Gouvernement Castillo I

Le premier gouvernement Castillo est le gouvernement du Pérou entre le et le .

Gouvernement Castillo I

Description de cette image, également commentée ci-après
Le gouvernement Castillo le .
Président de la République Pedro Castillo
Président du Conseil des ministres Guido Bellido
Législature 2021-2026
Formation
Fin
Durée 2 mois et 7 jours
Composition initiale
Coalition PL-JP-FA-RUNA-NP
Ministres 19
Femmes 2
Hommes 17
Représentation
Congrès de la République
42  /  130
Drapeau du Pérou

Ce cabinet tient son nom du président de la République Pedro Castillo, qui nomme Guido Bellido à la présidence du Conseil des ministres. Controversé dès sa nomination, ce dernier démissionne en raison de controverses avec ses ministres et d’enquêtes le visant, ce qui met fin au gouvernement.

Contexte modifier

La formation de ce gouvernement intervient au lendemain de l’investiture de Pedro Castillo à la présidence de la République. Candidat du parti de gauche radicale Pérou libre, cet instituteur novice en politique a été élu d’extrême justesse le , au second tour d’une élection présidentielle l’ayant opposé à la populiste de droite Keiko Fujimori.

Les élections législatives, qui se sont tenues en même temps que le premier tour du scrutin présidentiel, n’ont vu aucun parti obtenir la majorité absolue au Congrès de la République, le parlement du pays, qui reste dominé par les formations du centre, de droite et d’extrême droite.

Historique modifier

Guido Bellido, un président du Conseil controversé modifier

Le , Pedro Castillo annonce la nomination de Guido Bellido à la présidence du Conseil des ministres. Ingénieur électronique de profession, celui-ci est membre du Pérou libre et vient d’être élu député du Congrès[1].

Le parcours et la personnalité du nouveau président du Conseil font l’objet de nombreuses critiques. Il lui est notamment reproché son inexpérience politique, son orientation marxiste-léniniste assumée ainsi que des propos homophobes et misogynes répétés. Depuis , il est également visé par une enquête judiciaire pour apologie du terrorisme en raison de déclarations élogieuses sur les membres de la guérilla du Sentier lumineux ; devenu entretemps député, il bénéficie cependant de l’immunité parlementaire[2],[3].

Formation du gouvernement et réactions modifier

Le soir même, Pedro Castillo présente son cabinet au Grand Théâtre national du Pérou[4]. Il réunit des indépendants, des membres du parti marxiste-léniniste Pérou libre (dont il était le candidat à l’élection présidentielle), des formations de gauche Ensemble pour le Pérou et Front large, ainsi que du parti de centre gauche Renaissance nationale unie (qui n’a pas de député). Cette coalition dispose d’un total de 42 sièges au Congrès, soit 24 de moins que la majorité absolue.

Sur dix-neuf membres, le Conseil des ministres ne compte que deux femmes[5]. Il s’agit de la vice-présidente, élue en même temps que Pedro Castillo et qui obtient les attributions du Développement et de l'Inclusion sociale, et de la militante féministe Anahí Durand, qui est nommée ministre de la Femme et des Populations vulnérables. Le soutien de cette dernière à la légalisation de l'avortement et aux droits LGBT est relevé par la presse alors que Pedro Castillo avait affiché des positions conservatrices sur ces questions pendant sa campagne présidentielle[6].

D’une façon générale, ce gouvernement ne fait pas retomber les tensions dans un contexte politique extrêmement polarisé. Alors que l’exécutif n’a pas de majorité absolue au Congrès, des partis centristes susceptibles de voter la confiance, à l’instar du Parti violet, expriment publiquement leur déception, jugeant le gouvernement trop à gauche[2],[7].

Le , alors que la monnaie nationale est tombée à un niveau historiquement bas, la présidence de la République annonce la nomination au ministère de l’Économie et des Finances du modéré de gauche Pedro Francke. Les médias y voient un moyen de rassurer les marchés et investisseurs[3],[8]. La cérémonie de prestation de serment des ministres de l'Économie et de la Justice, ce même jour, complète le cabinet et rend le vote de confiance imminent.

Démission d’Héctor Béjar modifier

L’universitaire Héctor Béjar, qui obtient le portefeuille des Affaires étrangères, est l’un des ministres les plus controversés du fait de ses activités passées de guérillero, puisqu’il a notamment participé à la fondation de l’Armée de libération nationale (ELN) dans les années 1960[9].

Le , le groupe Force populaire dépose une motion d'interpellation pour convoquer Héctor Béjar, notamment sur le souhait de se retirer du groupe de Lima ; le congressiste Hernando Guerra Garcia affirme alors que le ministre « veut emmener le Pérou dans l'orbite si discréditée du socialisme bolivarien, du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba »[10].

