Claude Tenne

militaire et prisonnier politique français

Claude Tenne
Marc Ténard
Claude Tenne

Surnom José Casabals, José Hernandez.
Naissance
Paris, (France)
Décès (à 59 ans)
Toulouse (France)
Origine Drapeau de la France France
Allégeance 1er R.E.P.

OAS

Arme Légion étrangère
Conflits Guerre d'Algérie
Autres fonctions Commando Delta 1

Claude Tenne, également connu sous le nom de Marc Ténard, né le dans le 14e arrondissement de Paris et mort le (à 59 ans) à Toulouse, est un militaire et prisonnier politique français.

Français engagé dans la Légion étrangère au début de la guerre d'Algérie, il déserte pour rejoindre l'Organisation de l'armée secrète, au sein des Commando Delta. Il est surtout connu pour avoir été le seul détenu à s'être évadé depuis la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré[1].

Biographie modifier

Enfance modifier

À la fois socialiste et nationaliste[réf. nécessaire], son père, originaire de Bragayrac, fait carrière dans l’administration des douanes. Fier de lui et marqué par les valeurs transmises par ses parents[réf. nécessaire], il connaît une scolarité difficile[2], parcourant plusieurs centres de rééducation[3]. Il fréquente l'école des Épinettes à Saint-Ouen puis est scolarisé chez les Frères des écoles chrétiennes. Il obtint son certificat d'études puis un CAP de forgeron-serrurier à Compiègne. À dix-sept ans il commence à travailler aux Forges de Saint-Ouen, pour Citroën où il milite à la CGT en 1954.

Il s'intéresse à cette époque à la guerre d'Indochine, et un camarade de travail ancien légionnaire lui donne l'idée de s'engager dans un régiment étranger de parachutistes[réf. nécessaire]. Il s'engage en novembre 1954, sous le nom de Marc Ténard[3] de nationalité suisse, né à Yverdon de parents inconnus.

Légionnaire au 1er REP : 1955 - 1961 modifier

En opérations modifier

 
Monuments aux morts, Sidi-bel-Abbès

Après un an de formation au Kreider[pas clair] et puis à la BETAP de Blida, « Ténard » est affecté en 1955 à Zeralda, au 1er REP. Il est d'abord pourvoyeur, en opérations dans les monts du Hodna puis dans les Aurès sous les ordres du lieutenant-colonel Jeanpierre. Il devient voltigeur et participe à la Bataille d’Alger en 1957 puis à celle des frontières près de la Tunisie, dans le secteur de Guelma. Au cours de « l’opération Jumelles », entre juillet 1959 et janvier 1960, il devient spécialiste du nettoyage des grottes où se réfugiaient les Fellagahs et reçoit sa première citation[source insuffisante][4]. l est sur le terrain le 28 mai 1958, lors de la mort du lieutenant-colonel Jeanpierre dont l’hélicoptère est abattu par les rebelles[5]. Il est nommé caporal.[Quand ?] et otient deux citations, dont une pour avoir sauvé son lieutenant d'une noyade[3].

 
Paysage de Guelma

Les Pieds-Noirs modifier

Lors d'une permission après le coup d'État du 13 mai 1958, Tenne fait connaissance d'une famille de Pieds-noirs. Le 14 juillet 1958, sa compagnie défile à Paris. Selon lui, c'est à ce moment qu'il réalise que l'Algérie est très importante pour lui, plus que son passé dans la métropole. Il dit également avoir l'impression que les Pieds-Noirs sont de plus en plus inquiets dès la fin de l'année 1959[6],[7].

Lors des journées des barricades (24 janvier - 1er février 1960), Il fait partie de la 2e compagnie, commandée par le capitaine Ysquierdo, présente les armes à Pierre Lagaillarde et aux insurgés lors de leur reddition[8].

Le 15 novembre 1960, lors de la cérémonie d'hommage à onze soldats tués au combat, il entend l'aumônier Delarue déclarer : « Vous êtes tombés à un moment où, si nous en croyons les discours, nous ne savons plus pourquoi nous mourons »[9]. Cette phrase l'inquiète[source insuffisante][10].

