Bab-el-Mandeb
Le Bab-el-Mandeb (de l'arabe باب المندب, littéralement la « porte des lamentations ») est le détroit séparant Djibouti et l'Erythrée, en Afrique, du Yémen, sur la péninsule Arabique, et qui relie la mer Rouge au golfe d'Aden, dans l'océan Indien.
Bab-el-Mandeb | |
Vue satellite du détroit de Bab el Mandeb. | |
Géographie humaine | |
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Pays côtiers | Yémen Djibouti Érythrée |
Géographie physique | |
Type | Détroit |
Localisation | Mer Rouge et golfe d'Aden (océan Indien) |
Coordonnées | 12° 41′ 09″ nord, 43° 19′ 02″ est |
Longueur | 103 km |
Largeur | |
· Minimale | 27 km |
Profondeur | |
· Maximale | 310 m |
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C'est à la fois un emplacement stratégique important et l'un des couloirs de navigation les plus fréquentés au monde empruntant la mer Rouge et le canal de Suez ; il concentrait, en 2023, 12 % du trafic maritime mondial, dont 75 % des exportations européennes[1]. Pour le commerce entre l'Europe du Nord et l'Asie, l'alternative passe par le cap de Bonne-Espérance, soit un détour de 6 500 km[2].
Un corridor stratégique
modifierEn 1799, les Britanniques s'emparent de l'île de Périm qui se dresse dans le détroit, pour en faire un avant-poste militaire de l'Empire des Indes. En 1857, alors que la France et l'Egypte entreprennent le percement du canal de Suez, ils revendiquent leurs droits sur Périm. En 1861, ils construisent un phare à Straits Point, à l'extrémité orientale de l'île[3].
Route commerciale
modifierBab el-Mandeb acquiert une position stratégique exceptionnelle à partir de 1869, grâce à l'ouverture du canal de Suez qui raccourcit le voyage entre l'Europe et les rivages de l'océan Indien.
Le Royaume-Uni et la France ont longtemps maîtrisé le trafic maritime, les Britanniques maintenant leur présence au Yémen jusqu'en 1967 et les Français contrôlant Djibouti jusqu'en 1977.
Plus récemment, le détroit a retrouvé un regain d'intérêt quand les Américains ouvrirent une base militaire à Djibouti en 2002, près des installations militaires françaises non loin de l'aéroport international d'Ambouli et dans le cadre de la lutte contre la piraterie autour de la Corne de l'Afrique.
Un projet de pont reliant Djibouti au Yémen a été envisagé en 2005-2007, porté par la compagnie Al Noor City Development Corporation. Passant par l'île Périm, cet ouvrage hypothétique pourrait être le plus long pont suspendu au monde. La guerre civile au Yémen a suspendu le projet de pont suspendu…
En 2017, et à la suite d'un accord passé en 2015, la république populaire de Chine (RPC) installe également à Djibouti une base militaire (Base chinoise de Doraleh), sa première à l'extérieur de ses frontières[4]. Le gouvernement chinois y voit là un intérêt économique majeur, mais aussi stratégique : il s'agit officiellement d'une base visant à soutenir les opérations navales chinoises dans l’océan Indien et, plus largement, au Moyen-Orient, ainsi que les missions de maintien de la paix des Nations unies[5]. De manière plus symbolique, cette première base militaire chinoise à l'étranger souligne la volonté d'implication de la Chine dans les affaires du monde. Enfin, l'accès au golfe d'Aden et à l'océan Indien offre un accès sur des territoires disputés entre l'Inde et la république populaire de Chine.
2023-2024 : Crise de la Mer Rouge
modifierÀ partir de novembre 2023[6], en réponse à la guerre d'Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza, les rebelles yéménites houthis lancent des attaques militaires contre les navires transitant par Bab-el-Mandeb. En trois mois, une quarantaine de bateaux sont visés[6]. Un roulier polonais, le Galaxy Leader est détourné en novembre. Le 2 mars, le Rubymar coule, menaçant de polluer le littoral corallien[7]. Le 6 mars 2024, les missiles houthis tuent trois marins du True Confidence[8].
Le trafic maritime chute de 42 % en deux mois[9], se détournant vers le Cap de Bonne Espérance, ce qui renchérit les coûts de 35 %[6]. Pour protéger les navires, une coalition autour des États-Unis lance, en décembre, l'opération militaire Gardien de la prospérité[10] ; en février 2024, l'Union européenne décide de sa propre opération militaire défensive, l'opération Aspide[11].
Télécommunications
modifierA partir de 1986 avec la mise en service du premier câble sous-marin SEA-ME-WE[12], le détroit est aussi devenu un carrefour des télécommunications mondiales.
