Déviation vers l'est

phénomène de déviation vers l'est d'un corps en chute libre par la force de Coriolis
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La déviation vers l'est est un phénomène physique correspondant au fait qu'un corps en chute libre ne suit pas exactement la direction de la pesanteur, mais est légèrement dévié vers l'est par la force de Coriolis résultant de la rotation de la Terre. À partir de la fin de XVIIIe siècle, ce phénomène donna lieu à plusieurs expériences pour être mis en évidence, en particulier celles de Ferdinand Reich, en 1831. Reich fit tomber des projectiles dans un puits de mine de 158 m de profondeur à Freiberg. Il observa une déviation de 28 mm vers l'est.

Cette déviation est liée au sens de rotation de la Terre. Sur un astre tournant dans le sens inverse, la déviation serait vers l'ouest.

Ce phénomène s'explique par la présence de la force de Coriolis qui apparaît dans les équations du mouvement car le référentiel du corps en mouvement, lié à la Terre, est en rotation et donc il n'est pas galiléen. L'existence de cette déviation prouve, au même titre que l'expérience du pendule de Foucault, que la Terre tourne sur elle-même, sans avoir recours à la moindre observation astronomique. La vérification de la cohérence des résultats observés avec les prévisions théoriques données par la mécanique newtonienne a été un défi expérimental.

Histoire

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La tour Asinelli de Bologne, à droite, où eurent lieu les expériences de Guglielmini.

La déviation vers l'est est prévue — semble-t-il pour la première fois — par Newton dans une lettre adressée à Hooke le [1]. Newton remarque qu'un point A situé à l'équateur à une hauteur   au dessus du sol a une vitesse  , où   est la vitesse de rotation de la Terre et   son rayon. Cette vitesse est plus grande que la vitesse du point O situé sur le sol à la verticale descendante de A. Cette différence de vitesse correspond à une petite vitesse vers l'est de  , il y a donc une déviation vers l'est.

C'est avec difficulté que la déviation vers l'est est mise en évidence par des expériences : en - par l'abbé Guglielmini (-)[2],[N 1] ; en - par Tadini[4] ; puis en - par Benzenberg[2],[N 2]. En 1803, Laplace[5] et Gauss[6] obtiennent, indépendamment l'un de l'autre, l'expression mathématique de la déviation vers l'est[7],[8]. Les expériences de Reich en sont considérées comme la preuve de la déviation[2], bien que l'incertitude des mesures soient largement supérieure à la déviation elle-même[9]. Elles sont confirmées au début du XXe siècle par Hall en [10],[N 3] et par Flammarion en [10],[11],[N 4]. L'existence de la déviation est vérifiée en par Hagen[13],[14],[15] et l'année suivante par Gianfrancheschi (de)[13],[16],[17], tous deux à l'aide d'une machine d'Atwood.

Formule de déviation vers l'est

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Expression simplifiée

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La longueur  , en mètres, de cette déviation est donnée par la formule approchée[7],[18],[19] :

 ,

où :

La déviation vers l'est est maximale à l'équateur et est nulle au pôle Nord comme au pôle Sud[12].

Équation rigoureuse

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La force de Coriolis a pour expression :

 ,

où :

  •   est la force d'inertie de Coriolis ;
  •   est la masse du corps en chute ;
  •   est le vecteur vitesse angulaire instantanée de rotation de la Terre ;
  •   la vitesse instantanée du corps dans le référentiel terrestre.

Le vecteur   étant colinéaire à l'axe de rotation de la Terre, dirigé vers le nord, et   orienté vers le centre de la Terre, le produit vectoriel résultant est orienté vers l'ouest, donc la force de Coriolis vers l'est. Cette force dépend de la latitude de l'objet, de sa masse et de sa vitesse de chute.

La vitesse du corps en chute libre au point M est  , où A est le point d'origine, référentiel tournant lié à la surface de la Terre.

Le principe fondamental de la dynamique permet d'écrire l'accélération comme somme de la force d'attraction de la Terre et de la force de Coriolis :

 ,

  est le vecteur accélération de la pesanteur dirigé selon la verticale descendante.

Résolution

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On intègre une fois pour trouver la vitesse :

 ,

On suppose pour cela   et   constants. Le modèle utilisé suppose une hauteur de chute pas trop grande et donc une durée de chute également pas trop grande. La constante d'intégration est nulle car la vitesse initiale est nulle.

On obtient ainsi un système différentiel linéaire, qui est donc mathématiquement soluble de façon exacte[20], la solution étant :

 

La solution n'étant valide que pour des valeurs de t petites, on peut calculer des développements limités de chaque terme. Le premier terme est équivalent à   pour les petites valeurs de t, ce qui correspond au mouvement de la chute libre sans force de Coriolis. Le second est équivalent à   qui donne la déviation vers l'est observée. Le dernier terme est équivalent à   dont la projection sur le méridien donne une déviation supplémentaire vers l'équateur.

