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L'héraldique sarrasine (un terme proposé par Leo Aryeh Mayer) désigne un système d'emblèmes probablement héréditaires utilisés dans le Levant du XIIe au XVIe siècle, plus particulièrement dans les sultanats ayyoubide (1171-1341) et mamelouk (1250-1517). Elle est née au même moment que l'héraldique européenne au XIIe siècle, dans le contexte des Croisades. Apparaissant fréquemment dans des articles savants comme une curiosité au XIXe siècle, l'héraldique sarrasine a eu droit à sa seule étude systématique de la part de Leo Aryeh Mayer, auteur de Saracenic Heraldry (1933), qui est à la fois un traité d'héraldique et un armorial.

Dans cet article, les planches citées sont des pages de photographies de blasons sarrasins servant de sources à Leo Aryeh Mayer dans son livre Saracenic Heraldry. Le numéro d'image sur la planche est aussi mentionné lorsque c'est pertinent. Nous avons également utilisé la numérotation des meubles telle qu'on les voit à la page 8 de l'ouvrage, dans une planche en montrant les diverses variétés. Nous nommerons les meubles difficiles à identifier par leur numéro.

chevalerie musulmane furûsiyya pantalons de noblesse futuwwa

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5038412/f315.item

Pourquoi n'est-ce pas appelé héraldique « musulmane » ? modifier

Leo Aryeh Mayer a choisi le terme « sarrasine » car il permet de désigner d'une manière commune le Sultanat ayyoubide (1171-1341) et le Sultanat mamelouk (1250-1517), puisqu'ils étaient des « Sarrasins » au cours des Croisades, soit les adversaires des Croisés. Ce sont en effet ces deux États qui ont pratiqué l'héraldique dite sarrasine. Elle disparut à la fin du XVe siècle avec la Conquête ottomane.

On ne peut toutefois pas parler d'héraldique « islamique » parce que non seulement elle n'a pas été répandue dans tout le monde musulman, mais aussi parce qu'il y en a plusieurs autres. Pensons au Sultanat rassoulide, à l'Émirat nasride de Grenade, à l'Émirat artukide, à l'Empire seljoukide...

Vocabulaire en arabe médiéval modifier

On connaît quelques termes grâce à X.

  • Le blason se nomme rank (couleur, en arabe médiéval) ;
  • L'ad-dā'ira est le nom de l'écu rond ;
  • Le champ se dit ard (le sol) ;
  • Chaque partition d'un écu se nomme shafta.
  • Les meubles s'appellent shi'ār (emblème, signe distinctif en arabe médiéval).

Cependant, aucun vocabulaire technique propre à l'héraldique sarrasine n'est connu. On ne sait généralement pas comment les gens « blasonnaient » car cela se faisait à l'oral. Pour pallier à cette lacune, nous blasonnerons les écus d'une manière analogue à la manière européenne.

L'écu modifier

Forme modifier

L'écu sarrasin est presque toujours de forme ronde (on parle alors d'ad-dā'ira), mais il arrive de voir d'autres formes comme le carré, l'amande, le pentagone, l'ovale ou la rosette.

 

Couleurs modifier

Le plus souvent, il nous manque les couleurs, mais nous savons que les Sarrasins utilisaient les suivantes :

Couleur Émail équivalent en héraldique européenne
jaune  d'or
blanc  d'argent
rouge  de gueules
bleu  d'azur
vert  de sinople
noir  de sable
marron  de tanné

Il est particulièrement crucial de signaler une différence majeure avec l'Occident :

  • la couleur du support utilisé, comme le cuivre, le verre ou la pierre. En effet, il semble que la texture du matériau lui-même ait agi comme une couleur en tant que tel, qu'elle ait été utilisée volontairement.

Contrairement à l'héraldique européenne, il ne semble y avoir eu aucune volonté de représenter les couleurs en l'absence d'encre colorée, par un quelconque code de hachures. Par conséquent, il est pratiquement impossible de savoir quelles étaient les couleurs de la plupart des blasons qu'il nous reste. Les couleurs figurent habituellement sur des broderies, du verre peint (comme sur les lampes que l'on trouve dans les mosquées), des céramiques, des mosaïques et des peintures murales.

Il n'existe aucune règle telle que la règle de contrariété des couleurs...

Meubles : les shi'ār modifier

Les meubles (définition) s'appellent « shi'ār » (emblème, signe distinctif en arabe médiéval).

