L'Île Jacquet est une île fantôme située dans l'Atlantique nord. Elle a été signalée pour la première fois en 1728, avec quelques autres témoignages jusqu'en 1838. Son existence a présenté un regain d'intérêt au moment de la conception des premiers câbles télégraphiques transatlantiques car elle aurait pu faciliter son installation, mais les missions de repérages ont définitivement conclu à son inexistence.

Histoire modifier

Banc Jacquet modifier

Bien avant le premier signalement de l'île Jaquet, le banc Jacquet était le nom d'un des grands Bancs de Terre-Neuve, précisément celui le plus oriental et faisant face de quelques centaines de kilomètres face à la position supposée de l'île Jacquet. Le banc Jacquet est reporté sur des cartes dès le XVIIe siècle, notamment dans une carte de Vincenzo Coronelli datée de 1692[1] ou encore dans une carte française détaillée des bancs de Terre-Neuve de 1713[2]. Le dictionnaire de Louis Moréri lui consacre un bref article : « Banc Jacquet (le) ou le petit Banc en Amérique, au levant du grand Banc; les Anglois l’appellent Fals-Banc, & il s’étend en long du septentrion au midi ; mais il n’est guéres large. On y pèche aussi des morues. » [3], de même que dans le volume 2 de l'Encyclopédie de 1741[4].

L'origine de ce nom n'est pas connu, mais il est probable que le banc ait transmit son toponyme à l'île découverte non loin de là en 1728

Chronologie des signalements modifier

Le premier signalement retenu est celui du capitaine Barrenetche, de Saint-Jean-de-Luz, dont le navire à touché l'îlot et où il faillit se briser en mars 1728. Les coordonnées signalées sont de 45°40'Nord et 38° 59'Ouest du méridien de Paris, soit 46° 40′ N, 36° 39′ O[5],[6]. Il faut noter que le patronyme du capitaine est variable selon les documents : Barrenetche[5], Bannehetche[6], Banehetche[7] ou encore Romenetche[8].

Fleuriot de Langle signale que la roche aurait déjà été vue, deux ans plus tôt, en 1726 par le capitaine Lasalle, également de Saint-Jean-de-Luz[5].

Dans son mémoire pour l'établissement d'une carte de l'Océan Jacques-Nicolas Bellin en 1742 note que la position de l'île Jaquet à 46°45'N et 40°15'O (soit 46° 45′ N, 37° 55′ O) est placée suivant une carte manuscrite de « M. de Radouay, dressée sur les remarques particulières & communiquée au dépôt en 1737 »[9]. L'île est à nouveau signalée en en 1782 (par 46°50'N, 42°12'O soit 46° 50′ N, 39° 52′ O) par le capitaine Querval du Jeune-Frédéric[6]. Plusieurs textes évoquent un signalement en 1789, mais sans précision de coordonnées ni d'origine[10],[11],[12].

L'île est de nouveau signalée au début du XIX par deux témoignages semblant sérieux :

  • « Une lettre de Jersey, 3 avril 1838, déclare que l'île Jacquet a été vue à environ 46° 55′ N, 39° 29′ O par le brick Sea-Flower, de Jersey, à 5 heures du matin, le 25 avril 1836 : le temps est beau et clair. En voyant l'île, le navire s'approcha et sonda, mais aucun fond ne fut trouvé à 100 brasses. L'île semblait avoir un demi-mille de longueur et environ 100 mètres, au-dessus de la surface de la mer. On pouvait voir des rochers s'étendre sur une longueur de câble depuis le sud-sud-est, qui semble être la terre la plus élevée, avec un grand nombre d'oiseaux, comme on en voit sur les rives de Terre-Neuve. Par la route du navire et la distance parcourue de 6 heures du matin à midi, l'île est estimée se trouver dans la position ci-dessus exprimée. M. Le Gros, second du Sea-Flower, qui a esquissé l'aspect de l'île lorsqu'elle portait entre l'est_nord-est 3/4 est et 1/4 sud (au compas), déclare qu'il ne s'agit pas d'un iceberg, comme on le suppose communément »[13].
  • En 1858, c'est le capitaine Job, du Cristobal, qui signale l'île à la position de 46° 25′ N, 40° 20′ O mais la terre n'est plus représentée alors que par trois têtes de rochers[6].

