Le BS-64 Podmoskovye (Подмосковье, littéralement « près de Moscou » - c'est-à-dire oblast de Moscou) est un croiseur sous-marin nucléaire opérationnel de classe Delta IV (désignation OTAN) issu du projet 667BDRM, réaménagé de façon à pouvoir servir de vaisseau mère pour l'accueil et l'acheminement de petits sous-marins destinés la réalisation d'actions particulières par grandes profondeurs dans le cadre de missions spéciales à visées stratégiques.

BS-64 Podmoskovye (K-64 avant 2002)
illustration de BS-64 Podmoskovye

Type Sous-marin nucléaire lanceur d'engins
Classe Delta IV (code OTAN)
Fonction militaire à caractère stratégique (SNLE jusqu'en 1999, puis vaisseau mère pour petits sous-marins à partir de 2015)
Histoire
Constructeur Sevmash
Chantier naval Severodvinsk
Lancement 2 février 1986, puis le 12 août 2015
Équipage
Commandant Чернавин Н[1].
Équipage estimé à 120 à 130 sous-mariniers
Caractéristiques techniques
Longueur ~ 174 m
Maître-bau ~ 11,7 m
Déplacement 11 700 t en surface

18 200 t en immersion

Propulsion nucléaire (2 réacteurs à eau sous pression VK-SG)
Vitesse 14 noeuds (26 km/h) (en surface) 24 noeuds (24 km/h) (en immersion)
Profondeur 320 m à 400 m en immersion de travail, 550 m à 650 m en immersion maximale
Caractéristiques militaires
Armement 4 tubes lance-torpilles de 533 mm (21")
Rayon d'action supposé illimité, mais dépendant de l'autonomie alimentaire à bord (~90 jours)
Carrière
Pavillon Drapeau de la Russie Russie

Ces missions peuvent être destinées pour la recherche océanographique, les actions de sauvetage, la collecte d'informations, et la mise en place ou le retrait d'infrastructures sous-marines[2],[3].

Ces types d'actions sont menées par les spécialistes des plongées en eaux profondes du GUGI (ГУГИ en russe, pour direction principale de la recherche en haute mer du ministère de la Défense de la fédération de Russie (ru))[4] de la 29ème Brigade autonome des sous-marins de la flotte du Nord, stationnée en baie d'Olenia dans la base navale de Gadjievo, dépendant directement du ministère de la Défense russe et non de la flotte maritime militaire de Russie.

En opérations, le BS-64 reste sur zone afin de sécuriser l'environnement d'intervention, ce après y avoir convoyé les sous-marins spéciaux qui lui sont rattachés. En fin de mission, le ou les sous-marins spécialisés se rattachent à leur vaisseau-mère, qui peut alors rejoindre sa base[2].

Historique et événements connus modifier

Depuis son acceptation au titre de force opérationnelle le 24 février 1987 jusqu'au moment de son retrait du service actif en 1999, le matricule de ce sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) était le K-64 lié au projet 667BDRM Dolphin (« Дельфин »), de la classe Delta IV selon le code OTAN et troisième élément d'une série de sept SNLE de ce type[5].

En cette période de prè millénaire, il est prévu qu'un réaménagement complet de ce sous-marin permettra de le destiner à de nouvelles missions spéciales. Cependant, des aléas financiers rencontrés par la Russie vont freiner ce projet 09787 jusqu'à sa remise à l'eau le 11 août 2015[1],[6].

En 2019, des photographies permettent d'identifier le BS-64 équipé sur son pont d'un berceau de réception pouvant correspondre à l'accueil du petit sous-marin de sauvetage en haute mer Pr.18270 Bester (DSRV)[7] pouvant recevoir trois passagers et agir jusqu'à 720-800 mètres de profondeur[8], ou encore du véhicule sous-marin autonome de plongée profonde Klavesin-29-2M[9].

Il est alors également estimé que le BS-64 peut être apte à jouer le rôle de vaisseau-mère afin d'accueillir le sous-marin Losharik[10].

