Bataille de Magnésie du Sipyle

La bataille de Magnésie du Sipyle ou bataille de Magnésie se déroule durant l'hiver 190-189, plus probablement au début de l'an 189. Elle oppose les légions romaines, dirigées par le consul Scipion l'Asiatique, à l'armée séleucide d'Antiochos III. Elle est la bataille décisive de la guerre antiochique qui dure de 192 à 189 av. J.-C. La bataille se tient dans une plaine, au confluent du fleuve Hermos et de la rivière Phrygie, non loin de la cité de Magnésie du Sipyle, en Asie Mineure (Turquie actuelle), à 40 km au nord-est de Smyrne.

Bataille de Magnésie du Sipyle
Description de cette image, également commentée ci-après
Bronze de Pergame représentant probablement la bataille de Magnésie, avec des légionnaires romains, des phalangites séleucides et des cavaliers pergamiens.
Informations générales
Date 190 av. J.-C.
Lieu près de Magnésie du Sipyle, Turquie actuelle
Issue Victoire romaine
Belligérants
République romaine
Pergame
Royaume séleucide
Galates
Cappadoce
Commandants
Scipion l'Asiatique
Eumène II
Antiochos III
Forces en présence
35 000 hommes 65 000 à 70 000 hommes
Pertes
Probablement inférieures à 5 000 hommes 50 000 hommes d'après Tite-Live mais ce montant est probablement plus proche de 10 000

Guerre antiochique

Batailles

Thermopyles

Coordonnées 38° 37′ nord, 27° 26′ est
Géolocalisation sur la carte : Turquie
(Voir situation sur carte : Turquie)
Bataille de Magnésie du Sipyle
Géolocalisation sur la carte : Empire romain
(Voir situation sur carte : Empire romain)
Bataille de Magnésie du Sipyle

Notre connaissance de la bataille repose essentiellement sur les textes de trois auteurs : le Romain Tite-Live, le Grec Appien et le Byzantin Zonaras. Du point de vue de l’histoire militaire, cette bataille est, avec celles de Cynoscéphales et de Pydna, une des trois grandes victoires que les armées romaines remportent sur les armées hellénistiques au IIe siècle av. J.-C. On considère généralement que ces victoires sont dues en partie à la supériorité tactique de la légion romaine sur la phalange de type macédonien.

Origines de la guerre antiochique modifier

La guerre antiochique, opposa Rome au royaume séleucide. Aux origines de la guerre, il y a les intérêts antagonistes des Romains et des Séleucides en Asie Mineure et en Grèce. Antiochos III était en train de restaurer son empire, qui avait connu une phase de déclin. Il menait depuis plusieurs années une guerre de reconquête dans des territoires qui avaient autrefois appartenu à sa dynastie. Après avoir rétabli son autorité en Iran et battu l’armée égyptienne, il soumettait maintenant les cités d’Asie Mineure qui avaient échappé à son autorité.

Parallèlement, les Romains étaient en pleine expansion. À la suite de la deuxième guerre punique, ils avaient étendu leur influence sur une bonne partie de la Méditerranée, et, après le récent conflit en Macédoine — la deuxième guerre de Macédoine venait de s’achever — ils étaient entrés dans le jeu de la politique orientale. Rome était devenue la protectrice des petits États grecs ou hellénisés tels que Rhodes et Pergame en Asie Mineure, qui étaient menacés par l’expansion séleucide.

À la rivalité des deux puissances montantes s’ajoutaient les conflits entre les puissances régionales en Grèce. Le nouvel ordre imposé par Rome à la suite de la bataille de Cynoscéphales ne faisait pas que des heureux. Par exemple la Ligue étolienne, qui, après avoir combattu au côté de Rome pendant la deuxième guerre de Macédoine, n’avait pas été récompensée à la hauteur de ses espérances, cherchait à redistribuer les cartes en incitant Antiochos à entrer en guerre contre Rome.

Opérations militaires avant Magnésie modifier

Antiochos débarqua en Grèce en octobre 192 av. J.-C., avec 10 000 hommes. Il remporta quelques maigres succès, mais sa position était difficile : il avait peu d’alliés en Grèce, tandis que les Romains pouvaient compter sur la ligue achéenne et Philippe V. L’arrivée d’une armée romaine de renfort ruina les espoirs d’Antiochos. Ce dernier se retira aux Thermopyles, mais il fut vaincu à la bataille des Thermopyles (191) et évacua la Grèce avec ce qui restait de son corps expéditionnaire, rejoignant l’armée de son fils Séleucos IV qui faisait le siège devant Pergame, la capitale du roi Eumène, l’allié des Romains en Asie Mineure.

