Citrus macrophylla, ou Alemow translitération du nom local philippin Alimau (Citrus macrophylla Wester) est un agrume proche des limes acides et utilisé comme porte-greffe des citronniers et des limettiers.

Histoire modifier

S. Hendrik Koorders décrit Citrus celebica Koord. en 1898 en Indonésie, aux Célèbes. Wester en décrit une variété southwickii. de C. celebica Koord. Walter Reuther (1967) note qu'Alemow nommé C. macrophylla par Wester (1915), dont le fruit a une pulpe plutôt sèche et aigre considérée comme immangeable même par les indigènes[ ] semble être un hybride de C. celebica, du sous-genre Papeda avec probablement un pomelo (C. grandis) et ajoute qu'il s'est montré prometteur comme porte-greffe de citronnier en Californie[1].

Merill (1899) rapporte que Wester in Philippine Agricultural Review (1915) le décrit comme une variété de Citrus Hystrix («Cultivé. Il s'agit selon toute vraisemblance d'un hybride entre Citrus hystrix DC. et quelques autres espèces, peut-être C. maxima (Burm.) Merr[2] Wester avait nommé et décrit en 1907: «L'alemow est un fruit très rare cultivé à Cebu et considéré comme non comestible même par les indigènes. [ ] Les principales caractéristiques distinctives de cette espèce sont les grandes feuilles larges, les pétioles relativement courts mais assez larges, et les fruits assez gros et de forme particulière; [ ] le plus étroitement apparenté au pomelo.»[3].

En 1997, R. Cottin et al. maintient l'incertitude: Citrus macrophylla Wester = C. aurantifolia (Citrus celebica Koord . ? x Citrus maxima (Burm.) Merr. ?) tandis que UC Riverside les donne comme synonymes[4].

Phylogénie modifier

 
Les travaux de Franck Curk et al. (2016) montrent la proximité de C. macrophylla (C2) avec les limes acides tropicales à petit fruits C. autantifolia[5].

La génétique permet de fixer la phylogénie: Federici et al .(1998) le regroupe avec C. aurantifolia et les papedas C. hystrix et C. micrantha. Nicolosi et al. (2000) puis Ollitrault et al. (2012) montrent que la lime du Mexique et C. macrophylla ont une phylogénie probable C. medica x C. micrantha. Enfin, en 2016 F. Curk et al. montre que C. macrophylla résulte d'une hybridation entre Citrus micrantha (ou une espèce proche) et d'un cédrat. Ils écrivent: «L'hybridation C. micrantha ×  C. medica a vraisemblablement produit les génotypes de ces espèces secondaires et a révélé une congruence plus élevée pour la lime du Mexique (95.1 %) que pour la lime Excelsa (88 %) et la lime Alemow' (89.3 %). La variabilité au sein de tous les sous-clusters C est très faible, elle correspondait principalement à des variations hétérozygotes/homozygotes, soit à des mutations sporadiques»[5].

Description modifier

Arbre vigoureux et très épineux avec des feuilles petites à moyennes, elliptiques, étroites, à pétioles largement ailés.

Fruit moyen à gros, oblong à obovale, mamelonné avec une aréole circulaire marquée. Péricarpe rugueux et bosselée jaune verdâtre, Pulper jaune verdâtre peu juteuse, jus très acide et très amère. Graines polyembryonnées[4].

Utilisation modifier

Porte-greffe modifier

Chez les agrumiculteurs C. macrophylla est apprécié pour son rendement exceptionnel qui dépasse visiblement tous les autres porte-greffes (de 40% avec l'orange amère (C. aurantium L.)[6]) et quand cela n'est pas le cas, (comme l'ont montré L. Blondel et C; Jacquemond - 1986 - sur le citron de Menton Eureké) il provoque une mise à fruit plus rapide[7]. Il a avec le Citron Volkamer une des meilleures réponses à la fertilisation azotée (nombre de feuilles par plante, diamètre du collet, hauteur finale de la tige, surface foliaire totale et poids frais et sec des différents organes). C. macropylla est aussi un porte-greffe remarquable par sa tolérance aux sols salins, utile dans les principales zone de culture d'agrumes sous irrigation artificielle et eaux fossiles qui se généralise avec la sécheresse en climat méditerranéen, même s'il est peu tolérant au stress hydrique prolongé. Il constitue un modèle dans la mise au point de porte-greffe résistants à la sécheresse[8], la recherche de mutants résistants au sel est active[9]. De même le réchauffement climacique provoquant des précipitations brèves et importantes il a été démontré que C. macrophylla a un bon comportement en cas d'inondation[10]. Enfin il présente l'avantage d'une adaptation aux sols sableux et calcaires à pH élevé. Il est tolérant à l’exocortis et résistant au Phytophthora, sensible au CTV et à la cachexie[11].

