Corps pythagoricien

En algèbre, un corps pythagoricien est un corps (commutatif) dans lequel toute somme de deux carrés est un carré, autrement dit : un corps dont le nombre de Pythagore est égal à 1. Une extension pythagoricienne d'un corps F est une extension quadratique de la forme F(1 + λ2) pour un certain élément λ de F. Un corps est donc pythagoricien s'il est fermé par extensions pythagoriciennes. La clôture pythagoricienne d'un corps F, notée Fpy, est le « plus petit » corps pythagoricien contenant F[1]. Le « corps de Hilbert » est le plus petit corps pythagoricien ordonné[2].

Conditions équivalentes modifier

Pour tout corps F, les conditions suivantes sont équivalentes :

En particulier, les corps quadratiquement clos et les corps de caractéristique 2 sont pythagoriciens.

Groupe de Witt modifier

Les corps quadratiquement clos sont les corps dont le groupe de Witt est d'ordre 2[1],[6].

Les corps pythagoriciens formellement réels sont les corps dont le groupe de Witt est sans torsion (il suffit pour cela qu'il soit sans 2-torsion)[1],[6]. Parmi eux, les corps euclidiens (c'est-à-dire les corps pythagoriciens possédant un unique ordre, comme les corps réels clos) sont ceux dont le groupe de Witt est cyclique infini[6].

Pour tout corps F, il existe une suite exacte qui met en jeu les anneaux de Witt :  

IW(F) est l'idéal fondamental de l'anneau de Witt de F[7] et TorIW(F) est son sous-groupe de torsion (c'est le nilradical de W(F))[8].

Modèles de la géométrie modifier

On peut utiliser les corps pythagoriciens pour construire des modèles de certains axiomes de Hilbert de la géométrie[9]. Si F est pythagoricien alors Fn satisfait une grande partie des axiomes de Hilbert — comme les axiomes d'incidence et de congruence et l'axiome des parallèles — mais en général pas tous, à moins d'hypothèses supplémentaires. Par exemple si F est de plus ordonné, les axiomes d'ordre sont satisfaits et si F est complet pour cet ordre, l'axiome de complétude est aussi satisfait.

On peut utiliser la clôture pythagoricienne d'un corps ordonné non archimédien — comme celui, ℚ(t), des fractions rationnelles à une indéterminée sur le corps ℚ des rationnels — pour construire des géométries non archimédiennes, satisfaisant une grande partie des axiomes de Hilbert mais pas celui de complétude[10]. Max Dehn a procédé ainsi pour construire ses deux plans (en), exemples d'une géométrie semi-euclidienne et d'une géométrie non legendrienne (en), dans lesquelles tout point extérieur à une droite passe par une infinité de parallèles mais la somme des angles d'un triangle est égale à π pour la première, et strictement supérieure à π pour la seconde[11].

Théorème de Diller-Dress modifier

Ce théorème[12] établit que si E/F est une extension finie et si le corps E est pythagoricien, alors F aussi[13]. Un corollaire est qu'aucun corps de nombres n'est pythagoricien, puisque ℚ ne l'est pas[14].

Corps superpythagoriciens modifier

Un corps superpythagoricien est un corps formellement réel F tel que tout sous-groupe d'indice 2 de F* qui ne contient pas −1 définit un ordre sur F (c'est-à-dire est stable par addition). Tout corps superpythagoricien est pythagoricien[13].

On a pour ces corps un analogue du théorème de Diller-Dress : si E/F est une extension finie et si E est superpythagoricien, alors F aussi[15]. Inversement, si F est superpythagoricien alors tout corps formellement réel intermédiaire entre F et sa clôture quadratique est superpythagoricien[16].

Notes et références modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Pythagorean field » (voir la liste des auteurs).
  1. a b et c (en) John Milnor et Dale Husemöller (de), Symmetric Bilinear Forms, Springer, coll. « Ergebnisse der Mathematik und ihrer Grenzgebiete (en) » (no 73), , 150 p. (ISBN 978-3-642-88332-3), p. 71.
  2. (en) Marvin J. Greenberg, « Old and new results in the foundations of elementary plane Euclidean and non-Euclidean geometries », Amer. Math. Month., vol. 117, no 3,‎ , p. 117-219 (lire en ligne). Cet article a obtenu un Lester R. Ford Award de la MAA en 2011.
  3. (en) Tsit-Yuen Lam, Introduction to Quadratic Forms over Fields, AMS, coll. « Graduate Studies in Mathematics » (no 67), (ISBN 978-0-8218-7241-3, lire en ligne), p. 410.
  4. Lam 2005, p. 293.
  5. (en) Ido Efrat, Valuations, orderings, and Milnor K-theory, AMS, coll. « Mathematical Surveys and Monographs » (no 124), , 288 p. (ISBN 978-0-8218-4041-2, lire en ligne), p. 178.
  6. a b et c (en) Pete L. Clark, « Quadratic forms over fields II: Structure of the Witt ring ».
  7. Milnor et Husemoller 1973, p. 66.
  8. Milnor et Husemoller 1973, p. 72.
  9. (en) Kiyosi Itô, Encyclopedic Dictionary of Mathematics, MIT Press, , 2e éd. (1re éd. 1977), 1750 p. (ISBN 978-0-262-59010-5), « 163 C ».
  10. Itô 1980, 163 D.
  11. (de) Max Dehn, « Die Legendre'schen Sätze über die Winkelsumme im Dreieck », Mathematische Annalen, vol. 53, no 3,‎ , p. 404-439 (lire en ligne).
  12. (de) J. Diller et A. Dress, « Zur Galoistheorie pythagoreischer Körper », Archiv der Mathematik, vol. 16, no 1,‎ , p. 148-152 (DOI 10.1007/BF01220014).
  13. a et b (en) T. Y. Lam, Orderings, valuations and quadratic forms, Providence (R. I.), AMS, coll. « CBMS Regional Conference Series in Mathematics » (no 52), , 143 p. (ISBN 0-8218-0702-1), p. 45.
  14. Lam 2005, p. 269.
  15. Lam 1983, p. 47.
  16. Lam 1983, p. 48.

(en) Richard Elman (en) et T. Y. Lam, « Quadratic forms over formally real fields and pythagorean fields », Amer. J. Math., vol. 94,‎ , p. 1155-1194 (JSTOR 2373568)