Migration du saumon

La migration du saumon correspond au moment où le saumon, qui a migré de l'océan, nage vers les cours supérieurs des rivières où il fraye sur des lits de gravier. Après le frai, tous les saumons du Pacifique et la plupart des saumons de l'Atlantique[1] meurent et le cycle de vie du saumon recommence. Cette petite partie de la migration, la dernière, est appelée « montaison ». La première phase de la migration est la « dévalaison » des juvéniles appelés « smolts » vers la mer. La deuxième phase est le long voyage des « post-smolts » vers les aires de nourrissage et de grossissement. La troisième phase est la migration de retour (« homing ») dont la montaison est la dernière étape. La migration annuelle peut être un événement majeur pour les grizzlis, les pygargues à tête blanche et les pêcheurs sportifs humains. La plupart des espèces de saumon migrent à l'automne, de septembre à novembre[2]

Un grizzly pêche un saumon lors d'une migration.

La plupart des saumons passent leur jeunesse dans des rivières. Ils descendent ensuite vers la mer et gagnent les "terres nourricières" où ils vivent leur vie adulte et prennent la majeure partie de leur masse corporelle. Arrivés à maturité, ils retournent dans les rivières pour frayer. Il existe une espèce de Saumon atlantique non anadrome, appelée ouananiche qui passe sa vie en lac et remonte son tributaire natal pour y frayer. Ils retournent souvent dans la rivière où ils sont nés, parfois même dans la frayère de leur naissance. Cette précision peut s'expliquer par l'emploi de la magnétoréception pour localiser leur rivière natale depuis l'océan. Une fois dans la rivière, c'est l'utilisation de l'odorat qui permet de localiser la frayère de la naissance.

En Amérique du Nord-Ouest, le saumon est une espèce clé de voûte, espèce dont l'effet sur l'environnement est disproportionné par rapport à sa biomasse. La mort du saumon a pour conséquence le transfert de l'océan à la faune terrestre des éléments nutritifs importants dans leurs carcasses, riches en azote, soufre, carbone et phosphore. La génération suivante de saumon, ainsi que les espèces qui peuplent tous les lieux atteints par le saumon, en bénéficient[3]. Les nutriments peuvent également être rejetés en aval dans les estuaires où ils s'accumulent et sont consommés par les oiseaux nicheurs estuariens.

Contexte

modifier

La plupart des saumons sont anadromes, terme qui vient du grec anadromos, qui signifie «courir vers le haut»[4]. Ils naissent dans l'eau douce des rivières et grandissent dans l'eau salée des océans. Lorsqu'ils sont parvenus à maturité, ils migrent vers leur rivière natale qu'ils remontent pour y frayer[5]. (ce que les anglo-saxons appellent "homing").

Le saumon anadrome est un poisson de l'hémisphère nord qui passe sa phase océanique dans l'océan Atlantique ou dans l' océan Pacifique. Il prospère dans l'eau froide. Il n'existe qu'une seule espèce de saumon dans l'Atlantique, communément appelée le saumon atlantique. Ces saumons remontent les rivières des deux côtés de l'océan. Sept espèces différentes de saumon habitent le Pacifique, et toutes sont appelées saumon du Pacifique. Cinq de ces espèces remontent les rivières des deux côtés du Pacifique, mais les deux autres ne se trouvent que du côté asiatique[6]. Au début du XIXe siècle, le saumon Chinook a été transplanté avec succès dans l'hémisphère sud, loin de son aire de répartition d'origine, dans les rivières de Nouvelle-Zélande. Plus récemment, le Saumon rose a été introduit dans la Mer Blanche où il a réussi (non sans mal) à se reproduire naturellement; cette espèce exotique envahissante est maintenant présente dans de nombreuses rivières norvégiennes. Les tentatives de transplantation de saumons anadromes à d'autres endroits n'ont, pour l'instant, pas abouti[7].