En contrepartie, il est sensible au gel[12] d'où un programme de recherche pour améliorer sa résistance au froid et comprendre le mécanisme[13]. Et surtout il affecte négativement la qualité du fruit, l'orange douce Lane late par exemple greffée sur C. macrophylla est moins colorée (teneur plus faible en anthocyanes[14]) et moins sucrée que sur la mandarine Cleopatra; il induit aussi un péricarpe épais, plus pauvre en composés volatils[15]. Une étude effectuée sur les citrons montre que le porte-greffes Forner-Alcaïde est le meilleur porte-greffe pour la qualité de l'arôme avec des teneurs élevées en composants volatils, suivis de C. aurantium, C. macrophylla arrive en dernière place[16]. Il augmente le rapport solides solubles sur acide des jus[6], l'orange Shamouti greffées sur macrophylla est plus acide[17].

Huile essentielle modifier

 
Analyse en composantes principales d'H.E. du zeste de : C. hystrix, micrantha, macroptera, latipes, ichangensis, wilsonii, junos, macrophylla. C. macrophylla complétement à droite est proche de l'HE de yuzu[18].

Cette H.E. est peu commune, une analyse saoudienne (2021) donne le limonène comme le composant ultra-majoritaire (60 à 95 %) suivi de γ-terpinène (13,5 %) dans une proportion supérieure aux autres limes acides[19] et à l'opposé de C. hystrix et C. micrantha.

Clémentine Baccati et al. (2021) déplorent le manque de donnée sur l'HE de C. marcophylla, ils donnent une analyse en composante principale des HE de diverses limes acides et du combava comparée à C. macrophylla. Elle écrit «Les H.E. de zeste de C. wilsonii , C. junos et C macrophylla sont caractérisées par des teneurs élevées en limonène [ ] associées à des quantités notables de γ-terpinène. La composition chimique que nous avons observée pour C. junos avait une proportion de limonène variant entre 60,4 et 82,4 %, principalement associée au γ-terpinène (7,6 à 10,7 %) et au linalol (0,9 à 5,6 %). Aucune donnée n'a été trouvée sur la composition de l'huile de zeste de C. macrophylla». Les auteurs montrent que si les HE de fruit de yuzu et de macrophylla sont proches et singulières, il en va autrement pour les H.E. de feuille. L'H.E de feuille est riche en géranial (24,7 %), néral (18,9 %) et limonène (17,7 %) avec de aussi γ-terpinène (6,2 %), de p-cymène (4,3 %), linalol (4,3 %) et citronellal (3,5 %) qui confirme la paternité du cédratier[18].

