Génocide bosniaque

nettoyage ethnique opéré par l'armée de la République serbe de Bosnie de 1992 à 1995

Génocide bosniaque
Image illustrative de l’article Génocide bosniaque
Mémorial dédié aux victimes du massacre de Srebrenica et d'autres villes de l'Est de la Bosnie.

Localisation Bosnie-Herzégovine
Cible civils bosniaques
Date 11 au 13 juillet 1995
Type génocide[note 1] (tuerie de masse, nettoyage ethnique, déportation, internement, etc.)
Morts 33 000[note 2]
•8 373 (Srebrenica)[1]
Auteurs Armée de la République serbe de Bosnie (VRS)[1]
groupe paramilitaire Scorpions[4]
Greek Volunteer Guard[5]

L'expression génocide bosniaque fait référence stricto sensu au massacre de Srebrenica perpétré en par les forces serbes[6]. Dans un sens plus large, l'expression inclut le nettoyage ethnique réalisé de 1992 à 1995 dans les zones contrôlées par l'Armée de la république serbe de Bosnie (VRS) lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine[7],[8].

On estime par ailleurs le nombre de morts en à environ 33 000 personnes dont 8 373 lors du massacre de Srebrenica. Pendant cette période, on dénombre aussi l'expulsion de 25 000 à 30 000 civils par des unités de la VRS dirigées par le général Ratko Mladić[9],[10].

Quant à lui, le nettoyage ethnique s'est effectué dans des zones contrôlées par des Serbes de Bosnie majoritairement orthodoxes envers des Bosniaques majoritairement musulmans et des Croates de Bosnie majoritairement catholiques. La campagne de nettoyage ethnique a été caractérisée par des emprisonnements arbitraires, des meurtres, viols, torture, vols, ciblage de leaders de toutes sortes (politiques, intellectuels, professionnels), déportation, destructions systématiques d'habitations dans les cas ou celles-ci étaient majoritairement peuplées de Bosniaques (ex.: tous les villages alentour de la ville de Prijedor, Sanski Most, Kljuc, Bijeljina, Gacko...etc.) et/ou Croates (concerne quasiment tous les villages de la région de Posavina et Semberija comme de la Krajina), de commerces, de lieux de travail, et la destruction des lieux de culte[11].

Différentes instances et juridictions se sont prononcées sur la question de la qualification des faits commis.

Instances non juridictionnelles modifier

Assemblée générale des Nations unies modifier

Le , le préambule de la résolution 47/121 de l'Assemblée générale des Nations relative à la situation en Bosnie-Herzégovine assimile le nettoyage ethnique à une forme de génocide[12].

Congrès des Etats-Unis modifier

En , le Congrès des États-Unis adopte une résolution déclarant que « les politiques serbes d'agression et de nettoyage ethnique remplissent les critères définissant le génocide »[13].

Juridictions internationales modifier

TPIY modifier

Srebrenica modifier

 
Exhumation des victimes du massacre de Srebrenica

En 2001, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie prononce sa première condamnation pour génocide s'agissant de faits intervenus à Srebrenica[14]. La décision est confirmée en appel dans ses grandes lignes (l'accusé n'a pas participé directement mais a aidé et encouragé à commettre les actes)[15]. Selon le président Theodor Meron :

« En cherchant à éliminer une partie des Musulmans de Bosnie, les forces serbes de Bosnie ont commis un génocide. Elles ont œuvré à l’extinction des 40 000 Musulmans de Bosnie qui vivaient à Srebrenica, un groupe qui était représentatif des Musulmans de Bosnie dans leur ensemble. Elles ont dépouillé tous les hommes musulmans faits prisonniers, les soldats, les civils, les vieillards et les enfants de leurs effets personnels et de leurs papiers d’identité, et les ont tués de manière délibérée et méthodique du seul fait de leur identité. Les forces serbes de Bosnie savaient, quand elles se sont lancées dans cette entreprise génocidaire, que le mal qu’elles causaient marquerait à jamais l’ensemble des Musulmans de Bosnie »[16].

En 2019, Radovan Karadžić, premier président de la Republika Srpska, est notamment reconnu coupable de génocide à Srebrenica et condamné à la réclusion à perpétuité[17].