Le cycle de vie d'un saumon anadrome commence et, si le saumon survit jusqu'à sa mort naturelle, se termine dans un lit de gravier dans la partie supérieure d'un ruisseau ou d'une rivière. Dans les frayères, les œufs de saumon sont déposés, pour les protéger, dans le gravier. Après 2 à 6 mois, les œufs éclosent donnant naissance à des larves minuscules et translucides appelées alevins. Ils ont sous le cou une poche appelée vésicule vitelline : elle contient des réserves alimentaires pour 4 semaines environ, ces alevins dits "vésiculés" restant cachés dans le gravier. Leur vésicule consommée, ils doivent trouver leur nourriture : ils quittent donc la protection de leur nid de gravier et commencent à se nourrir de plancton. À la fin de l'été, les alevins "nageurs" se transforment en tacons, juvéniles qui se nourrissent de petits invertébrés et sont camouflés avec un motif de taches et de barres verticales. Ils restent à ce stade pendant trois ans en moyenne[8],[9].

Avant le début de la phase océanique, les juvéniles perdent leurs barres de camouflage et subissent des transformations physiologiques qui leur permettront de survivre au passage de l'eau douce à l'eau salée. À ce stade, le saumon prend le nom de smolt. Les smolts passent quelque temps dans les eaux saumâtres de l'estuaire de la rivière, leur osmorégulation s'ajuste pour faire face aux niveaux de salinité plus élevés qu'ils rencontreront dans l'océan[10]. À la fin du printemps, physiologiquement prêts et mesurant entre quinze et vingt centimètres, les smolts quittent les rivières et entrent en mer. Ils prennent alors le nom de post-smolt qu'ils garderont jusqu'à leur premier hiver passé en mer. Les post-smolts forment des bancs et partent à la recherche de zones de nourrissage en eaux profondes. Pendant un à quatre ans, les saumons adultes développent leur capacité à nager et à se reproduire[9],[10].

Ensuite, effectuant l'une des migrations les plus extrêmes du règne animal, le saumon revient de l'océan vers sa rivière natale pour y frayer[11].

Retour de l'océan

modifier
 
Saumons sautant dans une chute

Après plusieurs années où ils parcourent de longues distances dans l'océan, les saumons regagnent la rivière où ils sont nés, et, pour nombre d'entre eux, la frayère où ils sont nés[12].

Plusieurs hypothèses expliquent ce retour, l'une d'entre elles étant que les saumons utilisent des signaux géomagnétiques et chimiques. Le poisson peut être sensible au champ magnétique terrestre, ce qui, depuis l'océan, peut l'aider à s'orienter vers l'estuaire de son ruisseau natal[13].

Le saumon a un odorat développé. Depuis le XIXe siècle (comme l'atteste une publication datant de 1822), la question du rôle de cet odorat dans le retour du saumon se pose[14]. En 1951, Hasler émet l'hypothèse qu'une fois à proximité de l'estuaire ou à l'entrée de sa rivière de naissance, le saumon peut utiliser des signaux chimiques olfactifs (spécifiques à chaque rivière)[15]. En 1978, Hasler et ses élèves montrent de manière convaincante que la précision du retour est en effet due à l'odorat. Ils démontrent en outre que c'est au stade de smolt, avant de gagner la mer, que le saumon s'imprègne de l'odeur de la rivière[12]. Ils peuvent aussi être sensibles aux phéromones caractéristiques émises par leurs jeunes conspécifiques. Il est prouvé qu'ils peuvent «faire la distinction entre deux populations de leur propre espèce».

L'odeur spécifique de chaque rivière et de ses affluents, et son rôle dans la localisation du saumon, conduit à une recherche de mécanismes permettant au saumon de se repérer en mer sur de longues distances. En 1977, Leggett propose comme mécanismes possibles, l'utilisation du soleil pour la navigation et l'orientation vers divers gradients possibles, tels que les gradients de température, de salinité ou de produits chimiques, ou les champs géomagnétiques ou géoélectriques[16]

L'utilisation du soleil comme indice de déplacement n'est pas démontrée : des saumons en migration sont observés par temps nuageux ou la nuit. De même, des saumons marqués électroniquement savent se diriger dans des eaux trop profondes pour que le soleil leur soit utile[17].

