Inclusion fonctionnelle

Une inclusion fonctionnelle est un problème de la forme

est une fonction entre les deux espaces vectoriels et et est une multifonction entre les mêmes espaces. Ce type de problème est aussi appelé équation généralisée. Il signifie que l'on cherche un point tel que l'ensemble contienne l'élément nul de ou encore tel que l'ensemble contienne . Si , on cherche à résoudre une «simple» équation . On pourrait bien sûr enlever la fonction du modèle, car est une multifonction qui peut être prise en compte par , mais certains problèmes d'inclusion ont une partie fonctionnelle comme ici, que certains résultats (comme le théorème des fonctions implicites, ci-dessous) ou certains algorithmes de résolution (comme l'algorithme de Josephy-Newton) exploitent, en utilisant la possibilité de dériver .

Ce modèle de problème est suffisamment général pour englober les problèmes variationnels, les problèmes d'inéquation variationnelle, les problèmes de complémentarité et les conditions d'optimalité du premier ordre des problèmes d'optimisation.

Lorsque est différentiable et que certaines propriétés de régularité ont lieu, ce problème peut être résolu numériquement par diverses techniques, notamment l'algorithme de Josephy-Newton.

Exemples d'inclusions fonctionnelles modifier

Problème variationnel modifier

Un problème variationnel est une inclusion fonctionnelle de la forme  , dans laquelle   et la multifonction   est le cône normal   à un ensemble fermé non vide   (la notation   vient de là). Le problème s'écrit et s'interprète comme ci-dessous :

 

Avec la convention   si  , on cherche donc un point   tel que   soit dans le cône normal à   en  .

Problème d'inéquation variationnelle modifier

Un problème d'inéquation variationnelle est un problème variationnel   dans lequel l'ensemble   est un convexe fermé non vide  . Alors le problème variationnel s'exprime par   ou encore

 

Problème de complémentarité modifier

Un problème de complémentarité est un problème d'inéquation variationnelle   dans lequel l'ensemble   est un cône convexe fermé non vide  . Alors en prenant   et   comme élément-test dans  , on voit que le problème se récrit comme suit

 

  est le cône dual de  . Ce problème requiert que trois conditions soient satisfaites, à savoir  ,   et  .

Conditions d'optimalité du premier ordre en optimisation modifier

Contrainte abstraite modifier

La condition d'optimalité nécessaire du premier ordre de Peano-Kantorovitch est un problème variationnel de la forme  , dans lequel   est le gradient d'une fonction  .

Contrainte d'inclusion fonctionnelle modifier

Considérons le problème d'optimisation général suivant

 

dans lequel le critère   est défini sur un espace euclidien  ,   est une fonction à valeurs dans l'espace euclidien   et   est un convexe fermé non vide de  .

Son système d'optimalité du premier ordre peut également s'exprimer comme un problème d'inclusion fonctionnelle de la forme   avec  ,

 

Lorsque   est un cône convexe fermé, le système d'optimalité du premier ordre de   peut également s'exprimer comme un problème de complémentarité de la forme   avec  ,

 

Contraintes d'égalité et d'inégalité modifier

Le système d'optimalité du premier ordre de Karush, Kuhn et Tucker du problème   peut également s'exprimer comme un problème de complémentarité non linéaire de la forme   avec  ,   :

 

L'appartenance de   à   exprime la positivité de  . L'appartenance de   à   exprime la nullité du gradient du lagrangien et l'admissibilité de  . Enfin l'orthogonalité entre   et   exprime la complémentarité.

Système d'égalités et d'inégalités modifier

Lorsque   est la multifonction constante    et   forment une partition de  ,   revient à trouver un point   satisfaisant les égalités   pour   et les inégalités   pour  .

Théorème des fonctions implicites modifier

Un théorème des fonctions implicites peut être obtenu pour une inclusion fonctionnelle sous l'hypothèse de régularité suivante[1].

