Nous sommes tous « indésirables »

slogan de Mai 68

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Nous sommes tous « indésirables »

Nous sommes tous « indésirables », Nous sommes tous des Juifs et des Allemands[1],[2] ou Nous sommes tous des juifs allemands[3] sont des slogans de Mai 68[4]. Ils font suite aux attaques contre les origines familiales de Daniel Cohn-Bendit, alors porte-parole du Mouvement du 22 Mars.

Daniel Cohn-Bendit en 1968.

Origines

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L'éditorial de l'hebdomadaire Minute

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Le 2 mai 1968, l'éditorial de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute indique : « Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand, se prend pour un nouveau Karl Marx »[5] et « ce Cohn-Bendit doit être pris par la peau du cou et reconduit à la frontière sans autre forme de procès »[6].

Selon un rapport des renseignents généraux rendu public par L'Express en 2008, l'auteur de l'article, Jean-Marie Le Pen, a demandé juste après la protection de la police.

L'article du quotidien L'Humanité le 3 mai

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Dans le quotidien du Parti communiste français, L'Humanité, du lendemain 3 mai, Georges Marchais dénonce plus généralement le Mouvement du 22 Mars : « A l'Université de Nanterre, par exemple, on trouve : les "maoïstes", les "Jeunesses communistes révolutionnaires" qui groupent une partie des trotskystes ; le "Comité de liaison des étudiants révolutionnaires", lui aussi à majorité trotskyste ; les anarchistes ; divers autres groupes plus ou moins folkloriques. Malgré leurs contradictions, ces groupuscules – quelques centaines d'étudiants – se sont unifiés dans ce qu'ils appellent "Le Mouvement de 22 Mars – Nanterre" dirigé par l'anarchiste allemand Cohn-Bendit »[7],[8].

Des années plus tard, Cohn-Bendit dira : « Georges Marchais qui m’avait traité d’anarchiste allemand faisait jouer la phobie antiboche : les étudiants à Nanterre ont crié ce qu’il n’avait pas osé dire : "juif allemand" »[5].

La réaction : manifestation le 22 mai

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En réaction, trois semaines plus tard, dans une manifestation le 22 mai 1968 contre l'expulsion de Daniel Cohn-Bendit, fuse le slogan « Nous sommes tous des Juifs allemands »[7],[9]. Le magazine Paris Match vient alors de publier ses premières photos de Daniel Cohn-Bendit, prises devant un CRS à la Sorbonne.

L'ORTF venait alors de se mettre en grève pour protester contre la censure de deux émissions où étaient interviewés les deux leaders de Mai 68, Jacques Sauvageot (UNEF) et Alain Geismar.

La manifestation donne lieu, lors de sa préparation, à une boutade, dès les premiers mots de la réponse à une question d'un journaliste de l'ORTF, le 22 mai 1968[10], sous la forme d'une plaisanterie reprenant celle de Jean Yanne au micro de RTL, en répondant du tac au tac Il est interdit d'interdire ! à une question sur l'interdiction éventelle de la manifestation, elle même organisée pour protester contre l'interdiction du territoire français pour le leader politique.

La question du journaliste portait sur l'éventualité d'une interdiction par la préfecture de police de la manifestation dont le Syndicat des enseignants de l'Université, le SNES Sup, avait déjà annoncé la tenue lors d'une conférence de presse et qui a lieu dans la soirée. La personne qui répond est Alain Geismar, responsable de ce syndicat. Il rappelle ensuite d'emblée que cette manifestation vise à protester contre la mesure d'interdiction de séjour en France de son ami Daniel Cohn Bendit[10].

Alain Geismar veut ainsi interdire une chose très précise : l'interdiction de séjour de Cohn-Bendit. Il rappelle au passage que son syndicat a toujours appelé à des manifestations pacifiques[10] et note qu'au cas où des violences surviendraient les militants étudiants n'en seraient pas la cause.

L'affiche de Rancillac, jamais aposée sur les murs

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L'une des 415 affiches de Mai 1968 répertoriées lors d'une exposition en 2018 par le photographe professionnel Jean-Paul Achard reproduit ensuite ce slogan, avec le visage de Cohn-Bendit, mais sans faire référence à sa nationalité et la religion que lui a attribué le journal Minute[11]. C'est la seule fois, pendant les événements de Mai, qu'une affiche représente un étudiant[12].

C'est par ailleurs la seule des 415 affiches recensées de Mai 68 qui n'a jamais été affichée dans la rue par les étudiants[13].

L'affiche reprend la photo prise de Cohn-Bendit le 6 mai à la Sorbonne par Jacques Haillot[14], en noir et blanc, pour L'Express[14]

Commentaire

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Pour le chargé de recherche en sociologie Alexander Neumann en 2008 , l'expression utilisée par Georges Marchais dans son article, « L’anarchiste allemand Cohn-Bendit », cela sonne comme une triple infamie : Marginal qui met en danger la République et la classe ouvrière ; boche qui devrait se taire ; étranger porteur d’un nom qui sonne juif[15].

Historiographie

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Dès la manifestation organisée trois semaines plus tard, le 22 mai, les deux mots du slogan "et des" disparaissent en cours de route pour qu'il devienne plus facile à scander, sous la forme: "Nous sommes tous des juifs allemands"[7].

