Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou 1987

(Redirigé depuis FESPACO 1987)

Le FESPACO 1987 est la 10e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Il se déroule du 21 au 28 février 1987 à Ouagadougou au Burkina Faso[1].

FESPACO 1987
Image liée à la cérémonie
10e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou
Détails
Dates Du 21 février au
Lieu Ouagadougou, Burkina Faso
Site web fespaco.bf
Résumé
Sarraounia Med Hondo
Chronologie

Le thème de cette édition est « Cinéma et identité culturelle, et celui du colloque : Tradition orale et nouveaux médias »[2].

Le film Sarraounia de Med Hondo décroche l'Étalon de Yennenga.

Contexte modifier

Alors que le Fespaco de 1985 était axé sur la lutte contre l'impérialisme, celui de 1987 pose comme nécessaire de se réapproprier sa propre culture[3]. C'est le deuxième Fespaco sous la présidence de Thomas Sankara, qui sera assassiné le 15 octobre 1987.

Pour préparer le festival, le Fespaco ouvre un bureau à Paris et un autre à Washington[4].

En avril 1986, les autorités burkinabè décident d'accorder l'aval de l'Etat aux cinéastes burkinabè pour les prêts bancaires (mais cela ne débouchera que sur deux emprunts[5]). De nombreuses salles de cinéma ont été construites à travers le pays, dont la gestion a été confiée aux provinces[6]. La détaxation est décidée sur l’importation de films africains en 1987 alors qu'elle était de l’ordre de 30 %[7].

Déroulement modifier

La cérémonie d'ouverture se déroule au stade du 4 août devant 65 000 spectateurs[8]. Le groupe ivoirien Woya fait l'animation. Un grand défilé panafricain comporte un drapeau de chaque nation suivi par une quinzaine d'enfants habillés de ses couleurs. Puis vient le défilé des masques représentant chaque groupe ethnique du Burkina Faso. Comme le note Pierre Haffner, les slogans anti-impérialistes du Fespaco 1985 n'ont plus cours[9]. L'ouverture du festival se déroule ensuite au cinéma Burkina, tandis que le siège du Fespaco est déplacé à la Maison de la Presse. Haffner note la présence de l'écrivain Breyten Breytenbach, ainsi qu'Harlem Désir.

Un monument en hommage aux cinéastes, d'une hauteur de 12,25 mètres et d'un poids de 10 tonnes, entièrement construit en tôles avec un socle en béton armé, est inauguré sur la Place des cinéastes, anciennement Rond-point de la Mairie, baptisée ainsi en 1985[10]. Il représente une caméra dont l’objectif est pointé vers le ciel. Retenu parmi les propositions faites par les architectes et les sculpteurs, il est notamment conçu par Boubakar Galbani et est réalisé à deux semaines de l'ouverture du Fespaco dans un atelier de métallurgie à Kossodo. Pour le transporter, il a fallu mobiliser la seule grue du pays. L'hélicoptère qui devait dévoiler la grande bâche qui le couvrait n’étant pas venu, il a fallu le faire à mains nues[11].

Un autre monument est placé sur le rond-point proche de l'actuel siège du Fespaco à la mémoire de la « Bataille du rail »[4], lorsqu'en 1985, les cinéastes présents au festival ont symboliquement travaillé sur le chantier lancé par Thomas Sankara où tous étaient appelés à participer à la construction de la voie ferrée à destination de Kaya[12].

Peu avant la remise des prix, le président Thomas Sankara, sensible à sa défense des peuples oppressés, rend hommage à Olof Palme, assassiné en février 1986[13].

Pour rendre le festival plus populaire, le lieu des débats a été déplacé de l'hôtel Silmandé, excentré et plus luxueux, à l'hôtel Indépendance, en centre-ville. La décentralisation des projections dans les quartiers populaires est permise par l'ouverture de nouvelles salles dans les différents secteurs de Ouagadougou[6]. Le gigantisme du festival fait que « la fête est partout, mobilisant un nombre de personnes considérable »[14]. Selon les chiffres officiels, 268 films sont projetés[15].

Un Marché d'échange des productions télévisuelles (MEPT) est créé en parallèle au Marché international du film africain (MIFA) créé en 1983 : 12 télévisions africaines sont présentes. Les distributeurs sont « des Européens ou Américains militants sans réelle ouverture sur les réseaux de salles » et la mauvaise organisation pousse, selon Filippe Savadogo, le Danemark à financer une restructuration en 1989. D'après le bilan du festival, un seul film est vendu[16].