En 1973, il est démontré que le saumon atlantique a des réactions cardiaques adaptées aux champs électriques, dont la force est similaire à celle des océans. "Cette sensibilité pourrait permettre à un poisson migrateur de s'aligner en amont ou en aval dans un courant océanique en l'absence de références fixes[18]." En 1988, des chercheurs découvrent que le crâne du saumon rouge contient du fer sous forme de magnétite à domaine unique. Les quantités présentes sont suffisantes pour la magnétoception[19].

D'après des études de marquage, certains poissons ne retrouvent pas leur rivière natale, mais une autre à proximité[20],[21]. Cet éloignement permet à l'espèce de peupler d'autres endroits. En 1984, Quinn émet l'hypothèse qu'il existe un équilibre dynamique, contrôlé par les gènes, entre ceux qui retournent et ceux qui s'égarent[22]. Si les frayères ont une qualité uniforme et élevée, la sélection naturelle devrait favoriser les descendants qui retournent avec précision. Cependant, si les frayères ont une qualité variable, alors la sélection naturelle devrait favoriser un mélange de descendants errants et de descendants qui trouvent avec précision[13],[22].

 
Mâchoire d'un saumon mâle reproducteur

Avant de remonter la rivière, le saumon subit de profonds changements physiologiques : il nage en contractant le muscle rouge longitudinal et les muscles blancs orientés obliquement. Les muscles rouges sont utilisés pour les migrations océaniques, les muscles blancs pour les accélérations ou les sauts[23]. Arrivé dans l'estuaire de sa rivière natale, il doit adapter son métabolisme énergétique à deux défis : nager avec l'énergie qu'exigent les rapides de la rivière, et fournir le sperme ou les œufs nécessaires pour la reproduction. L'eau de l'estuaire reçoit le rejet d'eau douce du fleuve natal. Le ruissellement de surface rend la charge chimique de l'eau douce plus élevée que l'eau salée. En 2009, des chercheurs montrent que, lorsque le saumon rencontre la baisse de salinité et l'augmentation de la stimulation olfactive qui en résulte, deux changements métaboliques clés sont déclenchés : utilisation des muscles blancs pour nager (au lieu des muscles rouges), et augmentation de la charge de spermatozoïdes et d'ovules. "Les phéromones dans les frayères [déclenchent] un deuxième changement pour améliorer encore la charge reproductive[24]."

À l'approche de la fraie, le saumon subit d'autres changements morphologiques radicaux, comme sa couleur, qui peut changer entièrement : tous perdent leur bleu argenté pour s'assombrir. Les saumons sont sexuellement dimorphes : le saumon mâle développe un crochet sur la mâchoire, ainsi que des dents semblables à des canines. Le Saumon rose mâle développe une bosse[25].

Obstacles rencontrés lors de la migration

modifier

Le saumon commence sa migration dans des conditions optimales. La nage nécessite des capacités musculaires, et la reproduction, un développement sexuel avancé. Il dépense alors toute son énergie dans ces transformations et dans la nage.

La remontée de la rivière, ou montaison, peut être épuisante pour le saumon, obligé parfois à se battre sur des centaines de kilomètres pour gagner le cours supérieur de la rivière. Pendant la migration, il ne se nourrit pas[5]. Le saumon chinook et le saumon rouge du centre de l'Idaho doivent parcourir 1448 km et grimper près de 2,13 km avant de pouvoir frayer. Les décès de saumon qui surviennent lors du voyage en amont sont appelés mortalité en route (en anglais : en route mortality)[26].

Le saumon négocie les cascades et les rapides en sautant. On a enregistré des sauts verticaux de 3,65 mètres de hauteur[27]. La hauteur que peut atteindre un saumon dépend de la position de l'onde stationnaire ou du resaut hydraulique, ainsi que de la profondeur de l'eau.

Les échelles et autres passes à poissons sont conçues pour aider les saumons et les autres migrateurs à franchir ou contourner les barrages et autres obstacles artificiels, et à continuer à nager vers leurs frayères plus en amont.

Des prédateurs , tels que les ours, les pygargues à tête blanche et les pêcheurs peuvent attendre le saumon pendant la course. Animaux solitaires à d'autres occasions, les grizzlis se rassemblent près des ruisseaux et des rivières lorsque le saumon fraye. La prédation par les phoques communs,les otaries de Californie et de Steller peut constituer une menace importante, même dans les écosystèmes fluviaux.

