Collection Torlonia

La collection Torlonia (en italien : Collezione Torlonia) est une collection d'art privée de quelque 620 œuvres d'art grecques et romaines antiques rassemblées par les Torlonia une famille noble de Rome. Elle a été qualifiée de « plus grande collection privée de l’Antiquité romaine » par l’archéologue Darius Arya[1],[2] Environ 180 pièces de cette collection sont des bustes, ce qui en fait l'une des plus grandes collections de portraits romains au monde[3].

Histoire

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Qualifiée de « collection de collections » par l'archéologue Salvatore Settis[4], une grande partie de la collection Torlonia se compose d'œuvres acquises en totalité ou en partie par le prince Giovanni Torlonia (1754-1829) et son fils le prince Alessandro (1800-1886). Une partie de ces acquisitions ont été faites sur le marché de l'art ; d'autres sont issues des fouilles menées dans les propriétés de la famille à Rome et dans ses environs[5].

Acquisitions

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La collection de marbres antiques de Bartolomeo Cavaceppi a été acquise par Giovanni Torlonia en 1800

En 1800, le prince Giovanni acquiert les statues de l'atelier du sculpteur-restaurateur du XVIIIe siècle Bartolomeo Cavaceppi, décédé l'année précédente. La plus ancienne partie de la collection était composée d'un millier de pièces de sculpture, bustes, reliefs, fragments décoratifs et architecturaux. Il y avait aussi un éventail de sculptures modernes exécutées par Cavaceppi, des copies modernes de sculptures antiques, des peintures, des moulages en plâtre, des modèles en argile et des maquettes[6].

En 1816, 269 statues de la collection rassemblée par le collectionneur d'art et aristocrate du XVIIe siècle Vincenzo Giustiniani (1564-1637) furent transférées à Giovannia Torlonia en garantie d'un prêt. Après 1825, suite au refus du prince Vincenzo Giustiniani de respecter les termes de son accord, les Torlonia entrèrent dans un long litige juridique qui se termina par l'acquisition des sculptures par les Torlonia entre 1856 et 1859[7],[8]. Parmi les chefs d'oeuvre de la collection Giustiniani figurait une série de bustes et de portraits impériaux, parmi lesquels l'Hestia de Giustiniani et l'Euthydème de Bactriane[9].

En 1866, la Villa Albani et ses collections sont également achetées par les

Torlonia. Cette collection a été rassemblée par le cardinal Alessandro Albani, sous la direction du spécialiste de l'art classique et archéologue Johann Joachim Winckelmann[10]. L'une des pièces les plus remarquables de la collection de la Villa Albani est le vase Torlonia, un cratère en marbre reposant sur des pattes de lions sculptées avec un relief sur ses côtés représentant un symposium bachique. On pense qu'il ornait les Horti Agrippinae, les jardins d'Agrippine l'Ancienne entre le Janicule et la plaine du Vatican à Rome. Avant de passer en possession du cardinal Albani et ensuite à Alessandro Torlonia, le vase appartenait à la collection Cesi au XVIe siècle[11]. La collection Albani comprenait également un relief représentant Antinoüs provenant de la Villa d'Hadrien ainsi qu'une statuette romaine en bronze d'Apollon Sauroctonos, d'après un original du sculpteur grec Praxitèle[12].

Fouilles

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La Villa des Quintili est l'un des nombreux sites fouillés par les Torlonia au XIXe siècle

Les Torlonia ont fouillé des ruines antiques sur leur domaine de Roma Vecchia, qui abritait des sites comme la Villa des Quintilii et la Villa dei Sette Bassi, à côté de la Voie Appienne, et la Villa de Maxence sur la Via Latina[13],[14]. Parmi les sculptures découvertes sur ces sites, on compte un relief attique provenant des pentes de l'Acropole d'Athènes, probablement apporté à Rome au IIe siècle après J.-C. par Hérode Atticus. On trouve également un groupe statuaire d'Eirène et Ploutos réalisé d'après un original du sculpteur Céphisodote l'Ancien, et un groupe connu sous le nom de "Invitation à la danse" mettant en vedette une nymphe et un satyre[15].

