Utilisateur:Smily/histoire de la notion d'autisme

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proposition de fusion la partie historique de l'article autisme et cette page

Histoire de la notion modifier

La terminologie "autisme" à été plusieurs fois utilisée distinctement au cours de l'histoire pour isoler et incarner des observations nouvelles, les deux principales étant :

  • à sa création pour incarner une attitude singulière chez le jeune adulte (publication en 1911) ;
  • et quelques décennies plus tard sa réutilisation pour identifier un trouble infantile (publications en 1943) .

C'est dans les faits plutôt deux troubles infantiles qui ont été identifiés la même année, l'un par Léo Kanner et l'autre par Hans Asperger. Le second étant un temps tombé dans l'oubli, le terme autisme fut synonyme de la description faite par kanner jusqu'à ce que le second soit redécouvert et qu'une unité, un "continuum", soit mis en évidence, puis nommé spectre.

Toutes les utilisations ont des noms biens distincts, mais chacune d'elles sont plus ou moins abusivement faite synonyme ou représentante de la notion d'autisme quant il est question d'épidémiologie de recherche ou encore prise en charge, c'est pourquoi la notion de « trouble du spectre autistique » est proposé comme synonyme de « trouble autistique »[1].

Étymologie modifier

 
Le groupe des schizophrénies, et l'autisme comme symptôme secondaire, marque en 1911 une évolution de la théorie précédente de Démence précoce

Le mot Autisme est une traduction du mot autismus créé par le psychiatre Eugen Bleuler en 1911 dans l'ouvrage de langue allemande : dementia praecox oder gruppe der schizophrenien[2], traduit en français par La Démence précoce ou le groupe des schizophrénies.

Il est créé sur la base du radical grecque « αὐτος » qui signifie « soi-même ». Bleuler précise que L'autisme est environ la même chose que ce que Freud appelle l'auto-érotisme[3], mais il explique qu'il souhaite en supprimant le radical "éros" se démarquer de la référence de Freud à une conception élargie de la sexualité qui risque de « donner lieu à de nombreuses méprises ».[HdA 1]

1911, l'autisme dans le contexte des schizophrénies modifier

Théories liées à la création du terme modifier

Eugen Bleuler a créé ce mot autisme pour désigner une attitude, une adaptation particulière, secondaire à une problématique décrite de le cadre des schizophrénies.

Le mot schizophrénie est créé conjointement, et utilisé au pluriel car il était question du "groupe des schizophrénies" ; un ensemble qui visait à faire évoluer le principe jusque là utilisé de démence précoce, qui, par opposition à la démence sénile, concernait de jeunes adultes dans le classement établi par Emil Kraepelin. Il désigne par ce groupe des schizophrénies un ensemble de figures cliniques où l'affaiblissement intellectuel n'est pas toujours présent, et qui ont en commun une défaillance du mécanisme associatif. Hochmann décrit ainsi ce mécanisme : normalement, au moment d'agir, il se crée une "étroitesse de conscience" par une fixation des idées en rapport avec le but poursuivit[HdA 2]. L'absence de cet élément régulateur, qui permet selon une théorie partagée avec Freud d'organiser les émotions issues de l'histoire de vie, ferait que la personne reste en prise avec des émotions diverses coexistant parallèlement (et qu'il nomme Ambivalence). Bleuler parle sur cette base de morcellement de la personnalité en fragments, et il utilise le terme spaltung, que l'on traduit par clivage, ce qui définit aussi le syndrome dissociatif.[HdA 3] (d'où le terme schizophrénie, du grec « σχίζειν » et « φρήν », littéralement « fractionnement de l'esprit ».

Dans ce contexte, il envisage que les symptômes observés au sein de ce groupe puissent être primaires (directement issus d'un dysfonctionnement organique), ou secondaires (issus d'un effet adaptatif au symptôme primaire). Il écrit « la symptomatologie qui nous saute aux yeux n'est sûrement en partie (et peut être globalement) rien d'autre que l'expression d'une tentative plus ou moins ratée de sortir d'une situation insupportable. »[HdA 4]. Il distingue dans ces symptômes secondaire trois "stratégies" de confrontation avec la réalité (sous entendu collective, extérieure, "unitaire", commune) :

  • L'écarter ou l'ignorer. C'est ce qu'il appelle l'autisme.
  • La reconstruire, il parle de psychoses hallucinatoire de désir.
  • La fuir, par un comportement de dé-socialisation ou de plainte somatique (hypocondrie).