Une existence mise en doute modifier

Dès 1775 dans leur carte et en 1778, dans leur publication de voyages, Jean-René de Verdun de La Crenne et Jean-Charles de Borda émettent des doutes sur l'existence de l'île et pensent déjà à un iceberg : « L’existence de l'ile Jacquet est, s’il le peut encore, plus incertaine ; elle n’est ni sur la Carte de Jefferys, ni même sur celles de Vankeulen , quoique ce dernier multiplie fins fondement & fins discernement les vigies & les petites îles de l’Océan : il ne seroit point du tout étonnant que dans ces parages où les bancs de glace font assez communs, quelque navigateur inattentif eût pris un de ces bancs pour une île »[14]. C'est aussi l'hypothèse de Purdy en 1820[10], de Blunt en 1822[15] et de Philippe Jean Coulier en 1828 (« l’idée que ce pourrait être un glaçon qui eût causé l’erreur, se présente naturellement pour faire douter de son existence »[16].

L'île n'apparaît plus sur les cartes et les tables nautiques après les années 1860.

Utilisation de l'île pour un câble transatlantique modifier

L'idée d'un câbles télégraphiques transatlantiques émerge au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Certains vont alors de se souvenir de cette île à l'existence douteuse, qui pourrait servir d'étape et faciliter son déploiement. L'idée est évoquée dans le Daily News du 27 septembre 1853[17]. Et aussi en 1865 par un lecteur du journal Le Constitutionnel qui envisage l'utilisation des îles Verte et Jacquet. Il signale comme position : 47°N et 42°O de Paris et pense qu'elles existent malgré leur disparition dans les cartes récentes[18].

Évolution de la localisations des îles modifier

 

Les coordonnées de cet article :

Les diverses localisations proposées de l'île sont visualisables sur la carte OpenStreetMap ci-contre.

Dans les tables nautiques et géographiques modifier

Série de tables nautiques et géographiques contenant une mention des îles Jardines avec leur localisation, présentées par ordre chronologique :

Date Référence Note Correction par méridien utilisé Coordonnées
1820 Louis de Grandpré, Dictionnaire universel de géographie maritime[12] île Jacquet : « regardée longtemps comme très-douteuse, même par Verdun , Borda, Pingré, a été revue en 1789, et passe aujourd'hui pour constante. Elle est située par 46°-55' N ; et par 41 °- 47' à l'O de Paris » Méridien de Paris 46° 55′ N, 39° 27′ O
1828 Philippe Jean Coulier, Tables des principales positions géonomiques du globe[16] Ile Jacquet : 46°55'N, 41°50'O Méridien de Paris 46° 55′ N, 39° 30′ O
1854 United States Congressional Serial Set[11] Jacquet I. seen in 1789 : 46°56'N 39°22'O Méridien de Paris 46° 56′ N, 39° 22′ O

Cartographie modifier

Série de cartes contenant une mention de l'île Jacquet, présentées par ordre chronologique :