Quelques mois après, il raconte avoir rencontré, dans un café, le lieutenant Roger Degueldre et compris qu'il a déserté pour rejoindre l'OAS, qui vient d'être fondée[11]. Pendant le putsch des généraux, le régiment de Tenne participe à la prise de la radio. Il dit être conscient des enjeux et adhérer aux objectifs affirmés par les quatre généraux : prendre le contrôle du gouvernement pour garder l'Algérie à la France[12]. Après l'échec de cette tentative, le 25 avril 1961, le 1er REP est dissout, les officiers n'ayant pas démissionné sont mis aux arrêts[13].

OAS, Commando Delta 1 : 27 avril - 4 juin 1961 modifier

Déserteur, Ténard gagne Alger, et retrouve les ex-lieutenant Degueldre et sergent Dovecar dans le commando Delta 1. Avec eux, il participe au meurtre du commissaire Roger Gavoury, qu'il poignarde lui-même le 31 mai[3]. Il est arrêté à la Bouzareah le 4 juin 1961 en protégeant la fuite de Degueldre.

Incarcéré ensuite à la Santé, il y retrouve des détenus de l'Algérie française et remarque : « Ici on ne peut pas tenir les volontés prisonnières. » Tenne partage notamment la cellule de Dovecar. Il refuse de révéler son véritable nom pour empêcher, ou du moins ralentir, le déroulement du procès[14].

Le procès Gavoury a lieu du 26 au 30 mars 1962. Le Tribunal militaire juge les légionnaires Herbert Pietri, Claude Tenne, le sergent Albert Dovecar, Claude Piegts, Paul Frappoli et Jacques Malmassari pour le meurtre du commissaire Gavoury[15]. Les trois légionnaires portent leur tenue de combat et leurs décorations[16]. L'avocat général condamne le meurtre mais reconnaît des « mobiles idéologiques »[17]. Tenne reconnaît le meurtre, mais considère qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres. Après délibérations, il est condamné à la réclusion à perpétuité.

 
Prison de Saint-Martin de Ré

La prison Saint-Martin-de-Ré : 1962-1967 modifier

Le 5 mai, douze condamnés, dont Claude Tenne, sont transférés de la prison de Fresnes à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré située sur l'Île de Ré[18]. Selon l'un d'entre eux, Armand Belvisi, ils revendiquent dès ce moment d'être considérés comme des condamnés politiques[19].

Conquête du statut de prisonniers politiques modifier

La prison vient d'être vidée des Fellagahs libérés[18],[20]. Les bâtiments y sont assez délabrés, en mauvais état.

Normalement traités comme des droits communs, ils se voient soumis dans les faits à un régime spécial plus privilégié[19],[20]. Claude Tenne organise des grèves de la faim et d'autres manifestations pour qu'ils obtiennent officiellement le statut de prisonniers politiques[20].

L’exécution de Dovecar et de Piegts a lieu le [21]. Tenne s'est procuré clandestinement un poste de radio minuscule et c'est par lui qu'il apprend leur mort. Il organise alors une cérémonie pour rendre hommage à Dovecar, la concluant par le Chant des Africains après avoir observé une minute de silence. Puis il décide que ce jour-là ils ne sortiront pas de leur cellule et jeûneront en signe de deuil[22]. Il agit de même le 6 juillet 1962 quand le directeur de la prison lui apprend que Degueldre a été fusillé. Le directeur le laisse faire.[réf. nécessaire]

Évasion modifier

 
Passage menant à la citadelle.

Des camarades ont essayé de creuser un tunnel qui partait d'une cellule. Tenne leur a apporté brièvement son aide mais le projet a échoué car les condamnés ont été changés de quartier[23]. Certains ont tenté d'y arriver par d'autres moyens, plus classiques, qui ont échoué car un détenu s'est refusé à tuer la sentinelle qui se trouvait sur son passage[20].

Claude Tenne s'évade finalement le 3 novembre 1967, réussissant à se replier sur lui-même dans une cantine métallique noire mesurant 90 centimètres de longueur, 50 centimètres de large et 40 centimètres de haut.. C'est un de ses co-détenus, bénéficiant d'une remise de peine, qui transporte la cantine officiellement remplie de livres. C'est dans le presbytère, pendant que ses camarades libérés s'entretiennent avec le curé, qu'il en sort pour emprunter le bac avec eux. Solidaires, ses camarades détenus refusent de rentrer dans leurs cellules pendant la soirée et organisent un chahut, ce qui retarde l'appel et la découverte de sa fuite. Ce n'est qu'à 13 heures le 4 novembre que l'on découvre la fuite[24].

