Affaire French Bukkake

affaire judiciaire française

Affaire French Bukkake
Chefs d'accusation Traite d'êtres humains aggravée, viols en réunion
Pays Drapeau de la France France
Ville Paris
Jugement
Statut Instruction en cours

L'affaire French Bukkake démarre en octobre 2020 à Paris avec une série de mises en examen pour viol, proxénétisme et traite d’être humain, et concerne le site internet French Bukkake, détenu par Pascal Ollitrault (dit Pascal OP), qui diffuse des vidéos pornographiques d’une extrême violence. Le scandale éclate peu après celui des vidéos prétendument amateures du site Jacquie et Michel, aussi impliqué dans cette affaire.

Contexte modifier

Selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes[1], ces affaires judiciaires font exception, et l’industrie pornographique profite d'une large impunité pour banaliser des « atteintes graves à la dignité humaine »[2].

Un rapport d'information de la délégation aux droits des femmes au Sénat, publié le 27 septembre 2022, « Porno : l'enfer du décor - Rapport » qui évoque entre autres les affaires French Bukkake et Jacquie et Michel tire des conclusions similaires[3].

Affaire judiciaire modifier

L'enquête révèle que Julien D., qui se présentait sous le nom d’Axelle Vercoutre, appâtait de jeunes femmes sur les réseaux sociaux avec des promesses de larges rémunérations, pour leur faire tourner des vidéos pornographiques ; mais les très nombreuses victimes expliquent avoir été violées devant la caméra pour le tournage, sous la menace, de scènes très dégradantes, en particulier des scènes de bukkake montrant des dizaines d’hommes éjaculer sur la même femme[4],[5].

Mat Hadix, qui travaillait aussi pour la plate-forme de vidéos du producteur Marc Dorcel et pour le site Jacquie et Michel, fournissait le matériel technique et les appartements pour les tournages[5]. Un intermédiaire recrutait les acteurs masculins amateurs[6],[7].

Les femmes étaient aussi escroquées lorsqu'elle demandaient la suppression de la vidéo en ligne[6],[8]. Les victimes témoignent de grandes difficultés psychologiques à la suite de ces tournages. Certaines tentent des démarches judiciaires dès 2017, mais la police ne réagit pas : les alertes à Toulouse, Brignoles, Les Andelys, et Reims (où réside Julien D.) sont toutes ignorées, jusqu'à l'enquête de gendarmerie de la section de recherches de Paris qui débute en mars 2020[9], et inclut une première vague d’arrestations et de perquisitions en octobre de cette année-là[10],[11],[12],[7].

Pascal Ollitrault et ses associés utilisent la même défense : selon eux, les femmes étaient consentantes[5]. Selon les enquêteurs au contraire, les protagonistes étaient conscients de la violence qu’ils exerçaient, et le parquet demande dans son réquisitoire en juillet 2023 le renvoi de dix-sept personnes (producteurs, réalisateurs ou acteurs) devant la cour criminelle pour des faits de viol (commis souvent en réunion), traite d’êtres humains, proxénétisme aggravé, et travail dissimulé[13],[14],[15]. Certains avocats des victimes font appel de cette ordonnance pour faire valoir des circonstances aggravantes (sexisme, racisme, actes de torture et de barbarie) et obtenir que le procès ait lieu en cour d’assises[13],[16].

Le , la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris renvoie le dossier à l’instruction. Elle ordonne « un supplément d'information pour mise en examen supplétive du chef de viol en réunion d'une personne déjà mise en examen pour d'autres viols ». Cette décision doit intervenir « avant le 14 avril 2024, date à laquelle la chambre de l'instruction statuera sur le fond »[17].

Dans une série d'articles parus dans Médiapart[18] , le journaliste Robin d'Angelo montre que "de nombreux acteurs et producteurs auraient participé, ou couvert, les violences des deux principaux accusés"[19] et cible en particulier les diffuseurs Marc Dorcel et Jacquie et Michel[20],[21],dont le dirigeant Michel Piron a été mis en examen pour complicité de viol et traite d’être humain en bande organisée en juin 2022, dans une affaire distincte[22].

Débats juridiques et sémantiques modifier

En droit français la pornographie n’est réprimée que si elle concerne les mineurs, et le proxénétisme n'est pas défini en lien avec l'activité pornographique mais avec celle de prostitution, laquelle n'est pas explicitement définie[23]. Pour qualifier les délits, les magistrats devront donc s'appuyer sur une jurisprudence complexe, en particulier il n'est pas sûr que la pornographie puisse être considérée comme une activité prostitutionnelle[23].

Documents modifier

Références modifier

  1. Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes 2023.
  2. « Pornographie : le rapport qui alerte sur la banalisation des « atteintes graves à la dignité humaine » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Porno : l'enfer du décor - Rapport », sur Sénat, (consulté le )
  4. Ronan Folgoas, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê, « «Tu seras moins naïve la prochaine fois» : les dessous sordides de l’enquête sur le roi du porno amateur », sur Le Parisien, (consulté le )
  5. a b et c Nicolas Chapuis, Lorraine de Foucher et Samuel Laurent, « Dans le porno français, une mécanique des larmes et de la violence », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Samuel Laurent, Lorraine de Foucher et Nicolas Chapuis, « Pratiques dégradantes et arnaques en série : les supplices de l’internationale du porno », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Nicolas Chapuis, Lorraine de Foucher et Samuel Laurent, « « Tout le monde m’a renvoyée à l’idée qu’on ne violait pas une actrice porno » : la lanceuse d’alerte et les ratés judiciaires », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Nicolas Chapuis, Lorraine de Foucher et Samuel Laurent, « Violences sexuelles dans le porno : « French Bukkake », une filière de traite des femmes », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Ronan Folgoas, Vincent Gautronnean et Jérémie Pham-Lê, « «Tu seras moins naïve la prochaine fois» : les dessous sordides de l’enquête sur le roi du porno amateur », sur Le Parisien, (consulté le )
  10. AFP, « Pornographie : quatre mises en examen à Paris pour «viol, proxénétisme et traite d’être humain» », sur Le Parisien, (consulté le )
  11. Robin d’Angelo, « Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno », sur Mediapart, (consulté le )
  12. Vincent Vantighem, « Le producteur X « Mat Hadix » placé en détention provisoire pour « viols » », sur 20 Minutes (France), (consulté le )
  13. a et b Lorraine de Foucher, « Affaire « French Bukkake » : procès requis pour « viols », « proxénétisme » et « traite d’êtres humains » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. AFP, « « French Bukkake » : 17 hommes seront jugés pour violences sexuelles », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. Lorraine de Foucher, « « Une pratique systémique » : 17 hommes renvoyés devant la cour criminelle dans l’affaire French Bukkake », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « Pornographie : les blessures à vie des victimes de l’affaire French Bukkake », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « Affaire «French Bukkake» : la justice durcit le ton contre l’un des 17 hommes accusés de viols et traite d'êtres humains », sur Le Figaro, (consulté le )
  18. « Robin D'Angelo : biographie et publications », sur Mediapart, (consulté le )
  19. Robin D'Angelo, « Enquête « French Bukkake » : pourquoi le porno français est complice », sur Mediapart (consulté le )
  20. Robin D'Angelo, « Les confessions de l’ancien numéro deux de Jacquie & Michel », sur Mediapart, (consulté le )
  21. Robin D'Angelo, « Violences dans le porno : les messages qui accusent le patron de Jacquie & Michel », sur Mediapart, (consulté le )
  22. « Le propriétaire du site pornographique Jacquie et Michel mis en examen », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. a et b « La pornographie peut-elle être assimilée à du proxénétisme ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes modifier