Loges en bruyère d'Anjou-Touraine

Loges en bruyère d'Anjou-Touraine
Présentation
Destination initiale
Bâtiment agricole
Matériau
Bois, bruyère
Localisation
Localisation
Région historique

Les loges en bruyère (ou en brande) d'Anjou-Touraine sont des bâtiments agricoles à ossature bois comprenant des bois plantés, et pourvus d'une couverture en bruyère.

Historique modifier

L'existence de loges en Anjou est attestée aux XIe – XIIe siècles dans le cartulaire de l'abbaye Notre-Dame de Fontevraud (« lociae » ou « logiae »)[1]. En Anjou et Touraine, des terriers du XVIIIe siècle mentionnent des « loges faites de bois » et des « granges couvertes de bruyère ». D'autre part, de nombreux noms de lieux d'origine ancienne comprennent le mot « loge » au singulier ou au pluriel[2].

Le fait que ces bâtiments nécessitent régulièrement entretien et réparations a permis de conserver le savoir-faire au fil du temps. C'est ainsi que des constructions nouvelles ou réparations importantes ont encore eu lieu au début du XXe siècle[2], et jusque dans les années 1940-1970 [3]. De plus, durant la Seconde Guerre mondiale et les années suivantes, la pénurie de tôle ondulée a accru l'intérêt pour cette technique de construction[1].

Aire de répartition modifier

D’après des travaux d’inventaire, l’aire de répartition de ces loges avant le milieu du XXe siècle, s’étendait de la Sarthe au Berry, avec présence attestée en Champagne berrichonne, dans le Chinonais, le Vendômois et en Mayenne[2].

Les loges les plus récentes, encore debout au début du XXIe siècle ou disparues aux alentours des années 2000, se situent entre Angers et Tours, au nord-est du Maine-et-Loire et au nord-ouest de l'Indre-et-Loire[4],[5],[6],[7].

Appellations locales modifier

Selon leur lieu d'implantation, les loges de bruyère peuvent s'appeler hangars en bruyère en Gâtine, lorgeaux dans la région de Bourgueil, balets ou ballets en Chinonnais, loges à la limite du Maine[8],[7],[1], voire parfois chaumines[9],[10].

Quant à l'erica scoparia, qui est la base de leur couverture, elle peut être dénommée bruyère à balais, brande, grande bruyère, bruyère mâle (en Anjou), cerveline[11].

Description modifier

Typologie modifier

Deux conceptions se présentent[8] :

Les loges à chevrons plantés formant fermes : les chevrons constituent la charpente des parois latérales et de la toiture[8].

Les loges à poteaux plantés : ce type s'inspire davantage de la conception d'un bâtiment conventionnel[12].

En Touraine, on trouve les deux types de loges, tandis qu'en Anjou prédomine le second. Dans une aire géographique donnée, le maintien ou le développement de l'un ou de l'autre type découle surtout de la tradition et de la transmission du savoir-faire[13].

Les dimensions moyennes d'une loge sont de 10 m x 5 m, les plus petites ayant une longueur de 7 m, les plus grandes de 15 à 30 m[14].

Usage modifier

L'utilisation de ces loges est diverse : remise à matériel agricole, garage, bûcher, fenil, séchoir à tabac, atelier de vinification, bergerie[15]...

Matériaux modifier

Les essences de bois utilisées sont le chêne, le pin, l'acacia, le châtaignier (pour les bois les plus fins). Selon les utilisations, ces bois peuvent se présenter sous forme de grumes, ou écorcés, équarris, refendus[16].

La couverture est constituée de fagots (ou bottes) de bruyère (ou brande) séchée d'environ 1,70 m de long[17],[18].

Pour les ligatures, le fil de fer a remplacé les fibres végétales d'autrefois (viorne ou écorce de ronce)[19].

Architecture modifier

Structure modifier

En prenant l'exemple d'une loge à chevrons plantés formant fermes, les chevrons, en pin ou châtaignier écorcé, sont plantés et calés, en pied, sur une pierre plate enfouie dans un trou et sont posés, en tête, de part et d’autre d'une perche faîtière supportée provisoirement par deux poteaux retirés à la fin du chantier. Les chevrons sont cloués sur la faîtière. Un lattis de fines perches longitudinales, qui recevra la couverture de bruyère, est cloué sur les chevrons[20]. Des bois de renforcement complémentaire peuvent être rapportés (entraits, contreventements...)[21]. Les deux versants de la toiture présentent une pente importante, de l'ordre de 70°[22]. À une extrémité, une porte est généralement aménagée, ainsi qu'un auvent[1].

