Liard (monnaie)
Le liard[1],[2],[3],[4],[5] est une pièce de monnaie de l'Ancien Régime de faible valeur. Apparue au XVe siècle dans le Dauphiné, elle est adoptée officiellement par la France en 1654.
Sa valeur, fixée à trois deniers tournois par déclaration du [6], est dévaluée en à deux deniers tournois[6] par arrêt du [7] puis à un denier tournois par arrêt du [8] ; il n'est réévalué à trois deniers tournois qu'en [6].
Les pièces d'un liard et de deux liards ont été démonétisées le , en vertu d'un décret du [9]. De nombreux pays limitrophes utilisèrent ce format, et, devenu nom commun, le mot passa dans le langage courant pour exprimer « une chose de petite valeur ».
Liard du Dauphiné
modifierRattaché à la France en 1349, le Dauphiné conserve une certaine indépendance durant un siècle et, notamment, utilise l'un des aspects du droit de seigneuriage, celui de battre monnaie à ses armes. Les premières frappes montrent sur une face la représentation d'un dauphin, l'animal héraldique du Dauphiné, et sur l'autre, un croisillon de fleurs de lys, le symbole de la couronne de France. Sa valeur était de 3 deniers tournois, sa composition en argent pour un poids légèrement supérieur à 1 g. Il fallait donc 80 liards pour faire une livre tournois de 240 deniers.
Liard en France et « Liard de France »
modifierDans la seconde moitié du XVe siècle, sous le règne de Louis XI, cette pièce de monnaie commence à être frappée dans d'autres parties du royaume ainsi que par ses vassaux. Charles VIII en poursuit le monnayage, puis sous François Ier, la pièce change de motif : au lieu d'un dauphin, apparaît le monogramme « F ».
Au début du règne de Louis XIV, le liard apparaît pour la première fois en 1649 en cuivre, également pour une valeur 3 deniers (ou 1/4 de sou) et son nom devient « Liard de France ». En 1658, sa valeur est réduite officiellement à deux deniers, cette pièce devenant la plus petite dénomination du système monétaire du royaume, la valeur supérieure étant le double tournois ou pièce de 4 deniers, également en cuivre. Les dernières frappes remontent à 1792, mais cette pièce reste en usage jusqu'en 1856 pour pallier l'absence de petite monnaie : en 1803, elle équivaut à 2 centimes de franc germinal.
Liard en Lorraine
modifierLe liard sous la forme d'une pièce en cuivre fut frappée aux armes de la Lorraine entre 1704 et 1729 sous le règne de Léopold Ier.
Liard dans les Pays-Bas espagnols
modifierAu début du XVIIe siècle, le liard devient l'une des plus petites subdivisions du kronenthaler, la monnaie en usage dans les Pays-Bas espagnols et du Saint-Empire. 1 kronenthaler valait 254 liards. Il existe des pièces de 2 liards en cuivre frappées sous Marie-Thérèse à Bruxelles en 1777. À la suite de l’occupation française en 1794, le kronenthaler fut remplacé par le franc français. On trouve parfois l'expression « liard tournois » sur certaines pièces.
De nombreux territoires rattachés au Saint-Empire adoptèrent le liard : la principauté de Liège, le duché du Luxembourg, la principauté de Montbéliard, Sedan, etc.
Géologie (France)
modifierUn des bancs de calcaire lutétien du bassin de Paris est parfois surnommé dans la littérature scientifique du XIXe siècle « calcaire à liard », du fait de la ressemblance entre la pièce de monnaie et le fossile Nummulites laevigatus (foraminifère benthique).
Le mot « liard » dans la littérature
modifierLiard devient liart dans le jargon tudesque détourné ironiquement par l’écrivain Balzac. Comme dans Les Misérables de Victor Hugo, où les gamins des rues « se disputent des liards », le liard symbolise ici la plus petite monnaie pouvant exister.
« Nus n’afons rien rési, dit le bon Allemand. Ed si che fiens à fus, c’esde que che zuis tans la rie et sans eine liart… (Nous n’avons rien reçu, dit le bon Allemand. Et si je viens à vous, c’est que je suis dans la rue et sans un liard). Schmuck dans Le Cousin Pons d’Honoré de Balzac[10]. »
« C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu. »
— Victor Hugo, Les Contemplations
« Tant il est vrai que le vrai plaisir ne se mesure pas sur la dépense et que la joie est plus amie des liards que des louis. »
— Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire - Neuvième promenade
Notes et références
modifier- « Liard », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 21 mai 2016).
- Informations lexicographiques et étymologiques de « liard » (sens A) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 21 mai 2016).
- Entrée « liard » [html] dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 3 : I - P, Paris, L. Hachette, , 1396 p., in-4o (BNF 30824717), p. 292 [fac-similé (page consultée le 21 mai 2016)].
- Entrée « liard » [html], sur Dictionnaires de français (en ligne), Larousse (consulté le ).
- Gildas Salaün, « De liard en liard, des siècles d'histoire », Monnaie magazine, , p. 48-53 (ISSN 1626-6145)
- Serge Guiboud-Ribaud, Chroniques d'une frontière sous l'Ancien Régime : les 2 Pont-de-Beauvoisin, - (monographie), Paris, Books on Demand, (1re éd.), 508 p., 22 cm (ISBN 2-322-03140-2 et 978-2-322-03140-5, OCLC 859446456, BNF 43668107), p. 255 [lire en ligne (page consultée le 21 mai 2016)].
- Arrêt du conseil d'État du Roi du par lequel Sa Majesté veut que les liards n'aient cours que pour deux deniers seulement (BNF 33660088).
- Arrêt du conseil d'État du Roi du par lequel sa Majesté ordonne que les liards n'auront cours que pour un denier seulement (BNF 33660123).
- Décret impérial du qui fixe les époques auxquelles les anciennes monnaies de cuivre cesseront d'avoir cours légal et forcé [lire en ligne (page consultée le 21 mai 2016)].
- La Pléiade, 1976, t. VII, p. 734