Élections législatives malgaches de 2024

élections à Madagascar

Les élections législatives malgaches de 2024 se déroulent le afin de renouveler les 163 membres de l'Assemblée nationale de l'île de Madagascar.

Élections législatives malgaches de 2024
163 sièges de l'Assemblée nationale
(majorité absolue : 82 sièges)
Corps électoral et résultats
Inscrits 11 631 156
Votants 5 616 733
48,03 % en augmentation 7,1
Blancs et nuls 207 227
Sièges obtenus 84 en stagnation
Sièges obtenus 22 en augmentation 6
Indépendants
Sièges obtenus 50 en augmentation 4
Composition de l'assemblée élue
Diagramme
Premier ministre
Sortant Élu
Christian Ntsay
Indépendant
Indépendant

Le scrutin a lieu quelques mois après l'élection présidentielle ayant vu la victoire d'Andry Rajoelina. Sa formation, Jeunes malgaches déterminés (TGV), mène la coalition Nous tous, ensemble avec Andry Rajoelina (IRMAR), qui dispose de la majorité absolue dans l'assemblée sortante.

Malgré des résultats en hausse en termes de voix, la coalition gouvernementale subit initialement une perte de quelques sièges selon les résultats de la commission électorale. Ce recul lui fait perdre la majorité dans la nouvelle législature, à nouveau composée d'une forte proportion d'élus indépendants. Cependant, le 27 juin, la Haute Cour constitutionnelle rejette tous les recours en annulation, à l'exception de ceux du camp présidentiel, qui retrouve les quatre sièges perdus et donc la majorité absolue.

Contexte

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Andry Rajoelina

Les précédentes élections organisées en mai 2019 voient la victoire de la coalition Nous tous, ensemble avec Andry Rajoelina (IRK, ou Irmar) soutenant le président éponyme. Élu quelques mois plus tôt, ce dernier bénéficie ainsi du soutien de la majorité absolue des députés de l'Assemblée nationale afin de mener à bien sa politique[1],[2]. Son mandat est marqué par les crises sanitaires, sociales et économiques liées à la pandémie de Covid-19, l'invasion de l'Ukraine par la Russie et une sécheresse qui provoque une famine sur l'île en 2021[3]. Le président sortant conserve néanmoins une importante popularité et peut s'appuyer sur un bilan économique qui le voit bénéficier de la confiance des grandes institutions internationales. Rajoelina axe en conséquence sa communication sur son bilan socio-économique, auquel il associe son « Plan Émergence Madagascar » (PEM)[3].

Contestant le contexte et la tenue de l'élection présidentielle de novembre 2023, le collectif des 10, puis des 11 candidats d'opposition organisent des manifestations de grande ampleur, dont une réunit le 21 octobre près de 50 000 partisans au Coliseum d'Antsonjombe, dans la capitale Antananarivo[4]. Plusieurs de ces manifestations sont interdites ou réprimées par les forces de l'ordre, faisant plusieurs blessés[5]. Le gouvernement procède à ces occasions à des arrestations arbitraires de manifestants, des violations de domiciles et des jets de bombe lacrymogène aux alentours immédiats d’écoles et d’hôpitaux[6].

L'élection présidentielle voit finalement la réélection de Rajoelina dés le premier tour, dans un contexte de boycott de l'élection par dix de ses douze adversaires. Le taux de participation s'établit ainsi à 46 %, contre 54 % en 2018[7], une baisse largement attribuée aux appels au boycott de l'opposition, qui ne reconnait pas la légitimité du scrutin[8]. Celle-ci, prenant pour source des observateurs internationaux, et des membres de la CENI de manière non officielle[9], situe le taux à 20 %, et conteste ainsi les chiffres officiels[10],[11]. L'élection de 2023 conduit ainsi à une nouvelle crise politique, devenues habituelles dans le pays, aucune élection présidentielle n'y ayant échappé depuis l'indépendance en 1960[12],[13]. Le 1er décembre 2023, La Haute Cour constitutionnelle (HCC) valide définitivement la victoire du président sortant[14],[15],[16]. Son investiture intervient le 16 décembre[17],[18].

Mode de scrutin

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Madagascar est dotée d'un parlement bicaméral dont la chambre basse, l'Assemblée nationale, est composée de 163 députés élus pour un mandat de cinq ans selon un mode de scrutin parallèle.

Sont ainsi à pourvoir une grande partie des sièges au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans des circonscriptions électorales uninominales, auxquels se rajoutent une partie pourvue au scrutin binominal. Ces derniers le sont via un scrutin proportionnel plurinominal de liste bloquée sans panachage ni vote préférentiel dans des circonscriptions de deux sièges chacune. Après dépouillement, les sièges sont répartis selon la méthode de la plus forte moyenne[19].