Žepa modifier

En première instance, dans l'affaire Zdravko Tolimlir, le TPIY a considéré que des actes de génocide avaient également commis dans l'enclave de Žepa[18]. En appel, si la réclusion à perpétuité a été confirmée, les charges de génocide n'ont été retenues que pour Srebrenica[19],[20].

Cour internationale de justice modifier

En , dans l'affaire dite du « génocide en Bosnie », la Cour internationale de justice conclut que les faits démontrent la commission d'un génocide à Srebrenica. Les actes ne peuvent être imputés à l'ancienne République fédérale de Yougoslavie puisqu'ils n'ont été commis ni par un organe de jure ou de facto, ni via des « instructions, directives » ou « sous le contrôle » dudit État. Il est cependant reconnu que la Serbie a manqué à son obligation de prévenir et de réprimer le génocide au regard de la Convention de 1948 : d'une part, rien n'a été fait pour empêcher la commission, d'autre part, il y a eu un défaut de coopération avec le TPIY[21],[22].

Extrait du résumé de l'arrêt du 26 février 2007 du TPIY :

(2) par treize voix contre deux,

Dit que la Serbie n'a pas commis de génocide, par l'intermédiaire de ses organes ou de personnes dont les actes engagent sa responsabilité en vertu du droit international coutumier, en violation de ses obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

POUR : le président Higgins; les juges Ranjeva, Shi, Koroma, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov ; Juge ad hoc Kreéa ;

CONTRE : le vice-président Al-Khasawneh ; Juge ad hoc Mahiou ;

(3) par treize voix contre deux,

Dit que la Serbie n'a pas conspiré pour commettre un génocide, ni incité à commettre un génocide, en violation de ses obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

POUR : le président Higgins; les juges Ranjeva, Shi, Koroma, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov ; le juge ad hoc Kreca ;

CONTRE : le vice-président Al-Khasawneh ; Juge ad hoc Mahiou ;

(4) par onze voix contre quatre,

Dit que la Serbie n'a pas été complice du génocide, en violation de ses obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

POUR : le président Higgins; Juges Ranjeva, Shi, Koroma, Owada, Simma, Tomka,

Abraham, Sepúlveda-Amor, Skotnikov ; Juge ad hoc Kreéa ;

CONTRE : le vice-président Al-Khasawneh ; les juges Keith et Bennouna ; Juge ad hoc Mahiou ;[23]

Florence Hartmann considère que deux décisions confidentielles du TPIY issues du procès de Slobodan Milosevic auraient permis de prouver l'implication de l'État serbe dans le génocide de Srebrenica[24].  A l'appui de sa thèse, elle ne produit cependant aucun document.

Le 10 janvier 2000, Der Spiegel révélera que le plan "Fer à cheval" censé prouver la programmation et l'exécution en cours d'un génocide était une fake news d'Etat destinée à justifier l'intervention illégale de l'OTAN. Le Monde diplomatique la qualifiera de "plus gros bobard de la fin du 20eme siècle"[25].


Notes et références modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Bosnian Genocide » (voir la liste des auteurs).

Notes modifier

  1. Seul le massacre de Srebrenica[1] a été qualifié de génocide par le TPIY.
  2. Selon Roger D. Peterson[2], pour un minimum de 64 036 bosniaques morts lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine[3].

Références modifier

  1. a b et c (en) Paul Mojzes, Balkan genocides : holocaust and ethnic cleansing in the twentieth century, Lanham (Md.), Rowman & Littlefield, , 299 p. (ISBN 978-1-4422-0663-2, lire en ligne), p. 178
  2. (en) Roger D. Peterson, Western Intervention in the Balkans : The Strategic Use of Emotion in Conflict, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-139-50330-3, lire en ligne), p. 121
  3. (en) Gerard Toal, Bosnia Remade : Ethnic Cleansing and Its Reversal, Oxford, Oxford University Press, , 463 p. (ISBN 978-0-19-973036-0, lire en ligne), p. 136
  4. (en) « Serbia: Mladic "Recruited" Infamous Scorpions »
  5. (en) Helena Smith, « Greece faces shame of role in Serb massacre », The Guardian, Londres,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. V. notamment William Schabas, Genocide in International Law: The Crime of Crimes, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, 624 p., spé. pp. 199 et suiv.
  7. (en) Roy Gutman, A Witness to Genocide : The 1993 Pulitzer Prize-Winning Dispatches on the "Ethnic Cleansing" of Bosnia
  8. (en) John Richard Thackrah, The Routledge companion to military conflict since 1945, Routledge Companions Series, Taylor & Francis, (ISBN 978-0-415-36354-9 et 0-415-36354-3, lire en ligne), p. 81-82