Une guerre navale entre la flotte séleucide et les flottes alliées de Rome, Pergame et Rhodes, prépara le débarquement des légions en Asie. Une fois débarquée, l’armée romaine, dirigée par Scipion l'Asiatique, se dirigea vers Pergame et en chassa les Séleucides. Antiochos évita la bataille et chercha un moment à traiter, tout en recrutant des troupes supplémentaires. Devant l’intransigeance des Romains, il se résolut à la bataille. Il choisit un terrain ou son armée pourrait utiliser pleinement sa supériorité numérique, et où sa cavalerie et ses chars pourraient manœuvrer sans être gênés par le relief.

Forces en présence modifier

Les forces d'Antiochos étaient certainement supérieures en nombre. On peut estimer les effectifs à 60 000 hommes pour les Séleucides et 30 000 pour les Romains. Cela dit, les troupes séleucides étaient en partie fraîchement recrutées, et manquaient donc singulièrement d’entraînement, sans parler d’expérience. Les soldats de l’armée romaine, au contraire, étaient en majorité des vétérans.

L'armée séleucide regroupait une multitude d'unités provenant des diverses parties de l'empire : Mèdes, Galates, Cappadociens, Phrygiens, Arabes, ainsi que des mercenaires grecs, crétois, etc. Le centre était composé de la phalange, et les ailes étaient formées par diverses troupes de cavalerie, par l'infanterie légère, les peltastes et le corps d'élite des argyraspides. Devant l’aile gauche se trouvaient également deux unités « exotiques », les chars de combat et des dromadaires montés par des archers arabes. Le corps le plus important de cette armée était la phalange, commandée par Zeuxis. Elle était disposée en dix unités de 1 600 hommes, ordonnées chacune en 32 rangs de 50 hommes, soit au total 16 000 phalangites. Entre les unités de phalangites se trouvaient des éléphants.

L'armée romaine était relativement homogène. L'aile gauche, qui comptait 20 000 soldats, était composée de l’infanterie lourde, soit deux légions romaines et deux alae latines de chacune 5 000 hommes. Au centre, il y avait l'infanterie légère composée des auxiliaires d'Eumène II et des peltastes achéens, 3 000 hommes en tout. À droite il y avait la cavalerie, soit 3 000 cavaliers de Rome, d’Italie et de Pergame. Au-devant de la ligne de front, il y avait 500 Tralles et Crétois disposés en tirailleurs. De plus, quatre escadrons de cavalerie romaine, avaient été positionnées à gauche des légions, entre l'aile gauche et la rivière Phrygie. Enfin, 2 000 Thraces et Macédoniens avaient été assignés à la garde du camp.

Déroulement de la bataille modifier

Antiochos déclencha les hostilités, par une attaque des deux ailes. Sur la droite, il dirigea la formidable masse de cataphractaires et des cavaliers de la Garde (l’agêma), ainsi que les 1 200 archers montés scythes. 5 200 cavaliers contre l’aile gauche romaine formée par les deux légions romaines et leurs 120 cavaliers. Appien voit une ou des légions romaines plier devant la charge du roi - tandis que Tite-Live, on le rappelle, place les légions alliées sur la gauche, et ainsi n’entache pas le rôle des légions romaines.

Sur l’aile gauche séleucide, les chars et les dromadaires mènent la charge contre l’aile droite d’Eumène. Tite-Live amoindrit au maximum le rôle du roi de Pergame dans la bataille. Ce sont pourtant ses fantassins légers et tirailleurs qui vont entourer et mitrailler de leurs projectiles les chevaux des attelages, et non pas leurs conducteurs. Dans leur fuite, les chars à faux vont traverser la ligne des cataphractraires de l'aile gauche séleucide qui fuient à leur tour sans combattre et Eumène va alors entamer une sanglante poursuite de ces troupes. Pour le reste de la bataille, Appien constitue une meilleure source que Tite-Live.

Alors qu’Antiochos a écrasé toute la cavalerie romaine sur l'aile gauche ainsi qu'une légion entière avec ses cataphractaires, il décide, comme à la Raphia, de poursuivre les fuyards jusqu’au camp romain plutôt que d'encercler l'armée romaine, faute tactique qui cause sa défaite. Les phalangites séleucides au centre sont largement victorieux et repoussent impitoyablement les hastati romains qui se replient en hâte, ayant subi de fortes pertes. La cavalerie romaine se positionne sur l'aile gauche séleucide pour encercler les phalangites, bien trop solides à combattre de face. Eumène harcèle la phalange avec l'aide de Domitius. Celle-ci s’est, d’après Appien, formée correctement en carré défensif en accueillant en son sein les tirailleurs séleucides, alors que Tite-Live n’en parle même pas. Les légionnaires alliés et romains restant sont incapables de lutter contre la phalange, et la tactique employée consiste à inonder la phalange de projectiles en tous genres.