Bleuler insiste sur le fait que le « défaut de rapport affectif » ne correspond pas à une « perte de la fonction du réel », et il précise que si les "schizophrènes autistes", « s'enferment dans une chrysalide avec leurs souhaits qu'ils considèrent comme exaucés ou avec les souffrances de leurs persécutions » c'est qu'ils cherchent à maintenir un « monde à soi » ( d'où le terme autisme du grec auto, soi-même). [HdA 5] Il précise que la plus part sont entre les deux et, tout en adhérant à leur conviction autistique, restent perméables à la réalité commune.[HdA 6]

Contexte et évolutions des théories modifier

 
Le Burghölzli (ici en 1890) incarne l'école de Zurich. Bleuler, directeur de l'établissement de 1898 à 1927, y a pour assistant Abraham et Jung

Le principe d'une dégénérescence organique de la démence précoce (apparu en de 1883) a déjà largement évolué en 1911, mais avec les nouvelles terminologies et une perception du groupe en question qui s'affine au fil du temps, il apparait la nécessité d'identifier distinctement un trouble infantile, nommé à partir des années 1930 « schizophrénie infantile ».

En 1906, Carl Gustav Jung, assistant d'Eugen Bleuler de 1900 à 1907, à publié un essai sur le sujet Psychologie de la démence précoce. Jung y distingue une fixation des symptômes et une causalité qui ne peut être déterminée, ce sur quoi il postule la mise en cause d'un facteur métabolique par exemple, ou bien une prédisposition organique cérébrale.[4]. Un autre psychiatre suisse, Adolf Meyer, futur directeur de Léo Kanner, propose une interprétation liée à la "mécanique psychique" en évoquant une « destruction prématurée de la naïveté ».[HdA 7].

Plus tard, en 1923, l'autisme est décrit sous le nom d'« attitude interrogative », avec un enchaînement de questions caractéristiques. Il est également question d'une perte de contact avec la réalité[5]. En 1927 , Eugène Minkowski, ex assistant de Beuler, fait écho aux travaux de ce dernier dans son livre La Schizophrénie .[6]

En 1930, Mélanie Klein, parle de schizophrénie infantile pour décrire des enfants pour lequel elle évoque notamment un « manque de contact affectif » et des « stéréotypies ». Pour certains elle fut la première à publier deux descriptions de ce qui sera ensuite identifié comme l'autisme de Kanner[HdA 8][7].

W. E. Ssucharewa en 1932 comme Howard Potter en 1933 utilisent également les termes de schizophrénie infantile[HdA 9]. Ssucharewa fait aussi de nombreuses descriptions d'enfants atteints de « trouble de la personnalité schizoïde », et une correspondance sera proposée ensuite avec le syndrome d'asperger. [8]

Lauretta Bender, développementaliste, propose un axe de séparation de la schizophrénie infantile en estimant que le processus biologique est globalement le même, mais qu'il n'a pas le même effet sur un cerveau développé dans toutes ces potentialités et un cerveau immature. Elle exonère également les mères de toute responsabilité direct, estimant que le rôle de l'environnement familiale n'est pas premier[HdA 10].

1943, les troubles infantiles "autistique" modifier

La notion clinique d'un trouble infantile, lié au groupe que forme les schizophrénies, mais bien particulier au point qu'il nécessite d'être distingué est donc dans l'air du temps, ce qui explique peut être cette double attribution de la terminologie par deux psychiatres germanophones en 1943 bien qu'ils n'aient pas connaissance de leurs travaux respectifs.

Distinction de l'« autisme infantile » selon Kanner modifier

 
Leo Kanner expose en 1943 un trouble autistique du contact affectif[9].

