Pedro de Oñate

jésuite et juriste espagnol

Pedro de Oñate, né le à Valladolid et mort le à Lima, est un juriste, théologien, missionnaire et jésuite espagnol.

Pedro de Oñate
Biographie
Naissance
Décès
(à 79 ans)
Lima
Formation
Activité
Autres informations
Religion
Ordre religieux
Mouvement
Œuvres principales
De Contractibus

Membre de l'École de Salamanque, il est aujourd'hui reconnu comme l'un des grands experts du droit des contrats, matière qu'il systématise dans son ouvrage De Contractibus.

Biographie

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Après avoir étudié la Théologie et le Droit d'abord à l'université de Salamanque puis à l'ancienne université d'Alcalá de Henares où il suit les cours de Francisco Suárez[1], il entre le 12 mars 1586 au sein de l'ordre des Jésuites[2].

Encore étudiant, il participe à la Mission jésuite du Pérou entre 1592[2], et ce contre l'avis de Suárez qui aurait préféré qu'il reste en Espagne pour travailler avec lui[1]. Il est possible qu'il est continué ses études en Amérique, au sein de l'université nationale principale de San Marcos à Lima[3].

Maître des novices au Collège du Cercado, puis recteur des collèges de la Compagnie à Potosí, La Paz et Chuquisaca, il finit par être nommé Supérieur provincial de la Province jésuite du Paraguay (es)[4] entre 1615 et 1624[1]. Son talent d'organisateur se fit tant remarquer que l'ont dit parfois que "si le Père Torres avait fondé la Province, Le Père Oñate l'avait organisée"[5].

Il joue notamment un rôle central dans la fondation de l'université nationale de Córdoba[1], où il devient professeur de Théologie[6].

Doctrine

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Systématisation du droit des contrats

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L'œuvre principale de Pedro de Oñate, De Contractibus, est l'un des ouvrages de droit des contrats les plus approfondis jamais écrits[7], matière qu'il considère comme « extrêmement vaste, extrêmement compliquée, mais extrêmement utile »[8]. Sa vision systématique du contrat repose essentiellement sur deux piliers : la liberté et l'équité[9].

Oñate va ainsi promouvoir l'idée du consensualisme, au motif que, créé à l'image de Dieu qui l'a rendu libre, l'Homme dispose d'une autonomie de volonté tant pour la gestion de ses biens que pour ses engagements[10]. De par l'alignement du droit civil sur les principes canoniques consensualistes, il estime que la liberté a été sagement rendue aux parties contractantes[11].

Toutefois, cette liberté de contracter ne va pas sans respecter l'équité, principe fondamental des échanges contractuels en raison de la raison naturelle[12] : en plus de devoir respecter les règles étatiques imposées dans l'intérêt de tous, les parties doivent aussi respecter veiller à respecter les principes de la justice commutative[13], raison du caractère contraignant de l'engagement[14]. Le respect de l'équité passe notamment par le respect du juste prix, raisonnement qui pousse Oñate à férocement critique les pratiques monopolistiques pratiquées en Amérique latine[15], et par la reconnaissance de la validité de la théorie de l'imprévision comme principe universel du droit des contrats[16].

Notion de valeur

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En tant que membre de ce qu'on a appelé les "scolastiques coloniaux"[17], Oñate eut à adapter les préceptes de l'École de Salamanque à la situation sud-américaine[18]. Ainsi, sur base de ses expériences personnelles, Oñate critique l'idée attribuée à Jean Duns Scot que la valeur d'un bien se fonde sur le travail nécessaire pour le produire[19]. Selon lui, la valeur économique est subjective et se fonde avant tout sur l'appréciation de nombreux facteurs[20], comme par exemple la gaieté que le bien pourra apporter ou le manque qu'il pourra combler[21].