Le 1er , un incendie se déclare à bord du sous-marin AS-31 Losharik[11] (projet 10831) destiné aux opérations spéciales. Cet accident cause la mort de quatorze sous-mariniers spécialisés du GUGI. Dans un article, H.I. Sutton soupçonne que le Locharik se trouvait alors en exercice d'arrimmage avec son vaisseau-mère, le BS-64 Podmoskovye, au moment de cet accident. Toujours selon cet article, la décision prise par les marins à bord du Locharik de conserver fermé l'accès au sous-marin Podmoskovye aurait seule permise d'épargner des dommages à ce dernier[12].

le 26 mars 2021, lors de l'expédition Umka-21 dans le bassin arctique, trois sous-marins à propulsion nucléaire (dont BS-64 Podmoskovye accompagné des K-549 et K-114.) ont fait surface simultanément dans une épaisseur de un mètre et demi de glace dans un rayon de 300 mètres. Ce type d'essai est le premier réalisé par la marine russe.

Ces trois sous-marins - des projets 667BDRM, 09787 et 09552 - ont mené l'opération sous des températures moyennes situées entre moins 25 à moins 30 degrés Celsius et des rafales de vent de 32 mètres par seconde[1].

Construction modifier

Ce sous-marin a profité de deux périodes distinctes dans sa construction, une période initiale de quatre ans, et une seconde d'une bonne quinzaine d'années.

Les principales étapes de la période initiale de construction du SNLE courent de 1982 à 1986[1] :

  • Le 18 décembre 1982, la construction démarre dans les ateliers de la Sevmash à Severodvinsk sous le nom de RPKSN.
  • Le 3 mars 1984, le sous-marin est enregistré dans les listes des navires de la Marine soviétique en tant que SNLE.
  • Le bâtiment est lancé le 2 février 1986 et il rejoint officiellement son port d'attache le 23 décembre 1986 en baie d'Olenia dans l'oblast de Mourmansk.

Les principales étapes de la seconde période de construction (remodelage du bâtiment) du BS-64, afin de pouvoir le destiner aux opérations spéciales en eaux profondes, couvrent les années de 1999 à 2015[1] :

  • Au cours de l'année 1999, le sous-marin K-64 est rebaptisé BS-64. Il est placé en réserve de 2ème catégorie et retourne dans les ateliers de Severodvinsk pour une réhabilitation en tant que navire à usage spécial (projet 09787).
  • En 2002, il est prévu que la nouvelle partie centrale contenant les équipements de recherche, les cabines et logements pour l'équipage et les spécialistes, devait provenir du sous-marin BS-411 Orenburg - faisant déjà partie de ces sous-marins remodelés pour des opérations spéciales et remis en service opérationnel en 1999 - que le BS-64 est destiné à remplacer[5]. Cependant, cet assemblage est reporté faute de fonds. Alors que les baies de missiles sont découpées et otées, le BS-64 se retrouve rattaché à la 339ème brigade de la base navale de Belomorsk.
  • Le 8 février 2008, le contrat est relancé avec un échéance de chantier prévue pour décembre 2013. Mais un nouvel échéancier intervient dès le 13 décembre 2008, portant la finalisation du nouveau sous-marin à décembre 2015[6]. Cette même année, le BS-64 reçoit son nom officiel : Podmoskovye.
  • En 2012, les travaux de remodelage reprennent. La section centrale qui contenait les silos des seize missiles balistiques de type R-29RMU Sineva (SS-N-23A SKIFF) est intégralement réaménagée, de façon à recevoir les installations nécessaires aux nouvelles missions[2]. A cette occasion, un insert de coque de diamètre identique au bâtiment est installé, ce qui ajoutera environ 7 mètres à la longueur totale (174 mètres contre 167 mètres auparavant)[2].
  • Le 12 août 2015, les travaux sont finalisés et actés par une cérémonie officielle.
  • Le programme des essais en mer démarre le 22 octobre 2016, en mer Blanche[1]. Après certaines réparations et la validation des essais, le BS-64 est transféré au ministère de la Défense russe le 26 décembre 2016 afin d'être intégré au sein de la 29ème Brigade autonome des sous-marins de la flotte du Nord[10].

H.I. Sutton précise par ailleurs que le BS-64 est toujours équipé à l'avant de ses anciens tubes lance-torpilles, ce qui lui permet d'exercer un rôle de sous-marin d'attaque lors de l'accompagnement des missions spéciales en eaux profondes[3].