En 1943, à Baltimore (aux États-Unis) par le psychiatre Leo Kanner définit le tableau clinique d'un « trouble autistique du contact affectif » [10]. Il réutilise donc un vocabulaire dont il n'ignore pas le préalable, d'abord sous forme d'adjectif pour décrire une « trouble autistique du contact affectif », nommé ensuite « autisme infantile précoce » (on parlera aussi plus tard d'autisme de Kanner). Alors que Bleuler faisait de l'autisme un symptôme secondaire, « Léo Kanner avait décrit dans son article de 1943 le « trouble autistique (inné) du contact affectif » non pas comme un conséquence mais comme un défaut fondamental. En parlant d'autisme infantile précoce, il entendait individualiser une figure clinique originale, « unique », caractérisée par l'occurrence simultanée d'un ensemble de manifestations spécifiques découlant du trouble initial ».[HdA 11]

Cette rupture interprétative est incarnée dans sa présentation par le « cas n° 1 »" qu'il suit depuis cinq ans et dont les troubles étaient jusque-là identifiés sous diverses appellations liées aux psychoses de l'enfant[9]; et pour lequel il hésite sur le diagnostic, pense à une forme de schizophrénie, avant finalement de décider qu'il s'agit d'une catégorie distincte. La personne dont il est question a été récemment identifiée, il s'agit de Donald Triplett.[11] C'est resté plus ou moins la définition commune à laquelle renvoie le mot autisme jusque dans les années 1980-1990.

Identification parallèle d'une « psychopathie autistique » par Asperger modifier

C'est pourtant parallèlement, le , qu'à Vienne (en Autriche) son compatriote autrichien Hans Asperger décrit la « psychopathie autistique[12] » de quatre enfants qu'il appelle aussi ses « petits professeurs ». Très loin de se limiter à la définition de ce qui serait lacunaire, cette présentation met au contraire l'accent sur les capacités associées, probablement pour protéger ces enfants du régime nazi alors en vigueur. Mais écrites surtout en allemand, et traduites pour la première fois en anglais en 1971, ces observations ne seront vraiment révélées au milieu médical qu'en 1981 grâce à l'étude de Lorna Wing et sous le nom de syndrome d'Asperger[13].

Critères de références passés et tendances actuelles modifier

Intégration des théories dans les différents systèmes de classifications modifier

La théorie préalable à Bleuler était en soit issue d'un classement, de la nosographie établie par Kraepelin, et les travaux de Bleuler n'ont fait se substituer à la notion de démence précoce celle de "groupe des schizophrénies", auquel appartenait l'autisme comme symptôme secondaire et pour certains la schizophrénie infantile comme "sous catégorie".

L'identification par Kanner d'un trouble autistique distinct de la schizophrénie intègrera doucement les classements de ces pairs de association américaine de psychiatrie (APA), le DSM : dans le premier en 1952 l'autisme n'apparait pas il est associé à une réaction schizophrénique, en 1968 dans la deuxième version il apparait comme un comportement dans le cadre d'une schizophrénie infantile, et en 1980 il est identifié distinctement sous le nom d'autisme infantile, catégorie renommée trouble autistique en 1987 en raison des polémiques que soulevait le terme infantile.[14]

L'utilisation faite par Asperger est, après sa redécouverte, assez rapidement reconnue distinctement puisqu'elle intègre en 1993 la [[Classification internationale des maladies ]] (CIM-10), puis en 1994 le DSM-IV de façon sensiblement distincte :

  • la classification internationale des maladies (CIM-10) de l'OMS utilise les termes originaux (et utilise aussi les termes de syndrome de Kanner) et considère les deux diagnostics incompatibles[15] ;
  • la classification américaine Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (D.S.M. IV) utilise les termes de trouble autistique (autistic disorder) et de trouble Asperger (Asperger's Disorder)[16].

La classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent pour sa part est restée très distante de ces évolutions de critères, car, explique Jacques Hochmann, « si le DSM vise à répertorier de façon consensuel des critères permettant d'obtenir des données statistique », son homologue français suppose « une prise en compte de l'intériorité de l'enfant », et « Le classement du cas n'est jamais définitif »[HdA 12]. Cette distance étant sujette à de vives polémiques, en France des recommandations ont été faites pour informer au moins de la correspondance avec les critères de la classification internationale des maladies (le CIM-10 en 2010).

