Lingchi

supplice chinois

Le lingchi (chinois simplifié : 凌迟 ; chinois traditionnel : 凌遲) était un supplice en usage en Chine, infligé dans le cadre d'une condamnation à mort pour certains crimes exceptionnels (rébellion contre l'empereur, parricide, etc.), mais aussi pour d'autres délits tels que la propagation d'une religion ressentie comme perverse. Également connu sous l'appellation de supplice des « huit couteaux » ou « cent morceaux », traduit aussi parfois par « mort languissante » ou « mort des mille coupures »[1], le lingchi consiste à entailler et retirer successivement, par tranches fines, des muscles et des organes du condamné avant de lui trancher la tête. L'utilisation d'opium permettait aux bourreaux de maintenir conscient le supplicié le plus longtemps possible.

Une illustration de 1858 publiée dans le journal Le Monde illustré, de torture et d'exécution d'un missionnaire français (Auguste Chapdelaine) en Chine par le supplice du lingchi.

Histoire modifier

Cette forme d'exécution a été pratiquée en Chine entre le début du Xe siècle et 1905[1].

La peine du lingchi a été officiellement abolie par décret impérial le . Pour la plupart des historiens, aucun lingchi n'a été exécuté après cette date, et les premiers auteurs qui ont publié des clichés sur ce type d'exécutions (Jean-Jacques Matignon, Ferdinand Joseph Harfeld, Louis Carpeaux) indiquaient bien qu'elles dataient d'une époque révolue. L'idée que l'abolition n'aurait pas été effective repose sur une série d'erreurs ou de racontars. Par exemple, le jeu conservé au musée Nicéphore-Niépce est accompagné d'une légende qui place en 1908 l'exécution de Wang Weiqin, qui eut lieu le . Cette même exécution est datée de 1910 par Heindl, et même de 1925 par Martin Monestier qui, dans son livre Peines de mort, confond la date de l'exécution avec celle de la parution du livre de Heindl[2].

Toutefois, une photographie prise par l'officier colonial Hubert Panon, qui ne fut muté en Chine qu'en 1919, et montrant un Chinois subissant ce supplice, semble prouver que celui-ci fut parfois encore appliqué à des époques plus récentes[3].

Des plaques photographiques de ce supplice, nommé « supplice chinois des Cent morceaux », ont bouleversé, fasciné et influencé Georges Bataille, qui les a découvertes grâce à son ami psychanalyste Adrien Borel, lequel lui donna un de ces clichés, dont Bataille dit qu'il « eut un rôle décisif dans [sa] vie[4]. » Bataille les évoque une première fois dans son essai L'Expérience intérieure (1943), parlant d'une extase paradoxale exprimée par le supplicié : « Les cheveux dressés sur la tête, hideux, hagard, zébré de sang, beau comme une guêpe. »[5] Par la suite, dans son dernier ouvrage, intitulé Les Larmes d'Éros (1961), il reproduit plusieurs de ces clichés, précisant qu'ils ont été « publiés en partie par Dumas et par Carpeaux », qui « affirme avoir été témoin du supplice, le  »[6]. Des doutes demeurent donc sur l'origine de ces photographies et l'identité du supplicié, comme l'a précisément montré l'historien sinologue Jérôme Bourgon[7].

Notes et références modifier

  1. a et b (en) Jamyang Norbu, « From Darkness to Dawn », site phayul.com, 19 mai 2009.
  2. Site contient de nombreuses informations sur les supplices chinois.
  3. Xavier Panon, "Un Français de la Coloniale", Editions du Menhir, 2021 (ISBN 978-2-919403-88-2)
  4. Georges Bataille, Les Larmes d'Éros, Jean-Jacques Pauvert, coll. « Bibliothèque internationale d'érotologie », 1961, p. 238.
  5. Georges Bataille, L'Expérience intérieure, dans Œuvres complètes, t. V, La Somme athéologique, I, Gallimard, 1973, p. 139. Bataille précise en note que Georges Dumas a reproduit dans son Traité de psychologie (1923) deux des cinq clichés qu'il eut longtemps chez lui.
  6. Georges Bataille, Les Larmes d'Éros, p. 234. En réalité, pour ce dernier ouvrage, et concernant ces photographies en particulier, Bataille, déjà très malade, a bénéficié de l'aide de son ami sinologue Jacques Pimpaneau et de Joseph-Marie Lo Duca, éditeur et auteur de la maquette du livre ; et dans une certaine mesure, l'état définitif du livre lui a échappé. Voir des précisions dans Extrait des Larmes d'Éros, article critiquant les écrits de Georges Bataille sur ce sujet.
  7. Jérôme Bourgon, Supplices chinois, La maison d'à côté, . Ce livre comprend un DVD. Concernant Bataille en particulier, et l'élaboration de son livre Les Larmes d'Éros, Jérôme Bourgon s'est livré à un minutieux examen critique des sources (documents photographiques) utilisées pour cet ouvrage, démontrant qu'il y a eu des confusions quant à l'origine de ces clichés, notamment quant à l'identité du supplicié en question (un dénommé Fou-Tchou-Li dans le livre de Bataille). « Bataille et le « supplicié chinois » : erreurs sur la personne ».

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

  • Georges Bataille, Les Larmes d'Éros, Paris, Jean-Jacques Pauvert, coll. « Bibliothèque Internationale d'Érotologie », 1961.
  • Jérôme Bourgon, Supplices chinois, Bruxelles, La maison d'à côté, 2007 – avec un DVD regroupant « les images des peines et supplices chinois recueillies et analysées, ainsi que les seules photographies du démembrement de Foudjouri, le dernier supplicié, et leur impact sur la littérature occidentale ».
  • (en) Jérôme Bourgon, avec Timothy Brook et Gregory Blue, Death by a Thousand Cuts, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2008.
  • Jérôme Bourgon (dir.), Les lieux de la loi dans la Chine impériale, Vincennes, Presses Universitaires Vincennes, collection « Extrême-Orient, Extrême Occident », 2016.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier