Évacuation du nord de la bande de Gaza

mouvement de population dans la bande de Gaza

L'évacuation du nord de la bande de Gaza est le mouvement des populations civiles palestiniennes qui a suivi l'ordre diffusé par l'armée israélienne le de quitter ce territoire en prévision de bombardements massifs. Cette mesure s'applique à toutes les communautés situées au nord de la rivière Bésor, y compris la ville de Gaza. Elle ordonne une évacuation vers le sud de la bande de Gaza. Selon l'ONU, l'armée israélienne a donné un délai de 24 heures pour l'évacuation, tandis qu'un porte-parole de l'armée israélienne n'a pas indiqué de délai et a déclaré que l'armée israélienne comprenait qu'une évacuation « prendrait du temps »[1],[2],[3]. L'ordre est donné une semaine après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 depuis Gaza. Le , des centaines de milliers de Palestiniens évacuent le nord de la bande de Gaza[4]. Les Palestiniens qualifient le dépeuplement du nord de la bande de Gaza de « deuxième Nakba[5]. »

Carte de la bande de Gaza : la ligne en noir représente la limite fixée par les FDI à la rivière Bésor pour l'évacuation.

Paula Gaviria Betancur, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, condamne l'ordre d'évacuation forcée en le qualifiant de « crime contre l'humanité et de violation flagrante du droit international humanitaire[6]. »

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, appelle les Palestiniens à quitter la partie nord de Gaza, y compris la ville de Gaza, en déclarant : « Le camouflage des terroristes est la population civile. C'est pourquoi nous devons les séparer. Ceux qui veulent sauver leur vie doivent donc aller vers le sud[7]. »

Une grande partie de la communauté internationale et de l'opinion publique mondiale s'accorde à dire qu'il s'agit d'une tentative de nettoyage ethnique à l'encontre du peuple palestinien.

Contexte modifier

Le le Hamas lance une offensive sur Israël. Israël répond par une série de frappes aériennes sur Gaza. Les Forces de défense israéliennes (FDI) lancent un avertissement d'évacuation aux habitants des régions septentrionales. Les Nations Unies considèrent dans un premier temps que cet ordre d'évacuation ne peut être exécuté en toute sécurité en raison du nombre important de personnes concernées[8]

Réactions modifier

ONU modifier

Dans une déclaration, l'ONU met en garde contre les « conséquences humanitaires dévastatrices » du déplacement de 1,1 million de Palestiniens[9]. Peu après l'émission des ordres d'évacuation, les installations de l'ONU, y compris l'UNRWA[10], reçoivent l'ordre de déménager à Rafah[1].

Hamas modifier

Les responsables du Hamas rejettent cet avertissement et exhortent les habitants des zones concernées à ignorer l'ordre et à rester chez eux[1],[11]. L'Autorité du Hamas pour les affaires des réfugiés déclare aux habitants du nord de Gaza de « rester fermement dans leurs maisons et de tenir bon face à cette guerre psychologique dégoûtante menée par l'occupation[12]. »

Organisations internationales modifier

Médecins sans frontières a publié une déclaration qualifiant l'ordre d'évacuation de « scandaleux » et d'« atteinte aux soins médicaux et à l'humanité » et a condamné l'ordre israélien « dans les termes les plus forts possibles »[13].

L'Organisation mondiale de la santé a publié un appel « demandant à Israël d'annuler immédiatement les ordres d'évacuation de plus d'un million de personnes vivant au nord de Wadi Gaza (Bésor) », arguant qu'il est extrêmement difficile de déplacer les patients en soins intensifs, que les fournitures médicales s'épuisent et que « les quatre hôpitaux du ministère de la Santé dans le sud de Gaza ont déjà dépassé leur capacité »[14]. Des déclarations similaires ont été publiées par l'UNICEF et l'International Rescue Committee[15],[16]. L'OMS a exprimé son inquiétude concernant l'ordre d'évacuation envoyé à l'hôpital al-Quds à Gaza[17].