Meubles communs avec l'Occident modifier

Galerie

Animaux modifier

Contrairement à l'Europe, la figure du lion est rare en héraldique sarrasine. Il est cependant célèbre car c'est l'emblème de Baybars. Ce n'est cependant pas la plus vieille attestation, honneur qui revient plutôt à un blason trouvé sur la porte d'Harran à Édesse (actuelle Turquie), construite par al-Malik al-Muẓaffar Shihāb ad-dīn Ghāzī. Il est fréquent de le représenter jouant avec un animal ou une balle, ou accompagné d'une figure. Généralement, on ne le trouve que sur des écus simples, quoiqu'il existe deux cas où il figure dans une partition (et tous les deux furent trouvés sur des encensoirs). On retrouve le lion avec la tête dans les deux positions (donc il y a aussi bien le lion que le léopard dans le vocabulaire européen).

L'aigle (féminin en héraldique européenne) existe aussi dans ses variétés bicéphale et monocéphale. Elle apparaît fréquemment avec une figure lancéolée (en forme d'amande) sur le poitrail, qui a parfois été décrit en termes européens comme une aigle « éventrée ». Le plus souvent, cela resssemble à un écusson en forme d'amande. Le plus souvent, les serres de l'aigle touchent le bout des ailes. On représente l'aigle éployée, au vol abaissé ou bien essorante (prenant son essor). Il n'y a aucun d'exemple d'aigle côtoyant un autre animal, mais on le représente parfois perchée sur des objets inanimés (épée, coupe, morceau d'étoffe). Il arrive que l'aigle regarde dans l'autre direction (elle est contournée). Dans un cas particulier, celui de Muẓaffar ad-dīn Mūsā ben al-Malik aṣ-Ṣāliḥ 'Alī ben Qalāūn (planche XIV), il y a un ornement sur la tête de l'aigle (tel que représenté ci-dessous).

Leo Aryeh Mayer a fait observer ses images au docteur en zoologie Friedrich Simon Bodenheimer de Jérusalem, qui était d'avis que ses illustrations de la planche III n° 6 et de la planche XV représentaient plutôt des faucons.

Il y a aussi la figure du cheval, qui n'est utilisée que pour supporter la « selle cérémonielle » (meuble n° 35).

Leo Aryeh Mayer était d'avis que le poisson, l'antilope, le canard n'existaient pas en héraldique sarrasine[1].

Fleur de lys (faransisiya) modifier

La présence de la fleur de lys peut surprendre des Européens, mais en vérité, il ne faudrait pas, puisqu'il est vraisemblable que l'Europe l'ait connue grâce à l'influence musulmane. La fleur de lys serait toutefois plus ancienne encore, car elle apparaît sur un sceau cylindrique du pharaon Ramsès III. La fleur pourrait représenter le lotus, qui existait déjà dans l'imagerie crétoise (minoenne)[2]. On la trouve aussi sur nombre de pièces de monnaie musulmanes du XIe siècle. Il est possible que la fleur de lys, qui n'a rien à voir avec un vrai lys, soit un emprunt de l'Occident à l'Orient, qui comme nous l'avons vu, se servait déjà depuis fort longtemps de cet emblème. Cependant, l'inverse est aussi possible car le terme arabe pour cet emblème est faransisiya (franc)[3].

Elle est attestée pour la première fois en héraldique sarrasine sur le blason de Nur ad-Din (« Noradin »), célèbre figure militaire sarrasine du temps des Croisades. On retrouve son blason par-dessus le mihrab de sa madrassa à Damas (planche XIX n° 1), construite entre 1154 et 1173, et aussi sur les colonnes du minbar de la Grande mosquée d'al-Nuri à Homs (planche XIX n° 3). Toutefois, William Leaf était plutôt d'avis qu'il s'agissait du blason de celui qui a restoré la mosquée de Nur ad-Din en 1283, soit Qala'ûn, dont le blason était une fleur de lys rouge sur un champ blanc[4].

Il est possible que les Croisés aient vu la fleur de lys sur les armes de Nur ad-Din. Il s'agit peut-être aussi du fleuron d'un javelot à trois pointes, le fer d'angon. L'influence est peut-être mixte : la fleur de lys orientale (lotus ?) et le fleuron de javelot pour sa forme définitive[2]. En tout cas, il est certain que l'emblème n'était pas unique à l'Europe.