De nombreux articles de journaux relatent cette évasion, unique dans l'histoire de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré[25], et qui fait suite à l'évasion de Marc Robin, autre détenu de Ré, de l'hôpital de La Rochelle. L'ex-détenu qui l'a aidé à s'échapper est inculpé de connivence d'évasion le 10 novembre[26], et condamné à trois mois d'emprisonnement en mars 1968[27].

Tenne est pris en charge par un réseau OAS et une partisane de l’Algérie française. Pour protéger ses complices, il publie une version altérée de sa cavale en France dans son livre, Mais le diable marche avec nous.[réf. nécessaire] Il échappe aux cent cinquante mille hommes des forces de l’ordre mobilisés par le plan Rex (recherches exceptionnelles)[28]. Il se réfugie enfin en Suisse.

Claude Tenne est le seul évadé de la prison de l'Île de Ré à ne jamais avoir été repris[29],[30]. Il s'installe ensuite à Ibiza, aux Baléares.[réf. nécessaire]

Amnistie modifier

Tenne est exclu de l'amnistie du 15 juillet 1968, tout comme Marc Robin, Pierre Lagaillarde et Philippe de Saint-Rémy, tous considérés comme s'étant soustraits à la justice avant ou après leur condamnation[31]. Après l’amnistie du 31 juillet 1968[32], due aux événements de mai 1968[33], Claude Tenne s’installe en France avec sa famille. Il y publie dans l'année ses mémoires sous le titre Mais le diable marche avec nous[34].

Il se suicide d'une balle dans le cœur le 7 janvier 1996, place de la Bourse à Toulouse[2].