Les ours noirs pêchent aussi le saumon. Bien qu'opérant pendant la journée, ils ont tendance à pêcher le saumon la nuit[28], ce qui leur permet d'éviter la concurrence avec d'autres ours et d'en capturer un plus grand nombre. Cette différence de capture s'explique par le comportement du saumon : pendant la journée, il est plus attentif aux indices visuels, mais la nuit, il se concentre sur le frai, produisant des indices acoustiques que les ours repèrent. De plus, les saumons remarquent plus difficilement la robe noire des ours pendant la nuit. En 2009, des chercheurs comparent le succès de recherche de nourriture des ours noirs à celui de l'ours Kermode à poil blanc, une sous-espèce transformée de l'ours noir. Ils découvrent que l'ours Kermode n'a pas plus de succès pour attraper le saumon la nuit, mais en a plus que les ours noirs pendant la journée[29].

Les loutres sont d'autres prédateurs communs. En 2011, des chercheurs montrent que le saumon "renifle" les loutres. Si les loutres ont mangé du saumon, les individus restant les détectent et évitent les eaux contenant des excréments de loutres[30],[31].



Le terme mortalité avant le frai est utilisé pour désigner les poissons arrivant avec succès sur les frayères, mais meurent sans avoir frayé. La mortalité avant le frai est très variable, avec une étude observant des taux entre 3% et 90%[32],[33]. Elle s'explique par des températures élevées[34],[35], un fort débit des rivières[36] et des infections parasitaires, fongiques ou bactériennes[33],[37]. Cependant, "à l'heure actuelle, il n'y a pas d'indicateurs fiables pour prédire si un individu arrivant dans une zone de frai survivra réellement pour frayer[32]".

Pour pondre ses œufs, le saumon femelle construit un nid dans un radier au fond de gravier. Dans un radier, l'eau est peu profonde et le courant turbulent. Elle utilise sa queue (nageoire caudale) pour créer une zone de basse pression, en soulevant du gravier à balayer en aval et en creusant une dépression peu profonde. Le nid, qui couvre environ 3 mètres, peut contenir jusqu'à 5000 œufs, chacun d'environ la taille d'un pois. Les œufs sont de couleur orange à rouge. Un ou plusieurs mâles s'approchent ensuite de la femelle au-dessus de son nid, déposant son sperme, ou laitance, sur ses ovules[38]. La femelle recouvre alors les œufs en dérangeant le gravier au bord amont de la dépression avant de faire un autre nid. Avant épuisement de la réserve, la femelle conçoit jusqu'à sept nids[38],[39].

Chez le saumon rose et certains saumons rouges, le mâle développe des bosses avant le frai, qui lui peuvent lui conférer des avantages. Elles réduisent la probabilité que le saumon fraye dans les eaux peu profondes, qui ont tendance à se dessécher pendant les étiages ou à geler en hiver. De plus, les riffles peuvent contenir de nombreux saumons qui frayent simultanément. Les prédateurs, comme les ours, sont plus susceptibles d'attraper les mâles à bosse les plus proéminentes visuellement, leur bosse faisant saillie à la surface de l'eau, ce qui peut protéger les femelles[40].

Les saumons mâles dominants défendent leurs nids en poursuivant les intrus, et en les mordant avec les dents qu'ils ont développées avant le frai. Les crochets sont utilisés pour se serrer autour de la base de la queue (pédoncule caudal) d'un adversaire.

Détérioration du saumon

modifier

Après le frai, en eau douce, l'état du saumon se détériore, souvent rapidement, avant la mort. Le saumon en détérioration est parfois appelé poisson zombie[41]. Il n'a accès qu'à peu de nourriture et s'épuise pour nager en amont, brûlant beaucoup d'énergie[10],[33]. Ils ont également une sénescence programmée, qui est «caractérisée par une immunosuppression et une détérioration des organes»[26],[42].

La mort des poissons-zombie intervient quelques jours après le frai, plus rarement quelques semaines. Les poissons sont ensuite mangés par des animaux ou se décomposent et ajoutent des nutriments dans la rivière[10].