Entre 1827 et 1828, des fouilles furent effectuées autour d'Anzio et des travaux supplémentaires furent entrepris sur les domaines des Torlonia à Caffarella, à Quadraro et à Portus, le site du port le plus important de la Rome impériale[16],[14]. Les trouvailles de ces domaines furent transférées au Palais Bolognetti-Torlonia, puis au Musée de Torlonia après sa fondation. Alessandro Torlonia a acquis d'autres terrains à Rome et dans ses environs, notamment la Vigna dei Gesuiti sur la colline de l'Aventin, qui reposait au-dessus des vestiges des thermes de Dèce[17]. D'autres domaines acquis pour les fouilles se trouvaient à Tuscia et Sabina ; à Fara Sabina (anciennes Cures) fut retrouvée une statue en bronze de Germanicus[18],[14].

 
Le prince Alessandro Torlonia a ouvert un musée pour la collection en 1875

En 1875, le prince Alessandro fonde le musée Torlonia sur la Via della Lungara, dans le quartier du Trastevere à Rome. Cette année-là, la collection comptait 517 œuvres - de nouveaux ajouts ont continué à être apportés jusqu'en 1884, date à laquelle la collection comptait 620 sculptures[19]. Le musée n'était accessible qu'à de petits groupes de visiteurs et l'accès des universitaires était limité[4]. Un catalogue de la collection, rédigé par Pietro Ercole Visconti et présentant les phototypes des 620 œuvres, a été publié en 1884. Le prince Alessandro a fait en sorte que ce catalogue soit donné à des particuliers et aux bibliothèques des instituts archéologiques, afin de « le porter [la collection] d'une manière splendide... à la connaissance des archéologues, des savants et de tous ceux qui manquent l'occasion de l'avoir devant eux[20],[21].

Expositions

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En 2013, le prince Alessandro Torlonia (1925-2017)[22] a créé la Fondation Torlonia destinée à gérer l'ensemble de la collection. En 2016, la famille, la fondation et le gouvernement italien ont signé un accord pour ouvrir la collection au public[23]. Des travaux de restauration parrainés par la maison de luxe italienne Bulgari, visant principalement à éliminer les épaisses accumulations de poussière, ont également débuté en 2016[4].

En octobre 2020, une exposition de 92 œuvres de la collection Torlonia a été inaugurée aux Musées du Capitole de Rome : il s'agit alors de la première exposition publique d'œuvres de la collection Torlonia depuis des décennies ; elle a eu lieu après une série d'échecs de négociations entre la famille Torlonia et le gouvernement italien. Après que l'exposition a été prolongée et finalement terminée à Rome, elle a été présentée à Milan, à la Gallerie d'Italia.

Du 26 juin au 11 novembre 2024, plusieurs pièces de la collection Torlania sont exposées au musée du Louvre, dans les anciens appartements d'Anne d'Autriche[24]. Il s'agit de la première exposition publique de ces œuvres hors d'Italie[24].

Liste des œuvres de la collection Torlonia

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Portraits et bustes

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  • La « fanciulla » de Vulci, Ier siècle avant notre ère, marbre blanc, hauteur totale : 34 cm ;
  • Portrait d’un viel homme, milieu du Ier siècle, marbre blanc, hauteur totale : 79 cm ;
  • Buste-portrait de Lucius Verus, fin du IIe siècle, marbre blanc, hauteur totale : 91 cm ;

Copies de statues grecques

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  • Statue de divinité en péplos dite « Hestia Giustiniani », IIe siècle, marbre de Paros, hauteur totale : 199 cm ;
  • Buste de satyre ivre, réplique du type Herculanum, début de l’époque impériale, marbre de Dokimeion, hauteur totale : 71 cm.