Deux jours plus tard, Héctor Béjar fait à nouveau polémique dans une vidéo révélée dans l'émission Panorama dans laquelle il explique que « le terrorisme au Pérou a été lancé par la marine, et cela peut être démontré historiquement ; ils ont été formés pour cela par la CIA ». Quelques heures après, le ministre est convoqué au palais présidentiel[11]. La présidente du Congrès annonce étudier la motion d'interpellation qui avait été déposée le 14 août, tandis que Jorge Montoya, porte-parole de Rénovation populaire, annonce déposer une motion de censure contre le ministre[12]. Le ministre explique que ses propos ont été « manipulés, édités, coupés et sorti de leur contexte afin de [le] discréditer et d'obtenir [s]a censure »[13].

Le , Héctor Béjar démissionne du gouvernement[14].

Vote de confiance modifier

Dans un entretien accordé le , Guido Bellido écarte l'option d'une dissolution du Congrès, affirmant que le pouvoir législatif ne doit pas se confronter au gouvernement et qu’ils doivent ensemble aller « dans une direction qui est de faire avancer le pays, de résoudre les problèmes fondamentaux »[15]. Le , le président du Conseil annonce que le cabinet se rendra au parlement le 23 août, c'est-à-dire cinq jours avant le délai de 30 jours établi par la Constitution[16]. Il rencontre dans la foulée les députés des groupes Alliance pour le progrès et Podemos Perú, après une réunion avec Pérou libre, Action populaire et Ensemble pour le Pérou[17].

Dans le même temps, le , le Défenseur du peuple, Walter Gutiérrez Camacho, publie une lettre dans laquelle il exhorte le président de la République à ajuster la composition de son cabinet, considérant que les ministres ayant « justifié la violence terroriste, attaqué des femmes et discriminé les personnes LGBT » ne devraient pas occuper de telles responsabilités. Les principaux groupes d'opposition accueillent favorablement cette prise de position[18].

Le même jour, des députés de plusieurs groupes déposent une motion commune demandant à Guido Bellido de se présenter devant le Congrès afin de non seulement rendre compte de la nomination de son cabinet mais aussi de la sienne ; si cette procédure arrivait à terme, elle déclencherait un vote de confiance. Dans une autre motion, le député José Cueto Aservi (En avant pays) demande la convocation du ministre de l'Intérieur, Juan Carrasco, afin d'évoquer sa nomination alors qu’il n’a pas démissionné de son poste de procureur[19] ; mais Carrasco démissionne finalement de ses fonctions de procureur[20].

En réaction aux propos du président du Conseil sur le refus de dissoudre le Congrès, le député Guillermo Bermejo (Pérou libre) affirme devant des militants que les membres de son groupe parlementaire ne craignent pas la dissolution, qui fait pour lui « partie d'un processus » vers la convocation d'une assemblée constituante[21]. Après ces déclarations, les députés de Force populaire appellent les partis politiques à empêcher ce qu'ils qualifient de « manœuvre de coup d'État »[22].

Le , à l'issue d'une réunion avec Maricarmen Alva, Guido Bellido annonce que la présentation de son cabinet devant le Congrès aura lieu le , c'est-à-dire trois jours après la date (23 août) annoncée initialement[23]. Le , après un discours de trois heures du président du Conseil la veille, le gouvernement remporte le vote de confiance avec 73 voix pour, 50 contre et aucune abstention[24].

Président du Conseil des ministres Gouvernement Date du vote Vote            

 

    Total
 

Guido Bellido

(  Pérou libre)

Castillo I 27 août 2021[25]

Majorité requise : simple

  Oui 36 0 12 13 0 0 5 2 5 73[26]
Non 0 24 0 2 10 9 4 1 0 50
Abstention 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Notes:

- La présidente du Congrès, Maricarmen Alva, ne prend pas part au vote.
- Le président du Conseil, Guido Bellido et également congressiste ( ), a pris part au vote.
- Le ministre Roberto Sánchez et également congressiste ( ), a pris part au vote.
- Les membres de SP ( ) ont voté pour, mais PM ( ) et une congressiste de SP ont voté contre.
- 7 députés sont absents

Démission modifier

Le 6 octobre 2021, Guido Bellido démissionne. Il était affaibli pour avoir contredit des ministres et le président de la République, ses confrontations répétées avec le Congrès, des enquêtes judiciaires, une potentielle motion de censure envers son ministre du Travail, ainsi qu’une agression verbale envers une députée[27],[28]. Le même jour, Pedro Castillo nomme Mirtha Vásquez, une femme de gauche plus modérée que Bellido[28].