Notes et références modifier

  1. Walter Reuther, The Citrus Industry Volume I, (lire en ligne)
  2. LuEsther T. Mertz Library New York Botanical Garden, Botanical publications of E.D. Merrill, [New York, etc., (lire en ligne)
  3. University of Michigan, The Philippine agricultural review, Manila, Bureau of Agriculture, Dept. of Agriculture and Natural Resources, (lire en ligne), p 16
  4. a et b (en) « Alemow », sur Givaudan Citrus Variety Collection at UCR (consulté le )
  5. a et b (en) Franck Curk , Frédérique Ollitrault , Andrés Garcia-Lor , François Luro , Luis Navarre, Patrick Ollitrault, « Phylogenetic origin of limes and lemons revealed by cytoplasmic and nuclear markers », sur academic.oup.com (consulté le )
  6. a et b (en) Y. Levy et J. Lifshitz, « Alemow (Citrus macrophylla Wester.), compared with six other rootstocks for nucellar ‘Minneola’ tangelo (Citrus paradisi Macf. X Citrus reticulata Blanco) », Scientia Horticulturae, vol. 61, no 1,‎ , p. 131–137 (ISSN 0304-4238, DOI 10.1016/0304-4238(94)00735-X, lire en ligne, consulté le )
  7. L. BLONDEL, C. JACQUEMOND et al., « Essai de porte-greffe pour le citronnier en Corse », Fruits vol 41, n°10,,‎ , p. 6 (lire en ligne)
  8. (en) Melina C. da Silva, Patrícia I. S. Pinto, Rui Guerra et Amílcar Duarte, « Gene transcripts responsive to drought stress identified in Citrus macrophylla bark tissue transcriptome have a modified response in plants infected by Citrus tristeza virus », Scientia Horticulturae, vol. 307,‎ , p. 111526 (ISSN 0304-4238, DOI 10.1016/j.scienta.2022.111526, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Margarita Pérez-Jiménez et Olaya Pérez-Tornero, « Mutants of Citrus macrophylla rootstock obtained by gamma radiation improve salt resistance through toxic ion exclusion », Plant Physiology and Biochemistry, vol. 155,‎ , p. 494–501 (ISSN 0981-9428, DOI 10.1016/j.plaphy.2020.06.024, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Margarita Pérez-Jiménez et Olaya Pérez-Tornero, « Short-Term Waterlogging in Citrus Rootstocks », Plants, vol. 10, no 12,‎ , p. 2772 (ISSN 2223-7747, DOI 10.3390/plants10122772, lire en ligne, consulté le )
  11. « Citrus Macrophylla », sur Viveros Alcanar (consulté le )
  12. (en) Ibrahim Hmmam, Ragya Ahmed Abdelaal et Amina Hamed Gomaa, « Insight into chilling stress response of key citrus grafting combinations grown in Egypt », Plant Stress, vol. 8,‎ , p. 100155 (ISSN 2667-064X, DOI 10.1016/j.stress.2023.100155, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Amparo Primo-Capella, Mary-Rus Martínez-Cuenca et Maria Ángeles Forner-Giner, « Gene Expression under Short-Term Low Temperatures: Preliminary Screening Method to Obtain Tolerant Citrus Rootstocks », Horticulturae, vol. 7, no 11,‎ , p. 447 (ISSN 2311-7524, DOI 10.3390/horticulturae7110447, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Julia Morales, Almudena Bermejo, Pilar Navarro et María Ángeles Forner-Giner, « Rootstock effect on fruit quality, anthocyanins, sugars, hydroxycinnamic acids and flavanones content during the harvest of blood oranges ‘Moro’ and ‘Tarocco Rosso’ grown in Spain », Food Chemistry, vol. 342,‎ , p. 128305 (ISSN 0308-8146, DOI 10.1016/j.foodchem.2020.128305, lire en ligne, consulté le )
  15. Julia Morales Alfaro, Almudena Bermejo, Pilar Navarro et Ana Quiñones, « Effect of Rootstock on Citrus Fruit Quality: A Review », Food Reviews International, vol. 0, no 0,‎ , p. 1–19 (ISSN 8755-9129, DOI 10.1080/87559129.2021.1978093, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Marlene G. Aguilar-Hernández, Paola Sánchez-Bravo, Francisca Hernández et Ángel A. Carbonell-Barrachina, « Determination of the Volatile Profile of Lemon Peel Oils as Affected by Rootstock », Foods, vol. 9, no 2,‎ , p. 241 (ISSN 2304-8158, DOI 10.3390/foods9020241, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) A Al-Jaleel, M Zekri - Proceedings of the Florida State Horticultural …, 2003 - journals.flvc.org, « Effects of rootstocks on yield and fruit quality of'Parent Washington Navel'trees », journals.flvc.org,‎ , p. 7 (lire en ligne)
  18. a et b (en) Clémentine Baccati, Marc Gibernau, Mathieu Paoli et Patrick Ollitrault, « Chemical Variability of Peel and Leaf Essential Oils in the Citrus Subgenus Papeda (Swingle) and Few Relatives », Plants, vol. 10, no 6,‎ , p. 1117 (ISSN 2223-7747, DOI 10.3390/plants10061117, lire en ligne, consulté le )
  19. (en) Saroj Kumari Fagodia, Harminder Pal Singh, Daizy Rani Batish et Ravinder Kumar Kohli, « Phytotoxicity and cytotoxicity of Citrus aurantiifolia essential oil and its major constituents: Limonene and citral », Industrial Crops and Products, vol. 108,‎ , p. 708–715 (ISSN 0926-6690, DOI 10.1016/j.indcrop.2017.07.005, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Voir aussi modifier