Bataille de Dyrrachium (1018)

bataille en 1018
Bataille de Dyrrachium
Description de cette image, également commentée ci-après
Les Balkans en 925
Informations générales
Date Février 1018
Lieu Dyrrachium
Casus belli Rupture de la trêve entre le tsar Ivan Vladislav et l’empereur Basile II
Issue Victoire byzantine
Belligérants
Empire byzantin Premier Empire bulgare
Commandants
Nicetas Pegonites Ivan Vladislav
Forces en présence
Inconnu Inconnu
Pertes
Inconnu Inconnu

Notes

Fin du Premier Empire bulgare

Une des guerres byzantino-bulgares

Coordonnées 41° 19′ 32″ nord, 19° 27′ 16″ est

La bataille de Dyrrachium en février 1018, constitua la dernière étape de la conquête de la Bulgarie par l’Empire byzantin sous Basile II (r. 976-1025). Ce fut l’une des nombreuses guerres byzantino-bulgares. Commencée alors que Boris II (r. 969-977) était tsar de Bulgarie et Jean Tzimiskès (r. 969-976) empereur byzantin, elle se termina par la mort du tsar bulgare Ivan Vladislav (r. 1015-1018), la victoire totale de Basile II et par l’intégration du Premier Empire bulgare à l’Empire byzantin.

Contexte historique modifier

La bataille de Dyrrachium (aujourd’hui Durrës en Albanie) en 1018 et la prise de cette ville constituèrent la dernière phase d’un long conflit entre les empires byzantin et bulgare qui avait vu à maintes reprises passer cette ville, port important sur l’Adriatique, d’une domination à l’autre. Elle signifiait également la conquête définitive du premier Empire bulgare et son intégration à l’Empire byzantin. Cette conquête de la Bulgarie s’était faite en deux temps. Le premier, sous Jean Tzimiskès, avait vu en 971 le tsar Boris vaincu devenir un simple sujet du basileus, recevant de l’empereur byzantin le titre de magister et vivant en exil à Constantinople[1].

Les Bulgares s’étaient alors dotés d’un nouveau chef, Samuel (r. 997-1014), fils d’un comte bulgare du nom de Nicolas. Aidé de ses trois frères ainés, David, Moïse et Aaron, celui-ci avait entrepris la reconstitution d’un Empire de Bulgarie dont le centre était maintenant situé beaucoup plus à l’ouest que le précédent, dans la région d’Ochrid et de Prespa[2]. En 983, Samuel envahit la Thessalie jusqu’aux Thermopyles, puis la Grèce jusqu’à Corinthe avant d’occuper l’Albanie en 986. Après avoir défait l’empereur byzantin Basile II (r. 960-1025) à la bataille des Portes de Trajan (Trayanovi Vrata, près de Sofia) les Bulgares se dirigèrent vers Thessalonique, Édesse et la côte Adriatique. L’empire de Samuel touchait maintenant la mer Noire. Se tournant alors vers la Dalmatie, il occupa le port de Dyrrachium (aujourd’hui Durrës en Albanie) et le littoral de l’Albanie. Ayant ainsi reconstitué l’empire bulgare, Samuel se fit couronner empereur en 997[2],[3].

La contre-offensive de Basile II (1001-1018) modifier

 
L’Empire bulgare sous le règne de Samuel.

L’empereur byzantin Basile II ne pouvait rester sans réagir. À partir de 1000/1001, il lança une série d’offensives contre la Bulgarie; après avoir repris la Mésie, il s’empara de Vidin en 1003. L’année suivante, il infligea une cuisante défaite à Samuel lors de la bataille de Skopje. En 1005, Basile avait repris le contrôle de la Thessalie et du sud de la Macédoine[4].

Ces défaites successives minèrent la crédibilité de Samuel dans son propre empire, ce qu’encouragea l’empereur byzantin en se conciliant nombre de notables bulgares grâce à des titres accompagnés de revenus élevés. C’est ainsi que le gouverneur de Dyrrachium, Ashot Taronites, lui remit les clés de la ville contre la dignité de patrice[5] La perte de Dyrrachium sur la côte réduisait le contrôle de Samuel aux hautes terres de la Macédoine occidentale. S’en remettant à une défense passive, Samuel fortifia les cols et routes qui menaient aux territoires maintenant byzantins des vallées et côtes maritimes. De leur côté, les Byzantins modérèrent leurs offensives et aucun gain significatif ne fut réalisé en dépit d’une controffensive des Bulgares en 1009, laquelle résulta en leur défaite à la bataille de Kreta à l’est de Thessalonique[6].