Solution fortement régulière — On dit que   est une solution fortement régulière de   de module   s'il existe des voisinages   de   dans   et   de 0 dans  , tels que pour tout  , l'inclusion fonctionnelle linéarisée perturbée

 

a une solution  , unique dans  , et si   est  -lipschitzienne sur  .

Nécessairement  . Par ailleurs, si  , la régularité forte devient l'inversibilité de  .

On se place dans le cadre suivant. Soient   et   deux espaces de dimension finie et   un espace topologique. Pour un paramètre   donné, on considère l'inclusion fonctionnelle perturbée

 

  et   est une multifonction.

Théorème des fonctions simplicites — Soient   et   un voisinage de   dans  . Supposons que   existe sur   et que   et   soient continues en  . Si   est une solution de  , qui est fortement régulière de module  , alors pour tout  , il existe un voisinage   de   et un voisinage   de  , ainsi qu'une fonction univoque   telle que pour tout  ,   est l'unique solution de  . De plus, pour tout   et  ,

 

Dans le cas où   est lipschitzienne, uniformément en  , on a le corollaire plus explicite suivant.

Corollaire — On suppose que les conditions du résultat précédent ont lieu, que   est une partie d'un espace normé et qu'il existe une constante   telle que pour tout   et   et tout  , on a

 

Alors   est lipschitzienne sur   de module  .

Semi-stabilité et hémi-stabilité modifier

Le bon comportement local d'un algorithme de linéarisation requiert une hypothèse de différentiabilité de la fonction dont on cherche un zéro (ne fût-ce que parce que la fonction est linéarisée par l'algorithme) et une hypothèse d'inversibilité de la dérivée de cette fonction en ce zéro (pour que localement on puisse définir la direction de déplacement d'un itéré à l'autre). Pour l'inclusion fonctionnelle  , l'hypothèse de différentiabilité est naturellement celle de   lorsque l'algorithme considéré est celui de Josephy-Newton puisque seule   est différentiée dans cet algorithme. L'hypothèse d'inversibilité est, quant à elle, plus difficile à définir : on l'exprime au moyen de deux concepts, la semi-stabilité et l'hémi-stabilité[2]. La semi-stabilité s'occupe de la vitesse de convergence de l'algorithme de Josephy-Newton et l'hémi-stabilité du caractère bien posé de celui-ci.

Semi-stabilité modifier

Cette notion est motivée par le souhait d'avoir des itérés de l'algorithme de Josephy-Newton qui convergent localement rapidement vers une solution ayant cette propriété.

Pour introduire la notion de semi-stabilité, supposons dans un premier temps que  , si bien que le problème consiste à résoudre   par des itérations de Newton  . On suppose que l'on est dans un voisinage   d'un zéro   de   et que la suite générée par l'algorithme converge vers ce point. Supposons que   soit continûment différentiable sur  . Alors, en utilisant l'équation définissant l'itération et le développement de   avec reste intégral, on obtient

 

La convergence superlinéaire de   vers  , c'est-à-dire  , se déduit alors de l'inversibilité de  . En effet, par la différentiabilité de   en   et la nullité de  , il vient   et donc

 

  est une constante strictement positive (on peut prendre   dans  ). Puis l'estimation de   ci-dessus conduit à   et donc à   qui exprime la convergence superlinéaire de la suite. C'est cette dernière conséquence de l'inversibilité de   que l'on choisit de préserver dans la définition de la semi-stabilité ci-dessous : si   et   est proche de  , alors  .

Semi-stabilité — On dit qu'une solution   de   est semi-stable s'il existe des constantes   et   telles que pour tout couple   vérifiant

 

on a

 

Voici quelques observations sur cette définition.

  1. Cette propriété n'affirme rien sur l'existence d'une solution de   pour les   considérés.
  2. Cette propriété n'est contraignante que pour de petites perturbations   puisque dès que  , la condition est toujours vérifiée.
  3. Une solution semi-stable est nécessairement isolée puisque si   est une autre solution, on a   et donc   ou encore  . Il n'y a donc pas d'autre solution que   dans la boule  .
  4. La notion de semi-stabilité en   se ramène à celle d'injectivité de   en l'absence de   (et donc de son inversibilité si  ).
  5. On peut montrer qu'une solution fortement régulière est semi-stable[3].

