ses deux parents[12].

Ce double rattachement au dernier prétendant carolingien permit donc à Gilles de Paris de mettre en avant le thème du retour de la royauté à la dynastie carolingienne avec son fils Louis VIII de France[13],[Note 1].

De même, André de Marchiennes, clerc du monastère de Marchiennes[Note 2], écrivit une histoire des rois français et de leur succession dans laquelle il retrace l’ascendance carolingienne et de Louis et affirme que les Carolingiens sont revenus sur le trône en la personne de Louis VIII[14].

Cette idée du reditus regni ad stirpem Karoli Magni a été étudiée par Karl Ferdinand Werner[15]. Dans les cercles royaux, on était assez convaincu par la légitimité capétienne pour ne pas porter une grande attention à ce thème[16]. Quoi qu’il en soit, Louis VIII fut le premier roi capétien à ne pas avoir été sacré du vivant de son père, ce qui témoigne d’un renforcement de la légitimité dynastique.

Bibliographie

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  • (en) Gabrielle M. Spiegel, « The Reditus regni ad stirpem Karoli Magni : A new Look », French Historical Studies, 7, 1971, p. 147-51.
  • (en) Andrew W. Lewis, Royal Succession in Capetian France, Cambridge, Harvard University Press, 1981, p. 36, 50.

Notes et références

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  1. C’est à partir de Louis VIII que le prénom Charles fut couramment utilisé par les Capétiens.
  2. Le patron du monastère de Marchiennes était Baudouin de Hainaut, le frère d’Isabelle de Hainaut.

Références

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  1. John Baldwin, Philippe Auguste, éd. Fayard, novembre 1994, p. 466.
  2. Historia Francorum Senonensis, MGH SS, t. IX, p. 364-369.
  3. John Baldwin, Philippe Auguste, éd. Fayard, novembre 1994, p. 644.
  4. Historia relationis corporis Sancti Walarici, RHF, t. IX, p. 147-149.
  5. Cronica Centulensi sive Sancti Richarii, RHF, t. VIII, p. 273-75.
  6. The Life of St Hugh of Lincoln, éd. D.L. Douie et H. Farmer, Londres, 1961, t. II, p. 184, 185.
  7. John Baldwin, Philippe Auguste, éd. Fayard, novembre 1994, p. 466-67.
  8. Hervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve – XVIIIe siècle, P.S.R. éditions, 2004, p. 44.
  9. Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l’auguste maison de France, vol. 1), éd. Patrick van Kerrebrouck, 1993, p. 248.
  10. John Baldwin, Philippe Auguste, Paris, Fayard, novembre 1994, p. 466-467.
  11. Hervé Pinoteau, La Symbolique royale française, Ve – XVIIIe siècle, P.S.R. éditions, 2004, p. 126 et 163.
  12. Gérard Sivéry, Louis VIII Le lion, Fayard, 1995, p. 16.
  13. Gérard Sivéry, Louis VIII Le lion, Fayard, 1995, p.  45.
  14. André de Marchiennes, Historia succincta de gestis et successione regum Francorum, partiellement édit in MGH SS, t. XXVI, p. 204-215.
  15. Karl Ferdinand Werner, « Die Legitimät der Kapetinger und die Entstehung des Reditus regni Francorum ad stirpem Karoli », Die Welt als Geschichte, 12, 1952, p. 203-225.
  16. John Baldwin, Philippe Auguste, éd. Fayard, novembre 1994, p. 467.