Le saumon du Pacifique est un exemple d'animal sémélique : les animaux sémelpareux ne se reproduisent qu'une fois dans leur vie. La sémelparité est une stratégie de reproduction et d'évolution qui met en œuvre toutes les ressources pour la reproduction, aux dépens de la vie future. La semelparité, réputée chez les insectes, se fait plus rare chez les autres animaux[33].

Le saumon du Pacifique vit dans cet océan, puis retourne dans sa rivière de naissance, fraye et meurt. La semelparité est parfois appelée reproduction «big bang», car la reproduction est un évènement important et mortel pour le reproducteur[43]. La plupart des saumons de l'Atlantique meurent également après le frai. Environ 5 à 10%, principalement des femelles, retournent dans l'océan où ils peuvent se rétablir et se reproduire à nouveau.

Espèce clé de voûte

modifier

Dans le nord-ouest du Pacifique et en Alaska, le saumon est une espèce clé de voûte dont l'impact est important pour la faune, ours, loutres et oiseaux. Les corps de saumon représentent un transfert de nutriments de l'océan, riches en azote, soufre, carbone et phosphore, vers l' écosystème forestier.

Les grizzlis jouent le rôle d' ingénieur de l'écosystème, capturant les saumons et les transportant dans les zones boisées adjacentes. Ils y déposent de l'urine et des excréments riches en nutriments et des carcasses partiellement mangées. On estime que les ours laissent jusqu'à la moitié du saumon qu'ils récoltent sur le sol forestier[44],[45], à des densités pouvant atteindre 4000 kilogrammes par hectare, fournissant jusqu'à 24% de l'azote total disponible pour les boisés riverains. On a découvert de l'azote provenant du saumon pêché par le grizzly dans le feuillage d' épicéas situés à 500 mètres de la rivière.

Les loups pêchent le saumon lors de la migration (même si des cerfs, leurs proies habituelles, sont disponibles[46]). «La sélection de proies bénignes telles le saumon est logique d'un point de vue sécuritaire. En chassant le cerf, les loups subissent beaucoup de blessures graves et souvent mortelles. En plus des avantages en matière de sécurité, nous avons déterminé que le saumon fournit également une nutrition optimale en termes de graisse et d'énergie. "

Le cours supérieur de la rivière Chilkat, en Alaska, compte de bonnes frayères, qui attirent chaque année jusqu'à un demi-million de saumons kéta. Lors de la remontée par les saumons, des pygargues à tête blanche arrivent par milliers pour en dévorer sur les frayères : un tel rassemblement est l'un des plus grands du monde chez cette espèce. Les aigles participent également, leur nombre étant corrélé à celui de saumons reproducteurs[47]

Les nutriments résiduels du saumon peuvent aussi s'accumuler dans les estuaires, nourrissant les oiseaux. Ainsi, une étude de 2010 montre que densité et diversité de nombreux oiseaux nicheurs estuariens en été «[sont] fortement prédites par la biomasse du saumon en automne[48]». Les saumons anadromes fournissent des nutriments à ces «assemblages diversifiés.. écologiquement comparables aux troupeaux de gnous migrateurs du Serengeti[49] ».

Perspectives

modifier

L'avenir des migrations de saumon dans le monde dépend de nombreux facteurs, la plupart étant déterminés par l'activité humaine. On compte parmi eux :

  • la pêche commerciale, récréative et de subsistance
  • les modifications des cours d'eau et des rivières, notamment la construction de digues
  • la production d'électricité, le contrôle des crues, et l'irrigation fournie par les barrages
  • la modification par l'être humain des environnements d'eau douce, estuariens et marins où va le saumon, ainsi que les changements aquatiques dus aux régimes de circulation climatique et océanique
  • les prélèvements d'eau des rivières et des réservoirs à des fins agricoles, municipales, ou à des fins commerciales
  • les changements climatiques causés au moins en partie par les activités humaines - la concurrence de poissons non indigènes
  • la prédation du saumon par les mammifères marins, les oiseaux et d'autres espèces de poissons
  • les maladies et les parasites, dont ceux issus de l'extérieur de la région d'origine
  • la réduction de la reconstitution des nutriments due à la décomposition du saumon[50]