En 2023, on dénombre une quinzaine de câbles comme Europe India Gateway, SEA-ME-WE 3, SEA-ME-WE 4, SEA-ME-WE 5, EASSy, SEACOM, Africa Asia Europe 1, TGN,…
Lors de la crise de la Mer Rouge, à partir de novembre 2023, des attaques houthies visent aussi les câbles sous-marins[13]. En mars 2024, lors de son naufrage, l'ancre du Rubymar est également suspectée d'avoir endommagé quatre câbles de télécommunication, fragilisant les télécommunications[14],[15].
Étymologie
modifierLe nom de Bab-el-Mandeb proviendrait, selon une légende arabe, des lamentations de ceux qui furent noyés par le tremblement de terre qui sépara l'Asie de l'Afrique.
Selon une autre, son nom signalerait les dangers relatifs à sa navigation : il existe en effet un courant de surface de l'Océan Indien vers la mer Rouge dans le canal oriental et un fort courant en sens inverse - Mer Rouge → Océan Indien - dans le canal occidental. Les navigateurs empruntant le mauvais chenal se lamenteraient de la difficulté de naviguer à contre-courant.
Géographie
modifierLe détroit est long d'environ 103 km. L'entrée méridionale du détroit se situe entre la lagune de Kadda Godorya (rive sud-ouest, Djibouti) et le ra's al'Arah (rive nord-est, Yémen). La sortie nord se trouve entre le ras Mukwar YeMidir Zerf Ch'af (rive sud-ouest, Érythrée) et Wahijah (rive nord-est, Yémen).
Sa largeur minimale est d'environ 27 km, entre le ras Menheli, sur la côte yéménite, et le ras Siyyan, à Djibouti, ces deux derniers caps marquant la limite entre la mer Rouge et le golfe d'Aden. À cet endroit, le détroit se resserre et se retrouve divisé en deux canaux par l'île volcanique de Périm (ou jazirat Mayyun) : le canal oriental, connu sous le nom de Bab Iskender (« le canal d'Alexandre ») mesure 3,15 km de large pour une profondeur maximale de 30 m, tandis que le canal occidental, ou Dact el Mayyun, est large de 20,9 km et profond de 310 m. À la sortie du canal occidental, dans le golfe d'Aden, se trouvent les six îles de l'archipel des Sept Frères.
Articles connexes
modifier- Canal de Suez
- Crise de la Mer Rouge (2023-2024)
- Périm
Notes et références
modifierNotes
modifierRéférences
modifier- « La mer Rouge sous le feu des houthistes, en cartes », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Houthis : quelle est l'importance stratégique du détroit de Mandeb, zone touchée par les attaques en mer Rouge ? », sur BBC News Afrique, (consulté le )
- (en) « Encyclopædia Britannica, Ninth Edition/Bab-el-Mandeb - Wikisource, the free online library », sur en.wikisource.org (consulté le )
- « «Hard-power» : la Chine déploie à Djibouti sa première base militaire à l’étranger », La Tribune, (lire en ligne, consulté le ).
- « La Chine a inauguré, à Djibouti, sa première base navale à l’étranger », sur Zone Militaire (consulté le ).
- (en) Al Jazeera, « Mapping the Red Sea attacks by Yemen's Houthis », sur interactive.aljazeera.com (consulté le )
- « Le vraquier Rubymar, premier navire coulé par les Houthis | Mer et Marine », sur www.meretmarine.com, (consulté le )
- « Attaque d’un vraquier américain, première frappe meurtrière pour les houthistes en mer Rouge », sur Le Marin, (consulté le )
- (en) « Red Sea, Black Sea and Panama Canal: UNCTAD raises alarm on global trade disruptions | UNCTAD », sur unctad.org, (consulté le )
- « Coalition anti-houthistes : les Etats-Unis en manque de renforts en mer Rouge », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Vincent Tupinier, « L'Union européenne lance l'opération "Aspides" contre les attaques houthistes », sur Touteleurope.eu, (consulté le )
- Fouchard Gérard, « Les télécommunications entre l’Europe et l’Orient de 1860 à 2005, Actes du 130e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, La Rochelle, 2005 », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, Paris, Editions du CTHS, nos 130-12, , p. 107-126. (lire en ligne)
- (de) « Unterseekabel im Roten Meer gekappt – steckt die Huthi-Miliz dahinter? », Der Spiegel, (ISSN 2195-1349, lire en ligne, consulté le )
- (en) Zachary Folk, « Four Fiber Optic Cables Damaged In Red Sea: Here’s What We Know », sur Forbes (consulté le )
- « Le conflit en mer Rouge place le secteur des câbles sous-marins sur le qui-vive », sur Les Echos, (consulté le )