Statues romains, reliefs et sarcophages

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  • Relief avec scène de boutique, première moitié du IIe siècle de notre ère, marbre de proconèse ; hauteur : 140 cm ; largeur : 218 cm ;
  • Bas-relief figurant le Portus Augusti, période sévérienne (2e moitié du IIe siècle de notre ère), marbre pentélique ; hauteur : 75 cm ; largeur : 122 cm

Références

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  1. Elisabetta Povoledo, « Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Ancient art returns to public view in Rome () YouTube.com. Consulté le .
  3. (en) Elisabetta Povoledo, « A Storied Collection of Ancient Sculpture Will Finally See the Light », New York Times,‎ (lire en ligne)
  4. a b et c (en) Elisabetta Povoledo, « A Storied Collection of Ancient Sculpture Will Finally See the Light », New York Times,‎ (lire en ligne)Elisabetta Povoledo (2019-10-28). "A Storied Collection of Ancient Sculpture Will Finally See the Light". New York Times. Retrieved 2021-04-26.
  5. (en) Elisabetta Povoledo, « Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome », The New York Times,‎ (lire en ligne)Elisabetta Povoledo (2020-10-14). "Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome". Retrieved 2021-04-26.
  6. (en) Carlo Gasparri, « The Torlonia Museum: The Last Roman Collection of Antique Sculpture », Rizzoli Electa,‎ , p. 34-35
  7. (en) Carlo Gasparri, « The Torlonia Museum: The Last Roman Collection of Antique Sculpture », Rizzoli Electa,‎ , p. 37
  8. Vademecum: The Torlonia Marbles Collecting Masterpieces, www.electa.it (lire en ligne), p. 14
  9. « Purchase of Part of the Giustiniani Collection », www.fondazionetorlonia.org (consulté le )
  10. « Purchase of Villa Albani », www.fondazionetorlonia.org (consulté le )
  11. « CESI TORLONIA CUP, CRATER WITH BACCHIC SYMPOSIUM, KNOWN AS THE CESI CUP OR TORLONIA VASE », fondazionetorlonia.org (consulté le )
  12. Daniella Porro, Tutelage of the Torlonia Collection, vol. The Torlonia Marbles. Collecting Masterpieces, Rizzoli Electa, p. 49
  13. « EXCAVATIONS FROM THE ESTATE OF ROMA VECCHIA, ORTI CESARINI, VULCI, MUSIGNANO, CECCHIGNOLA, TORRICOLA AND PORTO », Fondazione Torlonia (consulté le )
  14. a b et c Vademecum: The Torlonia Marbles Collecting Masterpieces, www.electa.it (lire en ligne), p. 6
  15. Vademecum: The Torlonia Marbles Collecting Masterpieces, www.electa.it (lire en ligne), p. 7-8
  16. « Excavations carried out on the estate of Roma Vecchia, Caffarella, Quadraro, Anzio », www.fondazionetorlonia.org (consulté le )
  17. Gasparri, 2021; p. 39
  18. (en) Elisabetta Povoledo, « Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome », The New York Times,‎ (lire en ligne)Elisabetta Povoledo (2020-10-14). "Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome". Retrieved 2021-04-26.
  19. « Portrait Gallery », www.fondazionetorlonia.org (consulté le )
  20. C.L. Visconti, I Monumenti del Torlonia Museum riprodotti con la fototipia, , vi
  21. (en) Salvatore Settis, « A Collection of Collections. The Torlonia Museum and the Collection of Antiquities in Rome », Rizzoli Electa,‎ , p. 22
  22. Gasparri, 2021; p. 31
  23. (en) Elisabetta Povoledo, « Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome », The New York Times,‎ (lire en ligne)Elisabetta Povoledo (2020-10-14). "Long Unseen Trove of Ancient Treasures Goes on Show in Rome". Retrieved 2021-04-26.
  24. a et b « CHEFS-D'OEUVRE DE LA COLLECTION TORLONIA », sur Musée du Louvre, (consulté le )