Jacqueline Chénieux-Gendron

écrivaine française

Jacqueline Chénieux-Gendron, née le à Hommes et morte le à Paris[1],[2], est une femme de lettres française. Elle a passé son enfance à Château-la-Vallière, où ses parents étaient instituteurs[N 1] et a consacré la plus grande part de ses recherches à la pensée surréaliste. Sa petite enfance est marquée par la maladie, situation durable à laquelle elle attribue aujourd’hui une importance certaine. Directrice de recherche émérite au CNRS, après avoir été membre des commissions d’évaluation et du directoire de cette institution, entre 1975 et 1980, comme représentante des chercheurs, elle est aujourd’hui rattachée au laboratoire CRAL[3] de l’école des hautes études en sciences sociales. Honorary Senior Resarch Fellow de l’Université de Londres (UCL), elle est aussi membre du comité scientifique du site andrebreton.fr dédié à André Breton.

Jacqueline Chénieux-Gendron
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Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Jacqueline Marie Blanche ChénieuxVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Autres informations
A travaillé pour

Sous le nom de Jacqueline Chénieux, elle a publié quelques contes dans la revue Le Nouveau Commerce, et elle a fondé et dirigé la revue Pleine marge (1985-2009)[4], avec l’aide de deux surréalistes de la dernière génération, José Pierre et Jean-Michel Goutier, et le soutien, notamment, de Martine Colin-Picon. Cette revue a publié, côte à côte et en dialogue, de grands textes poétiques inédits du présent, qu’ils relèvent du surréalisme historique ou qu’ils lui fassent écho, tels – parmi d’autres -- ceux de Pierre Alechinsky ou d’Yves Bonnefoy, des dossiers plastiques sur des artistes contemporains, tels François Rouan, Wolfgang Paalen, Alberto Gironella ou Alice Rahon, et des textes critiques[5].

Elle épouse en 1977 François Gendron, physicien, qui fut directeur de l’UFR de Physique à l’Université Paris 6 (Jussieu) entre 2001 et 2009 ; leur fille Laure (X 1998) est née en 1979.  

Parcours modifier

À vingt ans, elle exprime devant les écrits surréalistes un étonnement et un attachement qui ne l’ont pas quittée : « le surréalisme fait des différences », telle est l’ouverture de son Mémoire d’études présenté à Georges Blin, professeur à la Sorbonne à cette époque (avant d’être élu au Collège de France), portant sur l’œuvre alors en cours de Julien Gracq, ces pages qui disent et qui visent  « plusieurs choses à la fois ». Après l’agrégation de Lettres classiques, en 1962, elle enseigne au lycée Descartes, de Tours, puis entre au CNRS en 1969.

Soutenue notamment par Dina Dreyfus, qui avait été son professeur de philosophie en Khâgne, et par Georges Blin, elle mène une quête double : d’une part, qu’est-ce qui, dans le mouvement surréaliste, peut être conceptualisé ; d’autre part, que peut-on décrire de son cheminement en matière d’histoire des idées. C’est en historienne des idées qu’elle a associé ensuite à sa problématique la dimension d’histoire de la psychanalyse et l’analyse de la lecture du surréalisme par certains psychanalystes, tel Jacques Lacan et surtout Guy Rosolato. Son ambition est de distinguer pour tenter de comprendre.  

Cette double orientation, philosophique d’un côté, historienne de l’autre, définit ses travaux. Au long de ces derniers, salués notamment par Julien Gracq dans son premier article portant sur Marcel Duchamp (Le Nouveau Commerce, 1983), puis par Yves Bonnefoy, Jean Starobinski ou Guy Rosolato, ainsi que par la critique (notamment dans le journal Le Monde, lors de la première publication de son ouvrage Le Surréalisme et le roman[6]) elle est considérée comme l’une de celles ou ceux qui ont renouvelé les modalités du regard porté sur le mouvement surréaliste, en l’envisageant non plus seulement comme un espace littéraire ou plastique à décrire, mais comme la trace d’une ambition intellectuelle et morale de vaste compas.

C’est à l’étranger que ses travaux lui ont valu la réputation la plus large. Bien avant d’avoir été invitée à enseigner à Princeton, elle avait été traduite en 1986 au Mexique : El Surrealismo, Fundo de Cultura Economica, trad. Juan José Utrilla ; puis en 1990 aux Etats-Unis (Surrealism, Columbia Univ. Press, transl. Vivian Folkenflik) ; en 1992 au Brésil (O Surrealismo, chez Martins Fontes, trad. Mario Laranjeira) ; en 1997, le même livre chez Jimbun Shoin, à Tokyo, Japon ; en Russie[7], éd. de la Littérature nouvelle, Moscou, en 2002 ; enfin, un livre regroupant un certain nombre de ses études critiques a été publié en 2015, sous la direction de Tetsuya Saito, aux éditions Suisei-sha, sous le titre [en japonais] Le surréalisme, une énigme en marche.

Ses deux principaux ouvrages critiques, après réécriture sous de nouveaux titres, ont été publiés en 2014, chez Honoré Champion : Inventer le réel. Le surréalisme et le roman[8], ainsi que Surréalismes, L’esprit et l’histoire. Cependant, dès 2002, à l’occasion de la grande exposition La Révolution surréaliste[9] au MNAM / Centre Pompidou, Werner Spies lui a confié la réalisation d’une anthologie critique parue chez Gallimard, Il y aura une fois, une anthologie du surréalisme (Folio, 3674) : ce volume reste actuellement, en toutes langues, la seule anthologie thématique du surréalisme international.

En 2017, les 26 et 27 avril, elle a co-organisé avec Pierre Caye, philosophe, Directeur de recherche au CNRS, ainsi que Myriam Bloedé et Martine Colin-Picon, à la BnF et à l’INHA, et le soutien de nombreuses institutions, un colloque international intitule Breton après Breton (1966-2016) Philosophies du surréalisme.

En 2019-2020, elle est « conseiller scientifique » pour l’exposition et responsable avec les commissaires de l’exposition du catalogue L’Invention du surréalisme, des Champs magnétiques à Nadja, organisée à la BNF par cette institution, et par la Bibliothèque Littéraire Jacques-Doucet, qui s’ouvre le 17 novembre 2020 pour trois mois.

Son nouveau livre Surréalismes et résistance à l’esthétique : vers une pensée morale, va paraître aux éditions Hermann, hiver 2020-2021.

Carrière de chercheur et d’enseignante modifier

Elle a monté au CNRS en 1975 la toute première équipe universitaire française dédiée à l’étude du surréalisme[10], cautionnée par un trio de chercheurs de la génération antérieure : Pierre-Georges Castex, Michel Décaudin, Louis Forestier, dirigée ensuite successivement par Marguerite Bonnet et Marie-Claire Dumas, chaque fois en tandem avec elle. Ce programme de recherche avait l’ambition première de fournir des outils de travail fiables à des chercheurs vite perdus dans l’abondance et le disparate des tracts ou des « petites revues » surréalistes.

De là, ce groupe de chercheurs, élargi à l’international sur son initiative constante, après la publication de sa thèse, s’est attaché à expliciter les grandes lignes de pensée du mouvement. Sous sa responsabilité, associée le plus souvent à celle d’un autre enseignant-chercheur, une collection critique d’ouvrages collectifs issus de séminaires ou de colloques est suscitée : ces volumes, d’orientation anthropologique ou esthétique, ont pour titre  Du Surréalisme et du plaisir (José Corti, 1987), L’Objet au défi (PUF, la même année), puis aux éditions Peeters-France : Jeu surréaliste et humour noir  (1993) ; Lire le regard : André Breton et la peinture (1993) ; Violence, théorie, surréalisme, (1994) ; Nouveau Monde et autres mondes. Surréalisme et Amériques (1995) Pensée mythique et surréalisme (1996), ou encore Pensée de l’expérience, travail de l’expérimentation au sein des surréalistes et des avant-gardes (2005). Tous ces ouvrages ont été régulièrement salués au plan national et  international.

En dialogue avec le psychanalyste Guy Rosolato, dont l’œuvre est publiée par Gallimard et les PUF, elle a édité et préfacé ses études sur le Surréalisme : Encrage psychiatrique et psychanalytique du surréalisme (Champion, 2014).

Jacqueline Chénieux-Gendron a enseigné en troisième cycle et dirigé des travaux de recherches à l’Université Denis-Diderot-Paris 7, de 1984 jusqu’en 2005, ainsi qu’à l’Université de Princeton, NJ, Etats-Unis, en 2001-2002.

Publications modifier

Essais modifier

  • Inventer le réel. Le surréalisme et le roman, Honoré Champion, 2014, 770 p.
  • Surréalismes, L’esprit et l’histoire , Honoré Champion, 2014, 376 p. ill.