Caractéristiques modifier

Les caractéristiques opérationnelles précises du BS-64 Podmoskovye sont classifiées et donc officiellement inconnues à ce jour.

Celles présentées ci-dessous sont donc provisoires et sujettes à rectifications.

En termes de taille, le BS-64 Podmoskovye - construit sur une base très modifiée de sous-marin SNLE de la classe Delta IV - est plus long d'environ sept mètres que le sous-marin K-64 dont il est issu[2].

Déplacement : plus de 11 700 tonnes de surface, 18 200 tonnes immergées

Longueur : ~ 174 mètres[6]

Largeur : ~ 11,7 mètres

Vitesse : < 14 nœuds en surface et 24 nœuds en immersion

Rayon d'action : illimité

Autonomie : environ 3 mois (une limitation imposée par la quantité de denrées alimentaires embarquées)

Immersion opérationnelle / maximale : estimée à 320-400 mètres Delta IV

Propulsion : nucléaire (2 réacteurs à eau sous pression VK-SG).

Équipage : estimé à 120 à 130 sous-mariniers.

Armement : 4 tubes lance-torpilles 533 mm (21") destinés à des vecteurs à charge conventionnelle ou non conventionelle de type Viyuga

Parmi les modifications importantes apportées à ce bâtiment, le compartiment des tubes dédiés au lancement de missiles de croisière a été supprimé afin de faire place à un réceptacle capable d'accueillir mini-sous-marins et drones sous-marins (UUV - Unmanned Underwater Vehicle) dédiés aux opérations spéciales tels que l'AS-12 Losharik (projet 10831) ou les AS-21, AS-23 et AS-35 Paltus (projet 1851)[13],[14].

Une polyvalence au service de missions spéciales et opérations de renseignement modifier

La destination du BS-64 Podmoskovye aux opérations spéciales font que ses capacités ont été adaptées à de nombreux types de missions à visées stratégiques. Ce bâtiment est conçu pour l'adaptabilité, la capacité à employer différents types de matériels adéquats avec de multiples types d'objectifs assignés (recherches océanographiques et renseignement, secours ou actions d'installation et de désinstallation en eaux profondes, récupération d'objets par très hauts fonds, opérations clandestines délicates, défense de zone sur théatre d'opération spéciale en eaux profondes)[3].

Parmi ces visées à caractère stratégique, les volontés d'implantations et d'exploitations du plateau arctique font partie des objectifs géostratégiques primordiaux de la Russie dans un court à moyen terme[15], ce pour des enjeux énergétiques, prospections diverses, ou encore de contrôle des flux maritimes appelés à se recomposer[16] avec la fonte des glaces arctiques. Le BS-64 Podmoskovye apparaît ainsi tout désigné pour servir le gouvernement russe dans l'affirmation de ses prétentions sur l'espace marin arctique ou autres par des actions de renseignement, voire d'actions discrètes et/ou destructrices en eaux profondes. Il sera d'ailleurs épaulé en ce sens, ce début 2022, avec la validation opérationnelle du k-329 Belgorod au sein de la 29ème Brigade autonome des sous-marins de la flotte du Nord.

Une illustration peut en être établie au travers d'un nouveau projet de modernisation et de déploiement d'un réseau de stations d'écoute sonar, positionné sur le fond sous-marin arctique (nom de code Harmony : Гармония en russe). Pour alimenter l'ensemble de ces infrastructure, il est prévu lors de leur déploiement sur les plateaux continentaux en eaux profondes, un réseau de centrales nucléaires miniaturisées de nouvelle génération[17].

Une autre illustration peut être relevée, au travers des différentes inquiétudes apparues au sein de membres haut gradés du Pentagone comme l'état-major de l'Otan entre fin 2015 et fin 2017, concernant les visées russes vis-à-vis des câbles de télécommunication sous-marins[18]. Effectivement, une guerre non conventionnelle (pouvant s'exprimer au travers de collectes de renseignements ou d'opérations discrètes de sabotage) pouvant être envisagée sur ces infrastructures très faiblement protégées[19],[20] dans un cadre de tensions exacerbées voire de conflit ouvert. Un vecteur tel que le sous-marin BS-64 Podmoskovye ferait partie des moyens matériels primordiaux si de telles opérations non conventionnelles[21],[22] venaient à être validées au plus haut sommet de l'État russe[23],[24].