Cependant, on préfère généralement déterminer ces termes supplémentaires en exprimant une solution approchée à l'aide de la méthode perturbative : dans un premier temps, on résout l'équation sans la force de Coriolis, puis on rajoute une force de Coriolis dérivant de la solution précédente afin d'obtenir une première correction donnant la déviation vers l'est, puis on réinjecte cette solution corrigée pour obtenir une deuxième correction donnant une déviation vers l'équateur. Pour cela, on introduit la déviation   par rapport à la chute libre sans force de Coriolis.

 

L'intégration de l'équation trouvée précédemment donne l'expression de la déviation :   (qui s'annule en l'origine A).

Approximation du premier ordre

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La déviation vers l'est étant petite devant la déviation due à la pesanteur, on prend comme approximation :

 ,

d'où le résultat :

 

qui est valide si   est petit devant la hauteur de chute  , c’est-à-dire pour   (temps de chute) petit devant   = 86 164 s (période sidérale) :

 

soit, en valeur absolue :

 

Approximation du second ordre

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Si l'on prend maintenant :  pour calculer la déviation  , il apparaît un autre terme, encore plus faible, qui donne une déviation vers le sud dans l'hémisphère nord, et vers le nord dans l'hémisphère sud : il vaut en valeur absolue  .

Compléments

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  • Une grande question que se posaient les théoriciens : en réduisant la Terre à un point massique central, quelle serait la déviation sur une chute de R = 6 400 km ? En utilisant l'ellipse de Kepler[Quoi ?], on trouve : D = paramètre de l'ellipse[Quoi ?] = R·(1/17)2 = R/289 soit environ 22 kilomètres.
  • On peut remarquer la parenté de l'équation de la force de Coriolis avec celle de l'effet Hall en électricité.[pertinence contestée]

Notes et références

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  1. Du haut de la tour Asinelli à Bologne[3].
  2. Du haut de la tour de l'église Saint-Michel à Hambourg[3].
  3. Dans une tour à Harvard[3].
  4. Avec des billes d'acier lâchées du haut de la coupole du Panthéon à Paris[12].

Références

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  1. Gapaillard 1992, concl., p. 302-303.
  2. a b et c Sivardière 2003, § 1.2.2, p. 29.
  3. a b et c Larcher 2010, p. 31, col. 2.
  4. Giannini 2015, résumé.
  5. Laplace 1803.
  6. Gauss 1803.
  7. a et b Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v.déviation vers l'est, p. 205, col. 1.
  8. Gerkema et Gostiaux 2009, p. 18, col. 3, et p. 19, col. 1.
  9. Gilbert 1882, p. 17.
  10. a et b Sivardière 2003, § 1.2.2, p. 29-30.
  11. Flammarion 1903.
  12. a et b Larcher 2010, p. 32, col. 1.
  13. a et b Sivardière 2003, § 1.2.2, p. 30.
  14. French 1984, p. 199, col. 1-2.
  15. Hagen 1912.
  16. French 1984, p. 199, col. 2.
  17. Gianfranceschi 1913.
  18. Gerkema et Gostiaux 2009, p. 19, col. 1.
  19. Chamaraux et Clusel 2002, s.v. déviation vers l'est.
  20. Richard Taillet, « Déviation vers l’est lors d’une chute libre » (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Boyd, J.N. & Raychowdhury, P.N. Coriolis acceleration without vectors, Am. J. Phys., 1981, Vol. 49(5), pp. 498-499
  • [Gilbert 1882] Philippe Gilbert, « Les preuves mécaniques de la rotation de la Terre », Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques, rédigé par M. Darboux. Paris, 2e série, t. 6, no 1,‎ , p. 189-205 (lire en ligne)
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 1 : Mécanique [détail des éditions]
  • Mohazzabi, P. Free fall and angular momentum, Am. J. Phys., 1999, Vol. 67(11), pp. 1017-1020
  • Potgieter, J.M. An exact solution for the horizontal deflection of a falling object, Am. J. Phys., 1983, Vol. 51(3), pp. 257-258
  • Stirling, D.R. The eastward deflection of a falling object, Am. J. Phys., 1983, Vol. 51(3), pp. 236
  • Wild, J.F. Simple Non-Coriolis Treatments for Explaining Terrestrial East-West Deflections, Am. J. Phys., 1973, Vol. 41(9), pp. 1057-1059

