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Lumière sur… Photo de la semaine
Mustafa Kemal Atatürk (mai 1880/1881 - 10 novembre 1938) est le fondateur et le premier président de la République turque.
Photographie de Mustafa Kemal Atatürk, 29 Octobre, 1923
Photographie de Mustafa Kemal Atatürk, 29 Octobre, 1923

Après la Première Guerre mondiale et l'occupation alliée de l'Empire ottoman, ce militaire de carrière refuse de voir l'Empire ottoman être démembré par le traité de Sèvres. Accompagné de partisans, il se révolte contre le gouvernement impérial, crée un deuxième pouvoir politique à Ankara et mène la guerre contre les occupants à la tête de la résistance turque. Sous son commandement, les forces turques vainquent les armées arméniennes, françaises et italiennes et grecques. Suite à ces victoires, les forces britanniques choisissent de signer un premier armistice avec lui et s’engagent à quitter le pays.

Mustafa Kemal affirme également une volonté farouche de rupture avec le passé impérial ottoman et de réformes radicales pour son pays. Il met un terme au sultanat le 1er novembre 1922 et instaure une séparation entre le pouvoir politique et spirituel. Après la proclamation de la République, il déplace la capitale d’Istanbul à Ankara et il occidentalise le pays à travers plusieurs réformes. Notamment, il laïcise la Turquie, donne le droit de vote aux femmes et remplace l’alphabet arabe par l’alphabet latin. Sous sa présidence autoritaire, la Turquie a mené une révolution sociale sans précédent, qu’on appelle généralement révolution kémaliste. Le 24 novembre 1934, l'Assemblée lui donne le nom d'Atatürk, « père des Turcs ». Il meurt le 10 novembre 1938. Sa dépouille repose aujourd'hui dans le mausolée dit de l'Anıtkabir.

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Symbole de la superposition des cultures en Turquie, la basilique Sainte-Sophie d'Istanbul, église durant un millénaire, mosquée durant cinq siècles depuis le règne du sultan ottoman Mehmet II, et musée de 1934 à 2020 suite à une décision de Mustafa Kemal Atatürk, est aujourd'hui objet d'une polémique : des associations religieuses viennent d'obtenir de la Cour suprême son retour au statut de lieu de culte musulman.

La mosquée Ayasofya s'élève au cœur de la vieille ville d'Istanbul, jadis Constantinople, capitale impériale durant plus de quinze siècles, romaine d'Orient (byzantine) puis ottomane. Mais la portée historique et culturelle de l'édifice va bien au-delà de son statut : Istanbul est la première ville de Turquie et la deuxième agglomération d'Europe après celle de Moscou et devant celles de Londres et Paris et ce, depuis un millénaire et demi[1].

Pourtant Istanbul ou Constantinople, bien qu'elle se situe sur la rive européenne du Bosphore, ne figure pas dans les listes de villes d'Europe et l'expression historique « c'était alors la première ville d'Europe » fleurit dans la majeure partie des publications occidentales, à propos d'Aix-la-Chapelle, Cordoue, Londres ou Paris, en ignorant la métropole du Bosphore, considérée comme asiatique. L'Asie est certes en face, à Üsküdar, et cela a contribué à la prospérité du lieu, mais aussi, depuis les guerres médiques, à rejeter dans un « Orient » méprisable, synonyme de décadence, de despotisme, de maladies aux yeux de l'inconscient collectif occidental[2], l'ensemble des brillantes puissances impériales qui se sont succédé sur les deux rives du Bosphore : la Perse, les macédoniens, les royaumes hellénistiques, l'Empire byzantin et finalement l'Empire ottoman.

Cette perception occidentale n'est pas seulement un phénomène intellectuel mais aussi politique : la procédure d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne piétine et la Turquie moderne, héritière d'un mille-feuilles civilisationnel méconnu (y compris par beaucoup de ses ressortissants) et qui, au XXe siècle a aussi absorbé la laïcité républicaine et l'égalité des sexes, se retourne de plus en plus, au XXIe siècle, vers ses racines antérieures, illustrant un mot attribué à André Malraux : « Le XXI-e siècle sera religieux ou ne sera pas » (en fait il a dit « spirituel » et l'oubli de cette nuance en dit long sur le contexte historique dans lequel Ayasofya vient de perdre son statut de musée[3],[4]).

Notes

  1. Sources dans les articles Géographie de l'Europe, Balkans et Géographie de la Turquie.
  2. Thouvenel, dans sa lettre de 1852 à Napoléon III conservée aux Archives nationales (microfilms sous la cote 255AP sur Archives nationales) écrit ainsi, sans la moindre argumentation, que « l'Orient est un ramassis de détritus de races et de nationalités dont aucune n'est digne de notre respect ».
  3. Marie Jégo, « En Turquie, Erdogan ressasse son rêve de changer Sainte-Sophie en mosquée », Le Monde du 30 mai 2020 - [1]
  4. Mathieu Laurent, Stanislas Vasak et Benoît Bouscarel, « Sainte-Sophie redevient mosquée », France Culture, (consulté le ).