Dilatation chimique

La dilatation chimique, aussi appelée expansion chimique et gonflement chimique[1], est l’augmentation de dimension (linéique) ou de volume (volumique) d’un matériau ou de tout milieu réactionnel à la suite d'une réaction chimique. Cette dilatation peut aussi être négative (on parle alors de contraction chimique), réversible ou non.

Cette dilatation / contraction peut être entièrement interne (sans échange de matière avec l’environnement), ou au contraire impliquer une interaction avec celui-ci, par exemple : oxydation / réduction, hydratation / dessiccation.

Réactions chimiques en phase gazeuse modifier

Pour une réaction chimique en phase gazeuse, l’expansion (ou contraction) chimique est déterminée, pour des gaz parfaits, par la différence du nombre de moles des produits comparé à celui des réactifs[2]. Pour un calcul plus précis, on peut utiliser les corrections usuelles pour les gaz réels.

Exemples modifier

  • Combustion du méthane ( ) par le dioxygène ( )
    • Réaction :  
    • Produits / réactifs : 3 / 3 moles
    • Pas d’expansion chimique
  • Combustion de l’octane ( , approximation de l’essence) par le dioxygène pur
    • Réaction : 
    • Produits / réactifs : 34 / 27 moles
    • Expansion chimique = 1,259 – 1 = 25,9 %
  • Combustion de l’octane par l’air
    • Approximation : air ~  
    • Réaction :  
    • Produits / réactifs (nominal) : 134 / 127 moles
    • Expansion chimique = 1,055 – 1 = 5,5 %
    • Note : cette expansion, réaliste dans un moteur à combustion interne, est bien plus faible que ne le laisserait penser le calcul ci-dessus avec l'oxygène pur.

Applications modifier

Production de mousses polymères modifier

Une forte expansion chimique peut être produite par une réaction de polycondensation générant un produit d’élimination gazeux. Un exemple est la réaction de deux groupes isocyanate ( ) et une molécule d'eau ( ), entraînant la formation d’un pont urée ( ) et l’évolution de gaz carbonique ( ). Cette réaction permet de fabriquer des mousses polyuréthane.

Hygromètre à cheveux : mesure de l'humidité modifier

 

Les matières hygroscopiques, telles que le cheveu, présentent généralement un phénomène de dilatation hygrique, qui est utilisé dans les hygromètres à cheveux pour mesurer l’humidité ambiante.

Mortiers et bétons expansifs modifier

Certaines réactions d’hydratation des composés des ciments et de la chaux peuvent entraîner une dilatation chimique, ce qui permet deux applications :

Problématiques liées modifier

Réactions dans les bétons et mortiers modifier

Si la dilatation chimique dans les bétons et mortiers peut être souhaitable (cf. ci-dessus), plusieurs phénomènes de dilatation / contraction peuvent affecter les ouvrages.

  • Le retrait du béton, dû à un ensemble de phénomènes physicochimiques, provoque souvent une fissuration de celui-ci.
  • Une mauvaise formulation ou la présence de matières indésirables peut entraîner des dilatation chimiques internes et la désagrégation progressive du matériau, via diverses réactions alcali-granulat (RAG).
  • La corrosion des armatures du béton armé entraîne également une forte dilatation chimique (la rouille occupant beaucoup plus de volume que l’acier qu’elle a consommé), provoquant à terme l’éclatement du béton.

Absorption - désorption d'eau et mouillage - séchage modifier

Les variations dimensionnelles dues à l’eau posent problème dans plusieurs industries, notamment :

Composés non-stœchiométriques modifier

Maintes applications utilisent des composés non-stœchiométriques à base de céramiques, notamment les piles à combustible / l’électrolyse à oxyde solide, les réacteurs à membrane, et les catalyseurs[3],[4]. Dans ces matériaux, la variation de la concentration en défauts ponctuels (non-stœchiométrie, notamment en lacunes d’oxygène), engendrent, par dilatation chimique, des variations dimensionnelles correspondantes, qui peuvent causer la dégradation de ces matériaux fragiles.

Traitement thermique des alliages métalliques modifier

Le traitement thermique implique divers phénomènes physico-chimiques, au-delà de la simple transition de phase. Par exemple, les phénomènes de précipitation et de vieillissement (voulus ou non) entraînent aussi de légères variations dimensionnelles[5],[6] qui doivent être prises en compte afin d'obtenir des dimensions finales précises sans (trop) devoir retoucher la pièce.

Certains traitements et phénomènes ajoutent ou enlèvent aussi des éléments en surface, par exemple la cémentation / la décarburation (carbone), la nitruration (azote), sans oublier l’oxydation, ce qui peut entraîner directement (volume) et indirectement (transitions de phase par déplacement d’équilibre) des variations dimensionnelles.

Durcissement des résines organiques modifier

Le durcissement de matériaux thermodurcissables, tels que les résines époxyde, génère des contractions chimiques pouvant aller jusqu’à plusieurs pour cent[7], entraînant potentiellement des conséquences délétères (affaiblissement, fissuration). Ces résines étant souvent utilisées pour l’encapsulation de composants et circuits électroniques, ces contractions peuvent également entraîner des dégâts sur les éléments délicats, en particulier les microsystèmes électromécaniques, les câblages filaires, voire les joints brasés des composants montés en surface.

Notes et références modifier

  1. Bien que ce ne soit pas une règle absolue, le terme « dilatation chimique » est plutôt rencontré dans le cadre des solides, pour une dilatation linéique, alors que l’expansion chimique désigne plutôt l’augmentation de volume, en particulier pour les fluides. Pour les réactions dans les matériaux de construction, on trouve aussi le terme de « gonflement chimique ».
  2. Lætitia Cesari, Alain Chamayou, Patrick Cognet, Marie Debacq, Éric Schaer et Stéphane Vitu, Génie de la Réaction Chimique : les réacteurs homogènes : version 1.3, AgroParisTech-Cnam / Ensiacet / Ensic / IMT Mines Albi, (lire en ligne), p. 27.
  3. Aurélie Julian, Élaboration par coulage en bande et cofrittage de Réacteurs Catalytiques Membranaires multicouches - Performances : thèse de doctorat, spécialité « Matériaux Céramiques et Traitements de surface », université de Limoges, (lire en ligne), p. 44.
  4. Éric Blond, Alain Gasser et Nicolas Richet, « Modélisation thermomécanique d’un réacteur de séparation de l’oxygène de l’air », Matériaux 2006,‎ (lire en ligne).
  5. Maria Luisa Barreto-Phan Hoang, Transformations structurales dans des aciers contenant 12 % de chrome et 5 ou 7 % de nickel – Incidence de l'austénite de réversion sur les propriétés mécaniques (thèse de doctorat), université Paris-Sud / CEA, (lire en ligne).
  6. Émilie Henry, Caractérisation mécanique et étude des mécanismes de vieillissement thermique et thermomécanique de l’acier inoxydable martensitique 15-5PH, soudé par faisceau d’électrons (thèse de doctorat en science et génie des matériaux), (lire en ligne).
  7. Njaramalala Rabearison, Christian Jochum et Jean-Claude Grandidier, « Simulation par éléments finis de la cuisson d’une matrice époxy en vue de la prédiction des contraintes internes dans les composites », CFM 2007 - 18e Congrès français de Mécanique, Grenoble, France,‎ (lire en ligne).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

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