Bilan modifier

Selon Hamidou Ouédraogo[8], le festival de film pour l'enfance et la jeunesse groupe 25 000 spectateurs. 54 films sont en compétition, et 214 en information. 64 cassettes vidéo sont en compétition télévision et vidéo, tandis que 70 pays ou organisations sont présents, avec environ un millier d'invités étrangers. L'évaluation du nombre de spectateurs est de 400 000.

« Un raz de marée de films, de participants, de débats, de rencontres. Une fête joyeuse, pas tout à fait celle du cinéma. Le 10e Fespaco n'a pas montré de chef d’œuvre », constate Le Monde. En majorité dans la programmation, des « premières oeuvres, témoignant d'une certaine maîtrise mais répétant les erreurs de leurs ainés : faiblesse des scénarios, trop de littérature »[17].

Palmarès modifier

Longs métrages[18] :

Prix Lauréat Film Pays
Grand prix Étalon de Yennenga Med Hondo Sarraounia[19]   Mauritanie
Prix du 7 art Idrissa Ouedraogo Yam Daabo (Le Choix)   Burkina Faso
Prix de la meilleure interprétation féminine Eugénie Cissé-Roland, rôle de Bernadette Visages de femmes   Côte d'Ivoire
Prix de la meilleure interprétation masculine Maciré Kanté, rôle du petit Kalifa Nyamanton, la leçon des ordures de Cheick Oumar Sissoko   Mali
Prix Oumarou Ganda[20] Cheick Oumar Sissoko Nyamanton, la leçon des ordures[21]   Mali
Prix de la meilleure musique Idrissa Ouedraogo Yam Daabo (Le Choix)   Burkina Faso
Prix du meilleur scénario Med Hondo Sarraounia   Mauritanie
Prix de la manivelle d'or (montage) Rachid Mazouza Le Moulin de monsieur Fabre d'Ahmed Rachedi   Algérie
Prix de la caméra d'or (cadrage) Sékou Ouédraogo, Issaka Thiombiano Yam Daabo (Le Choix)   Burkina Faso
Prix de la perche d'or (son) Sikirou Tidjani Ironu de François Sourou Okioh   Burkina Faso
Prix de la meilleure image Mohamed Affan Charme   Algérie
Prix du public Cheick Oumar Sissoko Nyamanton, la leçon des ordures   Mali

Courts métrages[8] :

Prix Lauréat Film Pays
Grand prix du meilleur court métrage Joseph Koumba Le Singe fou[22]   Gabon
Mention spéciale du jury Jean-Marie Teno Hommage[23]   Cameroun
Mention spéciale du jury David Ika Diop Le Poète de l'amour[24]   Cameroun

Au total, 30 prix sont attribués[25].

Autres films projetés modifier

Ont été remarqués par divers auteurs [9]:

Cinéaste Film Pays
Jean-Marie Teno Fièvre jaune, taximan   Cameroun
Raymond Tiendrebeogo Iel Solma (L'Interprétation)   Burkina Faso
Armand Balima Le Vertige de la passion   Burkina Faso
Issa Falaba Traoré Duel dans la falaise   Mali
Ola Balogun Orun Mooru   Nigeria
Emmanuel Sanon Desebagato (Le Dernier salaire)   Burkina Faso,   Cuba

Bibliographie modifier

  • Colin Dupré, Le Fespaco, une affaire d'État(s), 1969-2009, L'Harmattan, , 406 p. (ISBN 978-2-336-00163-0)
  • Fespaco, Black Camera et Institut Imagine, Cinéma africain - Manifeste et pratique pour une décolonisation culturelle : Première partie - le FESPACO : création, évolution, défis, Ouagadougou, Auto-édition, , 786 p. (ISBN 978-2-9578579-4-4).
  • Hamidou Ouédraogo, Naissance et évolution du FESPACO de 1969 à 1973, Ouagadougou, Chez l'auteur, , 224 p.

Enquête sur le prix du public 1987 modifier

Dans le catalogue du 11ème Fespaco de 1989 est publiée une enquête sur le prix du public 1987 réalisée par les étudiants de 3ème année de l'INAFEC (Institut africain d’études cinématographiques, qui a fermé ses portes en 1987[26]) en collaboration avec le Centre de formation professionnelle de l'Information (CFPI). Cette enquête a porté sur un échantillon de 579 personnes (237 fonctionnaires, 198 élèves et étudiants, 111 commerçants et autres, 33 festivaliers étrangers). C'est cette enquête qui a permis de désigner le film Nyamanton, la leçon des ordures comme prix du public, choisi par 200 personnes, et également de « reconnaître la Camarade Sanon née Bambara Henriette comme meilleure spectatrice ».