Couverture modifier

Les fagots de la couverture, extrémités fines orientées vers le bas, sont posés sur le lattis avec lequel ils sont solidarisés par des perches de compression longitudinales ligaturées aux chevrons[23]. Les bottes ne sont donc pas directement ligaturées mais plaquées sur le lattis[24]. Le montage se fait en commençant par la rangée la plus basse. Chaque rangée recouvrant celle qui l'a précédée, cette conception favorise l'écoulement de l'eau et permet de masquer les perches de compression[25].

La couverture du faîtage est réalisée avec des bottes plus petites solidarisées deux par deux, de part et d'autre de la faîtière, par une aiguille d'acacia ou une ligature serrée, permettant ainsi un chevauchement de la faîtière (« chapeau de bruyère »)[26],[1].

Environnement et esthétique modifier

Ne comportant que des matériaux végétaux biodégradables de provenance locale, ces bâtiments respectent l'environnement et s'intègrent aisément dans le paysage, même si leur toit descendant jusqu'à terre, leur ligne de faîte en crinière, parfois plus haute à l'avant, et leur auvent en nez cassé ou à pans coupés, donnent à certaines loges un aspect tout à fait singulier[1].

Structures similaires hors Anjou-Touraine modifier

Des structures similaires ont été trouvées dans d'autres régions de France : Berry[27], Poitou (Deux-Sèvres, Vienne)[28],[29], Aquitaine (Landes), Bourgogne (Nièvre)[30], Quercy, Normandie[31], Limousin (Corrèze)[11], Saintonge[32].

Galerie modifier

Notes et références modifier

  1. a b c d e et f Ploquin 1994, p. 36.
  2. a b et c Épaud 2009, p. 125.
  3. Épaud 2009, p. 124, 143-156.
  4. Épaud 2009, p. 124, 126.
  5. La cabrett' du Viornay, « Où trouver des loges ? », sur lacabrett.blogspot.com (consulté le ).
  6. « Loges en bruyère d'Anjou Touraine existantes ou ayant existé », sur www.google.com, (consulté le ).
  7. a et b JM Couderc, « Les hangars en bruyère » [PDF], sur sd-g1.archive-host.com (consulté le ).
  8. a b et c Épaud 2009, p. 124.
  9. Ploquin 1994, p. 1.
  10. La Cabrett du Viornay, « La Loge en Bruyère », sur www.lacabrett.fr, (consulté le ).
  11. a et b La cabrett' du Viornay, « Ce que sont les loges de bruyère », sur lacabrett.blogspot.com (consulté le ).
  12. Épaud 2009, p. 149-153.
  13. Épaud 2009, p. 126.
  14. Épaud 2009, p. 130, 140, 154.
  15. Épaud 2009, p. 121-160.
  16. Épaud 2009, p. 151-157.
  17. Épaud 2009, p. 138.
  18. Ploquin 1994, p. 32.
  19. « Bienvenue à Ambillou : Sites et curiosités – Hangars de bruyère » [PDF], sur cdn1_2.reseaudescommunes.fr (consulté le ).
  20. Épaud 2009, p. 130-138.
  21. Épaud 2009, p. 126-133.
  22. Ploquin 1994, p. 35.
  23. Épaud 2009, p. 138, 142.
  24. Épaud 2009, p. 130.
  25. Épaud 2009, p. 133.
  26. Épaud 2009, p. 154.
  27. Fréderic Épaud, « Les loges à poteaux plantés : approche ethnoarchéologique », sur shs.hal.science, (consulté le ), p. 1.
  28. Réserve naturelle nationale du Pinail, « Bergerie », sur www.reserve-pinail.org (consulté le ).
  29. Xavier Roche-Bayard, « Montmorillonnais : les brandes méritent bien une Fête des paysages », Hangar au toit de brande à Bouresse (Photo CCVG), sur m.lanouvellerepublique.fr, La Nouvelle République, (consulté le ).
  30. « Inventaire des loges ou hangars en bruyère (brande) : Recherche effectuée au printemps 2011 sur les bases de données « Mérimée » et « PhoCem » » [PDF], sur sd-g1.archive-host.com, (consulté le ).
  31. La cabrett' du Viornay, « Voyage au pays des loges », sur lacabrett.blogspot.com (consulté le ).
  32. Anne Audier, « Le patrimoine végétal ou L’herbier du village : Le patrimoine végétal saintongeais dans des utilisations locales », Bruyère à balai ou brande (Erica scoparia) [PDF], (consulté le ), p. 17-20.

Voir aussi modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie modifier

  • Frédéric Épaud, « Approche ethnoarchéologique des charpentes à poteaux plantés : les loges d’Anjou-Touraine », Archéologie médiévale, CNRS Éditions, no 39,‎ , p. 121-160 (résumé, lire en ligne [PDF], consulté le ).  

Articles connexes modifier

Liens externes modifier