C'est aussi le cas dans la chanson de Dominique Grange, militante du mouvement maoïste GP, écrite en 1969, mais qui intègre les deux formulations, avant et après la disparition des deux mots "et des".

Affiches

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Dans le sillage, plusieurs projets d'affiches sont inspirées du slogan de la rue dont : « Nous sommes tous des Juifs et des Allemands »[16],[11],[17] puis, après débats, « Nous sommes tous indésirables »[18].

L'une des 415 affiches de Mai 1968 répertoriées par le photographe professionnel Jean-Paul Achard reproduit alors ce slogan, avec le visage de Cohn-Bendit[11]

Carte postale

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En 1978, l'affiche « Nous sommes tous des Juifs et des Allemands » est rééditée en carte postale par L’atelier Séripo[19].

En musique

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En 1969, Dominique Grange, alors proche des mao-spontex de la Gauche prolétarienne, reprend le slogan dans le refrain de la chanson La pègre[20]

« Nous sommes tous des dissous en puissance
Nous sommes tous des juifs et des Allemands »

Postérité

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Ce slogan deviendra plus tard celui de la solidarité contre l’exclusion dans d'autres domaines: « Nous sommes tous des enfants d'immigrés », « Nous sommes tous des étrangers », « Nous sommes tous des sans-papiers », etc.[5]

Bibliographie et sources

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  • Alexander Neumann, « Nous sommes tous des juifs et des allemands », Variations, 11|2008, lire en ligne.
  • Maurice Tournier, Les mots de mai 68, Presses universitaires du Mirail-Toulouse, Toulouse, 2008, page 6.
  • Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, Éditions Complexes, 2005, lire en ligne.
  • Jean-Yves Lhomeau et Marie-France Lavarini, Une histoire abracadabrantesque : Abécédaire de la Ve République, Calmann-Lévy, 2009, lire en ligne.
  • Laurent Gervereau, Les affiches de "mai 68", in Mai-68 : Les mouvements étudiants en France et dans le monde, Matériaux pour l'histoire de notre temps, vol. 11 n° 1, 1988, p. 160-171.
  • Kétévan Djachy, L'argot dans le roman de Robert Merle : « Derrière la vitre », in Argot(s ) et variations, Peter Lang Édition, 2014, (ISBN 978-3-631-62565-1), page 10.
  • Florence Assouline, Y a-t-il encore des juifs allemands ?, Marianne, 27 avril 1998, [lire en ligne].
  • (en) Victoria Holly Francis Scott, La beauté est dans la rue : art & visual culture in Paris, 1968, University of British Columbia, 2000, page 60.

Voir aussi

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Liens externes

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Notes et références

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  1. [vidéo] Marie Hospital, Elodie Le Maou, Les affiches : l'héritage artistique de mai 68, Institut national de l'audiovisuel, 24 avril 2008, voir en ligne.
  2. Joëlle Dusseau, Pierre Brana, Mai 68 à Bordeaux : la nuit des barricades, Sud-Ouest, 16 avril 2018, lire en ligne.
  3. Laurent Joffrin, Cécile Daumas, Rachid Laïreche, Serge July : le 22 mars 1968, « personne ne voulait de leaders », Libération, 21 mars 2018, [lire en ligne].
  4. Ariel Colonomos, La Morale dans les relations internationales, Odile Jacob, 2005, page 29.
  5. a b et c Corinne Delvaux, « Le slogan : "Nous sommes tous des juifs allemands" », sur Karambolage-Arte, .
  6. Cité par Le Monde, 3 mai, p. 24.
  7. a b et c ""Nous sommes tous des juifs allemands" par Jacques Poitou professeur à l'université Lumière Lyon 2 de 1995 à 2011 [1]
  8. Rédaction, Le PCF dénonce l'anarchiste allemand Cohn-Bendit, L'Obs, 3 mai 2008, [lire en ligne].
  9. Rédaction, "Nous sommes tous des juifs allemands", L'Obs, 23 mai 2008, [lire en ligne].
  10. a b et c Interview d'Alain Geismar aux actualités de 20H00 de l'ORTF, le 22 mai 1968 par Pierre Feuilly, [2]
  11. a b et c « 415 affiches de mai-juin 68 », sur jeanpaulachard.com.
  12. Christian Delporte, Denis Maréchal, Caroline Moine, Images et sons de Mai 68, Nouveau Monde éditions, 2008, lire en ligne.
  13. Artprecium Vente aux enchères d'oeuvres d'art [3]
  14. a et b "L’icône de mai 68 : Daniel Cohn-Bendit et le policier casqué", par le journaliste de RTL Jérôme Godefroy, le 4 mai 2018 [4]
  15. Alexander Neumann, « Nous sommes tous des juifs et des allemands », in La beauté est dans la rue - Mai 68 au présent, Variations, printemps 2008, page 37.
  16. Voir en ligne.
  17. (ca) Patricia Badenes Salazar, Affiches y pintadas: la "verdadera" revolución del Mayo francés del 68, Dossiers Feministes, 12, 2008, page 130.
  18. Christian Delporte, Denis Maréchal, Caroline Moine et Isabelle Veyrat-Masson (s/d), Images et sons de Mai 68, 1968-2008, Nouveau Monde éditions, 2014, page 8.
  19. Catalogue général des éditions et collections anarchistes francophones : Nous sommes tous des juifs et des allemands.
  20. Dominique Grange, La pègre, Les Nouveaux Partisans, 1969, écouter en ligne.