Notre Dame Mère de la Lumière

Notre Dame Mère de la Lumière (NDML), autrement appelée « Notre-Dame de la Lumière », est une association caennaise et une communauté nouvelle fondée par Alberto Maalouf, sans reconnaissance canonique de l'Église, mais qui a reçu une lettre de mission de l'ancien évêque du lieu, Jean-Claude Boulanger, en 2012 et 2015. À la suite d'une enquête canonique débutée en mars 2016, toute mission lui est retirée par le diocèse en raison de dérives sectaires. Elle n'est à cette date plus un mouvement de l'Église catholique, même si elle poursuit ses activités. Alberto Maalouf est jugé en 2019 pour abus de faiblesse et sujétion psychologique et relaxé en première instance et en appel en 2021.

Notre Dame Mère de la Lumière (NDML)
Repères historiques
Fondation 2011
Fondateur(s) Alberto Maalouf
Lieu de fondation Caen
Fiche d'identité
Église Catholique
Membres 300 membres (en 2019)
Localisation France
Site internet https://www.ndml.fr/

Historique

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L'association est issue d'une aumônerie d'étudiants rattachée en 2008 à la paroisse de la Sainte-Trinité à Caen. Elle est créée en 2011[1] à l'initiative d'Alberto Maalouf, né en 1988 au Liban, alors étudiant en médecine, converti la même année lors d'un pèlerinage à Medjugorje. Le groupe organise des maraudes auprès de sans-abris à qui il offre un repas deux dimanches par mois[2]. Il anime aussi régulièrement à partir de 2011[3] les messes dominicales de la paroisse et organise une fois par mois une « veillée de louange, adoration, témoignage, enseignement, prière pour les malades », retransmise sur Internet. Il crée un site « Open Bible » dédié à l'étude du Nouveau Testament[4]. Pour cela, l'association reçoit une lettre de mission de l'évêque de Bayeux et Lisieux, Jean-Claude Boulanger, en 2012 et 2015. L'association rassemble en 2015 200 personnes[5],[6], 300 en 2019[7]. Elle comprend une communauté nouvelle liée au Renouveau charismatique[8] constitué d'environ 10 jeunes professionnels âgés d’une trentaine d’années qui ont prononcé des vœux privés et vivent dans deux maisons, l’une pour les femmes, l’autre pour les hommes, afin de vivre « comme les premiers apôtres », partageant la moitié de leurs revenus avec l'association[8],[7].

Le groupe de jeunes intervient également dans d’autres diocèses pour animer des soirées de louange et d’évangélisation. Il est aussi investi dans une mission humanitaire auprès de 500 familles au Liban touchées par les explosions du 4 août 2020[9].

Accusations de dérives sectaires

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Des plaintes d’anciens membres de l’association commencent à remonter dès 2011 à la « cellule Dérives sectaires » de l’épiscopat. Un ancien de NDML et un jeune psychologue, Benoît Lechevalier, créent l’association Tocsin destinée à défendre les victimes présumées de l'association. En 2015, l’Unadfi reçoit de nouvelles plaintes et prévient conjointement avec Tocsin la Miviludes, qui décide de saisir le procureur de Caen[10].

Bien que l'association ne bénéficie d'aucune reconnaissance officielle de l’Église catholique, elle fait l'objet d'une visite canonique fin février 2016 confiée à une commission d'enquête présidée par Michel Guyard », évêque émérite du Havre. Le délégué à la communication du diocèse indique qu' « il ne s’agit en aucun cas d’une affaire de mœurs, mais plus de comportements ou de prises de parole ». La visite se tient après que Jean-Claude Boulanger a reçu de la Conférence des évêques de France un dossier d’une vingtaine de pages concernant les activités au sein de l’Église catholique des membres de l’association. L’enquête a pour objet de « vérifier les faits qui sont rapportés et le contenu des enseignements des responsables du groupe »[6].

L'enquête canonique s'achève en 2017, et Jean-Claude Boulanger retire sa « lettre de mission » à l'association. Dans un courrier aux enquêteurs qui reconnaissant l’échec de l’accompagnement de NDML par l’Église, Jean-Claude Boulanger qualifie Alberto Maalouf de « pervers narcissique », de « vrai séducteur », avec « une emprise sectaire sur les membres » de sa communauté, par le moyen de prières de guérison par imposition des mains et d'exorcismes dans un groupe très fermé suscitant des craintes pour la liberté des personnes en son sein. L’enquête canonique estime également que NDML recherche un blanc-seing de l’église afin de se constituer en communauté religieuse[8].

À partir de février 2018 l’association est cependant accompagnée par l’évêque d’Angoulême, Hervé Gosselin ainsi que par le responsable des dominicains[10].

Le , l’évêque du diocèse de Bayeux et Lisieux, Jacques Habert, fait paraître un communiqué dans lequel il fait savoir que « depuis le mois de janvier 2024, [il] a mis en place un accompagnement des membres engagés au quotidien de l’association « Notre-Dame Mère de la Lumière » et exerce une veille sur les activités entreprises par l’association NDML. »[11]

Comparution devant la justice d'Alberto Maalouf

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Après un renvoi de l'audience en octobre 2018[12], Alberto Maalouf comparaît en mai 2019 devant le tribunal correctionnel de Caen pour abus de faiblesse et sujétion psychologique sur 19 personnes. Neuf parmi elles cependant, que les experts psychiatres désignent comme des personnalités fragiles, et « facilement influençables » refusent de se considérer comme victimes et apportent leur soutien à Alberto Maalouf[10].