Les combats reprirent en 1014, Basile II remportant un succès considérable à la bataille de la passe de Kleidion[2]. Cette bataille constitua le point culminant des hostilités entre les deux empires et se termina par une victoire décisive des Byzantins. Si le tsar bulgare réussit à s’enfuir à Prilep, nombre de soldats périrent et le reste, 14 000 aux dires des chroniqueurs de l’époque[N 1] furent aveuglés, sauf 1 sur 100 qui fut seulement éborgné pour conduire ses camarades sur le chemin du retour. Frappé d’une embolie, le tsar devait mourir le à la vue du spectacle pitoyable des débris de son armée[7],[8].

Son fils, Gabriel Radomir, lui succéda, mais fut assassiné l’année suivante par son cousin Ivan Vladislav, peut-être à l’instigation de Basile II[8],[7]. Le nouveau tsar bulgare négocia une paix fragile aux termes de laquelle il se soumettrait à l’autorité de Basile moyennant le retour de Dyrrachium à la Bulgarie [9]. Ni l’une ni l’autre partie ne respecta les termes de l’entente si bien que la guerre reprit dès 1015. Pendant qu’Ivan Vladislav partait attaquer Dyrrachium, Basile capturait la capitale de ce dernier, Ohrid, sans parvenir toutefois à s’emparer de la citadelle où se trouvait le palais royal.

Basile aurait voulu continuer vers l’ouest après avoir pris Ohrid pour rejoindre Dyrrachium. Toutefois près d’une localité du nom de Bitola son arrière-garde tomba dans une embuscade tendue par les Bulgares et fut détruite. Cette défaite força Basile à se retirer rapidement à Thessalonique[10],[11].

La guerre continua ainsi pendant deux ans sans victoire décisive d’un côté ou de l’autre. En 1017, Basile défit les Bulgares près de Setina (près d'Édesse), mais ne put poursuivre l’offensive et se retira à Constantinople[12]. Ivan Vladislav en profita pour lancer un nouvel assaut contre Dyrrachium que défendait le strategos Nicetas Pegonites. Au cours d’une sortie de la garnison byzantine, le tsar fut tué et son armée dut battre en retraite[9],[13].

Voyant que le tsar avait péri, la majorité des nobles bulgares se rendirent à Basile. La faible résistance qui subsistait fut rapidement supprimée[N 2] et la Bulgarie devint province byzantine[14],[15].

Les conséquences modifier

Fin de la menace bulgare modifier

Devenue partie intégrante de l’Empire byzantin, la Bulgarie fut divisée en thèmes : la région centrale devint le thème de Bulgarie avec comme capitale Skopje; celle du bas-Danube devint le thème de Paristrion (ou Paradounavon) avec comme capitale Silistrie. Le duché de Dyrrachium continua pour sa part à être le port stratégique de l’Empire byzantin sur l’Adriatique tout comme Thessalonique l’était sur l’Égée[16].

La religion étant autant que le politique susceptible d’être source de rébellion, Basile maintint l’indépendance de l’Église bulgare, mais son patriarche, ramené au rang de métropolite, sera dorénavant directement responsable devant lui et non devant le patriarche de Constantinople[17].

Pour s’attacher les grands commandants militaires, Basile leur concéda des titres élevés; ainsi Aâron, un des fils du dernier tsar Ivan Vladislav, passé au service des Byzantins deviendra duc du Vaspourakan avant d’être fait duc de Mésopotamie[18]. La noblesse civile pour sa part sera conciliée par des alliances matrimoniales avantageuses comme celle d’Isaac Comnène et de Catherine de Bulgarie[19].