Accusations de crimes de guerre et revendications humanitaires israéliennes modifier

L'ordre d'évacuation d'Israël est qualifié de transfert forcé de population par Jan Egeland, ancien diplomate norvégien impliqué dans les accords d'Oslo[18]. Un « transfert forcé » est le déplacement forcé d'une population civile dans le cadre d'une attaque organisée contre elle et est considéré comme un crime contre l'humanité par la Cour pénale internationale[19]. Dans une interview avec la BBC, Jan Egeland déclare : « Il y a des centaines de milliers de personnes qui fuient pour sauver leur vie - [ce n'est] pas quelque chose que l'on peut appeler une évacuation. Il s'agit d'un transfert forcé de personnes de tout le nord de Gaza, ce qui, selon la Convention de Genève, constitue un crime de guerre »[18]. Le rapporteur spécial des Nations unies, Francesca Albanese, met en garde contre un nettoyage ethnique de masse à Gaza[20]. Raz Segal (en), historien israélien et directeur du programme d'études sur l'Holocauste et les génocides à l'université de Stockton (en), qualifie cette opération de « cas d'école de génocide »[21].

Le , un projet de document préparé par le ministère israélien du Renseignement propose de déplacer 2,3 millions de Palestiniens de la bande de Gaza vers la péninsule égyptienne du Sinaï[22],[23].

L'appel lancé aux habitants du nord de Gaza pour qu'ils se dirigent vers le sud de la zone de combat est qualifié par un ancien officier israélien d'« exode humanitaire » pour sauver autant de vies que possible[24]. Le , le principal porte-parole militaire d'Israël accuse le Hamas d'essayer d'utiliser les civils comme boucliers humains et lance un nouvel appel aux habitants de Gaza pour qu'ils se dirigent vers le sud de la zone de combat[25].

Un officier des FDI déclare au New York Times qu'au lieu d'appliquer la politique des « coups sur les toits », Israël émet des ordres d'évacuation massive et des tracts indiquant que « quiconque se trouve à proximité des combattants du Hamas met sa vie en danger »[26].

Le , l'armée israélienne largue d'autres tracts à Gaza avec le message suivant : « Avertissement urgent ! Aux habitants de Gaza : votre présence au nord de Wadi Gaza (Bésor) met vos vies en danger. Toute personne qui choisit de ne pas évacuer le nord de la bande de Gaza vers le sud de la bande de Gaza peut être identifiée comme partenaire d'une organisation terroriste. »[27],[28].

En novembre 2023, pour Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l'Homme, « la punition collective infligée par Israël aux civils palestiniens est également un crime de guerre, tout comme l'évacuation forcée illégale de civils »[29].

Tentatives de blocage de l'évacuation des Palestiniens modifier

Attaques modifier

Le , de multiples bombardements visent des Palestiniens qui tentent de quitter le nord de la ville de Gaza, tuant 70 personnes, principalement des femmes et des enfants, alors qu'une directive d'évacuation d'Israël exhortait plus d'un million de résidents du nord de Gaza à se rendre dans la partie sud du territoire ; 200 personnes sont blessées[30]. Le Hamas publie une déclaration accusant Israël de bombarder des civils[31]. En retour, Israël accuse directement le Hamas de bloquer l'évacuation des Palestiniens afin de les utiliser comme boucliers humains. L'origine des bombardements reste inconnue en raison de la nature de l'explosion[32],[33].

Le , des chars israéliens bloquent les routes qui relient la ville de Gaza au sud de la bande de Gaza et auraient tiré sur des véhicules civils qui respectaient pourtant les ordres d'évacuation israéliens[34]. Dans un cas, un char à Netzarim attaque une voiture et un bus, tuant trois personnes[35].

Opposition au départ du Hamas modifier

Le , les mosquées de Gaza diffusent des messages demandant aux habitants de la bande de Gaza de ne pas évacuer[36].

Les FDI déclarent que des centaines de milliers de Palestiniens commencent à se diriger vers le sud, mais que beaucoup d'entre eux sont bloqués par les barrages routiers mis en place par le Hamas le [37].

Efforts internationaux pour ouvrir un corridor humanitaire modifier

Malgré les efforts internationaux pour ouvrir un corridor humanitaire pour les civils, aucun accord n'a été trouvé. L'Égypte a participé à des discussions en vue de fournir une aide humanitaire, mais aucun couloir d'évacuation sécurisé n'avait été mis en place au [38].