En 2009, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration, en français Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique) indique que le ruissellement continu dans les rivières nord-américaines de trois pesticides contenant des neurotoxines «mettra en péril l'existence continue» de saumons du Pacifique en voie de disparition[51],[52]. Le réchauffement climatique peut causer la fin des migrations de saumon à la fin du XXIe siècle, comme les migrations californiennes de saumon Chinook[53]. En 2010, un rapport des Nations unies indique que les crustacés, comme les ptéropodes, composante du régime alimentaire du saumon océanique, peinent à construire leurs coquilles d' aragonite du fait de l'acidification des océans[54]. Les futures migrations de saumons seront mises en danger par cette acidification[55].

Dans la culture

modifier

L'écrivain Anton Tchekhov décrit dans le compte rendu L'Île de Sakhaline ses observations sur la migration du saumon pendant son séjour à l'île de bagne russe[56] :

« Quand il pénètre dans l'embouchure, le saumon est sain et vigoureux, mais par la suite, sa lutte incessante contre le courant, l'entassement, la faim, le frottement et les coups contre les troncs noyés et les pierres entament ses forces, il maigrit, son corps se couvre d'ecchymoses, sa chair devient flasque et blanche, il découvre les dents ; il change à ce point d'aspect que les personnes non averties le prennent pour une autre espèce et l'appellent même parfois bécard. Peu à peu, il s'affaiblit, ne peut plus résister au courant et s'attarde dans les anses ou derrière les souches, la gueule enfoncée dans la berge ; alors, il se laisse prendre à la main et les ours le sortent d'un coup de patte. À la fin, complètement épuisé par le frai et le manque de nourriture, il meurt ; et l'on en voit, au milieu de fleuve, de nombreux spécimens qui dorment d’un sommeil éternel, cependant que les rives des cours supérieurs se parsèment de poisson crevé qui exhale une puanteur infecte. Toutes les souffrances qu'endure le poisson à la saison des amours s'appellent « la migration vers la mort », car c'est là qu'elle conduit inévitablement, aucun poisson ne retourne à l'océan, ils meurent tous en rivière. « L'épanouissement du concept de migration, dit Middendorff, l'élan irrépressible de l'attraction érotique poussé jusqu'à la mort ; dire qu'un pareil idéal se loge dans la petite cervelle d'un poisson humide et froid ! »

C'est la détérioration qui est décrite ici.