Plusieurs victimes dénoncent des « prières des frères » culpabilisantes, assimilées à « un vrai tribunal » par l'une des victimes, et une « obsession de la pureté » se traduisant par une exigence de pauvreté avec jeûne deux fois par semaine et de chasteté demandée dans la vie de couple, avec port pour les femmes d'un vêtement dissimulant leurs formes[13]. Une idéologie moralisatrice conduisant certains membres à se couper de leurs familles vivant « dans le péché ». « Au sein de son association, le médecin [Alberto Maalouf] assurait à ses quelque 300 sympathisants que Dieu lui parlait directement »[7],[4]. Des prières de guérison [...] auraient conduit certaines personnes, persuadées d’avoir été guéries, à cesser leurs traitements médicaux au péril de leur santé. Des témoignages à la barre, parlent d'une sortie du mouvement s'accompagnant d'intimidations ou d'un rejet humiliant[10]. « Sous des dehors fréquentables, on retrouve tous les signes de l’emprise sectaire avec perte d’identité progressive » selon l'avocat de deux anciennes adeptes[7].

Le Parquet requiert une peine de deux ans de prison avec sursis, assortie d’une mise à l’épreuve de trois ans, l'interdiction d’entrer en contact avec les victimes, de participer à toute vie associative et 15 000 € d’amende, somme réclamée comme indemnisation par certaines des parties civiles[8],[10], qui comptent l'UNADFI et l'Ordre des médecins[14]. Ce dernier reproche lors de son procès à Alberto Maalouf un conflit d’intérêt en tant que médecin urgentiste au CHU de Caen et guérisseur imposant les mains à ses fidèles : « Il a une aura en sa qualité de médecin. Il est médecin partout et tout le temps. Il y a, de la part du Docteur, un abus de l’état d’ignorance. C’est une secte, il s’agit du plus grand intégrisme religieux ! Il y a des actes gravement préjudiciables, cela porte atteinte à l’intérêt collectif »[15].

Relaxe en première instance

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Le tribunal rend son verdict en juillet 2020 et relaxe le président de NDML en estimant qu’il n’y a « ni enrichissement personnel, ni captation d’héritage, ni abus sexuel »[3]. Selon Benoît Lechevalier de l'association Tocsin, l'absence de preuves matérielles a joué dans ce verdict : « Souvent, dans les histoires d’emprises mentales, il y a des problèmes liés au sexe ou à l’argent. Comme ce n’est pas le cas, cela s’avère plus compliqué à démontrer ». L'avocat d'Alberto Maalouf parle d’un simple règlement de compte due à « l’échec d’une relation amoureuse » entre un des fondateurs de l’association Tocsin et une membre de NDML[14].

Appel du parquet et relaxe définitive

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Le parquet fait appel du verdict, et Alberto Maalouf comparaît à nouveau devant le tribunal de Caen pour abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Le dossier de 1000 pages constitué sur NDML, est réexaminé. Cependant, 12 des victimes présumées sur 19 « ne partagent pas l’avis du parquet et assurent faire partie de leur plein gré de l’association Notre-Dame mère de la lumière (NDLM) »[9]. En septembre 2021, la sentence initiale est confirmée et Alberto Maalouf est à nouveau relaxé[3].

Il continue ses activités à Caen en tant que président de NDML, au grand soulagement des fidèles du groupe, qui « n’exclut pas d’engager des poursuites envers ceux qui mettraient en cause de nouveau l’association »[3].

Notes et références

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  1. Benjamin Coste, « Carême : Cap’ ou pas cap’ d’aider les SDF ? », Famille chrétienne,‎ (lire en ligne)
  2. Céline Hoyeau, « Alberto Maalouf : l’ami des SDF », La Croix,‎ (lire en ligne)
  3. a b c et d Christophe Henning, « La relaxe d’Alberto Maalouf, jugé pour abus de faiblesse, est confirmée en appel », La Croix,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Louise Colcombet, « Caen : un médecin accusé de dérives sectaires », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  5. Maurice Page, « Une enquête ouverte à Caen sur une association catholique », Cath.ch,‎ (lire en ligne)
  6. a et b Christophe Chaland, « Une association de jeunes catholiques fait l’objet d’une enquête canonique à Caen », La Croix,‎ (lire en ligne)
  7. a b c et d « Calvados: Un médecin urgentiste jugé pour des dérives sectaires », 20 Minutes,‎ (lire en ligne)
  8. a b c et d Nicolas Claich, « Le médecin de Caen est-il le gourou d'un mouvement sectaire ? », actu.fr,‎ (lire en ligne)
  9. a et b Céline Hoyeau, « Avec le procès d’Alberto Maalouf, l’affaire Notre-Dame mère de lumière revient devant la justice », La Croix,‎ (lire en ligne)
  10. a b c d et e Céline Hoyeau, « Dérives sectaires, deux ans de prison requis contre Alberto Maalouf », La Croix,‎ (lire en ligne)
  11. « Communiqué de Mgr Habert », sur Diocèse de Lisieux et Bayeux, (consulté le )
  12. Anne Blanchard, « Caen. Notre-Dame Mère de la lumière, groupe religieux ou dérive sectaire ? », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  13. Didier Charpin, « "Un jour mon fils m'a dit qu'il avait débouché les toilettes avec de l'eau bénite" - témoignage au procès NDML à Caen », France Bleu Normandie,‎ (lire en ligne)
  14. a et b Augustine Passilly, « Relaxe d’Alberto Maalouf, suspecté de dérives sectaires », La Croix,‎ (lire en ligne)
  15. « Fraternité Notre Dame de Lumière (NDML) », sur AVREF, (consulté le )