Notes et références modifier

  1. « La courte échappée de Saint-Martin-de-Ré », sur Libération (consulté le )
  2. a et b Jean-Claude Vimont, « « Pieds Noirs Rythmes : un orchestre de détenus OAS dans le “Sing-Sing” français » », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, DOI 10.4000/criminocorpus.3133, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c et d « On m'a appris à tuer j'ai appliqué le règlement " », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Claude Tenne, Mais le Diable marche avec nous, éd La Table Ronde, 1968, 253 p. pp. 97-106.
  5. Pierre Sergent, Je ne regrette rien, éd Fayard, 1987, 403 p. p. 312, 313.
  6. Claude Tenne, Mais le diable marche avec nous, éd La Table Ronde, 1968, 253 p, p. 159.
  7. Pierre Sergent, Ma peau au bout de mes idées, éd La Table Ronde, 1968. p. 177-20
  8. Pierre Sergent, Ma peau au bout de mes idées, éd La Table Ronde, 1968.
  9. Louis Delarue, Avec les paras du 1er REP et du 2ème R.P.I. Ma, éd. Nouvelles Éditions Latines, 1961, 254 p.
  10. Pierre Sergent, Je ne regrette rien, éd Fayard, 1987, 403 p. p. 366
  11. Claude Tenne, Mais le Diable marche avec nous, éd La Table Ronde, 1968, 253 p. pp. 160-161
  12. Pierre Sergent, Ma peau au bout de mes idées, éd. La Table Ronde, 1968, p. 203-211
  13. Pierre Sergent, Je ne regrette rien, éd Fayard, 1987, 403 p. p. 355-376.
  14. Armand Belvisi, Les sacrifiés de l’Algérie française, Ile-de-Ré, 120 pages.  § 26
  15. Georges Fleury, Histoire d, 30 oct. 2002 - 1048 pages. Ch 68 L’arrestation de Degueldre p. 663 - 677 Procès p. 664, Lettre Sergent Brothier 665 plaidoyers Verdict  666- 667 procès
  16. « Débat de procédure autour des décrets d'amnistie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « L'avocat général suggère discrètement la peine de mort contre Dovecar et Piegts mais il leur reconnaît des "mobiles idéologiques" », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. a et b Les sacrifiés de l’Algérie française, Ile-de-Ré, Armand Belvisi, 120 p.  § 3
  19. a et b Armand Belvisi, Les sacrifiés de l’Algérie française, Ile-de-Ré, 120 pages. § 4
  20. a b c et d Jean-Claude Vimont, « Saint-Martin-de-Ré, prison politique. Les photographies d’Armand Belvisi », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, DOI 10.4000/criminocorpus.3164, lire en ligne, consulté le )
  21. Jean-Claude Vimont, « Respect de la « Privacy » et détention politique en France », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines,‎ (ISSN 2108-6907, DOI 10.4000/criminocorpus.2556, lire en ligne, consulté le )
  22. Pierre Sergent, Je ne regrette rien, éd Fayard, 1987, 403 p.. épilogue, p. 401-403.
  23. Armand Belvisi, Les Sacrifiés de l’Algérie française - Île de Ré, ADIMAD, Toulon, sans date, 120 p.
  24. « Claude Tenne, condamné pour l'assassinat du commissaire Gavoury est recherché dans la région parisienne », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. Armand Belvisi, Les sacrifiés de l’Algérie française, Ile-de-Ré.120 pages.  § 26 -
  26. « Varga est inculpé de connivence d'évasion », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « L'UN DES CONJURÉS DU PETIT-CLAMART EST TUÉ AU COURS D'UN HOLD-UP », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. « Barrages sur toutes les routes de France et cent cinquante mille policiers mobilisés pour retrouver Claude Tenne, le tueur O.A.S. », Le Figaro,‎ ? novembre 1967
  29. Sonya Faure, « La courte échappée de Saint-Martin-de-Ré », sur Libération (consulté le )
  30. « S'évader de la prison de l'Ile de Ré, un seul homme a réussi », sur SudOuest.fr, (consulté le )
  31. « Le chef de l'État amnistie le général Salan et onze autres condamnés activistes déjà graciés », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. « BÉNÉFICIANT DE L'AMNISTIE M. CLAUDE TENNE EST REVENU À PARIS », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  33. Stéphane Gacon, « Les amnisties de la guerre d'Algérie (1962-1982) », Histoire de la justice, vol. 16, no 1,‎ , p. 275 (ISSN 1639-4399, DOI 10.3917/rhj.016.0271, lire en ligne, consulté le )
  34. « Deux livres d'anciens activistes de l'O.A.S. », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • Claude Tenne, Mais le Diable marche avec nous, éd La Table Ronde, 1968, 253 p.
  • David Canard, L'Île de Ré ; années 1950, 1960, 1970, éd. Geste, 20 février 2009, 240 p. (ISBN 2845615345)
  • Jean-Claude Vimont, Histoire de la détention politique en France, Justice and political detention, 2013.
  • Pierre Sergent, Ma peau au bout de mes idées, éd. La Table Ronde, 1968
  • Pierre Sergent, Je ne regrette rien, éd Fayard, 1987, 403 p.
  • Louis Delarue, Avec les paras du 1er REP et du 2ème R.P.I. Ma, éd. Nouvelles Éditions Latines, 1961, 254 p.
  • Georges Fleury, Histoire de l'OAS, Grasset, 30 oct. 2002, 1048 pages, Partie V La montée en puissance, ch. 37 : L'OAS élimine le commissaire Gavoury, p. 344 à 357.
  • Frédéric Delmonte, "Le Front National à Toulon : de la sous-société des débuts à la contre société de juin 1995," Résumé d'un mémoire de maîtrise préparé sous la direction de M. Schor et soutenu à la Faculté des Lettres de Nice [lire en ligne (page consultée le 20 avril 2024)]
  • Franck Sénateur, S'évader, une autre histoire de la justice : de 1791 à nos jours, éd. Nouveau Monde, 2020, 322 p. ch. 10.
  • Jean de Conrié, Jean Ilpide, Louis Maître. 1962... un destin bascule, éd. Lacour-Ollé, 2013, 150 p.
  • Vincent Guibert, Les Commandos Delta, éd. Serge Curutchet, 2000, 304 p.
  • Jean-Claude Vimont, Saint-Martin-de-Ré, prison politique. Les photographies d’Armand Belvisi, Carnet de recherche de Crimininocorpus 27/11/2014, no 14, "Métropolitains, Légionnaires et autres intermittents"
  • Crimino Corpus, Revue hypermédia, Histoire de la justice, des crimes et des peines;
  • Georges Fleury, Histoire de l'OAS, , 1048 p. (ISBN 9782246604594, lire en ligne), p. 269.