Lieux de migration notables

modifier

Articles connexes

modifier

Références

modifier
  1. Atlantic salmon, Scottish Natural Heritage. Retrieved 25 January 2018.
  2. « Questions and Answers About Salmon », Western Fisheries Research Center, U.S. Geological Survey
  3. (en) Helfield J., Naiman R., « Keystone Interactions: Salmon and Bear in Riparian Forests of Alaska »
  4. (en) Merriam-Webster, Anadromous
  5. a et b Moyle, p. 188
  6. (en) « NOAA Fisheries Service »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), (consulté le )
  7. (en) Walrond C, « Trout and salmon – Chinook salmon » (consulté le )
  8. (en) Bley, Patrick W et Moring, John R, « Freshwater and Ocean Survival of Atlantic Salmon and Steelhead: A Synopsis »,
  9. a et b (en) Lindberg, Dan-Erik, « Atlantic salmon s(Salmo salar) migration behavior and preferences in smolts, spawners and kelts »,
  10. a b c et d (en) « Atlantic Salmon Trust »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  11. (en) Crossin, G. T.; Hinch, S. G.; Cooke, S. J.; Cooperman, M. S.; Patterson, D. A.; Welch, D. W.; Hanson, K. C.; Olsson, I; English, K. K.; Farrell, A. P., « Mechanisms Influencing the Timing and Success of Reproductive Migration in a Capital Breeding Semelparous Fish Species, the Sockeye Salmon », Physiological and Biochemical Zoology,‎ (lire en ligne)
  12. a et b Moyle, p. 190
  13. a et b (en) Lohmann K, Putnam N, Lohmann C, « Geomagnetic imprinting: a unifying hypothesis of long-distance natal homing in salmon and sea turtles », Proceedings of the National Academy of Sciences,‎ , p. 19096–19101
  14. (de) Trevanius GR, « Biologie oder Philosophic der lebenden Natur fur Naturforscher und Arzte »,
  15. (en) Hasler AD, « Discrimination of stream odors by fishes and its relation to parent stream behavior », American Naturalist,‎ , p. 223-238
  16. Moyle, p. 191
  17. (en) Ogura M., Ishida Y., « Homing behavior and vertical movements of four species of Pacific salmon (Oncorhynchus spp.) in the central Bering Sea », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences,‎
  18. (en) Rommel SA, McCleave JD, « Sensitivity of American Eels (Anguilla rostrata) and Atlantic Salmon (Salmo salar) to Weak Electric and Magnetic Fields », Journal of the Fisheries Research Board of Canada,‎
  19. (en) Walker MM, Quinn TP, Kirschvink JL, Groot C, « Production of single-domain magnetite throughout life by sockeye salmon, Oncorhynchus nerka », Journal of Experimental Biology,‎ (lire en ligne)
  20. (en) Quinn TP, Nemeth RS, McIsaac DO, « Homing and straying patterns of fall chinook salmon in the lower Columbia River », Trans Am Fish Soc,‎ , p. 150-156
  21. (en) Tallman RF, Healey MC, « Homing, straying, and gene flow among seasonally separated populations of chum salmon (Oncorhynchus keta) », Can J Fish Aquat Sci.,‎ , p. 577-588
  22. a et b (en) Quinn TP, Mechanisms of Migration in Fishes, (ISBN 978-0-306-41676-7), p. 357-362
  23. (en) Kapoor BG et Khanna B, Ichthyology handbook, (ISBN 978-3-540-42854-1), p. 137-140
  24. (en) Miller KM, Schulze AD, Ginther N, Li S, Patterson DA, Farrell AP, Hinch SG, « Salmon spawning migration: metabolic shifts and environmental triggers », Comparative Biochemistry and Physiology,‎ , p. 75-89
  25. (en) Département des Poissons et de la Faune, « Salmon and steelhead life cycle and habitat information », Washington Department of Fish and Wildlife,‎
  26. a et b (en) Jeffries KM, SG Hinch SG, MR Donaldson MR, Gale MK, Burt JM, Thompson LA, Farrell AP, Patterson DA, Miller KM, « Temporal changes in blood variables during final maturation and senescence in male sockeye salmon Oncorhynchus nerka: reduced osmoregulatory ability can predict mortality », Journal of Fish Biology,‎
  27. (en) Beach MH, « Fish pass design - criteria for the design and approval of fish passes and other structures to facilitate the passage of migratory fish in rivers », Fish Res Tech Rep,‎ , p. 1-46
  28. (en) Klinka DR, Reimchen TE, « Darkness, twilight, and daylight foraging success of bears (Ursus Americanus) on salmon in coastal British Columbia », Journal of mammalogy,‎
  29. (en) Klinka DR, Reimchen TE, « Adaptive coat colour polymorphism in the Kermode bear of coastal British Columbia », Biological Journal of the Linnean Society,‎