Le questionnaire permet de mieux connaître les raisons qui incitent le public à participer au Fespaco : 48 % pour voir des films africains, 34 % pour le thème choisi par le festival, 11 % pour l'ambiance de fête.

Pour expliquer leur choix, les participants ont évoqué à 60 % le thème du film et 33 % le jeu des acteurs. Le nombre de films vus varie bien sûr largement, 45 % n'en ayant vu que 2 ou 3 au moment de l'enquête (4ème et 5ème journées), sachant que le festival propose trois séances par jour. Il est frappant de constater que 77,5 % des personnes interrogées indique n'avoir pas participé au Fespaco 1985, ce qui confirme la montée en puissance de l'édition 1987 qui enregistre le plus grand nombre de spectateurs de l'histoire du festival. Au niveau des genres préférés du public, les films politiques (24,25 %) et policiers (16,76 %) sont privilégiés. Viennent ensuite l'aventure, le comique, les films hindou et de karaté. Au niveau des films burkinabè, les publics du Fespaco ne pouvaient en citer que deux en moyenne.

Notes et références modifier

  1. « Capitaine Thomas Sankara », sur www.capitainethomassankara.net (consulté le )
  2. « FESPACO : Les 50 ans sous différents thèmes et visuels » (consulté le )
  3. Dupré 2012, p. 196.
  4. a et b Dupré 2012, p. 186.
  5. Dupré 2012, p. 231.
  6. a et b Bruno Jaffré, Burkina Faso : les années Sankara, de la révolution à la rectification, Paris, L'Harmattan, , 332 p. (ISBN 2-7384-5967-6), p. 103
  7. Olivier Barlet, « Je ne veux pas entretenir la polémique. Entretien avec Baba Hama », sur Africultures, (consulté le )
  8. a b et c Ouédraogo 1995, p. 202.
  9. a et b Pierre Haffner, Le cinéma négro-africain en voie de rupture - extraits d'une chronique du 10ème Fespaco, in : Regards sur le cinéma négro-africain, Bruxelles, Editions OCIC, , 234 p. (ISBN 92-9080-021-6), p. 201-223
  10. « Monument des cinéastes africains », sur Tourisme au Burkina Faso (consulté le )
  11. « Boubakar GALBANI : Concepteur du monument de la Place des Cinéastes. », sur fespaco.bf (consulté le )
  12. Ladji Traoré et Bendré, « " La Bataille du rail " : Kaya, le terminus d’un rêve d’émancipation », sur lefaso.net, (consulté le )
  13. Dupré 2012, p. 201.
  14. Dupré 2012, p. 185.
  15. Dupré 2012, p. 223.
  16. Dupré 2012, p. 181-182.
  17. « Le 10e Festival de Ouagadougou : Cent cinquante films africains », Le Monde,‎ (lire en ligne  )
  18. Ouédraogo 1995, p. 203.
  19. « Jugé par le jury comme le film qui rend le mieux compte de l'identité culturelle africaine ou des réalités raciales africaines pour avoir restitué les réalités historiques de l'Afrique ; pour avoir su réaliser une coproduction sans dénaturer son message ; pour avoir réalisé le film qui répond le mieux aux buts essentiels du Fespaco, à savoir : contribuer à l'essor et au développement du cinéma africain en tant que moyen d'expression, d'éducation et de conscientisation ; pour avoir réalisé le film qui répond le mieux au thème de ce 10ème Fespaco : cinéma et identité culturelle. »
  20. Décerné à la première œuvre d'un réalisateur dont les efforts de création sont particulièrement remarquables et dignes d'être encouragés.
  21. « pour son thème actuel et important, pour sa vie et sa vérité, et la façon dont les traditions du pays ont été rendues avec un sens de la sagesse et de l'humour universel ».
  22. « pour ses qualités techniques et la maîtrise de son contenu »
  23. « pour le style personnel de l'essai cinématographique »
  24. « pour le langage poétique et la qualité de la bande sonore de cet essai cinématographique »
  25. Dupré 2012, p. 184.
  26. Evariste Yoda, « FESPACO 2023 : sur les traces de l’INAFEC », sur Sidwaya, (consulté le )