Conséquences pour l’empire modifier

Depuis sa création, la Bulgarie avait toujours constitué un danger pour Constantinople qu’elle avait menacée à plusieurs reprises, tout en mobilisant de nombreuses troupes le long de la frontière. Le Danube redevenait ainsi la frontière de l’Empire byzantin pour la première fois en 400 ans[6]. S’étant ainsi assuré de la paix sur sa frontière nord[N 3], Basile put se tourner vers l’Asie mineure et la TranscaucasieGeorges Ier (r. 1014-1027), roi de Géorgie, avait repris possession des territoires que son père Bagrat III (r. 1010-1014) avait cédés à l’Empire byzantin avec la région de Basian (entre la haute vallée de l'Araxe et le bras oriental de l'Euphrate)[20].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Kekaumenos donne le chiffre de 14 000, Scylitzes-Cedrenus 15 000, chiffres concordant par leur ampleur mais probablement très nettement exagérés.
  2. La région de Sirmium résista plus longtemps que les autres, mais dut se rendre en 1019 (Runciman (1930) p. 252
  3. Celle-ci sera toutefois rapidement troublée par l’apparition de nouveaux envahisseurs, les Petchénègues.

Références modifier

  1. Cheynet (2007) p. 455; Ostrogorsky (1983) p. 325
  2. a b et c Cheynet (2007) p. 456
  3. Ostrogorski (1983) p. 325-327
  4. Ostrogorsky (1983) pp. 334-335
  5. Fine (1991) p. 197.
  6. a et b Holmes (2003) « Basil II »
  7. a et b Ostrogorsky (1983) p. 336
  8. a et b Fine (1991) p. 198
  9. a et b Stephenson (2000) p. 74
  10. Runciman (1930) pp. 245-246
  11. Treadgold (1997) p. 527
  12. Runciman (1930) p. 247-248
  13. Runciman (1930) p. 248
  14. Runciman (1930) p. 248-251
  15. Treadgold (1997) pp. 527-528
  16. Ostrogorsky (1983) pp. 337-338
  17. Ostrogrosky (1983) p. 337
  18. Kazhdan (1991), vol. I, pp. 1-2
  19. Cheynet (2007), p. 457
  20. Ostrogorsky (1983) p. 339

Bibliographie modifier

Source première modifier

  • Jean Skylitzès. Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet. Paris, éditions P. Lethilleux, 2003 (ISBN 2283604591)

Sources secondaires modifier

  • Bréhier, Louis. Vie et Mort de Byzance, Albin Michel, mai 2006, 632 p. (ISBN 2-226-17102-9)
  • Cheynet, Jean-Claude (dir.). Le Monde byzantin, II, L’Empire byzantin (641-1204). Paris, Presses universitaires de France, 1997 (ISBN 978-2-130-52007-8)
  • (en) Crampton, R.J. A Concise History of Bulgaria. Cambridge, Cambridge University Press, 2005 [1997] (ISBN 978-0-521-61637-9)
  • (en) Fine, John V. A. Jr. The Early Medieval Balkans: A Critical Survey from the Sixth to the Late Twelfth Century. Ann Arbor: University of Michigan Press, 1991 [1983] (ISBN 0-472-08149-7)
  • (en) Haldon, John. The Byzantine Wars. Brimscombe Port, The History Press, 2012 [2008] (ISBN 978-0-7524-4565-6)
  • (en) Kazhdan, Alexander (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, 1991, 1re éd., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6)
  • Norwich, John Julius (trad. Dominique Peters), Histoire de Byzance (330-1453), Paris, Librairie académique Perrin, 1998 (1re éd. 1999) (ISBN 2-262-01333-0)
  • (en) Runciman, Steven. A history of the First Bulgarian Empire, G. Bell & Sons, Londres, 1930
  • Settipani, Christian. Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, de Boccard, 2006, 634 p. (ISBN 978-2-7018-0226-8)
  • (en) Stephenson, Paul. Byzantium's Balkan Frontier: A Political Study of the Northern Balkans, 900-1204, Cambridge University Press, 2000 (ISBN 0-521-77017-3)
  • (en) Treadgold, Warren T. A History of the Byzantine State and Society, Stanford University Press, 1997 (ISBN 0-8047-2630-2)

Voir aussi modifier

Liens internes modifier

Liens externes modifier