Direction et édition d’ouvrages collectifs modifier

  • Pensée de l’expérience, pratiques de l’expérimentation, sous la responsabilité de J. Ch-G., Peeters, Paris, 2005, 254 p.
  • Regards/Mises en scène dans le surréalisme et les avant-gardes, sous la responsabilité de Claude Bommertz et J.Ch.-G. avec la collaboration de Myriam Bloedé, Peeters, Paris, 2000, ill., 340 p. Préface de J.Ch-G.
  • Patiences et silences de Philippe Soupault, actes du colloque organisé J.Ch-G. par à la BNF en novembre 1997, avec des contributions internationales, L’Harmattan, collection Arts & Sciences de l’art, 2000, 310 pp.
  • Portrait(s) de Philippe Soupault, collectif en co- responsabilité avec Mauricette Berne, Conservateur en chef à la BNF, éditions de la Bibliothèque Nationale de France, 1997, 320 p., nombreuses ill.
  • Pensée mythique et surréalisme, collectif en co-responsabilité  avec Yves Vadé, Lachenal & Ritter, diffusion Peeters Louvain/Leuven, Belgique, 1996, 287 pages, 33 ill.
  • André Breton, la poésie, numéro spécial de la Revue des Sciences Humaines, n° 237, 1995-1, comportant sept communications - 159 pages.
  • Violence, théorie, surréalisme, collectif sous la responsabilité de J. Ch-G.et Timothy Mathews, Lachenal & Ritter, diffusion Peeters Leuven/Louvain, Belgique, 1994, 224 p., 17 ill.
  • Nouveau Monde, autres mondes, Surréalisme et Amériques, collectif sous la responsabilité de J.Ch-G, Daniel Lefort et Pierre Rivas, Lachenal & Ritter, diffusion Peeters Louvain/Leuven, Belgique, 1994, 268 p., 33 ill.
  • Jeu surréaliste et humour noir, dirigé par J.Ch.G. et Marie-Claire Dumas, Lachenal & Ritter, diffusion Peeters, Leuven/Louvain, Belgique, 1993, 329 p. ,30 ill.
  • Lire le regard : André Breton et la peinture, collectif sous la responsabilité de J.Ch-G, Lachenal & Ritter, diffusion Peeters Leuven/Louvain, Belgique, 1993, 280 p., 30 ill.
  • Philippe Soupault, le poète, ouvrage réuni par J.Ch-G., avec une préface d'Edmond Jabès, une bibliographie de Ph.Soupault, et un récit inédit du poète, Klincksieck, 1992, 394 p., cahier d'ill.:
  • Du Surréalisme et du plaisir, collectif sous la responsabilité de J.Ch-G, José Corti, 1987, 276 p., cahiers d’ill.
  • L’Objet au défi, collectif, J.Ch-G. et Marie-Claire Dumas éd, diffusion Presses Universitaires de

France, 1987, 168 p., 13 ill.

Ouvrages-outils pour la recherche modifier

  • Le Surréalisme autour du monde, 1929-1947, par J. Ch-G. et al., CNRS éditions, 1994, quatre index. Présentation générale.
  • Revues surréalistes françaises/Autour d’André Breton, 1948-1972, co-signé avec M. Bonnet, Kraus International Publications, Millwood, New York & London, England, 1982, quatre index.

Éditions critiques modifier

  • Leonora Carrington,  Œuvres complètes, Fage éditions, Lyon, Postface au tome 1, Contes,  2020. Préface au tome 2, Récits (à paraître)
  • André Breton, Nadja. Fac-similé du manuscrit de 1927. Édition à tirage limité, suivie d’une étude illustrée de Jacqueline Chénieux-Gendron et Olivier Wagner. BnF/Gallimard, 80 p., 2019.
  • Guy Rosolato, Encrage psychiatrique et psychanalytique du surréalisme, édition de J. Ch-G. Préface de Patrick Merot, Honoré Champion, 2014, 236 p.
  • Il y aura une fois, une anthologie du surréalisme, Gallimard, Folio, 2002 puis 2004, 754 p. Préface de Werner Spies.
  • Pierre Mabille, Conscience lumineuse conscience picturale, textes établis par J. Ch-G et Rémy Laville, préface de JCG, José Corti, 1989, 197 p., cahier d’ill.
  • Leonora Carrington, Le Cornet acoustique, Garnier-Flammarion, 1983, avec une préface de J.Ch-G, suivie d'une biographie des œuvres de ce peintre et écrivain et d'une chronologie de sa vie et de son œuvre.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Son père, Louis-Adrien Chénieux, né en Limousin, petit-neveu de François Chénieux, professeur de médecine à Limoges, dont l’hôpital conserve le nom, avait épousé à Belfort, lors de son service militaire comme officier, Simone Jardot, fille de Jules-Emile Jardot, directeur d’une usine de filature, et de Blanche Aubert-Pellerin, dont la famille s’était embourgeoisée en Franche-Comté au XVIIIe siècle.

Références modifier

  1. « Jacqueline Chénieux-Gendron (1939 – 2022) », sur CRAL (consulté le )
  2. « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le )
  3. « CRAL », sur CRAL (consulté le ).
  4. Françoise Nicol, « Il y aura une fois encore ? », Pleine marge, La Revue des revues, no 57,‎ , p. 12 à 29 (lire en ligne)
  5. « Ressource «Pleine Marge (1985-2009)» - - Mnesys », sur Mnesys (consulté le ).
  6. Michel Contat dans le feuilleton du Monde des livres, vendredi 5 août 1983, sous le titre « Inventer le réel ». Voir aussi : Suzanne Lamy, Spirale, no 42, Montréal, avril 1984.
  7. Russian Academy of Sciences/ Institute of Scientific Information in Social Sciences, Western Literary Criticims of the XXth century, Encyclopedia/IntradaMoscow, 2004.
  8. Jérôme Duwa, « Les Angles morts du Surréalisme », Critique d’art, 43,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. La Révolution surréaliste, catalogue de l’exposition au Centre Pompidou, sous la responsabilité de Werner Spies, 2002. Contribution de J. C-G : « L’Envers du monde, l’envers de la langue : un “travail” surréaliste », pp. 348-359.
  10. Recherche Coopérative sur Programme, CNRS, 1975.

Liens externes modifier