La fleur de lys sarrasine était fréquente sur les pièces de monnaie de la dynastie des Ayyoubides, ce qui suggère que cet emblème avait une certaine importance pour eux. Cela a continué à apparaître sur les pièces mameloukes. Dans les blasons partitionnés, on trouve toujours cette fleur de lys sur le shafta du bas[5].

Croissant : un fer à cheval ? modifier

des croissants [fer à cheval ?]

Armes modifier

épées...

Meubles uniques à l'héraldique sarrasine modifier

Plusieurs meubles uniques existent aussi, et leur interprétation découle surtout de notre connaissance des emblèmes utilisés dans l'administration mamelouke (voir Interprétation X). Certains meubles ont encore échappé à toute interprétation jusqu'ici.

  • L'écritoire (boîte pour ranger les calames avec des compartiments pour le pot d'encre, le sable et le fil pour nettoyer le calame). On les a souvent pris pour des hiéroglyphes ;
  • L'aiguière, un vase pour verser l'eau ;
  • Les maillets de polo ou tchugans ;
  • La table ;
  • Le morceau d'étoffe, en forme de losange ;
  • De mystérieuses « cornes », allant toujours par deux, pointe en bas, l'une vis-à-vis l'autre. Mayer croiyait qu'il s'agit de « pantalons de noblesse », appelés « sarāwῑl al-futuwwa ». Cela pourrait être aussi des cornes à boire ;
  • Une lampe que l'on trouve dans les mosquées ;
  • Des lettres arabes, comme aliph ;
  • Des devises calligraphiées en arabe ;
  • Des tamgas, soit des glyphes turco-mongols représentant des clans, des familles. Yacoub Artin Pacha croyait que cela pouvait aussi être des wesms.

Galerie

L'écritoire modifier

L'écritoire est l'un des meubles les plus distinctifs de l'héraldique sarrasine, et sans doute le plus polyvalent d'entre eux puisqu'il existe sous une grande variété de formes. On l'a souvent pris au début pour un cartouche hiéroglyphique, et on trouvait des auteurs pour tenter de les traduire (comme Yacoub Artin Pacha[6]), mais XYZ... Cela consiste en une boîte pour ranger les calames, l'encre et le fil pour nettoyer le calame, d'où les multiples compartiments.

 
Écritoire du sultan mamelouk Al-Kâmil Sayf ad-Dîn Shaban
La paire de cornes modifier

Pantalons de noblesse ? (sarāwῑl al-futuwwa)

L'interprétation de Mayer est controversée, comme en témoigne les minutes de la séance du West Kingdom College of Heralds d'avril 1998, dans laquelle on rejette l'idée de futuwwa pour préférer y voir des cornes à boire.

Des « pièces » ? modifier

On trouve rarement des shatfas « échiquetés », « fascés » ou « bandés ». La fasce semble exister.

« Gironné gironnant » « Embrassé à senestre, mais avec la forme d'un giron »

Galerie

Partitions en héraldique sarrasine modifier

L'écu est très souvent partitionné en trois (on parlerait de "tiercé en fasce" dans la tradition européenne), et chaque partition s'appelle « shatfa ». Mayer parlait de «  blasons composites ».

Règles en héraldique sarrasine modifier

Il n'y a pas de traité d'héraldique ni de collèges d'héraldique à notre connaissance, et il ne semble pas y avoir de règles rigides, comme la règle de contrariété des couleurs. On ne connaît pas une manière de blasonner, car il semble que cela se soit fait à l'oral. La seule exception serait un manuscrit d'al-Muntaqā Dhahabῑ. Néanmoins, il est évident que les blasons sarrasins suivent un système.

Octroi des armes sarrasines modifier

Le blason sarrasin est la prérogative de l'émir (et bien sûr, du sultan). Même lorsque les porteurs étaient d'un milieu ecclésiastique ou administratif, ils avaient également occupé un poste réservé aux émirs. Par conséquent, les blasons étaient réservés au milieu militaire. Au début, le sultan octroyait un blason à ceux qu'il faisait émir, mais il semble que par la suite, sous les mamelouks burjites, le choix du blason ait pu être à la discrétion de l'émir, étant donné leur nombre croissant. Comme nous le verrons par la suite, le blason représentait souvent les postes occupés par l'émir dans l'administration. Vers le XVe siècle, il semble aussi que les blasons « composites » (à trois shatfas) ait pu être des emblèmes collectifs pour des groupes militaires de mamelouks.