Si une solution semi-stable de   en est une solution isolée, c'est aussi une solution isolée de cette inclusion fonctionnelle linéarisée en  . La réciproque est d'ailleurs vraie lorsque   est l'application cône normal à un polyèdre convexe (voir ci-dessous).

Solution isolée de l'inclusion fonctionnelle linéarisée — Soit   une solution semi-stable de l'inclusion fonctionnelle  , dans laquelle   est différentiable en  . Alors   est une solution isolée de l'inclusion foncitonnelle linéarisée

 

Le résultat suivant donne diverses propriétés d'une solution d'un problème d'inclusion fonctionnelle qui deviennent équivalentes à la semi-stabilité lorsque la multifonction   est le cône normal   à un convexe polyédrique non vide  , c'est-à-dire lorsque l'inclusion fonctionnelle est un problème d'inéquation variationnelle sur un polyèdre convexe non vide. La condition (2) peut être utilisée pour caractériser la semi-stabilité d'un point stationnaire d'un problème d'optimisation sous contraintes et la condition (3) pour caractériser la semi-stabilité d'un minimum local de ce même problème.

Caractérisations de la semi-stabilité pour une IV polyédrique — On suppose que   et que   est une solution de l'inclusion fonctionnelle  , dans laquelle   est différentiable en   et   est l'application cône normal   à un convexe fermé non vide   de   Alors les implications (1)   (2)   (3)   (4) ont lieu pour les affirmations données ci-dessous :

  1.   est semi-stable,
  2.   est solution isolée de

     
  3. tout   solution de

     
    est tel que  ,
  4. le système en  

     
    n'a pas d'autre solution que  .

Si, de plus,   est polyédrique, alors les quatre propriétés (1)-(4) sont équivalentes.

Hémi-stabilité modifier

La semi-stabilité n'assure en rien l'existence d'une solution de l'équation linéarisée et donc d'un nouvel itéré de l'algorithme de Josephy-Newton, même si cet itéré est proche d'une solution. C'est la raison d'être de la propriété d'hémi-stabilité introduite dans cette section.

Hémi-stabilité — On dit qu'une solution   de   est hémi-stable si pour tout  , il existe   tel que, pour tout  , l'inclusion en   suivante

 

a une solution dans  .

On notera que l'hémitabilité ne dit rien sur l'unicité de la solution de l'inclusion linéarisée. Seule l'existence d'une solution de cette inclusion linéarisée, proche de la solution hémi-stable, est demandée.

Annexes modifier

Notes modifier

  1. Robinson (1980) introduit la notion de régularité forte dans le cadre d'un espace de Banach   et pour la multifonction cône normal à un convexe fermé non vide. Izmailov et Solodov (2014) mentionnent le résultat en dimension finie et pour une multifonction   quelconque.
  2. Les notions de semi-stabilité et dhémi-stabilité ont été introduites par Bonnans (1994).
  3. A.F. Izmailov, M.V. Solodov (2014), p. 22.

Articles connexes modifier

Lien externe modifier

Bibliographie modifier

  • (en) J.F. Bonnans (1994). Local analysis of Newton-type methods for variational inequalities and nonlinear programming. Applied Mathematics and Optimization, 29, 161–186.
  • (en) A.L. Dontchev, R.T. Rockafellar (2009). Implicit Functions and Solution Mappings - A View from Variational Analysis. Springer Monographs in Mathematics. Springer.
  • (en) A.F. Izmailov, M.V. Solodov (2014). Newton-Type Methods for Optimization and Variational Problems, Springer Series in Operations Research and Financial Engineering, Springer.
  • (en) S.M. Robinson (1980). Strongly regular generalized equations. Mathematics of Operations Research, 5, 43–62.