Notes et références modifier

  1. a b et c (en) Isabel Debre, Edith M. Lederer et Wafaa Shurafa, « Palestinians flee northern Gaza after Israel orders 1 million to evacuate as ground attack looms », The Associated Press,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Pamela Falk, Imtiaz Tyab, Tucker Reals, Faris Tanyos, « Israel warns northern Gaza residents to leave, tells U.N. 1.1 million residents should evacuate within 24 hours », CBS News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) Fatima AbdulKarim, Chao Deng, Gordon Lubold, « Gaza Residents Brace for Israeli Offensive After Evacuation Demand », The Wall Street Journal,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Loay Ayyoub, Susannah George, Cate Brown, « Hundreds of thousands flee south in Gaza after Israel orders evacuation », The Washington Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Mohammed R Mhawish, « ‘A second Nakba’: Echoes of 1948, as Israel orders Palestinians to leave », Aljazeera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) « Israel must rescind evacuation order for northern Gaza and comply with international law: UN expert », sur le site du Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme, (consulté le ).
  7. (en) Jacob Fischler, « U.S. stresses support for Israel as 1 million residents of North Gaza ordered to evacuate », Colorado Newsline,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Emma Graham-Harrison, Bethan McKernan, Ruth Michaelson et Quique Kierszenbaum, « Tens of thousands of Palestinians flee northern Gaza after Israeli airstrikes », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Dana Khraiche, « UN Calls Israel Army’s Evacuation Order in Gaza ‘Impossible’ », Bloomberg,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. (en) « UNRWA relocated its central operations centre », sur twitter.com UNRWA, (consulté le ).
  11. (en) « Hamas tells Gaza residents to stay put as Israel ground offensive looms », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) « Hamas tells Gazans not to evacuate », The Times Of Israel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) « MSF: Israeli order to evacuate northern Gaza ‘outrageous’ », sur le site de MSF, (consulté le ).
  14. (en) « WHO pleads for immediate reversal of Gaza evacuation order to protect health and reduce suffering », sur le site de l'Organisation mondiale de la santé, (consulté le ).
  15. (en) « Time is running out for children in Gaza—UNICEF », sur le site de l'UNICEF, (consulté le ).
  16. (en) « Occupied Palestinian Territory: The IRC calls for protection of civilians and upholding of International Humanitarian Law », sur le site de l'IRC, (consulté le ).
  17. (en) Bernama, « WHO concerned about warnings to evacuate Al-Quds Hospital in northern Gaza Strip », New Straits Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. a et b (en) « Gazans stream south to seek shelter from Israeli bombardment », Financial Time [lien archivé],‎ date ignorée (lire en ligne, consulté le ).
  19. (en) « forcible transfer », sur le site Cornell Law School, date ignorée (consulté le ).
  20. (en) « UN expert warns of new instance of mass ethnic cleansing of Palestinians, calls for immediate ceasefire », sur ohchr.org, (consulté le ).
  21. (en) Raz Segal, « A Textbook Case of Genocide », Jewish Currents,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. (en) Amy Teibel, « An Israeli ministry, in a 'concept paper,' proposes transferring Gaza civilians to Egypt's Sinai », Abc news,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en) « Israeli Intel Ministry Suggests Relocating Gazans to Sinai After Hamas War », Haaretz,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. (en) Raphaël Jerusalmy, « Evacuation of Gaza: Saving as many lives as possible - analysis », i24 news,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. (en) « Palestinians struggle to evacuate northern Gaza amid growing Israeli warnings of ground offensive », abc7,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. (en) Lila Hassan et Mattathias Schwartz, « Why Israel's push into Gaza is killing so many children », Insider,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. (en) Olivia Alafriz et Giselle Ruhiyyih Ewing, « Israeli military steps up warnings to north Gaza residents, preparations for ground offensive », Politico,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  28. (en) « Israel tells Gazans to move south or risk being seen as 'terrorist' partner », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  29. Áine Gallagher, « Guerre Israël - Gaza : Des crimes de guerre sont-ils commis et que dit le droit ? », sur BBC, (consulté le ).
  30. (en) « 70 killed after convoys of evacuees in Gaza hit by Israeli airstrikes », Nbc news,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. (en) « Israel claims Hamas is blocking Palestinians from leaving northern Gaza, as terrorists say IDF strike killed 70 refugees », LBC,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  32. (en) « One million Gazans displaced as Israel readies for ground attack », France 24,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  33. (en) « Palestinian convoy hit while fleeing northern Gaza », BBC,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  34. (en) Youmna ElSayed, « Israeli forces fire on civilian vehicles evacuating Gaza City », Aljazeera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  35. (en) Youmna ElSayed, « More on the Israeli tank attack near Gaza City », Aljazeera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  36. (en) « Hamas tells Gaza residents to stay put as Israel ground offensive looms », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  37. (en) « Hamas keeps Gaza’s civilian population hostage as IDF almost ready to enter the exclave », TVP World,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  38. (en) Ahmed Mohamed Hassan, « Egypt discusses Gaza aid, rejects corridors for civilians, say sources », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Article connexe modifier