Identification d'un poste administratif grâce au blason modifier

Les meubles semblent souvent évoquer une fonction auparavant occupée dans l'administration des mamelouks. On le sait notamment grâce à l'Histoire abrégée du genre humain d'Aboul Fida, dans lequel il dit que les émirs ayant eu des fonctions dans l'administration avaient des emblèmes spéciaux, dont il a fait la liste :

Image Nom Fonction dans l'administration mamelouke
  écritoire « dawādār » (secrétaire)
  arc « silaḥdār » (porteur d'armes)
  « buqja » (morceau d'étoffe) « jamdār » (le maître des robes)
  fer à cheval « amῑr akhūr » (le maréchal)
  • Dans cette liste, il est également fait mention d'un « ṭishtdār » (le surintendant des magasins/entrepôts), dont l'emblème était l'aiguière (un vase pour contenir de l'eau).

Hors de cette liste, on peut en inférer d'autres car ils se vérifient par l'étude biographique des porteurs de ces emblèmes :

Image Nom Fonction dans l'administration mamelouke
  « jūkān » (maillets de polo) « jūkandār » (le maître de polo)
  « khānjā » (table) « jāshnigīr » (le goûteur)
  coupe « sāqī » (porteur de coupes)
  arc « bunduqdār » (archer)
  épée « silaḥdār » (porteur d'armes)

Caractère héréditaire modifier

Il est difficile de dire si les blasons étaient héréditaires comme en Europe, car il y a trop peu de sources nous permettant de le vérifier. Toutefois, on peu croire que le blason se transmettait de père en fils si le fils était émir, mais il n'était pas porté par le fils qui n'était pas dans le corps militaire.

Al-Malik az-Zâhir Rukn ad-Dîn Baybars al-Bunduqdari
    
│
└─> As-Saïd Nâsir ad-Dîn Baraka Khan ben Baybars
        
└─> Al-Mansûr Sayf ad-Dîn Qala'ûn al-Alfi
        
     │
     └─> An-Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn
              +  
          │
          └─> Saif ad-din Anuk
                  
          └─> Al-Muzaffar Sayf ad-Dîn Hâjjî
                  
                     │
                     └─>Al-Mansûr Salâh ad-Dîn Muhammad
                            
          └─> Al-Amjad Husayn (ne devient jamais sultan)
                    (?)
                     │
                     └─>Al-Achraf Zayn ad-Dîn Chabân
                            
                                     │
                                     └─>Al-Mansûr Alâ ad-Dîn Ali
                                            
                                     └─>As-Sâlih Zayn ad-Dîn Hajji
                                            
          └─> As-Sâlih `Imâd ad-Dîn Ismâ`îl (demi-frère des autres enfants d'An-Nâsir Muhammad)
                  

Les femmes modifier

On ne connaît que quatre cas où une inscription en l'honneur d'une femme est accompagnée d'un blason. Il est possible de penser qu'une femme pouvait porter le blason de son mari ou de son père, mais il ne semble pas qu'elles en aient eu pour elles-mêmes.

Objets armoriés et épigraphie modifier

On armoriait certains objets, tels que des lampes dans les mosquées ou des haches. On a aussi retrouvé des broderies. Les écus furent parfois sculptés dans la pierre, comme par exemple à la Grande mosquée de Hama, à Damas (Syrie).

Armorial modifier

Le seul armorial connu à ce jour est Saracenic Heraldry de Leo Aryeh Mayer. Il a été constitué à partir des objets armoriés ou des documents épigraphiques. Il contient les armes de 248 personnes sous forme textuelle. Il y a parfois des renvois aux planches à la fin de l'ouvrage consistant en des photographies des blasons tel quels.

(en) Leo Aryeh Mayer, Saracenic Heraldry : A survey, New York, Oxford University Press, (réimpr. 1999) (1re éd. 1933), 302 p. [détail des éditions] (ISBN 0-19-817120-X).  

Références modifier

  1. Saracenic Heraldry, pp. 9-10.
  2. a et b HAUCOURT, Genevière d' et Georges DURIVAULT, Le Blason, Que sais-je, Presses universitaires de France, pp.13-14.
  3. Heraldic symbols, pp. 36, 83.
  4. Heraldic symbols, p. 68.
  5. Saracenic Heraldry, pp. 22-24.
  6. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5038412/f158.item

Bibliographie modifier