Composition modifier

Image Fonction Nom Parti
  Président de la République Pedro Castillo Indép.
Conseil des ministres
  Président du Conseil des ministres Guido Bellido PL
  Ministre des Affaires étrangères Héctor Béjar (jusqu'au 17/08/2021) Indép.
  Óscar Maúrtua (à partir du 21/08/2021) Indép.
  Ministre de la Défense Walter Ayala Indép.
  Ministre de l'Économie et des Finances Pedro Francke (à partir du 30/07/2021) NP
  Ministre de l’Intérieur Juan Carrasco Indép.
  Ministre de la Justice et des Droits de l'homme Aníbal Torres (à partir du 30/07/2021) Indép.
  Ministre de l’Éducation Juan Cadillo PL
  Ministre de la Santé Hernando Cevallos PL
  Ministre du Développement agraire et de l'Irrigation Víctor Mayta FL
  Ministre du Travail et de la Promotion de l'emploi Iber Maraví Indép.
  Ministre de la Production Yván Quispe FL
  Ministre du Commerce extérieur et du Tourisme Roberto Sánchez JP
  Ministre de l'Énergie et des Mines Ivan Merino Indép.
  Ministre des Transports et des Communications Juan Francisco Silva PL
  Ministre du Logement, de la Construction et de l'Assainissement Geiner Alvarado Indép.
  Ministre de la Femme et des Populations vulnérables Anahí Durand NP
  Ministre de l'Environnement Rubén Ramírez Mateo PL
  Ministre de la Culture Ciro Gálvez RUNA
  Ministre du Développement et de l'Inclusion sociale Dina Boluarte PL

Ministres délégués modifier

Portefeuille Titulaire Parti
Ministre délégué au cabinet du président du Conseil chargé de la Gouvernance territoriale Braulio Grajeda (à partir du 03/08/2021) PL
Ministre délégué aux Affaires étrangères Luis Basagoitia (à partir du 03/08/2021) Indép.
Ministre délégué aux Finances Gustavo Guerra García (à partir du 11/08/2021) Indép.

Notes et références modifier

  1. « Pérou : Castillo nomme un ingénieur au poste de premier ministre », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  2. a et b (en) Dan Collyns, « Peru’s new president appoints fellow Marxist as prime minister », sur irishtimes.com, (consulté le ).
  3. a et b « Pérou : Un modéré aux Finances pour rassurer les marchés », sur challenges.fr, (consulté le ).
  4. (es) « Así fue la juramentación del gabinete de Pedro Castillo », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  5. « Pérou: Pedro Castillo commence à mettre en place son gouvernement », sur rfi.fr, (consulté le ).
  6. « Perú: Nueva ministra de la Mujer apoya despenalización del aborto y agenda LGBT », sur aciprensa.com, (consulté le )
  7. (es) « Así fue la juramentación del gabinete de Pedro Castillo », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  8. (en) « Pedro Francke: relief in Peru as moderate is made finance minister », sur theguardian.com, (consulté le )
  9. « Pérou : Pedro Castillo commence à mettre en place son gouvernement », sur rfi.fr, (consulté le ).
  10. (es) « Guerra García sobre interpelación a canciller Béjar: “En el próximo pleno deberá aprobarse” », sur larepublica.pe, .
  11. (es) « Pedro Castillo se reunió con canciller Héctor Béjar tras sus declaraciones sobre la Marina », sur diariocorreo.pe, .
  12. (es) « Montoya sobre Béjar: “Vamos a presentar una moción de censura, no puede ser ministro” », sur larepublica.pe, .
  13. (es) « Comunicado del Ministerio de Relaciones Exteriores », sur gob.pe, .
  14. (es) « Canciller Héctor Béjar presenta su renuncia tras rechazo generalizado a sus expresiones », sur gob.pe, (consulté le ).
  15. (es) « Guido Bellido indica que cerrar el Congreso “de ninguna manera va a ser una opción” », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  16. (es) « Gabinete Ministerial acudiría el 23 de agosto al Congreso de la República a pedir el voto de confianza », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  17. (es) « Jefe del Gabinete se reúne hoy con bancadas de APP y Podemos Perú », sur elperuano.pe, (consulté le ).
  18. (es) « Congreso: Oposición respalda carta del defensor y le pide al presidente Castillo ajustar su Gabinete », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  19. (es) « Congresistas presentan mociones para que Guido Bellido y el ministro del Interior se presenten ante el Pleno », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  20. (es) « Perú: Juan Carrasco renuncia a cargo de fiscal ante investigación », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  21. (es) « Guillermo Bermejo advierte que se cerrará el Congreso “si no les gusta ningún Gabinete” », sur gestion.pe, (consulté le ).
  22. (es) « Fuerza Popular: “Rechazamos la intentona golpista del Gobierno” », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  23. (es) « Guido Bellido se presentará ante el Congreso el 26 de agosto para solicitar el voto de confianza a su Gabinete », sur rpp.pe, .
  24. (es) « Congreso otorga el voto de confianza a Gabinete de Guido Bellido », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  25. (es) « Guido Bellido logra el voto de confianza del Congreso », sur elcomercio.pe, .
  26. (es) « Congreso otorga la confianza al Gabinete Guido Bellido », sur elcomercio.pe, .
  27. (es) « Guido Bellido renuncia a la Presidencia del Consejo de Ministros », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  28. a et b Amanda Chaparro, « Au Pérou, le président, Pedro Castillo, s’émancipe de son aile gauche la plus radicale », sur lemonde.fr, (consulté le ).