Les évolutions et tendances récentes modifier

Dans les années 1990, en Amérique, apparaît la distinction d'un « autisme de haut niveau » (de l'anglais high-functioning) pour distinguer les personnes pour qui le diagnostic d'autisme est maintenu bien qu'elles aient acquis un niveau de compétence qui semblait auparavant incompatible avec le diagnostic d'autisme en terme d'autonomie et de vie sociale. C'est le cas de la première personne identifié par kanner, le « cas N°1 », nommé Donald Triplett récemment retrouvé par des journalistes.[17]

Cette possibilité d'évolution en dehors des critères diagnostiques a rendu plus floues les frontières, et la notion de « spectre autistique » est alors apparue dans les années 1990 pour rendre la notion de « continum autistic », d'une famille de troubles ayant des traits communs, notamment la triade mise en évidence par Lorna Wing en 1982. Mais les limites d'attributions de chaque terminologie, les correspondances, inclusion ou exclusion entre les notions d'« autisme », de « spectre autistique » ou encore la catégorie diagnostique « trouble envahissant du développement » (ou TED), restent sujettes à de très actives controverses.

En 2010, dans les recherches scientifiques, le terme autisme autisme tend à être relié à un « désordre neurologique des premiers stades de développement du cerveau »[18], en particulier à un défaut des cellules nerveuses au niveau des synapses[19], dont le caractère héréditaire serait lié à des combinaisons particulières de multiples facteurs génétiques commun.[20] (voir aussi en:Heritability_of_autism).

références modifier

  1. En 2010 dans une proposition pour la version à venir du classement américain (le DSM) (source utilisée)
  2. p. 52 de l'édition Deuticke Franz Texte originale en ligne
  3. étymologie (par CNRTL)
  4. D'après ce Résumé proposé sur answers.com (traduction logicielle)
  5. A. Antheaume, H. Claude, L'Encéphale, Journal de neurol. et de psych., éd. Delarue, p. 395 (source utilisée)
  6. La schizophrénie (1927), Éditions Payot-poche, 2002, (ISBN 2-228-89603-9)
  7. Un des deux cas est nommé Dick, est décrit dans l'article de Mélanie Klein L'importance de la formation du symbole dans le développement du moi de 1930
  8. Le rapport est proposé par Sula Wolff et Rapporté par Tony Attwood (source utilisé p 33-34 de la traduction : Le Syndrome d'Asperger : Guide complet (ISBN 978-2804153335) )
  9. a et b Autistic Disturbance of Affective Contact dans Nervous Child N°2 (1943) p. 217-250 (texte en ligne)
  10. (en) Texte original (archive neurodiversity.com) ((fr) traduction logicielle)
  11. Dan Olmsted l'a rencontré en 2005 [1] puis plus récemment les journalistes Donvan et Zucker video et article Atlantic magazine october 2010 (en)
  12. titre original : Die 'Autistischen Psychopathen' im Kindesalter [lire en ligne]
  13. (en) Lorna Wing, « Asperger's syndrome: a clinical account », Psychological medicine, vol. 11, no 1,‎ , p. 115-29 (lire en ligne)
  14. (en) History of Autism in the DSM}}
  15. Catégorie F84 du CIM-10
  16. Catégorie 299.0 du DSM IV : 299.0 autistic disorder et 299.80 Asperger's Disorder
  17. Dan Olmsted l'a rencontré en 2005 [2] puis plus récemment les journalistes Donvan et Zucker video et article Atlantic magazine october 2010 (en)
  18. 2006 Autism: A Neurological Disorder of Early Brain Development, ISSN 0012-1622 (dans Developmental Medicine & Child Neurology, 48, n°10 (2006): 862)
  19. Levy SE, Mandell DS, Schultz RT. Autism. Lancet. 2009;374(9701):1627–38. doi:10.1016/S0140-6736(09)61376-3. PMID 19819542.
  20. Abrahams BS, Geschwind DH. Advances in autism genetics: on the threshold of a new neurobiology. Nat Rev Genet. 2008;9(5):341–55. doi:10.1038/nrg2346. PMID 18414403.
  1. p 204
  2. p 202
  3. P 203
  4. P 203
  5. p 204-205
  6. p 206
  7. p215
  8. p229 J. Hochmann écrit qu'on peut à bon droit le considérer
  9. p229
  10. p236
  11. p 246
  12. p 458