    « Bosnian genocide can mean either the genocide committed by the Serb forces in Srebrenica in 1995 or the ethnic cleansing during the 1992–95 Bosnian War" »

  9. ICTY, « Allocution de Theodor Meron, Président du TPIY, au cimetière commémoratif de Potočari, Hague, 23 juin 2004 », Cimetière mémorial de Potocari, The Hague,
  10. ICTY, « Krstic jugement », sur UNHCR.org
  11. ICTY, « Karadzić, Mladić, L’accusation, Case IT-95-5-I, Paragraphe17 », sur ICTY.org
  12. « Nations Unies, Assemblée générale, A/RES/47/121, La situation en Bosnie-Herzégovine »
  13. « A resolution expressing the sense of the Senate regarding the massacre at Srebrenica in July 1995. »
  14. « ICTY, Le Procureur c/ Radislav Krstic §§ 645, 727 »
  15. « ICTY, Le Procureur c/ Radislav Krstic, résumé, 2004 »
  16. « Allocution de Theodor Meron, Président du TPIY, au cimetière commémoratif de Potočari », (consulté le )
  17. « Génocide en Bosnie : Radovan Karadzic condamné en appel à la prison à vie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. « Le général serbe bosnien Zdravko Tolimir condamné à la prison à vie par le TPIY », sur Le Point, (consulté le )
  19. « Genocide Conviction for Serb General Tolimir »
  20. TPIY, Résumé de l’arrêt rendu dans l’affaire Zdravko Tolimir, 8 avril 2015 (consulté le ).
  21. CIJ, Affaire relative à l'application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007 [lire en ligne (page consultée le 28 septembre 2020)].
  22. « La Cour internationale de justice déboute la Bosnie de sa plainte pour génocide contre la Serbie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. (en) TPIY, « Résumé de l'arrêt du 26 février 2007 » [PDF], sur Court de Justice Internationale
  24. Florence Hartmann, Paix et châtiment, Paris, Flammarion, , 319 p. (ISBN 978-2081206694), pp.118-123
  25. Le Monde Diplomatique, « Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle », sur Monde-diplomatique.fr,

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Autres sources modifier

  • Jean-Franklin Narodetzki, Nuits serbes et brouillards occidentaux : Introduction à la complicité du génocide, L'Esprit Frappeur, 1999, (ISBN 2844050921)
  • Silvie Matton, Srebrenica un génocide annoncé, Flammarion, 2005, (ISBN 2-08-068790-5)
  • (en) Genocide in Bosnia-Herzegovina: Hearing before the Commission on Security and Cooperation in Europe, United States, 1995, (ISBN 9780160474446)
  • (en) Paul R. Bartrop, Bosnian Genocide: The Essential Reference Guide, Greenwood Press, 2016, (ISBN 9781440838682)
  • (en) Allen Beverly, Rape Warfare: The Hidden Genocide in Bosnia-Herzegovina and Croatia, Ithaca:University of Minnesota Press, 1996, (ISBN 978-0816628186)
  • (en) Edina Becirevic, Genocide on the Drina River, New Haven and London: Yale University Press, 2014, (ISBN 978-0-300-19258-2)
  • (en) Michael Anthony Sells, The Bridge Betrayed: Religion and Genocide in Bosnia, Barkeley: University of California Press,1998, (ISBN 978-0-520-92209-9)
  • (en) Jackie Ching, Genocide and the Bosnian War, Rosen Publishing Group, 2008, (ISBN 9781404218260)
  • (en) Robert. J Donia, Radovan Karadžić : Architect of the Bosnian Genocide, Cambridge University Press, 2014 , (ISBN 1107073359).
  • (en) Norman Cigar, Genocide in Bosnia: The Policy of "Ethnic Cleansing", 1995, Texas A & M University Press, 1995, (ISBN 0890966389).
  • (en) Thomas Cushman and Stjepan Mestrovic, This Time We Knew: Western Reponses to Genocide in Bosnia, New York University Press, 1996, (ISBN 978-0814715352).

Voir aussi modifier

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