  30. (en) Roberts LJ, de Leaniz CG, « Something smells fishy: predator-naive salmon use diet cues, not kairomones, to recognize a sympatric mammalian predator », Animal Behaviour,‎
  31. (en) « Salmon can sniff out predators », PlanetEarth,‎
  32. a et b (en) Jeffries KM, SG Hinch SG, MR Donaldson MR, Gale MK, Burt JM, Thompson LA, Farrell AP, Patterson DA et Miller KM, « Temporal changes in blood variables during final maturation and senescence in male sockeye salmon Oncorhynchus nerka: reduced osmoregulatory ability can predict mortality », Journal of Fish Biology,‎
  33. a b c et d (en) Gilhousen P, « Prespawning mortalities of sockeye salmon in the Fraser River system and possible causal factors », International Pacific Salmon Fisheries Commission,,‎
  34. (en) Crossin GT, Hinch SG, Cooke SJ, Welch DW, Patterson DA, Jones SR, Lotto AG, Leggatt RA, Mathes MT, Shrimpton JM, Van der Kraak G, Farrell AP, « "Exposure to high temperature influences the behaviour, physiology, and survival of sockeye salmon during spawning migration" », Canadian Journal of Zoology,‎
  35. (en) Farrell AP, Hinch SG, Cooke SJ, Patterson DA, Crossin GT, Lapointe M, Mathes MT, « Pacific salmon in hot water: applying metabolic scope models and biotemetry to predict the success of spawning migrations », Physiological and Biochemical Zoology,‎
  36. (en) Rand PS, Hinch SG, Morrison J, Foreman MG, MacNutt MJ, Macdonald JS, Healey MC, Farrell AP, Higgs DA, « Effects of river discharge, temperature, and future climates on energetics and mortality of adult migrating Fraser River sockeye salmon », Transactions of the American Fisheries Society,‎
  37. (en) Jones SR, Prosperi-Porta G, Dawe SC, Barnes DP, « "Distribution, prevalence and severity of Parvicapsula minibicornis infections among anadromous salmonids in the Fraser River, British Columbia, Canada" », Diseases of Aquatic Organisms.,‎
  38. a et b (en) Fish and wildfire service, « Pacific Salmon, (Oncorhynchus spp.) », U.S. Fish and Wildlife Services.,‎
  39. (en) Fish and Wildlife Services, « What is a redd ? », U.S. Fish and Wildlife Services.,‎
  40. (en) Groot C and Margolis L, Pacific salmon life histories, UBC Press (ISBN 978-0-7748-0359-5), p. 144
  41. « U.S. Fish & Wildlife Service - Zombie Fish », www.fws.gov (consulté le )
  42. (en) Dickhoff WW, "Salmonids and annual fishes: death after sex", University of California, (ISBN 978-0-12-629060-8), p. 253-266
  43. (en) Ricklefs RE et Miller, Ecology, (ISBN 978-0-7167-2829-0)
  44. (en) Reimchen TE, « Salmon nutrients, nitrogen isotopes and coastal forests », Ecoforestry,‎
  45. (en) Quinn, T.; Carlson, S.; Gende, S. & Rich, H., « Transportation of Pacific Salmon Carcasses from Streams to Riparian Forests by Bears », Canadian Journal of Zoology,‎
  46. (en) « Wolves Would Rather Eat Salmon », ScienceDaily,‎
  47. (en) Hansen A, EL Boeker EL et Hodges JI, « The Population Ecology of Bald Eagles Along the Pacific Northwest Coast »
  48. (en) Field RD, Reynolds JD, « Sea to sky: impacts of residual salmon-derived nutrients on estuarine breeding bird communities », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences,‎ (lire en ligne)
  49. (en) Reimchen TE, Mathewson DD, Hocking MD, Moran J, « "Isotopic evidence for enrichment of salmon-derived nutrients in vegetation, soil, and insects in riparian zones in coastal British Columbia », American Fisheries Society Symposium,‎
  50. Stouder, Deanna J., Pacific Salmon & Their Ecosystems : Status and Future Options, Boston, MA, Springer US, (ISBN 978-1-4615-6375-4, OCLC 840286102, lire en ligne)
  51. (en) NOAA, « NOAA Fisheries Service »
  52. (en) « Three Common Pesticides Toxic to Salmon »
  53. (en) « Warming Streams Could Be the End for Spring-Run Chinook Salmon in California », ScienceDaily,‎
  54. (en) « Environmental Consequences of Ocean Acidification: A Threat to Food Security »,
  55. (en) « Cancun climate summit: Britain's salmon at risk from ocean acidification », The Telegraph,‎
  56. Anton Tchékhov, L'Île de Sakhaline, Notes de voyage, Éditions Gallimard, Paris 2001, (ISBN 978-2-07-041891-6), p. 411.

Bibliographie

modifier

Lectures complémentaires

modifier

 * USDA Forest Service, Salmon/Steelhead Pacific Northwest Fisheries Program. Retrieved 30 December 2011.

Magnétoréception et retour dans la rivière natale

Azote

Résilience

Liens externes

modifier