Notes et références modifier

  1. a b c d e et f (ru) Nikolaev A.S., « K-64, BS-64 : projet 667BDRM, 09787 », sur www.deepstorm.ru, (consulté le ).
  2. a b c d et e (ru) H I Sutton, « BS-64 Podmoskovye - New Russian Special Mission spy-sub », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  3. a b et c (en) H I Sutton, « Russia's Unusual Mother Submarine For Spy Missions On The Sea Floor », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  4. Khan, « Les troupes des abysses », sur www.rusnavyintelligence.com, (consulté le ).
  5. a et b (ru) Alexandre Emelianenkov, « Il pourra agir à plus grandes profondeurs », sur www.rg.ru, (consulté le ).
  6. a b et c (en) Dimmi, « Projet 09787 - Remodélisation d'un Delta IV », sur www.militaryrussia.ru, (consulté le ).
  7. (en) H I Sutton, « Russian Special Mission submarine BS-64 carries payloads on back », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  8. (en) Rosoboronexport-Рособоронэкспорт, « Bester - Project 18270 deep-sea manned rescue craft », sur www.roe.ru (consulté le ).
  9. (ru) Nikolaï Grichchenko, « Une photo du sous-marin nucléaire secret Podmoskovye avec un équipement inconnu », sur www.rg.ru, (consulté le ).
  10. a et b (ru) Inconnu, « Le sous-marin nucléaire "Podmoskovye" est transféré à la marine russe », sur www.deepstorm.ru, (consulté le ).
  11. (en) Thomas Nilsen, « Top secret nuclear sub used to prove North Pole claim », sur www.barentsobserver.com, (consulté le ).
  12. (en) H I Sutton, « Spy Submarine: Russia's AS-31 Losharik », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  13. (ru) Dimmi, « Sous-marins et véhicules spéciaux russes- projet 1851 », sur www.militaryrussia.ru, (consulté le ).
  14. (ru) inconnu, « Clavecin-2R-PM - Véhicule sous-marin autonome sans pilote », sur www.dfnc.ru, (consulté le ).
  15. Marlène Laruelle, « La politique arctique de la Russie », sur www.ifri.org, (consulté le ).
  16. Inconnu, « Le détroit de Béring, porte orientale de l'Arctique », sur www.cesm.marine.defense.gouv.fr, (consulté le ).
  17. (en) H I Sutton, « Spy Subs -Project 09852 Belgorod », sur www.hisutton.com, (consulté le ).
  18. Patrick Bèle, « Les câbles sous-marins, objets de toute l'attention de l'armée russe », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  19. Laurent Lagneau, « La vulnérabilité des câbles sous-marins de communication est un enjeu de sécurité majeur », sur opex360.com, (consulté le ).
  20. Aurore Lartigue, « Un océan de câbles, Menaces sous les mers, panique dans le cyberespace », sur webdoc.rfi.fr, (consulté le ).
  21. (en) H I Sutton, « How Russian Spy Submarines Can Interfere With Undersea Internet Cables », sur www.forbes.com, (consulté le ).
  22. (en) Dominic Nicholls, « Defence review to prioritise protecting undersea cables from Russian spy submarines », sur www.telegraph.co.uk, (consulté le ).
  23. (en) Eric Holdeman, « Cyber War: Mutually Assured Disruption (MAD) », sur www.govtech.com, (consulté le ).
  24. (en) Ricardo Arroyo, « Mutually Assured Destruction, in Cyberspace? », sur www.secplicity.org, (consulté le ).

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) H. Sutton , Covert Shores: The Story of Naval Special Forces Missions and Minisubs, Caroline du Sud, CreateSpace Independent Publishing Platform, 5 mai 2016, 276 p. (ISBN 978-1533114877)
  • (fr) Numéro coordonné par Pierre Rimbert , La mer, histoire, enjeux, menaces, France, Manière de voir, 1 août 2021, 100 p. numéro 178

Lien externe modifier