Date mention de l'île Carte Image ou référence et lien
1692 Banc Iacquet Atlante Veneto Volume 1 : carte en italien  
1772 I. Jacquet Nouvelle carte réduite de l'Océan Atlantique par d'Eveux de Fleurieu voir en ligne : [1]
1775 I. Jacquet très douteuse Carte réduite d'une partie de l'Océan Atlantique par Verdun de la Crenne voir en ligne : [2]
1775 Jaquet I doubtful A chart of the Atlantic Ocea : carte en anglais  
vers 1778 Jaquet I. A new and accurate chart of the vast Atlantic or Western Ocean : carte en anglais  
vers 1779 Juquel I. Bowles's new pocket map of the Atlantic or Western Ocean : carte en anglais  
1781 Jaquet I doubtful Atlantic Coast (Africa), Atlantic Coast (North America), Atlantic Ocean, North Atlantic Ocean : carte en anglais  
vers 1802 Juquel I. A Chart of the Atlantic or Western Ocean : laid down from the latest discoveries and regulated by numerous astronomical observations.; Maps of the Oceans / Atlantic Ocean : carte en anglais  
1814 Jaquet I. doubtful Thomson Map of the Atlantic Ocean : carte en anglais  
1859 Jaquet I. : 2 localisations General chart, of the North Atlantic, or Western Ocean, from the equator to 62° north latitude, according to the latest, surveys and observations : carte en anglais voir en ligne : [3]
1861 Jaquet I. Basin of the north Atlantic Ocean : carte en anglais voir en ligne : [4]

Articles connexes modifier

Références modifier

  1. Vincenzo Coronelli, Mare del Nord, (lire en ligne)
  2. Plan géométral de l'isle de Terre-Neuve et autres isles et bancs, (lire en ligne)
  3. Louis Moréri, Le grand dictionnaire historique, ou le mélange curieux de l'histoire sacreé et profane, (lire en ligne), p. 47
  4. Denis Diderot et Jean Le Rond d'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 2, (lire en ligne), p. 55
  5. a b et c de Langle 1865, p. 40.
  6. a b c et d Paul Gaffarel, Histoire de la découverte de l'Amérique depuis les origines jusqu'à la mort de Christophe Colomb : Les précurseurs de Colomb, vol. 1, (lire en ligne), p. 29
  7. Paul Gaffarel, « L'Atlantide », Revue de géographie,‎ (lire en ligne)
  8. Paul Gaffarel, « L'Atlantide », Annales de la Faculté des lettres d'Aix, vol. 7,‎ , p. 169 (lire en ligne)
  9. Jacques-Nicolas Bellin, Observations sur la construction de la carte de l'Océan occidental pour servir aux vaisseaux du Roi, dressée au Dépôt des cartes, plans et journaux de la marine, (lire en ligne), p. 9
  10. a et b (en) John Purdy, Memoir to accompany the New Chart of the Atlantic Ocean, and comprising instructions for the navigation of that sea, (lire en ligne), p. 223
  11. a et b United States Congressional Serial Set, vol. 699, U.S. Government Printing Office, (lire en ligne), p. 182
  12. a et b Louis-Marie-Joseph Ohier, comte de Grandpré, Dictionnaire universel de géographie maritime, ou Description exacte de tous les ports , havres, rades, baies, golfes et côtes du monde, t. 3, (lire en ligne), p. 481
  13. (en) John Purdy, Memoir, descriptive and explanatory, to accompany the general chart of the Northern ocean, (lire en ligne), p. 502
  14. Jean-René de Verdun de La Crenne et Jean-Charles de Borda, Voyage fait par ordre du Roi en 1771 et 1772, en diverses parties de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique, pour vérifier l'utilité de plusieurs méthodes et instrumens servant à déterminer la latitude et la longitude tant du vaisseau que des côtes, isles et écueils qu'on reconnoit, suivi de recherches pour rectifier les cartes hydrographiques, t. 2, (lire en ligne), p. 348
  15. Edmond Blunt, Le guide du navigateur dans l'Océan Atlantique, ou Tableau des bancs, réscifs, brisans, gouffres et autres écueils qui s'y trouvent, (lire en ligne), p. 39-40
  16. a et b Philippe Jean Coulier, Tables des principales positions géonomiques du globe, (lire en ligne), p. 223
  17. cité in « télégraphe sous-marin », Journal des instituteurs primaires,‎ (lire en ligne)
  18. A. Hamelin, « Le Cable Trans-Atlantique », Le Constitutionnel,‎ (lire en ligne)

Bibliographie modifier