Publications originales

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  • [Guglielmini 1792] (la) Giambattista Guglielmini, De diurno terrae motu experimentis physico-mathematicis confirmato opusculum, Bologne, , 1 vol., 90-[1], ill., in-8o (OCLC 34242700, BNF 30553969, SUDOC 042857767).
  • [Laplace 1803] Pierre-Simon de Laplace, « Mémoire sur le mouvement d'un corps qui tombe d'une grande hauteur », Bulletin des sciences, Société philomathique de Paris,‎ , p. 109-111 (résumé, lire en ligne).
  • [Gauss 1803] (de) Carl Friedrich Gauss, Fundamentalgleichungen für die Bewegung schwerer Körper auf der rotierenden Erde, .
  • [Reich 1832] (de) Ferdinand Reich, Fallversuche über die Umdrehung der Erde : angestellt auf hohe oberbergamtliche Anordnung in dem Drei-Brüderschachte bei Freiberg, Freiberg, J. G. Engelhardt, , 1 vol., 48, ill., in-4o (OCLC 230667815, BNF 31190231, SUDOC 025380923, lire en ligne).
  • [Flammarion 1903] Camille Flammarion, « Expériences sur la déviation de la chute des corps faites au Panthéon », Bulletin de la société astronomique de France, vol. 17, no 7,‎ , p. 329-335 (lire en ligne).
  • [Hagen 1912] Johann G. Hagen, « La rotation de la Terre, ses preuves mécaniques anciennes et nouvelles », Pubblicazioni della Specola astronomica Vaticana, 2e série, vol. 1, no 1,‎ (OCLC 9521527, SUDOC 025187007).
  • [Gianfranceschi 1913] (it) Giuseppe Gianfranceschi, « Misure di deviazione dei gravi », Atti della Reale Accademia dei Lincei, 5e série, vol. 22, no 2,‎ , p. 561-568 (lire en ligne).

Dictionnaires et encyclopédies

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Manuels de cours

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  • [Deiber, Meier et Dettwiller 2002] André Deiber, Dominique Meier et Luc Dettwiller, « Déviation vers l'Est sans forces de Coriolis, mais avec une calculette », Bulletin de l'union des physiciens, vol. 96, no 842,‎ , p. 523-542 (résumé, lire en ligne).
  • [French 1984] (en) Anthony P. French, « The deflection of falling objects », American Journal of Physics, vol. 52, no 3,‎ , p. 199 (DOI 10.1119/1.13686, Bibcode 1984AmJPh..52..199F, lire en ligne).  
  • [Gapaillard 1992] Jacques Gapaillard, « Galilée et le principe du chasseur », Revue d'histoire des sciences, t. XLV, nos 2-3 : « Études sur Galilée »,‎ , p. 281-306 (DOI 10.3406/rhs.1992.4631, JSTOR 23632998, lire en ligne).
  • [Gerkema et Gostiaux 2009] Theo Gerkema et Louis Gostiaux, « Petite histoire de la force de Coriolis », Reflets de la physique, no 17,‎ , p. 18-21 (DOI 10.1051/refdp/2009026, résumé, lire en ligne).  art. réimpr. dans La Métrologie, 8e série, no 69, , p. 25-29 (lire en ligne).
  • [Giannini 2015] (en) Giulia Giannini, « Gianantonio Tadini and falling bodies : a new documentary source for the reconstruction of the history of experimental proofs on the Earth's rotation », History of Science, vol. 53, no 3,‎ , p. 320-337 (DOI 10.1177/0073275315580960, résumé).  
  • [Larcher 2010] Christian Larcher, « Une question historique : Où tombe une pierre lâchée du haut d'une tour ? Au pied de la tour ? Vers l'ouest ? Vers l'est ? », Les Cahiers Clairaut, no 130,‎ , p. 31-33 (lire en ligne).  
  • [Sivardière 2003] Jean Sivardière, « Les preuves expérimentales des mouvements de la Terre », Bulletin de l'union des physiciens, vol. 97, no 850,‎ , p. 25-39 (résumé, lire en ligne).  
  • Richard Taillet, « Chute libre, histoire d'une déviation », Pour la Science, no 505,‎ , p. 74-79

Articles connexes

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Liens externes

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  • [Chamaraux et Clusel 2002] François Chamaraux et Maxime Clusel, « La mystérieuse « force de Coriolis » », Planète-Terre, ENS Lyon,‎ , s.v.déviation vers l'est (lire en ligne).
  • [Persson 2015] Anders Persson (trad. de l'anglais par Alexandre Moatti), « La preuve de la rotation de la Terre par la mesure de la déviation d'objets tombant dans un puits de mine : une compétition mathématique franco-allemande entre Pierre-Simon de Laplace et Friedrich Gauß () » [« Proving that the Earth rotates by measuring the deflection of objects dropped in a deep mine : the French-German mathematical contest between Pierre Simon de Laplace and Friedrich Gauß () »], Bibnum, CERIMES,‎ , p. 22 p. (résumé, lire en ligne).