Ces élections sont les premières depuis l'augmentation du nombre total de sièges composant l'Assemblée, passé par décret de 151 à 163 en mars 2024 afin d'ajuster le scrutin à l'évolution démographique du pays. La répartition attribue ainsi un siège aux circonscriptions de moins de 310 000 habitants, et deux à celles dépassant ce seuil, pour un total de 120 circonscriptions[20].

Campagne

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Les thèmes de la campagne portent sur la lutte contre la corruption, le développement économique et celui des infrastructures. L'opposition dénonce par ailleurs un scrutin qu'elle estime joué d'avance[21].

Après le boycott ayant touché la présidentielle, les élections législatives de 2024 voient l'opposition comme le gouvernement sortant tenter de mobiliser les abstentionnistes, en particulier en province. Pour une large part réunie au sein de l'alliance Firaisankina, l'opposition renonce au boycott dans l'objectif de placer le président Rajoelina en situation de cohabitation, tandis que l'Irmar cherche à maintenir sa majorité. Sept ministres du gouvernement sortant en démissionne ainsi afin de faire campagne, rejoint par six autres anciens ministres, qui cherchent à mettre en avant le bilan d'Andry Rajoelina. Ce dernier met notamment en avant la construction d'infrastructures en procédant à la « remise officielle » à la population d'une douzaines d'entre elles, suscitant les critiques de l'opposition qui souligne que les inaugurations sont interdites en période de campagne électorale. La majorité présidentielle part favorite en raison de l'absence de candidats des partis de l'opposition dans près de 40 % des 120 circonscriptions électorales, l'Irma se retrouvant même sans aucun opposant dans trois d'entre elles. Cette absence partielle de l'opposition fait la part belle aux nombreux candidats indépendants, qui constituent la grande inconnue du scrutin, au point de figurer en potentiels faiseur de rois[22],[23],[24].

Résultats

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Résultats des législatives malgache de 2024[25]
 
Partis Voix % +/- Sièges +/-
Nous tous, ensemble avec Andry Rajoelina (IRMAR) 84  
Firaisankina (FIR) 22   6
Fiovana Ivoaran'ny eny Ifotony (FIVOI) 4   4
Kôlektifa an'ny Malagasy (KOL) 1  
Parti vert Hasin'i Madagasikara Nv 1   1
Groupe des jeunes malgaches patriotes (GJMP) 1  
Association pour la renaissance de Madagascar 0  
LEADER-Fanilo 0  
Autres partis
Indépendants 50   4
Suffrages exprimés
Votes blancs et invalides
Total 163   12
Abstentions
Inscrits / participation

Analyse et conséquences

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Le vote a lieu de 6h00 à 17h00 le 29 mai. Sont notamment présents des observateurs de l'Union africaine et de la Communauté de développement de l'Afrique australe[29]. Le 1er juin, l'observatoire Safidy met une nouvelle fois en doute la neutralité, l'impartialité et l'indépendance de la Céni, la Commission électorale en charge de l’organisation des scrutins[30]. Tant les observateurs indépendants que ceux de l'opposition et de la majorité sortante dénoncent des irrégularités, tels que des bulletins préremplis ou des achats de voix. Les coalitions Irmar et Firaisankina déposent ainsi plus d'une centaine de requêtes auprès de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), s'accusant l'une l'autre de fraude électorale[31]. La publication des résultats provisoires par la Céni connait des retards. Initialement prévue le 8 juin, elle est finalement reportée au 11[32].

La participation connait une hausse, avec 48 % des inscrits ayant votés, contre 43 % en 2019. Les résultats voient la coalition Nous tous, ensemble avec Andry Rajoelina (IRMAR) menée par le parti Jeunes malgaches déterminés (TGV) d'Andry Rajoelina perdre sa majorité absolue des sièges malgré un nombre et une part de suffrages en nette hausse. La coalition Firaisankina (FIR) regroupant une partie de l'opposition dont notamment J'aime Madagascar (TIM) et Force nouvelle pour Madagascar (HVM) progresse, de même que le total des élus indépendants. Déjà très présent dans la législature sortante, ces derniers décrochent à nouveau une place centrale au sein de l'assemblée nationale. Une alliance de l'Irmar avec une partie de ces derniers devrait ainsi permettre au président de continuer à faire voter ses projets, plusieurs d'entre eux étant à l'origine des membres de l'Irmar n'ayant pas reçu l'investiture de la coalition dans leur circonscription[33],[34].

Cependant, le 27 juin, la Haute Cour constitutionnelle rejette tous les recours en annulation, à l'exception de ceux du camp présidentiel, qui retrouve les quatre sièges perdus et donc la majorité absolue[35].

