Impression naturelle

L’impression naturelle est un procédé d'impression qui utilise, directement ou indirectement, un végétal, un animal ou tout autre objet naturel pour en obtenir l'image, appelée empreinte naturelle. Cette technique décrite par Léonard de Vinci à l'aube du XVIe siècle fut utilisée pendant plus de sept siècles et destinée essentiellement à un usage scientifique. Appliquée surtout à la reproduction des végétaux, elle constitue plus qu'un simple épisode dans l'histoire de l'illustration botanique. Tombée en désuétude à la suite de l'invention de la photographie, l'impression naturelle disparaît des ouvrages scientifiques à la fin du XIXe siècle pour devenir l'apanage des artistes.

Histoire modifier

Du XIIIe au XVIIIe siècle : impression directe modifier

 
Empreinte d'une feuille de sauge dans le Codex Atlanticus de Léonard de Vinci.

La première empreinte végétale connue se trouve dans un manuscrit arabe du De Materia medica (en) de Dioscoride, daté du début du XIIIe siècle, conservé au musée du palais de Topkapi à Istanbul[1].

C'est Léonard de Vinci qui, le premier, au tout début du XVIe siècle, décrit la technique utilisée[2] : dans un texte en écriture spéculaire entourant l'empreinte d'une feuille de sauge, il explique qu'il faut enduire un papier d'un mélange d'huile et de noir de fumée, puis en recouvrir la feuille comme on encre les caractères d'imprimerie ; il suffit alors d'imprimer la feuille selon la méthode habituelle. Quelques années plus tard, Luca Pacioli donne une description plus détaillée du procédé. Il précise qu'on peut utiliser du charbon, mais que le noir de fumée utilisé en imprimerie est nettement meilleur. Le mélange huileux doit être étalé en couche mince à l'éponge ou à la brosse sur une surface propre. La feuille est alors placée, les nervures vers le bas, sur la surface encrée et recouverte d'un autre papier et pressée délicatement, pour éviter de la casser, avec la main ou les doigts. La feuille noircie est alors transférée sur un nouveau papier, à nouveau recouverte et pressée pour être imprimée. Seuls les contours et les nervures apparaîtront en noir ; pour lui donner un aspect plus naturel, elle peut être peinte au vert-de-gris ou à l'aide d'une autre couleur à l'eau.

Durant la seconde moitié du XVIe siècle, la technique se répand dans le nord de l'Italie ; on n'imprime plus seulement des feuilles, mais des plantes entières et parfois les deux faces du végétal, en utilisant un papier plié en deux[3].

Au milieu du XVIIe siècle, le procédé artisanal est connu dans toute l'Europe[3]. L'empreinte végétale remplace parfois l'herbier ou sert de modèle au dessin ou à la gravure ; c'est aussi un outil de travail pour les botanistes. Ainsi, l'herbier de Paolo Boccone, conservé dans l'Herbier national des Pays-Bas à Leiden contient-il des spécimens encrés, qui ont été utilisés pour des empreintes non retrouvées et ont servi de base à l'illustration des Icones et descriptiones rariorum plantarum Siciliae…. Des empreintes végétales sont envoyées au lieu de spécimens séchés : les archives de la Linnean Society of London recèlent un courrier, daté de 1739, d'Olof Celsius à son élève Carl von Linné, auquel sont joint deux feuillets d'empreintes végétales[4]. Au début du XIXe siècle, confrontés aux mauvaises conditions de conservations de leurs herbiers en Amérique du Sud, Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland prennent la précaution de réaliser des empreintes de leurs récoltes[5].

Au XVIIIe siècle, en Allemagne, l'impression végétale entre dans le monde de l'édition scientifique, elle est utilisée pour illustrer des ouvrages destinés à être commercialisés[4]. Le premier ouvrage, Botanica in originali de Johann Hieronymus Kniphof (en), illustré d'empreintes en noir, est publié à partir de 1733. Entre 1757 et 1764, d'autres éditions avec des empreintes plus pâles destinées à être coloriées à la main voient le jour.

XIXe siècle : impression indirecte modifier

Terminologie modifier

Notes et références modifier

  1. Cave 2010.
  2. Cave 2010, p. 24.
  3. a et b Fabri, Hanquart et de Borman 2015.
  4. a et b Hanquart et Fabri 2014, p. 59.
  5. (en) Walter Lack, « The plant self impressions prepared by Humboldt and Bonpland in Tropical America », Curtis's botanical Magazine, vol. 18, no 4,‎ , p. 218-229.

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • (de) Ernst Fischer, « Zweihundert Jahre Naturselbstdruck », Gutenberg-Jahrbuch, vol. 8,‎ , p. 186-213.
  • Albert Tiberghien, « Phytotypie et phytotypes : Notice sommaire, bibliographique et historique sur l'impression des plantes à l'aide des plantes elles-mêmes », Bulletin de la société royale de botanique de Belgique, vol. 64,‎ , p. 81-91 (lire en ligne).
  • (en) Roderick Cave, Impressions of nature : A history of nature printing, New York, British Library, , 191 p. (ISBN 9780712306737 et 9780982075401).
  • Régine Fabri, Nicole Hanquart et Sandrine de Borman, « L'impression végétale, de l'illustration scientifique ancienne à la création artistique contemporaine », dans Isabelle Trivisani-Moreau, Aude Nuscia Taïbi, Cristiana Oghina-Pavie (éditeurs), Traces du végétal, Rennes, Université d'Angers, Centre d'Étude et de Recherche sur Imaginaire, Écritures et Cultures, coll. « Nouvelles Recherches sur l'Imaginaire » (no 37), , 291 p. (ISBN 9782753548626), p. 101-111.
  • Nicole Hanquart et Régine Fabri, « L'impression naturelle : Une technique originale au service de l'illustration botanique. L'exemple des Chênes de l'Amérique septentrionale en Belgique du Belge Julien Houba (1843-1926) », dans Claude Sorgeloos (éditeur), Le livre illustré en Belgique (1800-1865). Colloque international, 19-20 novembre 2012, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, coll. « In Monte Artium » (no 7), (ISBN 978-2-503-55075-6), p. 57-78.
  • (en) Pari Stave (curateur) et Matthew Zucker (curateur), Propagating Eden : Uses and techniques of nature printing in botany and art : Exhibition catalogue, April 3 - July 25, 2010 Wave Hill Glyndor Gallery, New York, International Print Center New York, , 40 p. (lire en ligne [PDF]).
  • (en) Sharon Huffman (éditeur), The art of printing from nature : A guidebook from the Nature Printing Society 40th Anniversary Edition, Winnepeg, Nature Printing Society, , 132 p. (ISBN 9780997975000).

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