Contractualisme

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Reprenant les idées de son professeur Francisco Suárez[22] mais bien plus méfiant des autorités publiques que les autres membres de l'École de Salamanque[23], Oñate considère que le principe du pouvoir royal n'est ni le fruit d'un don de Dieu ou d'une supériorité de la personne royale, mais émane d'un contrat social conclu dans l'intérêt de la communauté[24]. En cela, le pouvoir royal est nécessairement limité et ne peut être absolu, sous peine de sombrer dans la tyrannie[25].

Afin d'assurer le bonheur de sa population, le Roi a selon Oñate quatre grands obligations : servir la religion catholique (et donc accepter l'action de l'Inquisition dans ses territoires), défendre l'État et la vie de ses citoyens, défendre l'honneur et la réputation de ses citoyens, et préserver et accroître la richesse de sa population[26]. Il ajoute aussi la nécessité pour le Roi de fournir des biens utiles à tous, comme des routes, ponts ou ports[27].

Œuvres

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  • (la) De Contractibus, Rome, 1646-1654

Bibliographie

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  • (es) Oreste Popescu, « El padre Pedro de Oñate (1567-1646) y su importancia en la historia del pensamiento económico latinoamericano », Revista del Instituto de Investigación Musicológica “Carlos Vega”, no 11,‎ , p. 31-38 (lire en ligne  )
  • (en) Wim Decock, Theologians and Contrat Law : The moral Transformation of the Ius commune (ca. 1500-1650), Leiden-Boston, Martinus Nijhoff Publishers, , 723 p. (lire en ligne  )
  • (en) Wim Decock, « 'Mercatores isti regulandi': Monopolies and Moral Regulation of the Market in Pedro de Oñate's 'De contractibus' », Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, vol. 90, nos 3-4,‎ , p. 462-488 (lire en ligne  )
  • (es) Carlos de Cores Helguera, El origen histórico de la teoría general del contrato. La teoría general del contrato en la tradición jesuítica. La obra ”De contractibus “, de Pedro de Oñate S. J., como precursora de conceptos fundamentales del derecho contractual actual, Université pontificale de Comillas, , 588 p. (lire en ligne  )
  • (es) Alvaro Perpere Viñuales, « Pedro de Oñate, discípulo de Francisco Suãrez en Latinoamérica. Su reflexión sobre el origen, los límites y las funciones del Rey », Cauriensia, vol. XII,‎ , p. 213-226
  • (en) Alvaro Perpere Viñuales, « Merchants, prices and justice: Pedro de Oñate and Scotus’ labour theory of value: a philosophical approach to the question of economic value », Unisinos Journal of Philosophy, vol. 23, no 2,‎ (lire en ligne  )

Notes et références

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  1. a b c et d Perpere Viñuales 2017, p. 215.
  2. a et b Popescu 1990, p. 32.
  3. Popescu 1990, p. 32-33.
  4. Popescu 1990, p. 34.
  5. Popescu 1990, p. 31.
  6. Decock 2022, p. 463.
  7. Decock 2013, p. 67.
  8. Decock 2013, p. XVII.
  9. Decock 2022, p. 469.
  10. Decock 2022, p. 464.
  11. Decock 2013, p. 2.
  12. Decock 2013, p. 512.
  13. Decock 2022, p. 466.
  14. Decock 2013, p. 200.
  15. Decock 2022, p. 470-478.
  16. Decock 2013, p. 207.
  17. (en) Roberto Hofmeister Pich et Alfredo Santiago Culleton (dir.), Scholastica Colonialis : Reception and Development of Baroque Scholasticism in Latin America, 16th-18th Centuries, Barcelone, Brepols,
  18. Perpere Viñuales 2022, p. 2.
  19. Perpere Viñuales 2022, p. 3-5.
  20. Decock 2022, p. 468.
  21. Perpere Viñuales 2022, p. 5-6.
  22. Perpere Viñuales 2017, p. 217.
  23. Decock 2022, p. 470.
  24. Perpere Viñuales 2017, p. 217-218 et 220.
  25. Perpere Viñuales 2017, p. 218-220.
  26. Perpere Viñuales 2017, p. 221-222.
  27. Perpere Viñuales 2017, p. 221-223.