Antiochos et l’aile droite sont arrêtés près du camp. Tite-Live nous explique que c’est le tribun militaire Marcus Aemilius Lepidus qui, par son courage et 2 000 braves inconnus, rameutèrent les alliés en fuite pour former une contre-attaque. Chez Appien, Antiochos est vainqueur sans bémol et c’est le préfet du camp, peut-être simplement un préfet des alliés, qui s’interposa à la tête de troupes fraiches. Et on ne peut qu’être étonné de l’erreur de Tite-Live qui oublie de gommer la nature des troupes qui gardent le camp : ce sont 2 000 Macédoniens (certainement des mercenaires ou des volontaires) et Thraces. Le camp romain est donc sauvé par des troupes auxiliaires alors que les Romains fuient, réalité que les artifices de Tite-Live ne cachent qu’en partie.

Eumène, conscient de l'inutilité de sa tactique de harcèlement de la phalange (les projectiles étant bloqués par les longues sarisses des derniers rangs penchées en biais vers l'avant), décide alors de concentrer tous les tirs vers les éléphants. Les pachydermes, affolés et blessés, sèment alors la panique à l'intérieur du carré de sarisses. Les Romains vont alors poursuivre et massacrer les phalangites désorganisés. Antiochos, selon Appien, revient fièrement au centre, enthousiaste, mais y découvre la situation catastrophique de son aile gauche et de sa phalange.

Le combat sanglant se poursuit jusqu'aux portes du camp séleucide pillés par les hommes d’Eumène, ce que réprouve Tite-Live. Antiochos ne fuit le champ de bataille qu’après la prise du camp, et bien après la fuite de son fils Séleucos IV, qui commande l'aile gauche. Appien raconte que la tradition porte à 50 000 les pertes séleucides, incluant les prisonniers que Tite-Live estime à 15 000, que quelques éléphants furent tués et quinze capturés. Les chiffres des pertes romaines sont de 24 chevaliers tués au combat, 300 légionnaires, et Eumène perdit seulement 15 cavaliers. Cependant il est clair que ces chiffres, tellement disproportionnés, ne correspondent certainement pas à la réalité.

Conséquences politiques modifier

La défaite de Magnésie incita Antiochos à traiter. La paix fut signée à Sardes grâce à l'ambassade de Zeuxis auprès de Scipion l'Africain et de Scipion l'Asiatique en 189. Un deuxième traité, complétant le premier, fut signé en 188 av. J.-C. à Apamée. Le Séleucide s’engageait à renoncer à la Thrace et à évacuer l’Asie Mineure jusqu’au Taurus. De plus, il devait payer une indemnité de 15 000 talents et livrer vingt otages, dont Hannibal, qui s’était réfugié auprès du monarque séleucide après la deuxième guerre Punique. Enfin, le traité d’Apamée prévoyait une limitation des capacités militaires séleucides, aussi bien sur terre que sur mer, et le règlement des rapports entre Antiochos et les alliés de Rome (Pergame et Rhodes).

La conséquence principale de la paix d’Apamée fut le remaniement territorial en Orient. Toute l’Asie Mineure était évacuée par Antiochos. Rome n’annexait pas les territoires conquis mais les distribuait à ses alliés, Pergame et Rhodes en premier lieu. Le royaume d’Eumène, considérablement agrandi, devint une sorte d’État-tampon entre la Macédoine et le royaume séleucide.

Sources antiques modifier

Bibliographie modifier

  • G. Brizzi, Le guerrier de l'antiquité classique. De l'hoplite au légionnaire, Monaco, 2004.
  • P. Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Fribourg, 1985.
  • A. Goldsworthy, Les guerres romaines, London, 2000, traduit de l’anglais par M. Pécastaing-Boissière, Paris, 2001.
  • V.D Hanson, Les guerres grecques, traduit de l’anglais par L. Bury, Paris, 1999.
  • P. Lévêque, « La guerre à l'époque hellénistique », dans : Vernant, J.-C., Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris, rééd. 1999
  • J. Renggli, « La Bataille de Magnésie du Sipyle, 189 av. J.-C., La phalange macédonienne face à la légion romaine », dans P. Streit (dir.), Regard sur les armées allemandes, Pully, Centre d'Histoire et de Prospective Militaires, (ISBN 978-2-8280-0013-4)
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X).
  • (en) B. Bar-Kochva, The seleucid army, Cambridge, 1976.
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  • (en) John Graigner, The Roman War of Antiochus the Great, Brill, , 386 p..
  • (en) W. W. Tarn, Hellenistic military and naval developments, Cambridge, 1930.
  • (de) J. Kromayer, G. Veith, Schlachten-Atlas zur antiken Kriegsgeschichte, Leipzig, 1922.