Notes et références

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Références

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  1. Madagascar: élection présidentielle les 24 novembre et 24 décembre 2018 Africatime
  2. Madagascar: Rajoelina obtient la majorité absolue des députés, selon la Céni
  3. a et b « Election présidentielle malgache : Andry Rajoelina et trois autres candidats sur la ligne de départ », sur Enderi (consulté le ).
  4. « Madagascar: le «collectif des 11» en démonstration de force à Antananarivo », sur RFI.fr, (consulté le ).
  5. Elena Maximin, « Élections à Madagascar : comment Rajoelina a verrouillé le scrutin, une conversation avec Christiane Rafidinarivo », sur legrandcontinent.eu, (consulté le )
  6. Nicolas Beau, « Le silence assourdissant de la France sur la répression à Madagascar », sur mondafrique.com, (consulté le )
  7. « Crise électorale à Madagascar : les observateurs internationaux appellent au dialogue », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Présidentielle à Madagascar: les premières estimations confirment la faible participation », sur RFI, (consulté le )
  9. « Madagascar : La participation est historiquement faible, Andry Rajoelina est en tête », sur Mayotte la 1ère, (consulté le )
  10. AfricaNews, « Présidentielle à Madagascar : forte abstention, l'opposition satisfaite », sur Africanews, (consulté le ).
  11. RFI, « Madagascar: premières contestations après le premier tour de la présidentielle », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  12. Mandimbisoa R., « Sans surprise, Andry Rajoelina en tête – Madagascar-Tribune.com », sur Madagascar-Tribune.com, (ISSN https://www.madagascar-tribune.com/Sans-surprise-Andry-Rajoelina-en-tete.html[à vérifier : ISSN invalide], consulté le ).
  13. « A Madagascar, une crise se profile après une abstention record à la présidentielle », sur Libération, Libération (consulté le ).
  14. « Madagascar : la victoire de Rajoelina définitivement validée par la Haute Cour Constitutionnelle », sur TV5MONDE - Informations, (consulté le ).
  15. Radio France Internationale, « Afrique Madagascar: la réélection d’Andry Rajoelina à la présidence proclamée par la Haute Cour constitutionnelle », sur rfi.fr, RFI, (consulté le ).
  16. « A Madagascar, la réélection d’Andry Rajoelina confirmée », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  17. « Madagascar : l’investiture du président réélu, Andry Rajoelina, aura lieu le 16 décembre - LINFO.re », sur Linfo.re (consulté le ).
  18. « Madagascar : Andry Rajoelina a été investi président », sur TV5MONDE - Informations, (consulté le ).
  19. MADAGASCAR Antenimierampirenena (Assemblée nationale) Union Interparlementaire
  20. Mandimbisoa R., « Elections législatives 2024 : 163 sièges à pourvoir – Madagascar-Tribune.com », sur Madagascar-Tribune.com, (ISSN https://www.madagascar-tribune.com/Le-nombre-de-deputes-de-l-Assemblee-nationale-passe-a-163.html[à vérifier : ISSN invalide], consulté le ).
  21. Laurence Caramel, « A Madagascar, l’opposition dénonce des élections législatives contrôlées par le pouvoir -lemonde.fr », sur lemonde.fr, (ISSN https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/29/a-madagascar-l-opposition-denonce-des-elections-legislatives-controlees-par-le-pouvoir_6236102_3212.html[à vérifier : ISSN invalide], consulté le ).
  22. RFI, « Législatives à Madagascar: les candidats ont aussi tenté de mobiliser les électeurs en dehors de la capitale », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  23. RFI, « Législatives à Madagascar: le président Rajoelina aura-t-il une Assemblée nationale acquise à sa cause? », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  24. RFI, « Madagascar: Andry Rajoelina en tournée présidentielle en pleine campagne des législatives », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  25. « Résultats des élections législatives du 29 mai 2024 » [PDF], sur Haute Cour Constitutionnelle, (consulté le )
  26. « CENI. », sur www.ceni-madagascar.mg (consulté le ).
  27. ceniweb, « Résultats provisoires des élections législatives du 29 Mai 2024 », (consulté le )
  28. « Madagascar's ruling party loses parliamentary majority », sur www.aa.com.tr (consulté le )
  29. James Tasamba, « AFRICA Madagascar votes in legislative elections - TRT », (consulté le ).
  30. RFI, « Afrique Législatives à Madagascar: l'Observatoire Safidy évoque un «scrutin entaché d'incidents inquiétants» », (consulté le ).
  31. RFI, « Législatives à Madagascar: dans l’attente de résultats provisoires, les stratégies de recours », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  32. RFI, « Afrique Législatives à Madagascar: la publication des résultats provisoires reportée à mardi », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  33. « A Madagascar, Andry Rajoelina frôle la majorité absolue à l’Assemblée nationale sur fond de contestations », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  34. « Législatives à Madagascar: pas de majorité pour le parti présidentiel ni pour l'opposition, selon les résultats provisoires de la Céni ».
  35. « Madagascar, Andry Rajoelina a la majorité du parlement », sur Mayotte la 1ère (consulté le ).

Voir aussi

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